mercredi 24 juillet 2019

PPO : L'ordonnance de Villers Cotterêt

Ce jeune homme nous prépare bien le terrain !




Le texte complet, disponible ici


Les Français et la République, quelques éléments pour introduire la question


Parallèlement à l'extension du capitalisme au XIXe, extension de la démocratie partout en Europe. Qu’en fut-il pour la France ?


Les expériences politiques en France au XIXème siècle


Publié parFlavie Patel


constater la fréquence des mouvements révolutionnaires et l’alternance des régimes => Les hésitations politiques françaises à la fin du XIXe siècle

La Rep est devenue pour les Français synonyme de démocratie. Pourtant, il a fallu près d’un siècle aux Français pour définitivement adopter ce régime et ce système pol 


Portée de la révolution française
= Pourquoi la France n’adopte t’elle pas définitivement la République après 1793 -21 janvier : procès et décapitation du roi de France par la Convention ?

1- Les acquis de la révolution ?
a) libéralisme politique
DDHC est un acquis de la révolution => un retour en arrière semble difficile. L'esprit de liberté s'est répandu (cf d'après Marc Belissa, on apprenait par coeur les articles de la DDHC dans les campagnes dès la période révolutionnaire, et cette connaissance des articles était utilisée dans les revendications avec les notables)
Mais =  un libéralisme porté par la Bourgeoisie 

cf. DDHC art 17 sur le droit de propriété, seul droit naturel "inviolable et sacré". Le mouvement populaire jusqu'à la Terreur en donne un sens général : propriété de soi, de la vie et des biens qui permettent de vivre, ainsi que le contrôle du gouvernement qui est, comme disait Robespierre son bien ("Le peuple est souverain : le gouvernement est son ouvrage et sa propriété"). En ce sens, la propriété est la condition de la liberté. Avec l'écrasement du mouvement populaire par les thermidoriens et le Directoire, la propriété est maintenue comme droit essentiel, mais dans l'acceptation restreinte de la propriété "bourgeoise", celle de la possession. D'instrument de souveraineté personnelle, individuelle, elle peut être utilisée dès lors comme l'instrument au contraire de l'oppression de la populace par les possédants, qui en tant qu'ils sont contributeurs par leurs impôts, sont comme "propriétaires" de l'Etat.

La question sociale n’est pas résolue => 2nde et  3e Rép, le mouvement social est contre la "République bourgeoise" et pour la République sociale, appelée "la Sociale", qui est démocratique et auto-organisée. Les classes populaires, et singulièrement les prolétaires qui émergent sur la scène sociale au 19e siècle, veulent l'application réelle et effective des droits de l'homme dans toutes ses composantes, y compris économiques (cf mot d'ordre des canuts 1830's "vivre libre en travaillant ou mourir en combattant") = le "droit à l'existence" de la constitution de 1793.
La question politique ne  l'est pas fondamentalement plus (voir la question de la souveraineté)

b) Le libéralisme politique est-il nécessairement républicain ?
NON
C’est l’exemple anglais : monarchie parlementaire. Plus ancienne révolution (1642-1649 avec exécution de Charles Ier et la république de Cromwell mais retour de la monarchie en 1660 : à cette occasion, bases du libéralisme sont jetées = bill of right , institution d’une monarchie parlementaire avec chambre double – lords et communes et 1er ministre issu de la majorité parlementaire) => soutien bourgeois car pouvoir aux communes.
Cf. 1ère partie de la révolution fra = monarchie parlementaire / exécution de Louis XVI car il « ne joue pas le jeu » et menace d’un retour à la monarchie absolue)

De la même manière, le mouvement libéral n'est pas forcément démocrate : pour des représentants, appartenant aux "meilleurs" (éduqués, possédants...) avec tous les pbs liés à la démocratie représentative (voir la question de la souveraineté)

c) Des potentialités non advenues
La question des femmes, des esclaves => acceptation de limites à l'égalité universelle.

d)      L’ombre portée de la Terreur
Rappel terreur = massacres de sept + loi de suspects + démocratie sociale + démocratie politique (fonctionnement du comité de salut public, séparation stricte des pvs, contrôle omniprésent du peuple par la Convention et par les sans-culotte), guerre gagnée et qui sauve la révolution.

La révolution qui « dérape » ° ? = peur du peuple. => cf réaction qui suit avec suffrage censitaire…
Au XIXe siècle, les Libéraux sont des bourgeois qui s’arrangent généralement de la confiscation par une minorité du pouvoir politique. La démocratie est vue comme un système politique trop radical, assimilé à l'anarchie. Dissociation République/démocratie.

2-      La question de l’Etat
a)      Terreur = étatolatrie* = croire que tous les pbs peuvent et doivent être réglés par une action volontariste et centralisée donc uniforme de l’Etat) qui de façon paradoxale poursuit l’œuvre centralisatrice de la monarchie absolue. => cf. jacobins ≠ girondins (fédéralistes)
Il est clair aussi que la révolution française, et en particulier les Jacobins (Danton, Robespierre) ont servi de modèle aux bolcheviks en 1917. R) Attention , il y a des divisions au sein du mvt socialiste sur la place que doit tenir l’Etat. Certains accusent les partisans d’un Etat fort et centralisateur de nouvelle oppression « monarchiste »

b) La question de la souveraineté nationale = qui représente la Nation ? est-il légitime d’assimiler la souveraineté nationale avec la volonté générale ? (= principe majoritaire et représentatif est celui qui émerge des choix de la Révolution)
R) A supposer aussi que cette volonté générale existe ! A l’époque de la Terreur, la pays est si divisé qu’elle n’existe pas.=> décisions autoritaires dictées par des considérations abstraites, philosophiques de ce qu’il est bon de faire pour créer une société idéale (= Robespierre)
L’Etat doit-il prendre en charge la volonté générale ou doit-il être en avance sur la volonté générale (créer la volonté générale ?) au nom de l’idée qu’il se fait du Bien Commun

Le gros problème à partir de la Révolution, c'est que faire des représentants quand ceux-ci ne représentent plus "la volonté du peuple" ? Or, rétrospectivement, on peut dire que c'est ce qui se passe dès la Révolution. Globalement, pas de solution viable. Cependant, les révolutionnaires ont mis en place des processus pour permettre le contrôle de la délégation du pouvoir souverain à des représentants élus (qui n'ont pas de mandat impératif et sont libres de décider) = le principe révocatoire par le rapport de force. Tel politique a "perdu la confiance du peuple", celui-ci exige son départ en se rendant à l'assemblée (d'autant plus que jusqu'au Directoire, les comités de citoyens (sections parisiennes par ex) sont armés ...+ des élections à un rythme rapide (1 an max) et pour tous les postes + l'organisation des citoyens de façon massive dans les clubs où on discute de politique (au moins durant la période de la Convention)

Au 19e siècle, les élus ne représentent pas le peuple, ne sont pas des gens du peuple.

=> c) La question de la violence en politique
L’Etat a-t-il le droit d’user de la violence contre les citoyens ? Quelle est la violence légitime ?
Et à l'inverse, le droit à l'insurrection, reconnu par la convention montagnarde, fut très vite abandonné par la réaction thermidorienne. => Désarmement des sections sans-culotte (Germinal/Prairial An III) et la garde nationale passe sous le contrôle d'une autre autorité que celle de la mairie de Paris.


=> d) La question de l'éducation du peuple
Tous les Républicains en conviennent, le peuple souverain doit avoir un minimum d'éducation politique, ne serait-ce que pour "bien" voter et pour contrôler l'action de ses représentants. Mais les classes populaires travaillent => manque de temps + il y a un déni, une absence de volonté de prendre en compte de la part des élites bourgeoises libérales, la capacité d'auto-organisation et d'éducation populaire propre aux classes laborieuses.
=> Education minimale cf Ecoles primaires (Guizot, Monarchie de Juillet). Cette école est coercitive et normative : elle vise à faire admettre aux classes populaires qui rêvent de la Sociale la naturalité de la domination des élites, seules à même de représenter l'intérêt général.



La révolution fit peur, y compris aux Français. + la révolution posa un certain nombre de questions politiques qui conditionnèrent les débats tout au long du 19e siècle.

mardi 23 juillet 2019

La Commune, entre Histoire et mythe


Ce qui me fait peur avec ces nouveaux programmes hyper-descriptifs qui choisissent même les exemples à développer, cumulés aux 3 épreuves de bac sur des sujets qu'on ne peut adapter, c'est qu'à terme, ils nous contraignent à ne faire que ce qui est indiqué dans le programme, au détriment à d' études de cas et d'exemples que l'on pouvait développer auparavant parce qu'on avait davantage de temps. Typiquement, se contentera -t-on de Louise Michel pour évoquer la Commune ?
Ce qui suit correspond à  une fiche d'activité et au "cours" sur la Commune qui introduisait mon anciens cours sur la 3e République. 



La Commune de Paris désigne une période révolutionnaire qui installa, à Paris, un contre-gouvernement opposé au pouvoir officiel de la République établi à Versailles (Thiers et la Chambre) ; elle dura du 18 mars 1871 jusqu'à la «semaine sanglante» (21-28 mai).





1) Un récit dans un manuel d'Ernest Lavisse, Histoire  de France, cours moyen, 1921
La guerre civile - Nous n'étions pas au bout de nos malheurs. La guerre contre les Allemands était à peine finie quand une guerre entre Français commença. Les esprits étaient très troublés à Paris à la fin du siège. Des patriotes étaient exaspérés par nos défaites. Beaucoup de républicains se défiaient de l'Assemblée nationale, qui était venue de Bordeaux à Versailles, et qui semblait disposée à rétablir la royauté. Des révolutionnaires voulaient changer toute la société. Enfin, il y avait à Paris, comme dans toutes les grandes villes, des hommes qui aimaient le désordre et les violences. En mars 1871, les Parisiens nommèrent un gouvernement révolutionnaire qui s'appela la Commune.
Le second siège - Un second siège commença. Cette fois, ce fut une armée française qui assiégea Paris. Mac-Mahon la commanda. L'armée entrée dans Paris le 21 mai. Les insurgés se défendirent derrière les barricades. Ce fut une affreuse guerre de rues. Vaincus, les insurgés fusillèrent l'archevêque de Paris et plusieurs autres personnes que la Commune avait emprisonnées. Les insurgés incendièrent des maisons et des monuments. L'Hôtel de Ville et le palais des Tuileries (Voir photo ci-dessus) furent brûlés. Les Allemands occupaient encore les environs de Paris. Ils entendirent avec joie la fusillade et la canonnade. la nuit, ils regardèrent la flamme et la fumée des incendies. La France semblait se détruire elle-même dans un accès de folie furieuse. Beaucoup de soldats périrent pendant la bataille dans les rues. Un plus grand nombre de Parisiens furent tués en combattant ou après un jugement de conseil de guerre. La répression fut terrible.
L'année terrible, c'est le nom que Victor Hugo a donné à cette année qui vit la guerre étrangère et cette criminelle guerre civile faite sous les yeux de l'étranger. Ce fut un des moments les plus tristes de toute notre histoire.
éd. Armand Colin, 1921, p. 232




2) Une explication dans une  Histoire de France  de 1987
La Commune. La question du régime reste pendante. Devant une Assemblée en majorité monarchiste, Thiers s'est engagé à ne pas prendre parti sur le régime. La crainte d'une restauration, l'humiliation de la défaite, les misères du siège, l'effervescence révolutionnaire de la capitale depuis la fin de l'Empire, tels sont les aspects du malaise de Paris, dont les élections de février avaient montré les sentiments républicains. L'Assemblée nationale s'installe à Versailles et non à Paris, supprime la solde des gardes nationaux et le moratoire des loyers : ces maladresses mettent le feu aux poudres. Le 18 mars, les émeutes éclatent à Montmartre. Thiers, instruit par l'expérience de la monarchie de Juillet, préfère quitter Paris pour Versailles, abandonnant la ville à l'insurrection.
La Commune s'installe, affirmation de l'autonomie parisienne. Le Conseil général de la Commune est élu le 26 mars avec 50% d'abstentions, mais la Commune n'a guère le temps d'accomplir une œuvre en profondeur car toutes les énergies sont absorbées par la guerre entre versaillais et communards (ou fédérés - car les combattants parisiens de la Commune s'étaient constitués en une fédération des gardes nationaux de la Seine en février 1871) qui commence en avril. Elle s'achève de façon atroce par la "semaine sanglante" du 22 au 28 mai. De 20 000 à 35 000 insurgés sont exécutés sans jugement-; le reste est condamné à l'exil ou à la déportation.
Les communards sont issus du vieux Paris des métiers qualifiés et de l'artisanat, pour leur majorité. Ils représentent des courants très divers : patriotes déçus, jacobins révolutionnaires, blanquistes, proudhoniens, socialistes de l'Internationale. Proche des sans-culottes et des insurgés de 1848, dernier avatar des soulèvements parisiens venus de la Révolution française, la Commune est interprétée par Marx comme la première des révolutions futures. Mais l'essor du mouvement ouvrier n'en est pas moins brisé pour dix ans en France. La première conséquence de la Commune est de démontrer qu'aucun régime autre que la République n'est tolérable pour la capitale et pour les grandes villes de province, Lyon, Marseille, Toulouse, qui ont connu elles aussi d'éphémères Communes.
Histoire de France, dir. Jean Carpentier et François Lebrun, Seuil, 1987, p. 291-292.




3) Thiers, libérateur du territoire (1877)

CE TABLEAU EST EXPOSE A L'ASSEMBLEE NATIONALE
Au début de la IIIe République, Adolphe Thiers achève une longue carrière politique commencée sous la Restauration. Appelé à la tête du gouvernement provisoire en février 1871, il conclut la paix de Francfort avec l’Allemagne, le 10 mai 1871, se résignant à l’abandon de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, et réprime la Commune parisienne, donnant à la République son assise à la fois nationale et internationale. En 1873, les séquelles de la guerre sont définitivement réglées : le succès de deux emprunts successifs permet le paiement des 5 milliards de francs-or d’indemnités exigés par la Prusse pour l’évacuation des départements encore occupés. En prônant une république conservatrice, Thiers se heurte cependant à la majorité monarchiste de la Chambre qui, bien que divisée, reste en quête d’une restauration. Aussi Thiers doit-il démissionner et céder la place au maréchal de Mac-Mahon.
La scène se passe le 18 juin 1877 à la Chambre des députés, installée alors à Versailles, deux jour après le renversement du gouvernement Broglie, royaliste. Suivons le compte rendu de la séance tel qu’il a été donné au Journal officiel : « Le ministre de l’Intérieur : “Les hommes qui sont au gouvernement aujourd’hui sortaient des élections de 1871 et faisaient partie de cette Assemblée nationale dont on peut dire qu’elle a été la pacificatrice du pays et la libératrice du territoire !” (“Très bien”, à droite). Plusieurs membres, désignant M. Thiers : “Le voilà, le libérateur du territoire !” (À ce moment, les membres de la gauche et du centre se lèvent et, se tournant vers M. Thiers, le saluent des plus vives acclamations et des plus chaleureux applaudissements.) »

4) Manifeste du Comité central de la Commune
(26 mars 1871)
"La Commune est la base de tout État politique comme la famille est l'embryon de la société.
Elle implique comme force politique la République, seule compatible avec la liberté et la souveraineté populaire. La liberté la plus complète de parler, d'écrire, de se réunir, de s'associer, la souveraineté du suffrage universel.
Le principe de l'élection appliqué à tous les fonctionnaires et magistrats (...).
Suppression quant à Paris, de l'armée permanente. Propagation de l'enseignement laïque intégral, professionnel.
Organisation d'un système d'assurances communales contre tous les risques sociaux y compris le chômage.
Recherche incessante et assidue de tous les moyens les plus propres à fournir au producteur le capital, l'instrument de travail, les débouchés et le crédit, afin d'en finir avec le salariat et l'horrible paupérisme."

5) témoignages sur les massacres après la défaite de la Commune
Marie Mercier
«J’ai vu fusiller à la barricade du faubourg Saint-Antoine une femme qui avait son enfant dans les bras. L’enfant avait six semaines et a été fusillé avec la mère. Les soldats qui ont fusillé cette mère et son enfant étaient du 114e de ligne. On l’a fusillée pour avoir dit : "Ces brigands de Versailles ont tué mon mari". On a fusillé la femme d’Eudes, enceinte de sept mois. Elle avait une petite fille de quatre ou cinq ans qui a disparu. On la dit fusillée aussi. À la petite Roquette, on a fusillé environ deux mille enfants trouvés dans les barricades et n’ayant plus ni père ni mère.»
Témoignage de Marie Mercier, extrait des archives de Victor Hugo. Marie Mercier, dix-huit ans, était la compagne de Maurice Garreau, directeur de la prison de Mazas sous la Commune, fusillé à la fin de la Semaine sanglante. Marie deviendra la maîtresse de Hugo à Vianden.  


George Sand
«Tout est bien fini à Paris. On démolit les barricades ; on enterre les cadavres ; on en fait, car on fusille beaucoup et on arrête en masse. Beaucoup d’innocents, ou tout au moins de demi-coupables, paieront pour les plus coupables qui échapperont.  Hugo est tout à fait toqué. Il publie des choses insensées et, à Bruxelles, on fait des manifestations contre lui.»

Le bilan total de la Semaine sanglante est d'environ 20.000 victimes, sans compter 38.000 arrestations. C'est à peu près autant que la guillotine sous la Révolution.
À cela s'ajoutent les sanctions judiciaires. Les tribunaux prononceront jusqu'en 1877 un total d'environ 50.000 jugements. Il y aura quelques condamnations à mort et près de 10.000 déportations (parmi les déportées qui rejoindront les bagnes de Nouvelle-Calédonie figure une célèbre institutrice révolutionnaire, Louise Michel). L'amnistie (pardon et oubli) ne viendra qu'en 1879 et 1880.



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 1. Quand a été déclenchée la Révolution de la Commune ? Quel était le contexte ? Quelle en fut la raison ? Quel en était le but ?
2.  Pourquoi et comment les "Versaillais" se sont-ils opposés au « mouvement du 18 mars » ?
3. Présenter et expliquer :
  les aspirations politiques de la Commune.
  les références aux événements historiques dont la Commune se veut l’héritière.
4. Montrer l'évolution de la présentation de cet événement dans les manuels scolaires (doc 1 et 2)
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Pour approfondir

R)  Bon nombre des décrets de la Commune sont devenus par la suite des lois de la IIIe République : liberté de la presse (1881), liberté de réunions (1881), enseignement gratuit et obligatoire (1882), droit d’association (syndicat, 1884), interdiction du travail des enfants de moins de 13 ans (1892), journée de travail limitée à 10 heures par jour (1900), séparation de l’Église et de l’État (1905), repos hebdomadaire obligatoire (1906). Certaines ont attendu plus d’un siècle (abolition de la peine de mort, 1981),d'autres encore attendent peut-être toujours.


R) Le souvenir de la Commune. La Commune a été marquée par une prolifération de journaux et d’illustrations et son souvenir a été entretenu par tout un répertoire de chansons. Le célèbre Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément (chansonnier socialiste), dont on voit la tombe au cimetière du Père Lachaise, est devenu associé à la mémoire de la Commune. Victor Hugo (1802-1885), a chanté ses martyrs dans L’année terrible. Gustave Courbet (1819-1877), qui fut membre du Conseil de la Commune de Paris, a laissé toute une série de dessins, surtout de la répression. Jules Vallès (1832-1883), lui aussi membre du Conseil, a dédié « aux morts de 1871 » le troisième volume de son autobiographie romancée L’insurgé.







Une révolution au nom de la République et du socialisme. Au nom de quelle partie du peuple français les insurgés entendent-ils parler ? Souligner l’acuité de la question sociale dans la France urbaine du début des années 1870.

Énoncer quelques-unes des composantes socialistes de la Commune : internationaux, Blanquistes, Proudhonniens, Jacobins… En quoi l’éclatement du mouvement socialiste constitue-t-il un frein à la dynamique révolutionnaire ?

Quelle conception les Communards se font-ils de la République ? Dans quelle mesure le programme, les actes et les symboles de la Commune éclairent-ils la distance entre Républicains modérés (tel Ferry) et socialistes ? 




On peut aussi proposer une analyse comparée de textes. Par exemple :

Pourquoi la Commune ?

Les origines de la Commune

« Au nombre des causes (…) déterminantes de l’insurrection, je placerai d’abord un état moral de la population parisienne, que je qualifierais volontiers ainsi : ‘la folie du siège’ c’est-à-dire un état d’esprit déterminé par un changement d’habitude et de vie radicalement contraire (…) à la tenue habituelle de notre société moderne, une société faite pour le travail qui se retrouve tout à coup, par suite d’événements extraordinaires, jetée dans la vie militaire. Cinq mois de cette existence, le travail interrompu, tous les esprits tournés vers la guerre (…) et cette lutte de cinq mois aboutissant à une immense déception, une population toute entière qui tombe du sommet de ses illusions (…)
Enfin, je considère que la volonté exprimée par les Prussiens, et dont il fut impossible de les faire revenir, d’entrer dans Paris et d’en occuper un quartier, fut un élément d’une extraordinaire importance et a décidé de la violence de la crise et de la forme particulière qu’elle a revêtue (…) »

Témoignage de Jules Ferry (maire de Paris) devant la Commission officielle d’enquête de 1871

 et 
Des militantes dans une ville insurgée

«  La plaie sociale qu’il faut d’abord fermer, c’est celle des patrons, qui exploitent l’ouvrier et s’enrichissent de ses sueurs. Plus de patrons qui considèrent l’ouvrier comme une machine qui produit. Que les travailleurs s’associent entre eux, qu’ils mettent leur labeur en commun et ils seront heureux.
Un autre vice de la société actuelle, ce sont les riches qui ne font que bien boire et bien s’amuser, sans prendre aucune peine. Il faut les extirper, ainsi que les prêtres et les religieuses. (…)
Voici le jour de la revendication et de la justice qui arrive à grands pas (…). Les ateliers dans lesquels on vous entasse vous appartiendront ; les outils qu’on let entre vos mains seront à vous ; le gain qui résulte de vos efforts sera partagé entre vous. Prolétaires, vous allez renaître. (…)

Cité dans J. Rougerie, Paris, ville libre



ou ces deux textes-ci

Déclaration de la Commune de Paris

Citoyens,
Votre commune est constituée. Le vote du 26 mars a sanctionné la révolution victorieuse. Un pouvoir lâchement agresseur vous avait pris à la gorge : vous avez, dans votre légitime défense, repoussé de vos murs ce pouvoir qui voulait vous déshonorer en vous imposant un roi.
(…) Les élus du peuple ne lui demandent, pour assure le triomphe de la République, que de les soutenir de sa confiance. Quant à eux, il feront leur devoir.

Hôtel de ville de Paris, le 19/04/1871
 et

Proclamation de Thiers aux Parisiens, le 8 mai 1871

La France, librement consultée par le suffrage universel, a élu un gouvernement qui est seul légal, le seul qui puisse commander l’obéissance, si le suffrage universel n’est pas un vain mot.
En présence de ce gouvernement, la Commune, c’est-à-dire la minorité qui vous opprime et ose se couvrir de l’infâme drapeau rouge, a la prétention d’imposer à la France ses volontés. Par ses œuvres, vous pouvez juger du gouvernement qu’elle vous destine.
(…) c’est pour cela qu’il –le gouvernement- a réuni une armée sous vos murs. La France veut en finir avec la guerre civile.


Pour approfondir sur les memoires de la Commune, lien vers le podcast 
http://parolesdhistoire.fr/index.php/2021/03/17/185-commemorer-la-commune-avec-eric-fournier/

Pour aller plus loin et légèrement ailleurs: voir le post sur les lois scélérates et sur la présentation de l'anarchisme

lundi 22 juillet 2019

Versailles, miroir du pouvoir royal

s'appuyer sur le site Internet : www.chateauversailles.fr

PPO : Versailles, le "roi soleil" et la société de cour

I- Le château

  • Simple relais de chasse de Louis XIII, Versailles, après de nombreux et luxueux travaux, devient la résidence de Louis XIV en 1682. C'est un immense château de style classique situé à proximité de Paris. C'est là que s'installe la cour.



* En observant le tableau, décrivez le site du château

* En vous aidant du plan ci dessous et des documents et informations données par votre manuel, indiquer les points cardinaux dans les rectangles. Signaler où se « lève »" le soleil et où se « couche » le soleil par rapport au château.


* Dans quelle partie du château sont situés les appartements du roi ? (château neuf ou château vieux = ailes de l’avant cour). Repérer sur le plan la place de la chambre du roi à l’intérieur du château. Sur quel axe se trouve t-elle ? Pourquoi y a t-il deux chambres royales ?
 * Dans quelle partie du château sont situés les bâtiments administratifs ?
* Placer sur les pointillés la cour de marbre, la cour royale, la galerie des glaces, les jardins.


II- Le roi met en scène son pouvoir

1) Des lieux importants


* Quelle est la fonction de la Galerie des glaces ? A quelles activités sert-elle ?


Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec


Décidé au lendemain de la paix de Nimègue (1678) qui mettait fin à la guerre de Hollande, la décoration de la galerie des glaces constitue une vraie révolution dans la représentation du roi. Pour sacraliser ce que l’entourage du roi considère comme une victoire, une séance du conseil secret décide de modifier le projet que Charles Le Brun (le peintre) avait initialement prévu –une série sur le thème d’Apollon et d’Hercule-. Si l’on en croit les auteurs de l’époque, Le Brun réagit avec une rapidité incroyable en réalisant en seulement 2 jours le projet complet de la voûte, véritable ensemble à la gloire du roi. Exaltant les hauts faits du roi lors des guerres précédentes, les peintures illustrent l’histoire officielle du royaume, en représentant Louis XIV sous ses traits véritables, en roi de guerre et de triomphe, terrassant les ennemis par sa seule présence. D’autres peintures reprennent des exemples du bon gouvernement de Louis XIV, en protecteur des arts …

D’après Joël Cornette, Louis XIV et Versailles, TDC n° 850, février 2003.




* En vous appuyant sur les documents ci-dessus , déterminer les différentes fonctions de la galerie des glaces. Justifier à chaque fois par des exemples et un raisonnement précis.




2) L'art au service de la propagande royale
  •  Louis XIV utilise l'art pour renforcer sa gloire et imposer l'idée de sa toute puissance. Comment ?
* Quel motif décoratif retrouve t-on partout à Versailles ? Pourquoi ?
(symbolique du soleil + précision historique : le soleil d'or est depuis le roi Charles VI -XIVe siècle- un des emblèmes personnels du roi de France. Voir Chronique de Charles VII par Jean Chartier, ed de Valet de Vireville, vol 2, p.165)




* Pourquoi Louis XIV a t-il fait placer sa statue face au soleil levant ?
A quel thème sont consacrées les peintures des Grands Appartements du roi (appartements officiels)
 * Expliquer la référence constante au dieu Apollon






Eloge de Jean Chapelain (1595-1674)
« Quel astre flamboyant sur nos provinces erre ?
N’est-ce point Mars…
N’est-ce point Jupiter …
N’est-ce point le Soleil…
Non, l’astre dont l’éclat tient nos yeux éblouis
Est un astre plus grand qui tous les trois embrasse,
C’est le fort, c’est le bon, c’est le sage Louis."

Parodie et critique anonyme de cet éloge

"Quel est ce bel esprit à la perruque antique
Dont l’art ostentateur à nos yeux éblouis,
Dont le remerciement petit, mais extatique
Donne un mauvais sonnet pour trois cents bons louis ?
Est-ce un Tasse nouveau…
Un Virgile françois…
Non, c’est un faux Caton qui s’habille en poète,
Riche au siècle où Malherbe est mort dans la disette,
C’est le froid, c’est le dur, c’est le sec Chapelain"



* (texte 1) Pourquoi peut-on dire que cet auteur veut flatter le roi ?

* Quelles critiques l’anonyme fait-il sur le texte de Chapelain et sur Chapelain lui-même ?


3) Tout un cérémonial


S'appuyer sur le MOOC, accessible à partir du site chateauversailles.fr , la partie 2 : http://www.chateauversailles.fr/decouvrir/ressources/mooc-louis-xiv-versailles (attention, nécessite une incsription) et sur le manuel (Hachette p. 175)
  •  Louis XIV rassemble les nobles autour de lui à la cour. Il les divertit et distribue des pensions. La noblesse perd donc son pouvoir et est sous le contrôle du roi : il la domestique pour éviter qu'elle ne se révolte.
* Recherchez dans une chronologie historique le nom d'une révolte nobiliaire au moment de la Régence de Louis XIV.

 * Combien de personnes vivent à la cour ?

* Quel est l’intérêt pour les nobles de vivre à Versailles ?


* Quel est l’emploi du temps de la journée du roi ? 
Qui assiste au lever du roi ? Quelle est la fonction de la barrière entre le lit et le reste de la pièce ? Pourquoi peut-on dire que le lever du roi est une cérémonie ? Quelle est la signification de cette mise en scène ?

 *Qu’est-ce que l’étiquette ?

* A quoi sert un tel cérémonial ?

« Le sociologue Norbert Elias a montré comment le système de cour perfectionné par Louis XIV a été l’outil de sa politique de domination de la noblesse. Tous savaient que chaque détail d’une cérémonie étaient la marque d’une faveur. Ainsi, lors d’une audience solennelle, les huissiers ouvraient les portes des appartements à un ou deux battants selon le rang de celui qui était reçu. De façon plus quotidienne, les courtisans n’ignoraient pas que le droit au fauteuil, à la chaise à dossier ou au tabouret était strictement codifié. Beaucoup restaient debout des heures durant. Les vêtements, les gestes à observer en toutes circonstances …tous ces détails obéissaient à un code strict : ôter son chapeau, le remettre, se lever, s’asseoir, se mettre à genoux, s’avancer de quelques pas, faire une ou plusieurs révérences…Ce système était fondé sur la manipulation des hommes par le roi."
D’après Joël Cornette, Louis XIV et Versailles, TDC n° 850, février 2003.




III/ Versailles, centre du pouvoir royal

Louis XIV, un monarque absolu


"Toute puissance, toute autorité résident dans la main du Roi [...] Tout ce qui se trouve dans l'étendue de nos Etats de quelque nature que ce soit nous appartient.[...] Celui qui a donné des rois aux hommes a voulu qu'on les respectât comme ses lieutenants, se réservant à lui seul le droit d'examiner leur conduite. Sa volonté est que quiconque est né sujet obéisse sans discernement. [...] J'étais résolu à ne point prendre de premier ministre et à ne pas laisser faire par aucun autre la fonction de roi pendant que je n'en aurais que le titre. Mais au contraire, je voulus partager l'exécution de mes ordres entre plusieurs personnes afin d'en réunir toute l'autorité en la mienne seule."
Extrait du Mémoire pour l'instruction du dauphin, mss Bibliothèque nationale

Compréhension du texte :
  1. Expliquez le mot "dauphin" et l'expression "sans discernement"
  2. Relevez les mots ou expressions caractérisant le pouvoir du roi
  3. Qui est "celui a donné des rois aux hommes" ?
  4. Schématisez de façon simple la relation décrite par le texte entre Dieu, le roi, le peuple.

Analyse du texte :
  1. Quand et dans quel contexte Louis XIV a t-il résolu de gouverner seul ? Etait-ce courant dans l'histoire des rois de France (voir Henri IV et Louis XIII, ses prédécesseurs
  2. A l'aide du manuel, établissez qui sont les exécutants des décisions royales, au niveau du gouvernement comme au niveau des "provinces"
  3. A l'aide du manuel, listez les limites du pouvoir royal
Bilan
Proposez une définition de Monarchie absolue de droit divin




dimanche 21 juillet 2019

Deux extraits de lettres de Louis XI sur les révoltes urbaines


LETTRE 67,   Mars 1463 "au duc de Nemours"

"…vous connaîtrez clairement qu'il y a trahison conspirée en la ville de Perpignan et pour ce, incontinent ces lettres vues, si vous n'y êtes, allez-y hâtivement. Et si la matière est disposée que vous en puissiez trouver la vérité et atteindre cette trahison, comme ainsi ferez, si vous voulez, gardez que incontinent vous fassiez prendre ceux que l'on soupçonnera, et si vous trouvez que ainsi soit, faites-en faire justice du plus grand jusques au plus petit. Et si vous ne pouvez trouver nuls langages ni nulle apparence -combien qu'il est bien fort que la chose se puisse celer, car on saura bien ceux qui la peuvent avoir menée, et aussi il faut qu'ils en aient parlé à plusieurs et, s'ils n'en ont parlé, si faut-il considérer ceux qui ont le peuple si à commandement qu'ils le pourraient faire émouvoir sans leur en parler- vous pourrez aviser ceux de qui vous aurez suspection, et incontinent les m'envoyer sous ombre de se venir excuser d'aucunes choses dont on les aura accusés. …."

Source : l'édition de certaines des lettres de Louis XI par Henri Dubois, Livre de poche, 1996


Lettre à Imbert de Batarnay et à Yvon du Fou (1474) sur la répression de l'émeute de Bourges qui s'est dressé contre les dépenses des fortifications de la ville (source Louis XI, de Gaussin)

"Comme vous le savez ceux qui se sont rebellés ne doivent jouir de l'impunité…en ce qui concerne vos prisonniers, je vous prie de les punir si rigoureusement que cela serve d'exemple aux autres et de n'épargner personne…j'entends que ceux qui auront mérité d'être exécuté soient exposés sur leurs portes…de plus tâchez de savoir q'il n'y a pas de gros bonnets qui aient pris part à la révolte , car les pauvres n'ont pu le faire d'eux-mêmes"
(Lettres, V, DCCXCVII )





Des révoltes fréquentes

 A Angers, les "pauvres gens de métiers", armés de "gros tricots et autres bâtons" pillèrent durant 3 jours les maisons des officiers, des bourgeois et des prêtres. Les autorités furent débordées. La répression contre les pillards fut rude. Cf Guillaume Oudin " Bien peu de temps après, plusieurs furent punis pour leur forfait, car les uns furent noyés, les autres décapités, les bras et jambes coupés, et les corps mis au gibet". Comme à Alençon, les habitants tinrent "plusieurs et diverses assemblées sans aucune autorité de justice, dans lesquelles ils ont conclu de ne pas obéir aux mandements des commissaires".
La miquemaque de Reims se place un mois environ après le sacre de Louis XI, qui avait donné aux gens quelque espérances quant à la levée des taxes. Assi lorsque les officiers des finances "firent mettre à l'encan les gabelles et autres impositions habituelles pour les adjuger (aux) conditions les plus avantageuses", l'émeute éclata. On accusa les officier d'avoir fabriqué un édit, "poussé par leur esprit de lucre et par leur audace". Les registres furent brûlés, leurs maisons pillées, ils durent prendre la fuite. Les troupes royales sont envoyées et les bourgeois de Reims arrêtèrent "quelques personnes du commun" qui passaient pour les auteurs de la sédition. La répression fut sans aucune commune mesure avec le mouvement : les 9 "principaux coupables" dont 3 femmes furent exécutés ; le cadavre de l'un d'eux, réputé leader du mouvement, fut écartelé ; 25 autres personnes furent bannies du royaume, 13 de Reims parmi lesquelles certaines furent battues et fustigées, "oreilles et poings coupés". 57 autres qui avaient fait amende honorable eurent les poings coupés ou furent frappées d'amendes…En tout,, plus de 180 personnes. Les notables de Reims firent intervenir le duc de Bourgogne qui implora la grâce du roi. => Chastellain "
A Aurillac, "cité grandement peuplée et grandement marchande" où deux partis s'opposaient dans les années 1472-1473 : celui du roi et celui d'Armagnac, avec Jacques, vicomte de Carlat et de Murat et Jean, son frère, évêque de Castres et abbé d'Aurillac, à ce titre seigneur de la ville. Entre les uns et les autres, depuis le Bien Public, ce n'était qu'embuscade, "détrousse de marchands".cf les propos du marchand du parti Armagnac, Bernard Salesses, qui à l'époque de Péronne (1468) parcourait la ville en criant aux royalistes : "allez le querir votre roi ! Il est mort ou prisonnier, au diable soit-il, mort ou vif car tant qu'il vivra il n'y aura  ni paix  ni bien dans ce royaume" Et les Laber, bouchers de leur état renchérissaient, affirmant que sans changement de roi, "le peuple serait opprimé et mangé" (P286) C'est l'époque où les habitants d'Aurillac refusaient d'envoyer leurs contingents de francs archers à Lectoure et en Roussillon (1473). LXI en eut assez et donnait comme instruction à on commissaire, Aubert le Viste "vous n'y saurez frapper mauvais coup, car ils m'ont toujours été traitres ou malveillants, endommagez-les moi bien'. Mais seule la capitulation de Nemours à Carlat, le 9 mars 1476 devait faire entrer Aurillac dans l'obéissance.
L'émeute de Bourges (ville natale de Louis XI) : émeute de 1474 à l'occasion d'un nouveau "subside des  fossés de la ville pour faire face aux dépenses de fortification de la ville ordonnée par le roi => "foulons, vignerons , boulangers ay autres gens de métier et menu peuple". Durant plusieurs jours, la ville appartint aux émeutiers qui tuèrent ou blessèrent les gens du roi. Puis, le notables se concertèrent dans la cathédrale, les uns partisans de la conciliation, "furent de la mauvaise opinion" selon l'expression du roi, les autres réclamèrent une action énergique "de façon à que force demeure au roi et que justice soit obéie", et l'emportèrent.
Troubles du Puy : 1477. Féodaux, bourgeois et peuple s'affrontaient, les premiers s'efforçant de détourner les impôts à leur profit particulier, à l'exemple du vicomte Armand XIII de Polignac qui se fit rigoureusement rappeler à l'ordre par LXI en 1465. L'accaparement des fonctions consulaires par un groupe restreint de familles riches aboutissait à faire porter sur les autres habitants l'essentiel des charges fiscales. De temps à autre, pour arrêter la montée des mécontentements, les hommes en place faisaient quelques concessions comme, en 1469, de permettre à de nouvelles familles riches d'accéder au pouvoir et, en 1473, les délégués des corps de métiers reçurent le droit de participer aux élections consulaires mais la liste des candidats devait être dressée par "7 personnes distinguées par leur vertu" => les plus riches en réalité. Le commun mettait en cause l'honnêteté des dirigeants, les accusait de prélever plus que nécessaire
Idem à Agen été 1481, peuple contre consuls. Les mécontents en appelèrent au Parlement de Bordeaux qui leur accorda un syndic. Les consuls se tournèrent vers le roi qui commit un conseiller concurrent du Parlement pour convoquer " la principale et plus saine partie " des Agennais : les notables acceptaient de ne lâcher que 3 posites consulaires et les "gens vivant noblement" eurent le dernier mot.

Agitation aussi rurale cf paysans de la région de Casteljaloux, contre les collecteurs d'impôts,  réunis dans un bois jurèrent de ne rien payer, de se défendre envers et contre tous" . Le commissaire du roi arrêta quelques séditieux, le tocsin sonna et l'insurrection locale éclata, les manant s'étant "armés et embastonnés".

samedi 20 juillet 2019

Lecture médiévale d'une révolte populaire

Source : Marie-Thérèse de Medeiros, Jacques et chroniqueurs. Une étude comparée de récits contemporains relatant la Jacquerie de 1358, Paris, 1979.


L'idée de ce billet m'est venue à l'écoute de l'émission du site Arrêt sur Images sur les visions du peuple. Je vous la conseille: il s'agit de la première émission de la série de l'été 2019. Ce que l'émission démontre bien, c'est la permanence des termes et des valeurs mobilisés par la classe dominante quand elle cherche à rendre compte des mobilisations populaires. Ce billet de blog sera pour moi l'occasion d'illustrer ces topoi par un exemple médiéval.

Rapide présentation du contexte de la Grande Jacquerie

En 1358, alors que les barons du royaume de France viennent de perdre une très importante bataille contre les armées anglaises, à Poitiers (1356), 10 ans après la défaite de Crécy. Les conséquences sont catastrophiques puisque le roi Jean II est fait prisonnier et retenu en Angleterre contre la promesse de payer une énorme rançon. Son fils le régent, Charles, est contesté, jusque dans Paris où les Etats se sont réunis et essayent de lui imposer leurs vues. Le prévôt des marchands de Paris, Etienne Marcel, en 1358, dirige la rébellion ouverte contre son autorité. Il ne faut pas oublier non plus que la France, comme le reste de l'Europe, avait été touchée par la Grande Peste à partir de 1347 et que la guerre dite de 100 ans contre le roi anglais ravage les campagnes : la Grande chevauchée du Prince noir par exemple est terminée, mais les troupes démobilisées vont vivre sur le plat pays. Enfin, les campagnes sont grevées fiscalement d'impôts royaux finançant l'effort de guerre.

C'est donc dans ce contexte que les communautés paysannes du Beauvaisis et du nord de la région parisienne, qui n'étaient pas les plus pauvres de France loin de là, se soulèvent.


Quelles histoires de ce soulèvement ?

"Le 13 mai 1358 éclate un sursaut de colère paysanne qui très vite reçut le nom de Jacquerie. Son ampleur, sa violence ont profondément impressionné les témoins du temps qui n'étaient pas encore habitués aux "tumultes populaires" : la fortune du mot "Jacquerie" qui apparut alors pour la première fois, et qui désigne encore aujourd'hui une émeute paysanne en est déjà un signe, la mention systématique du mouvement dans toutes les chroniques de l'époque en est un autre."
On dispose de plusieurs chroniques contemporaines, que Marie-Thérèse de Médeiros classe en 4 catégories. Trois sont identifiées par le point de vue des auteurs : les chroniques dites "chevaleresques", "nobiliaires" de Jean le Bel et de Froissart ; Les versions cléricales de Jean de Venette et du continuateur de Richard Lescot ; La version officielle des chroniques de France. La 4e catégorie est identifiée par sa provenance : il s'agit des chroniques normandes émanant pour la première d'un clerc de Rouen, semble t-il, dite Chronique des quatre premiers Valois, et pour l'autre d'un autre anonyme, dont on ne peut dire avec certitude de quel milieu social il ressort, mais apparemment il n'est ni clerc, ni noble, et publiée par Auguste et Emile Molinier sous le simple nom de Chronique normande.

A partir de ce corpus documentaire (les textes sont fournis en appendice), l'auteure va mener une analyse comparée, aussi bien de la structure narrative que des éléments linguistiques pour "cerner comment sont perçus les paysans et plus particulièrement les paysans révoltés par leurs contemporains, à travers les écrans qu'implique fatalement le passage à l'écriture."


Pour bien mesurer le décalage entre le récit de ces événements et ce qu'on peut reconstituer et comprendre du mouvement par l'analyse historique (il y a d'autres sources, notamment judiciaires), il faut présenter rapidement ce que fut cette jacquerie : 
- un mouvement d'ampleur : les chroniques de France évoquent par exemple plus de 20 000 paysans morts à la St Jean de part la repression. C'est toute la région qui s'est embrasée.
- un mouvement armé, qui s'attaque aux troupes d'hommes de guerre, par exemple contre des réquisitions jugées excessives, qui s'attaque aussi à certains châteaux et aux familles y habitant. C'est donc une révolte antifiscale et antinobiliaire, ce dernier point étant très rare à l'époque.
- un mouvement organisé, ou du moins qui s'organisa : élection/nomination de chefs locaux (Motataire, Chambly, Angicourt ...) et une personne qui apparemment a tenté de coordonner le mouvement dans tout le Beauvaisis, Guillaume Carle/Calle/Charles.
- Un mouvement rural, mais qui tenta d'associer les villes (Compiègne, Senlis, Ermenonville...) avec plus ou moins de succès, mais en général, ils trouvèrent portes closes.
- Un mouvement qui subit rapidement une répression d'une férocité extrême, menée par les seigneurs locaux, mais aussi par de grands seigneurs, Charles de Navarre, Gaston Phoebus...On remarquera aussi la "discrétion" du régent qui n'est pas mentionné comme partie prenante de la répression.


L'unanimité de la condamnation

Le livre est très riche et très pointilleux sur l'analyse des sources. Je me borne  à rendre compte de ce qui est directement en lien avec mon propos liminaire.


  1. Ainsi, il est indéniable qu'on peut affirmer que les nobles de l'époque ont eu peur. Cette peur se retrouve dans les écrits dits "chevaleresque" de différentes manières :

R) L’auteure fait des parallèles intéressant avec les topoi sur le peuple dans les romans de chevalerie et la littérature courtoise  de l'époque.

L'accent est mis sur la sauvagerie, la brutalité des actes de paysans
L'appétit de destruction : les paysans brisent, "mus de mauvais esprit", détruisent par le feu, n'épargnent rien ni personne. Ils témoignent d'une cruauté inhumaine en violant les femmes devant leurs maris (c'est Froissart qui insiste le plus sur cet aspect). Faits "horribles", "deshonnêtes", "dyableries"...
Ils sont "forcenés" (Froissart)
Mise en scène de moments tragiques et pathétiques : enfants pendus au cou de leurs mères, fuyant.

Alors que chez J. Le Bel, qui écrit sur le moment, l'accent est mis sur la peur de tous, dans la reconstruction à postériori de Froissart, la peur n'est plus que celle des femmes. Les hommes ont disparu de son récit : ils ne sont réintroduits qu'au moment de l'évocation de la répression.

Ce qui se double d'une incompréhension, d'une méconnaissance, d'un refus d'envisager les motivations des insurgés
Totale imprécision sur les noms, les lieux. Effet de grossissement.
Les paysans sont une foule informe, "toujours multipliés en orgueil": "ils étoient ja tant multiplié que, se ils fuissent tout ensemble, ils eussent esté cent mil hommes."
Jacques le Bel, comme Froissart, utilisent par exemple un vocabulaire, pour rendre compte de la propagation du mouvement, qui le rapproche d'une épidémie : "rage", "pestilence"


La peur se lit dans la mise en scène positive de la répression
Les nobles se livrent eux aussi à des actes d'une extrême violence, mais sans que les chroniqueurs n'y trouvent à redire, encore que de Le Bel à Froissart, certaines mentions ont disparu (le pillage par exemple mené par les nobles). Seul Jean de Venette est réservé. Pour les autres, il y a de la jubilation et de la moquerie. Le vocabulaire de la chasse est convoqué. Les nobles "pendent aux premiers arbres qu'ils trouvoient" ; ils les "tuoient comme des pourceaulx", à Meaux, Froissart dit qu'ils les tuent "ensi que bestes" ; Ces paysans qui fuient " car on ne pourroit si tost dire ung ave maria" (Jacques le Bel)

La clarté des armes des troupes nobiliaires contrastent avec la noirceur des corps des paysans ("vilains noirs et petits et mal armés" Froissart) + J le Bel fait état de l'action courageuse du comte de Foix et du captal de Buch qui, "avec 40 lances et non plus" ont réussi à s'opposer aux Jacques.

Evidemment, la répression est voulue par Dieu

      2. Le "racisme", le mépris de classe est partout (ou presque) présent.

La bestialisation et le "monde à l'envers"
+
Le nom "Jacques Bonhomme" est donné par Le Bel au "capitaine qui était un parfait vilain", par Froissart comme celui "fait roi entre eux", alors qu'on sait par Jean de Venette que ce nom est une sorte d'insulte créée par les nobles. Les Jacques procèdent à une inversion des valeurs : d'après Froissart (et il est le seul à faire cela), ils ont élu un "roi". Les chroniques royales en revanche insistent sur la fidélité des Jacques au roi, évidemment !

Le refus de reconnaître aucune valeur positive aux paysans :
Incapables de se battre avec des armes, couardise. Ces "méchantes gens" qui "à la première déconfiture" "furent si éperdus et si évanouis qu'ils ne savoient que devenir".
+
désorganisation


La chronique des quatre premiers Valois
au contraire n'insiste pas sur la désorganisation et la couardise. L'auteur décrit au contraire Guillaume Carle comme d'un homme "bien sachant et bien parlant de belle figure et forme", mais qui le distingue de ce fait des autres. D'ailleurs, lorsqu'il y a déroute du côté des paysans, c'est quand ils sont privés de leur chef : "adonc furent les Jacques tous esperduz pour leur capitaine qui n'estoit point avecques eulx" Il y a un souci constant de démarquer le chef par rapport à ses troupes.
Quant aux troupes paysannes, l'auteur leur attribue une fière allure : "lesquelz de grand visiage et manière se tenoient en ordonnance et cornoient et businoient et haultement crioient Montjoye ey portoient moult enseignes paintes à fleur de liz" et ce toujours grâce à "Guillaume Charles et l'ospitalier [qui] rangerent les Jacques". On remarque que l'auteur n'a jamais parlé autrement des paysans qu'en les appelant Jacques. A croire que ce terme donné en 1358 était déjà passé dans le langage courant quand l'auteur écrit, vers 1370.
Malgré une présentation qui peut parfois paraître positive, voici le jugement que l'auteure porte en bilan : "Ni hommes, ni bêtes, ni anges ni démons, le statut des paysans rebelles dans cette chronique est plutôt celui des choses. Nous avons vu comment dans la première phase, la phase active pour les révoltés, leur rôle s'efface devant celui d'un fantasme de puissance de l'auteur, dans la deuxième phase, celle de l'action des nobles, ils gardent sans difficulté leur statut d'objet, statut qu'aucune ombre de compassion ou de chaleur humaine ne vient modifier."

Le "cas" Jean de Venette

Que Jean de Venette soit un "cas" à part, c'est ce qui ressort dans le livre par la juxtaposition de sa chronique avec celle du continuateur de Richard Lescot. Cette dernière reprend Jean de Venette, mais l'auteur, un moine de St Denis qui est une grande abbaye du royaume, en change fondamentalement la perspective. entre autres  exemples, il passe sous silence le comportement nobiliaire qui, pour J. de Venette, serait l'origine du mouvement.
Appartenant à un ordre mendiant ou assimilé, Jean de Venette est plus sensible que les autres au peuple.S'il est surpris, ce n'est pas tant de la révolte, ce n'était pas la première fois, mais de son ampleur qui est proprement inédite. Il est le seul à chercher à présenter les mobiles à la révolte, et il les trouve dans les malheurs du temps.
Dans sa chronique, il induit à plusieurs reprises, quand il évoque les malheurs du temps, que les nobles ont failli à leur devoir de protection de la population, qui quand elle échappe à des massacres, ne le doit qu'à elles-même.
Par ailleurs, les paysans (on suppose que jean de Venette tire ses informations de St Leu d'Esserent, proche de son lieu de naissance), sont rationnels et organisés : "ils se révoltèrent et prirent les armes. Ils se regroupèrent en une grande multitude, élirent comme capitaine un paysan fort habile, Guillaume Carle, orignaire de Mello. Puis, armés, portant leurs étendards, ils parcoururent en bandes le pays : tous les nobles qu'ils pouvaient trouver, même leurs propres seigneurs, ils les tuaient, décapitaient et traitaient sans aucune miséricorde". "On dit qu'ils violèrent de nobles dames et tuèrent de petits enfants innocents." Enfin, la repression nobiliaire n'est pas particulièrement valorisée : le chroniqueur incidemment en condamne la forme : "ils mettaient à mort les paysans, tant ceux qu'ils pensaient avoir été rebelles que ceux qu'ils trouvaient dans les maisonsou au travail dans les vignes et les champs". On voit toute la différence avec les récits des chroniques précédentes.

Cependant, le mouvement est ici aussi condamné moralement. "Ces faits monstrueux" (il faut comprendre ici contre nature, remettant en cause l'ordre naturel) "n'étaient pas destinés à durer" car :
- La violence du mouvement : "actes vils et néfastes".
- "Les paysans agissaient de leur propre chef. Dieu n'en était pas la cause. Ils ne s'étaient pas mis en branle à la demande de l'autorité reconnue d'un supérieur, mais de leur propre chef."

Ainsi, l'exemple de Jean de Venette fait ressortir avec force les a priori des autres chroniqueurs. "J de Venette fait un sort au vieux mythe de la stupidité paysanne en nous montrant que les insurgés sont capables de réflexion et d'organisation, il fait également un sort aux prétentions chevaleresques, quand elle veulent tirer argument pour rehausser leur valeur de leur victoire sur les paysans."

Au terme de son étude, l'auteure conclut que "seule la version chevaleresque a produit une image nette de la paysannerie en révolte, impeccable reflet du stéréotype de la littérature courtoise depuis le XIIe siècle" et "finalement, le grand point commun de [ces] chroniques  réside peut-être dans l'indifférence à l'autre, ou plus exactement dans sa méconnaissance. Qui étaient ces étrangers au monde chevaleresque, au milieu clérical, à l'univers royal, qui un jour de mai prirent les armes ?"


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