mercredi 5 juin 2019

Les sociétés coloniales (époque moderne) quelques ressources

Quelques  ressources  : 

L'Afrique et ses voisins : 



Le rôle du Portugal dans le début de la traite et de l'économie de plantation : le laboratoire de Sao Tomé


extrait de l'excellente série documentaire en 4 parties , les routes de l'esclavage





Les castes au Mexique




La colonisation hollandaise de l'Indonésie (suivre le lien)



"La ville neuve, fondée le 30 mai 1619, était protégée du côté de la mer par des fortifications modernes, neuf fois plus vastes que les installations précédentes, et construites en blocs de corail blanc. La forteresse comportait quatre bastions baptisés Diamant, Rubis, Saphir et Perle, ce qui avait inspiré aux indigènes javanais le surnom de kota-inten, Ville de Diamant. Ce nom lui resta, et avant tout parce que, en quelques années, son activité commerciale en fit l'une des cités les plus prospères de toutes les Indes. Il ne restait plus trace de l'ancienne Jacatra. La nouvelle Batavia ressemblait à n'importe quelle ville hollandaise. Ses maisons étaient bâties avec des briques pour la plupart acheminées de Hollande dans les cales des retourschepen, auxquels elles tenaient lieu de ballast. Elles s'abritaient sous des toits de tuiles, comme leurs cousines d'Amsterdam, dont elles avaient la haute silhouette caractéristique. Les rues, bordées d'arbres, étaient tirées au cordeau. La ville était pourvue d'écoles, d'églises et même de canaux, le tout construit dans le plus pur style européen. Ses habitants ne faisaient que peu de concessions aux mœurs tropicales, et la plupart des Néerlandais qui y vécurent abusaient du tabac et de l'alcool, exactement comme ils l'auraient fait sur le sol national. Ils accordaient une grande importance à tous les attributs extérieurs du rang et du statut social, et malgré l'accablante moiteur ambiante, les soldats comme les marchands étaient vêtus d'habits de lourd drap noir, conformément à l'usage hollandais. Quant aux autochtones, ils n'étaient pas admis dans l'enceinte de la forteresse. Néanmoins, même les visiteurs qui la découvraient pour la première fois, ne pouvaient voir en Batavia une ville véritablement européenne. Sous bien des aspects, elle restait profondément marquée par son origine orientale. On y trouvait notamment un important quartier chinois, et une rue entière bordée de tripots qui étaient interdits aux Occidentaux après la tombée de la nuit. Un citoyen sur quatre était chinois et le reste de la population était, pour deux tiers, des esclaves asiatiques. La communauté européenne comptait environ mille deux cents soldats, et quelques centaines de marchands, d'employés administratifs et d'artisans. Les Hollandaises faisaient rarement le voyage avec leurs époux et tous les hommes ou presque vivaient avec des maîtresses indigènes. La nature environnante était à l'avenant : la forêt tropicale entrelaçait ses lianes jusqu'aux portes de la ville, et la jungle environnante abritait des singes, des rhinocéros et des tigres, qui s'en prenaient parfois aux esclaves des plantations de canne à sucre, jusqu'au pied des remparts. Pour ne rien arranger, des bandes de brigands de Bantam venaient rôder dans le voisinage, n'hésitant pas à attaquer et à dépouiller ceux qui avaient l'imprudence de se risquer trop loin de la ville. Batavia vivait donc dans une sorte de splendide isolement. Les nouveaux colons y arrivaient par voie de mer. Ils pouvaient y vivre des années et en repartir comme ils étaient venus, sans avoir rien vu du reste du pays. Intra-muros, la communauté des habitants était particulièrement homogène et unidimensionnelle, puisque la quasi-totalité de la population travaillait directement pour la VOC. Au fil des années, les Dix-sept persévérèrent dans leurs efforts pour attirer de nouveaux émigrants européens, qu'ils espéraient persuader de s'installer aux Indes comme free-burghers – des citoyens privés susceptibles de bâtir l'infrastructure nécessaire à la vie d'une vraie cité. Mais comme les nouveaux arrivants étaient régulièrement décimés par les épidémies et se voyaient exclus du commerce des épices, leur nombre ne parvint jamais à s'élever au-delà d'une infime fraction de la population. Les quelques colons potentiels qui se risquaient à faire le voyage n'y demeuraient jamais bien longtemps. Physiquement et nerveusement épuisés par le climat malsain dans lequel baignait toute la région, ils ne songeaient qu'à fuir au plus vite. Les maladies y pullulaient, comme les moustiques, et à midi, la chaleur était si accablante que la Jan Compagnie elle-même permettait à ses employés de se reposer aux pires heures de la journée. Ils ne travaillaient que de 6 à 11 heures, puis de 13 heures à 18 heures. L'autorité suprême de Batavia était exercée par le gouverneur général des Indes, un fonctionnaire de haut grade, spécialement dépêché de Hollande par la Compagnie. Il gouvernait – soit directement, soit par l'entremise de ses subordonnés locaux – non seulement la ville elle-même, mais aussi toutes les factoreries et les biens de la Compagnie, depuis l'Arabie jusqu'aux côtes japonaises. Il veillait à la rentabilité du commerce des épices et au bon déroulement des affaires militaires et diplomatiques. À Batavia même, ses pouvoirs étaient aussi étendus que ceux d'un potentat oriental. Il était assisté du Conseil des Indes, une assemblée constituée de huit marchands éminents, qui le conseillaient et participaient à ses prises de décision – mais les membres de cette assemblée ne prenaient que rarement le risque de s'opposer à un homme dont ils dépendaient totalement et qui avait tout pouvoir sur leur carrière. Comme il fallait au bas mot dix-huit mois pour envoyer une requête en Hollande et recevoir la réponse, un gouverneur particulièrement déterminé pouvait ainsi défier impunément les Dix-sept pendant des années – et certains ne s'en privèrent pas. Le pouvoir d'un gouverneur intelligent ne se heurtait qu'à deux sortes de limites. D'abord la loi : les règles hollandaises étaient appliquées dans tous les territoires de la VOC et les affaires juridiques étaient entre les mains du fiscaal, un juriste délégué par les autorités hollandaises – l'autre étant la constante fluctuation, en puissance et en nombre, des forces armées de la VOC. Comme toute nation européenne opérant sur les mers d'Orient, les Hollandais étaient perpétuellement à court de vaisseaux et d'hommes. Chaque gouverneur général savait donc qu'en cas d'attaque des forteresses et des installations dont il avait la charge, soit par des forces autochtones, soit par les armées anglaises et portugaises, ses ressources étaient si limitées que la perte d'un seul bâtiment ou d'un seul bataillon pouvait faire basculer l'issue de l'affrontement à son désavantage. Les soldats et les marins de la VOC n'en étaient d'ailleurs que trop conscients et, à Batavia, ils étaient bien plus difficiles à contenir que sur le sol national. Pendant les cinq ans que durait leur service en Orient, les hommes buvaient, se bagarraient et couraient la gueuse sans guère craindre de représailles. Il pouvait arriver qu'ils troublent gravement l'ordre public."

Dash, Mike. L'archipel des hérétiques : La terrifiante histoire des naufragés du Batavia



Une présence plus éphémère en Amérique
Les succès et la puissance de la VOC, ainsi que l'affaiblissement du Portugal expliquent que les Provinces-Unis se tournent également vers l'ouest. Entre 1630 et 1654, ils établissent une colonie sur la côte septentrionale du Brésil, sous la gestion de la West India Company (WIC fondée en 1621)
plantation sucrière au Brésil, Musée de la Marine, Amsterdam

Paysage brésilien, Frans Jansz Post, 1637, Mauritshuis

Franz Janszoon Post, Village au Brésil, 1654, Musée de la Marine, Amsterdam


Fiche de lecture : Révoltes et révolutions en Europe et aux Amériques de 1773 à 1802, Raymonde Monnier dir., Ed. Ellipses


Révoltes, insurrections et révolutions dans les colonies françaises des Antilles 1773-1803
Fabien Marius-Hatchi

Les colonies françaises des Antilles abritent des sociétés où la violence morale, politique et physique est estimée nécessaire au maintien de la domination de la catégorie des libres sur celle des esclaves.
Elles sont le lieu durant la période de 3 révolutions qui se renforcent, se concurrencent …. :
-          révolutions antiségrégationnistes, contre un système social fondé sur une humiliation des hommes de couleur
-          révolutions antiesclavagistes
-          révolutions anticoloniales : en tant que colonies, les Antilles sont dépendantes vis-à-vis de la métropole : économiquement par le système de l’Exclusif, politiquement par leur soumission à un gouverneur militaire nommé par la métropole et par leur statut de possessions et non de provinces françaises.

En plus des raisons de soulèvement intrinsèques à ces sociétés, la période 1773-1802 inscrit les Antilles dans un processus mondial d’affrontements entre les idées philosophiques et les systèmes politiques.
1776 = 1ère déclaration d’indépendance d’une colonie américaine vis-à-vis de sa métropole européenne.
Révolution fra, début d’une lutte acharnée pour la destruction des inégalités.

Enfin, elles s’inscrivent dans un espace occupé par plusieurs puissances européennes qui sont régulièrement en guerre pour se partager la possession des îles : GB / PB/ FRA/ et dans une moindre mesure ESP

I/ Le système colonial et ses remises en cause sous l’AR, 1773-1789

Les colonies fra présentent la particularité d’avoir construit un ordre esclavagiste ségrégationniste fondé sur le préjugé de couleur, tout en abritant une classe nombreuse d’affranchis et de métis libres, dont certains étaient de grands propriétaires de plantations esclavagistes. Cette originalité, augmentée du déséquilibre croissant entre pop libre et pop esclave, a entraîné tte une série de crises du système et sa remise en cause avant même le déclenchement de la Rév.fra.

  1. L’ordre esclavagiste et la résistance des esclaves.
A partir du dernier quart du XVIIe siècle, l’économie sucrière transforme le paysage social des colonies françaises . Les petites exploitations qui utilisaient une md’o peu nbreuse, mêlant petits colons, engagés européens et esclaves africains se voient remplacées par de grandes exploitations capitalistes nécessitant une md’o abondante et bon marché. => recours exclusif aux esclaves africains au XVIIIe siècle => la population esclave y devient prédominante (de l’ordre de 80% et même 89% à St-Domingue). Les colons blancs sont très minoritaires (entre 6% à St-Domingue et 14,5% en Martinique)

Au sein des habitations qu’elles soient sucrières, cotonnières, cacaotières ou caféières, les esclaves (nègres en langage colonial) sont répartis à des tâches différenciés selon qu’ils sont bossales ; càd nés et capturés en Afrique, ou créoles, càd nés aux Amériques.
Les bossales sont les esclaves de culture. Leur durée de vie est limitée à une dizaine d’années, les planteurs préférant épuiser une md’o remplaçable plutôt que d’investir dans des instruments agricoles, des animaux de trait ou des machines. Ce système de reproduction de la md’o par remplacement après épuisement entre en crise dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle à cause du renchérissement du prix des esclaves (x2 entre 1750 et 1789) – coût plus grand de la capture en Afrique-. Certains colons envisagent alors d’établir « l’élevage d’esclaves » par l’amélioration des conditions de vie et de travail.
Les esclaves créoles sont affectés à des travaux qualifiés dans l’artisanat ; la domesticité ou l’encadrement des esclaves de culture. Ils peuvent soit bénéficier de l’affranchissement soit épargner l’argent nécessaire au rachat de leur propre personne voire à celui de leurs proches.

Cette différence de statut explique parfois le fait que certains esclaves créoles ont pu participer aux milices contre les révoltes de nègres dans l’espoir de gagner leur liberté mais ne doit pas cacher la solidarité de lutte au sein de la pop esclave. Que ce soit le marronnage individuel ( souvent temporaire et terrible pour l’esclave + forte amende pour les libres qui le cachent) ou le « grand marronnage » -action collective visant à détruire la société esclavagiste-, la révolte servile est la norme plutôt que l’exception. Durant notre période, les colonies françaises ont abrité, malgré l’étroitesse des îles, plusieurs républiques de marrons :
-          celle des Mondongues établie dans les montagnes de Ste Rose à la Guadeloupe et qui dure jusqu’à l’abolition de l’esclavage en 1848
-          celle des Barruhocos à St Domingue. Elle obtiendra même en 1784 une reconnaissance officielle par le gouverneur du moment (Bellegarde).

L’habitude des révoltes serviles explique le fort degré de militarisation des sociétés coloniales. Les colonies sont gouvernées par un général d’armée et dépendent du ministre de la marine sous la monarchie absolue. Elles comptent la présence de militaires et de nombreux forts. Les colons forment en plus leurs propres milices.

2.      La construction de l’ordre colonial ségrégationniste
Le système esclavagiste est soutenu juridiquement par l’édit de 1685 « touchant la police des Iles de l’Amérique française » dit le Code noir. = préparé par Colbert.
Toutefois, le Code noir ne recô que 2 statuts : celui de libre et celui d’esclave. Ces deux statuts ne sont nullement liés à la couleur, notion entièrement absente du texte. Les mariages entre colons blancs et esclaves noirs sont autorisés voire encouragés au nom de la morale quand il y a enfant. Les enfants métissés issus de ces mariages ainsi que les esclaves affranchis sont pleinement et totalement sujets du roi de France (art. 59).
=> Forte pop métissée, colons de couleur ayant hérités de leur père des plantations, parfois des titres de noblesse.

Mais face à l’accroissement vertigineux du nombre d’esclaves au XVIIIe siècle et à l’augmentation de la pop libre de couleur, une partie influente des colons va progressivement réussir à faire construire un ordre juridiquement et socialement ségrégationniste entre 1703 et les décennies 1760/1770…ce qui au passage permettra aux colons fra les plus tardivement arrivés d’attaquer les fortunes et les domaines des colons métis.
Les étapes :
-          la noblesse fra se ferme à partir de 1703. Le métissage devient mésalliance.
-          A p. de 1724, sont prises tte une série d’ordonnances excluant les libres de couleur de certaines charges et offices puis de certaines professions et fonctions. Leur interdisant finalement de se réunir.
Cette construction s’accélère à p. de 1765
-          juin/juillet 1773, obligation faite aux femmes de couleur de donner à leur enfant un prénom africain
-          février 1779, interdiction  pour les libres de couleur de s’habiller comme les blancs
-          avril 1778, défense faite aux blancs de se marier avec des mulâtres ou autres gens de couleur
Dans le vocabulaire, multiplication des termes péjoratifs pour indiquer le métissage et même le degré de métissage. (mulâtre, quarteron…)

3.      La remise en cause du préjugé de couleur
Elle est le fait des libres de couleur et d’une partie des colons.
L’avant-garde des libres de couleur = les soldats (qu’ils participent aux milices coloniales ou qu’ils aient fait, lors des campagnes de Géorgie et de Floride, la guerre d’indépendance us (chasseurs volontaires de St Domingue) <=> égalité avec les blancs devant la mort, égalité de bravoure, prise de cs « philosophique », liens et réseaux avec d’autres venus des autres îles

=> Profitant de ce contexte favorable, députation des notables libres de couleur appuyée par une partie des colons auprès du ministre de la Marine de LXVI (porte parole = Julien Raimond, quarteron originaire de St Domingue. -1783/1787
Le ministre maréchal De Castries est sensible à l’argument de Raimond qui fait de la classe moyenne des libres de couleur , à condition qu’elle puisse s’intégrer à l’élite, le meilleur rempart du système actuel contre les révoltes d’esclaves et contre les appétits des puissances étrangères . Selon eux donc, la ségrégation fragilise le système colonial et esclavagiste. De Castries envisage même d’aller plus loin et veut, à terme, « préparer l’affranchissement des noirs et les multiplier par eux-mêmes de manière à ce que la traite d’Afrique devienne inutile » (Essai rédigé par St-Lambert à la demande du ministre) = remplacement de la md’o esclave par une md’o créole
=> Ordonnances du 23 dec 1785 (St Domingue) et 15 oct 1786 (Iles du vent) restreignant le droit de propriété exclusive des maîtres sur leurs esclaves : ex. interdiction de posséder des esclaves pour tt maître convaincu d’avoir fait donner plus de 50 coups de fouet à un esclave, peine de mort ttes les fois qu’ils en auront fait périr un de leur autorité, pour quelque cause que ce soit…

=> violente réaction des colons qui se présentent comme les victimes du « despotisme ministériel ». De Castries doit démissionner en Août 1787.

1788 = création de la société des Amis des Noirs en France.

II/ Contre-révolution et guerre civile 1789/1792
= processus de remise en cause par les colons des liens qui les unissent à la métropole pour maintenir en l’état l’ensemble de leur système ségrégationniste et esclavagiste.
= divisions au sein de la classe des maîtres qui dégénère en guerre civile généralisée
= cette situation va ouvrir un espace de révolte élargi pour les esclaves

  1. L’Assemblée constituante et la question coloniale
Le 4 juillet 1789, l’AC admet 6 députés de St Domingue, puis plus tard 2 de Guadeloupe et 2 de Martinique. Ce sont des colons blancs, favorables à l’esclavage. Ils veulent un assouplissement su système de l’exclusif et obtenir un constitution spécifique aux colonies afin d’y maintenir le système esclavagiste et ségrégationniste.
Espérant au départ bénéficier de la révolution pour s’émanciper du « despotisme ministériel », ils basculent vite dans la contre révolution après l’adoption de la DDHC.
Ils s’organisent en « lobby » au sein du club Massiac créé le 20 août. = menaces de la perte des colonies au profit des autres puissances …
En réponse, le 29 août 1789, la Société des Citoyens de couleur (où l’on retrouve Julien Raimond) tente d’obtenir une représentation à l’AC. Elle prône l’alliance des libres de couleur, des esclaves et des défenseurs des droits de l’Homme pour détruire le système esclavagiste.

=> Le projet de décret préparé par le Comité des colonies (composé de planteurs ) présenté par Barnave –dont une partie de la famille possède des habitations à St Domingue-, est voté sans débat (refusé à Grégoire et Mirabeau) le 8 mars 1790. Les colonies doivent élire des assemblées coloniales, sous réserve d’acceptation par l’AN et le Roi. + Maintien de la traite et de l’Exclusif + protection des colons et de leurs propriétés, placés sous la sauvegarde spéciale de la Nation.
=>le débat se transporte dans les colonies, autour du pb de la représentation des libres de couleur dans les assemblées locales, du contenu des futures « constitutions internes » et de qui prendra le pouvoir parmi les clans de planteurs.

  1. La guerre civile à St Domingue
o   Les libres de couleur sont soigneusement écartés pour les élections des assemblées provinciales (Nord, Sud, Ouest)
climat de violence : 19 nov 1789, assassinat du juge Ferrand de Baudières pour avoir rédigé une pétition en faveur des droits politiques des hommes de couleur. + Julien Raimond est fusillé pour l’exemple.
Combat juridique ayant échoué en mars 1790, parti de prendre les armes au nom de la résistance à l’oppression augmentait chez les libres de couleur. Ex. Vincent Ogé, vétéran des chasseurs volontaires de St Domingue, membre de la société des citoyens de couleur de Paris, retourne à St Domingue en mars 1790, achète des armes à Londres… Il rejoint le groupe armé de Jean-Baptiste Chavannes, autre vétéran des EU. Leur but est d’imposer une lecture non ségrégationniste des décrets de l’AC de mars 1790. Ils organisent des élections de représentants, prennent le contrôle de la commune de Grande-Rivière. L’assemblée du Cap (Nord) envoie la troupe. Chavannes, Ogé et leurs compagnons sont livrés par les Espagnols, torturés et exécutés à p. du 25 février 1791.

o   La guerre civile entre blancs =
L’assemblée du Nord s’oppose dès sa création (1er nov 1789) aux autorités constituées et au gouverneur. Elle suscite la tenue d’une assemblée générale de la colonie laquelle vote en mai 1790 la constitution de St Domingue qui donne une grande autonomie interne à l’île donc à ceux qui la contrôlent. Les lois doivent être votées par l’assemblée de la partie française de St Domingue , vote sanctionné par le roi.
Mais à réception des décrets de la Constituante qui répondent aux vœux de la majorité des colons, scission au sein des colons et affrontement armés entre ceux qui veulent maintenir l’autonomie –pompons rouges-= « colons patriotes ».  et l’assemblée générale (dite assemblée de St-Marc) et les « légitimistes » qui veulent à nouveau obéir au gouverneur qui vient de dissoudre l’assemblée de St Marc –pompons blancs-. Fin juillet 1790, victoire des pompons blancs.
Mais pas victoire définitive Ex. dans le sud, insurrection des colons patriotes en mars 1791, qui chasse le gouverneur.

13 mai 1791, l’AN à Paris vote la proposition de Barnave d’abandonner l’organisation interne des colonies aux décisions des assemblées locales de colons blancs.
15 mai = droits politiques ne sont accordés qu’aux libres de couleurs nés de père et de mère libres

o   Insurrection des esclaves du nord de St Domingue dans la nuit du 22 au 23 août 1791 (environ une 100aine d’habitations)

  1. Guerre civile et contre révolution aux Iles du vent
Phénomènes identiques mais à plus petite échelle.
o   Une dizaine de révoltes d’esclaves entre 1789 et 1793 mais aucune ne parvient à durer. Les milices coloniales continuent leur travail de surveillance et de répression.
Ex. 30 août 1789, soulèvement des esclaves de St Pierre en Martinique. Les lettres qu’ils rédigent pour se justifier et indiquer leur programme témoignent de leur connaissance du droit naturel diffusé par les philosophes des lumières : « Nous savons que nous sommes libres » « nous voulons périr pour cette liberté »

o   assemblées tenue par les planteurs (plantocratie) qui définissent une csttion locale mais opposition des « colons patriotes » des villes (négociants, artisans) et des petits planteurs pour défendre bec et ongle le préjugé de couleur, barrière pour eux contre la concurrence économique de la classe intermédiaire.
EX. En Martinique, les colons de St Pierre massacrent les hommes de couleur le 3 juin 1790. Ils se sentent trahis par le gouverneur Vioménil qui œuvre pour l’égalité effective de tous les hommes libres.=> Vioménil envoie la troupe (composée aux 2/3 de libres de couleur). Les colons de St Pierre appellent la Guadeloupe à l’aide => troupes volontaires menées par Coquille Dugommier mais défaite le 25 sept 1790, assénée par l’armée des planteurs.
Mi septembre 1792, les 2 îles votent l’expulsion des colons patriotes dont certains se réfugient à St Lucie.

o   Quand la République est proclamée en France et qu’elle accorde des droits politiques à tous les citoyens, blancs comme noirs…(ce qui avait déjà été voté du temps de la monarchie constitutionnelle le 24 mars 1792), les 2 îles entrent en rébellion, jurent fidélité au roi et refusent d’accueillir les commissaires de la Convention. (
Les libres ainsi qu’un certain nombre d’esclaves basculent dans le camp de la République. Ils participent à la défaite des planteurs royalistes et à l’instauration d’un régime républicain.


III/ Révolutions et guerres d’indépendance 1793/1802
  1. Les révolutions de l’égalité 1793-1796

o   A St Domingue, l’insurrection générale des esclaves du Nord s’étend…ce qui n’empêche nullement l’assemblée du Cap de déclarer l’esclavage éternel par son décret du 15 mai 1792, tout en acceptant de reconnaître le décret de la législative du 4 avril accordant des droits politiques aux citoyens de couleur.
Mais vô + forte des colons de s’affranchir de la République Fra, par une indépendance blanche ou en faisant appel au gvt anglais. => le 25 février 1793, Malouet représentant une 100aine de colons signe à Londres un accord secret prévoyant de livrer la colonie au gvt brit. //t, les Espagnols aident les esclaves en guerre de Toussaint Louverture en leur fournissant des armes et munitions.
21 juin 1793, les colons du Cap déclenchent l’offensive contre les commissaires et les libres de couleur qui les soutiennent : chassés de la ville, ceux-ci reçoivent le renfort des esclaves insurgés du Cap et des environs. Le nouveau gouverneur Galbaud, partisan des colons blancs du Cap , et son armée sont écrasés et doivent embarquer pour se réfugier aux EU. Cette victoire inespérée des commissaires civils les amènent à décréter immédiatement l’affranchissement de tous les esclaves combattant pour la République (septembre 93). Dans le même temps, les colons blancs et métis partisans de l’esclavage livrent quelques communes à l’Angleterre dont les forces débarquent le 19 sept.-

o   //t en Fra, une députation des citoyens de couleur remettait une adresse à la société des Amis de la Liberté et de l’Egalité (club des Jacobins) et à la Convention nationales –début juin 1793- demandant l’abolition de l’esclavage et proposant une alliance défensive entre les révolutionnaires des 2 rives. La députation offrait à l’assemblée le drapeau de l’égalité de l’épiderme, emblème du programme politique de la rév dans les colonies = un drapeau tricolore figurant un noir sur fond bleu, un blanc sur fond blanc et un métis sur fond rouge, tous trois armés d’une pique surmontée d’un bonnet de la liberté et portant l’inscription «  Notre union fera notre force ».
24 juin 1793 = la Convention adoptait la csttion dont l’article 18 de la nouvelle DDHC précisait : «  tout homme peut engager ses services, son temps ; mais il ne peut se vendre ni être vendu ; sa personne n’est pas aliénable »
4 février 1794 (16 pluviôse an II) la « convention nationale déclare que l’esclavage des Nègres dans toutes les Colonies est aboli ; en conséquence elle décrète que tous les hommes domiciliés dans les colonies sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution »
9 mars 1794 : loi ordonnant l’arrestation de tous les colons patriotes ainsi que des membres du club Massiac.

Les commissaires nationaux partent vers les colonies avec une expédition de plus de 1000 soldats pour faire appliquer ces décrets.

o   A St Domingue, Toussaint Louverture rallie la République anti-esclavagiste, adopte le drapeau de l’égalité de l’épiderme en mai 1794, devient adjoint du gouverneur Etienne Laveaux en avril 1796.
o   En Guadeloupe, en juin 1794, les commissaires arrivent dans des îles livrées aux Anglais. Ils lèvent une armée révolutionnaire en amalgamant les sans-culottes venus de France aux esclaves et aux libres de couleur.
=> victoire du camp de Berville le  oct 1794=> les anglais abandonnent Basse-Terre au début du mois de décembre. 503 colons fais prisonniers sont guillotinés ou fusillés.
La Guadeloupe sert de tremplin à la révolution de l’égalité de l’épiderme dans les autres îles du vent. Les troupes républicaines rejoignent les insurgés de Ste-Lucie en avril 1795. A Grenade, cédée ax anglais en 1783, une insurrection prend le contrôle de l’île en février 1796. A St-Vincent, les Galifunas (métis entre Caraïbes et esclaves) se soulèvent en avril 1795. Tous ces soulèvements révolutionnaires sont finalement vaincus lors de la vaste offensive brit. De juin 1796.

  1. La défense des principes révolutionnaires 1797-1800
Après le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), le parti des colons reprend l’offensive politique. Dans son rapport sur les colonies présenté le 4 août 1795, Boissy d’Anglas propose une nouvelle forme de colonialisme, non esclavagiste mais assimilationniste. Ses propositions sont reprises dans la csttion du 22 août 1795 : les colonies st proclamées parties intégrantes de la République. + mouvement de réhabilitation des colons, maintien des grandes plantations, reprise en main des colonies et discussions sur l’opportunité d’une remise en cause de l’abolition de l’esclavage.

Aux Antilles, les pop réagissent partout selon le même plan d’action visant à défendre les principes révolutionnaires de 1793-1794 face à la contre-révolution montante en Fra =
Par exemple, mobilisation des armées révolutionnaire pour intimider et obliger les commissaires du Directoire à rembarquer vers la métropole.
Par exemple, refus du retour des colons émigrés sur les habitations séquestrées ou nationalisées. En effet, à St-Domingue par exemple, l’abolition de l’esclavage s’était accompagnée de la mise en place d’un nouveau système des cultures instaurant une forme démocratique de la gestion de la production sur les habitations. Partage de la production en 3 parts égales (Etat, propriétaire, cultivateurs) et vote des décisions au SU. Mais les cultivateurs réclament plus souvent la propriété de la terre, ce qui est refusé par la République. La question agraire annonce des conflits internes qui vont ainsi se perpétuer au sein de la société haïtienne.

=> Les officiers et l’armée coloniale apparaissent donc comme les protecteurs des nouveaux peuples nés en 1793-1794 et les gardiens de leur révolution. Cette vérité surgit dans toute sa lumière à l’esprit du 1er Consul qui comprend que le rétablissement de l’Ancien Régime colonial nécessite le renversement du « pouvoir militaire noir ».

  1. La prise d’autonomie et les guerres d’indépendance 1801-1802
C’est ce que comprennent aussi les leaders noirs des colonies qui souhaitent mettre en place un « pouvoir noir » confié à l’armée => rupture de l’alliance de l’égalité de l’épiderme.

o   A St-Domingue, en janvier 1801, après avoir battu le « pouvoir mulâtre » de son rival Rigaud dans le sud, Toussaint occupa la partie espagnole de l’île et renvoie l’agent de la métropole. Il convoque en mars une assemblée chargée de rédiger une csttion coloniale afin de protéger St –Domingue des lois spéciales que la csstion fra de l’An VIII permettait de faire appliquer dans les colonies. Le 8 juillet 1801, la ccsttion de la colonie de St –Domingue est proclamée, Toussaint Louverture est nommé gouverneur à vie, la liberté et l’égalité définitivement établis.
Le texte est reçu par le Consulat en octobre => expédition militaire du général Leclerc, forte de 23 000 hommes. Juin 1802, déportation de Toussaint Louverture mais aussitôt insurrection générale contre les armées fra. => défaite du 19 nov 1803 du général Rochembeau, proclamation de l’indépendance le 29 nov 1803 et naissance de la République d’Haïti, « Patrie des Africains du Nouveau Monde et de leurs descendants » le 1er janvier 1804.

o   A la Guadeloupe, le contre-amiral Lacrosse débarque en mai 1801 avec moins de 200 hommes, la colonie étant jugée tranquille. La rancœur des militaires de la Guadeloupe éclate quand Lacrosse veut faire arrêter le 21 oct 1801 les officiers de couleur de Pointe-à-Pitre dont le capitaine Joseph Ignace et le colonel Pélage. Insurrection, les gardes nationales blanches sont désarmées, Lacrosse est expulsé de l’île.
Isolés, les indépendantistes sont soumis à de vives tensions face aux loyalistes. Lorsque paraît en mai 1802, l’armée du général Richepance, soutenue par les Britanniques, l’armée guadeloupéenne se divise et livre Pointe-à-Pitre sans combattre. Le colonel Pélage rejoint le camp de Richepance. Encerclés, Ignace et ses hommes se battent jusqu’au bout (tactique de la guérilla). 300 insurgés se font sauter le 28 mai 1802 plutôt que de se rendre.
=> répression sauvage, rétablissement d’un système esclavagiste et ségrégationniste tel que la monarchie absolue n’en avait jamais connu.
17 juillet 1802, arrêté pris par le général Richepane
« Considérant que les colonies ne sont autre chose que des établissements formés par les Européens, qui y ont amenés des Noirs comme les seuls individus propres à l’exploitation de ce pays ; (…) que les autres colonies, soumises à ce régime domestique et paternel, offrait le tableau de l’aisance de toutes les classes d’hommes en contraste avec le vagabondage, la paresse, la misère et tous les maux qui ont accablé cette colonie, et particulièrement les Noirs livrés à eux-mêmes ; de sorte que la justice nationale et l’humanité commandent autant que la politique le retour des vrais principes dans lesquels reposent la sécurité et les succès des établissements formés par les Français en cette colonie …. »

(article de 32 pages)


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Sur le même thème, voir autre post du blog : la colonisation française (19e-20e s)

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