mercredi 5 juin 2019

Science et idéologie dans les régimes totalitaires



La science est censée ne pas être idéologique. Si la science est vouée à la découverte des lois de la nature, on doit nécessairement considérer qu’elle échappe à toute idéologie. Elle est porteuse d’un discours de Vérité, en dehors-de toutes idéologies qui elles, varient selon les lieux, les époques, les contextes, alors que l'idéologie consiste en un ensemble d’opinions et de croyances qui constituent une doctrine fournissant une explication du monde => D’une certaine manière, science et idéologie s’opposent. De fait, au cours de l’Histoire, on a vu des savants s’opposer à l’institution idéologique par excellence, l’Eglise, et en mourir. Cf. Giordano Bruno

Cependant, les sciences ont, à plusieurs reprises, servi de justification à une idéologie. À d'autres moments, ce sont les scientifiques qui sont sortis du laboratoire pour militer eux-mêmes en faveur d'idées ou d'options politiques.=> les frontières entre les deux sont en fait poreuses.

La science est en elle-même porteuse d’une idéologie : celle du progrès. 

Déjà au 18e siècle, les philosophes des Lumières considéraient que le progrès des connaissances apporterait le progrès social. Au 19e siècle, avec la multiplication des innovations, avec la « révolution industrielle », l’idéologie du progrès se renforce s'appuyant singulièrement sur les progrès de la science :  le "scientisme",  mot paraît-il forgé dans un article de revue de 1911 par le biologiste Félix Le Dantec. Renan, au XIXe siècle, parlait déjà d' "organiser scientifiquement l'humanité". En conséquence, le scientisme est une nouvelle idéologie, qui remplace la religion, et qui prétend, comme elle, remodeler l’Homme. Voici la conception que s'en faisait en 1911, le philosophe Jules de Gaultier:

«Le scientisme implique les postulats suivants : que le monde est un tout donné, que tout est calculable, qu'il n'y a pas d'inconnaissable. Subsidiairement ces postulats impliquent d'autres croyances : la croyance au mieux, à l'homme plus  heureux par la possession plus complète des lois de la nature, la croyance à la substitution possible des méthodes scientifiques aux religions et aux morales. Elle ne recherche pas, comme les philosophies de l'Instinct de connaissance, la connaissance pure et simple, mais elle [cherche à] connaître pour agir. »
  Ainsi, Marcellin Berthelot, grand chimiste  pouvait écrire :
« Un jour viendra où chacun emportera pour se nourrir sa petite tablette azotée, sa petite motte de matière grasse, son petit morceau de fécule ou de sucre, son petit flacon d’épices aromatiques, accommodés à son goût personnel ; tout cela fabriqué  économiquement et en quantités inépuisables par nos usines ; tout cela indépendant des saisons irrégulières, de la pluie, ou de la  sécheresse, de la chaleur qui dessèche les plantes, ou de la gelée qui détruit l’espoir de la fructification ; tout cela enfin exempt de ces microbes pathogènes, origine des épidémies et ennemis de la vie humaine. Ce jour-là, la chimie aura accompli dans le monde  une révolution radicale, dont personne ne peut calculer la portée ; il n’y aura plus ni champs couverts de moissons, ni vignobles, ni prairies remplies de bestiaux. L’homme gagnera en douceur et en moralité parce qu’il cessera de vivre par le carnage et la  destruction des créatures vivantes. » (Discours prononcé lors d’un banquet de la Chambre syndicale des Produits Chimiques le 5 avril 1884)



Or, c’est dans ce contexte d’un postulat de crédibilité et de véracité accordé sans critique aux sciences que naissent dans la première moitié du 20e siècle les régimes totalitaires.


 L'eugénisme nazi

"Physique allemande ? demandera-t-on. J'aurais pu dire aussi Physique aryenne, ou Physique des hommes du type nordique, Physique des explorateurs de réalité, Physique des chercheurs de vérité, Physique de ceux qui ont fondé la recherche scientifique, Naturforchung. La science est et reste internationale, voudra-t-on m'objecter. Mais cette objection est toujours fondée sur une erreur; en réalité, la science est, comme tout ce qui est produit par les hommes, conditionné par la Race et le sang. Elle peut apparaître internationale quand, de la validité universelle des résultats de la science de la Nature, on déduit à tort l'universalité de ses origines, ou bien quand on néglige le fait que des peuples de différents pays qui ont élaboré une science identique, ou de même genre que celle du peuple allemand, n'ont pu le faire que parce que et pour autant que ils sont ou étaient un mélange de races en majorité nordiques. Les peuples dont le mélange racial est d'un autre type ont une autre manière de pratiquer la science. A vrai dire, aucun peuple ne s'est jamais engagé dans la recherche scientifique sans disposer du terrain favorable des conquêtes antérieures des Aryens. Beaucoup d'étrangers n'ont jamais fait que suivre ces conquêtes ou que les imiter et les caractéristiques raciales ne se laissent reconnaître qu’après un long développement. En se fondant sur la littérature existante, on pourrait peut-être déjà parler d'une Physique des Japonais; dans le passé, il y a eu une Physique des Arabes. On n'a pas encore entendu parler d'une Physique des nègres. En revanche, une Physique portant la caractéristique des juifs s'est développée très largement [allusion ici à Einstein, son contemporain et adversaire pour plusieurs théories] qui n'a été que rarement identifiée jusqu'à présent parce que, en général, on classe les écrits selon la langue dans laquelle ils sont formulés. Les juifs sont partout, et il est clair que quiconque soutient encore aujourd'hui l'affirmation que la science de la nature est internationale pense inconsciemment à la science juive, qui naturellement est partout semblable aux juifs et partout la même."

Philipp Lennard, Traité de physique allemande, 1936, justifie l'utilisation de la notion de race comme modalité de la production du savoir scientifique

Les nazis n’ont  inventé ni l’eugénisme ni le racisme.
C’est Francis Galton qui est considéré comme le fondateur de l’eugénisme moderne. Il prétend tirer de la théorie de Charles Darwin (« l’origine des espèces » de 1859) une méthode scientifique permettant l’amélioration des qualités natives. Ainsi, selon lui, avec les progrès de la civilisation, les grands principes des sociétés démocratiques, tels que l’altruisme, nuisent et entraînent la dégénérescence de l’espèce humaine. L’objectif de Galton n’était pas d’améliorer l’espèce humaine en général mais d’assurer le développement et la prédominance des êtres humains qu’ils jugent supérieurs. Galton conclut « qu’il faut favoriser la survie des plus aptes et ralentir ou interrompre la reproduction des inaptes. »
Ainsi, peu à peu, les théories raciales se développent : il faut assurer la domination des races supérieures. Au 20ème siècle, les savants sont persuadés de pouvoir changer les données biologiques. Se dégage notamment la distinction entre l’eugénisme négatif, pour écarter certaines personnes qui transmettent de mauvais caractères et ainsi raréfier les tares héréditaires, et l’eugénisme positif, qui encourage la reproduction des personnes capables de transmettre les bons caractères.
L’idéal d’une aristocratie biologique se dessine: Alexis Carrel, dans  l’homme cet inconnu  de 1935, dira notamment : « Pour la perpétuation d’une élite, l’eugénisme est indispensable. Il est évident qu’une race doit reproduire ses meilleurs éléments. » Tous les eugénistes sont convaincus de la primauté de l’hérédité sur le milieu culturel et social, et mettent en avant le déterminisme génétique dans le déroulement de l’existence humaine.

source : MULLER-HILL (Benno). — Science nazie, science de mort. L'extermination des Juifs, des Tziganes et des malades mentaux de 1933 à 1945. Edition Odile Jacob, 1989.

Exercice donné à des élèves du secondaire dans un cours de mathématiques:

« Exercice n° 262 : 2 races R1 et R2 se mélangent dans un rapport où p : q où p + q égale 1 […] b) ce n'est qu'au bout de deux générations de métissage libre qu'on se rend compte qu'il est néfaste. On interdit aux personnes de race pure et aux personnes ayant des grands-parents R1 et R2 de se marier avec des personnes ayant deux grands-parents R2 ou plus. Quelle est la répartition des ascendants après deux nouvelles générations n - 2 ? »


En Allemagne, depuis le début du siècle, l'anthropologie allemande en effet « se transforma en intégrant à la fois l'orientation « thérapeutique » de l'eugénisme et la dimension héréditariste de la « biologie sociale » qui en découlait ». Il est donc faux de considérer la « science de la race » comme une création de toutes pièces des nazis après leur arrivée au pouvoir en 1933 ou comme la « pseudo-science » de quelques théoriciens de la race académiquement marginaux. La « raciologie » formait l'aboutissement de l'anthropologie physique allemande sous l'influence de la biologie darwinienne et de la nouvelle génétique dans le premier tiers du XXe siècle ».=> « la préparation spirituelle au nazisme fut accomplie par d'innombrables travaux scientifiques ». Lorsque les nazis arrivent au pouvoir, en 1933, leur conception biologique est la même que celles de presque tous les savants allemands. En arrivant au pouvoir, il suffira donc à Hitler de créer le simple cadre favorable à l'épanouissement des adeptes cachés ou manifestes de l'extermination des différents. En avril 1933, par exemple, les nazis ne font que reprendre les projets de stérilisation établis sous la république de Weimar par des eugénistes. Il s'agit alors de stériliser de force les handicapés, malades mentaux ...

Les bornes s’étendirent quelques temps plus tard à « toute pollution raciale », confirmant l’idéologie nazie et sa volonté d’assurer la domination de la race aryenne à travers l’empire allemand. Cette domination se fera au dépend de toute autre race inférieure. Les lois de Nuremberg énoncées en 1935 visèrent spécifiquement le peuple juif qu’il fallait, selon H. Goering, extirper afin de protéger le sang et l’honneur allemand. Ces accusations s’étendirent aux minorités identifiables suivantes : aliénés, tziganes, homosexuels, francs-maçons, témoins de Jéhovah, chrétiens et criminels récidivistes. Lorsqu'en septembre 1935, Hitler promeut les lois de Nuremberg de « ... protection du sang Allemand et de l'honneur Allemand... », prohibant sous peine de travaux forcés, mariages et relations sexuelles extraconjugales entre Juifs et citoyens de sang allemand, le Professeur Ernst Fisher, remercie le Fuhrer d'avoir permis aux chercheurs sur l'hérédité de mettre, d'une manière pratique, les résultats de leur recherche, au service du peuple. Le cadre ainsi créé, les généticiens, anthropologues biologistes, psychiatres, parcoururent en hésitant, mais en avançant régulièrement, progressivement, le chemin qui mènera à la solution finale pour chacun des groupes honnis. Exemplaire est la trajectoire, par exemple du Prof. Otmar von Verschuer, directeur de l'IEG d'Anthropologie de Berlin- Dahlem. Ce spécialiste incontesté des jumeaux avant guerre, finira par utiliser les gigantesques possibilités d'Auschwitz, comme il l'écrit dans un rapport scientifique daté de mars 1944 : "Mon assistant, le docteur en médecine et docteur es lettres Mengele, a collaboré à ce secteur de mes recherches. Il est en poste au camp de concentration d'Auschwitz en tant que Haupsturmfiihrer (capitaine SS) et médecin du camp (...). Des expériences anthropologiques sont menées sur les groupes raciaux les plus divers dans ce camp de concentration". En octobre 1939, le dictateur allemand autorisa les médecins à se prononcer en faveur de la mise à mort de leurs patients. Les premiers centres d’euthanasie furent ouverts à la fin de la même année, couvert et légitimé par l’expertise médicale allemande qui sélectionnait consciencieusement ses victimes dans cet éternel but d’assainissement sanguin de la race supérieure. Six centres de mise à mort furent construits : Grafeneck, Brandenburg, Schloss Hartheim, Sonnenstein et Hadamar. Nommés pudiquement instituts d’euthanasie, ces centres étaient gérés par des médecins SS et contenaient les premières chambres à gaz et fours crématoires du régime nazi. Entre 1940 et 1941, l’opération T4 liquida plus de 275.000 handicapés mentaux. Le rapport du Dr. Theo Lang (1941) souligne que les autorités allemandes avaient une notion excessivement large des termes ‘malade mental’. Ce programme de purification raciale reste méconnu du grand public mais il fut le fer de lance de la Solution Finale.

Quelqu'un avec une maladie génétique aura coûté à l'état 50000 Reichmark avant qu'il atteigne sa 60ème année - Ce coût qui doit être supporté par les citoyens en bonne santé.

Les terribles conséquences de la vie d'une poivrote. En 83 ans elle a eu 894 descendants dont 40 étaient indigent, 67 voleurs, 7 meutriers, 181 prostituées et 142 mendiants.
Affiche réalisée à l’occasion d’une exposition sur « L’hygiène raciale », organisée par l’association agricole nazie « Reichsnährstand » (1936)


 L’affaire Lyssenko, ou la pseudo-science au pouvoir


« Comment peut-on parler de science sans citer une seule fois le nom du plus grand savant de notre temps, du premier savant d’un type nouveau, le nom du grand Staline ? »

Victor Joannès, responsable communiste, en 1948. La session Pansoviétique de l'Académie d'Agronomie de l'URSS (Académie Lénine) dont les travaux sont très largement repris par la Pravda, voit la prise de pouvoir par l’agronome Trofim Lyssenko, lequel proclame la déchéance de la génétique et l’avènement de ses propres conceptions en matière d’hérédité.

Comment l’URSS, qui proclamait par ailleurs son adhésion à une vision scientifique du monde, a-t-elle pu confier son agronomie à un charlatan, tout en le laissant détruire un pan entier de la recherche soviétique, celui de la génétique, pourtant jusque-là plutôt bien portant dans ce pays ?


Lyssenko s’inspire de la technique d’agrobiologie inventée par Mitchourine. Celui-ci est reconnu comme le fondateur de la nouvelle biologie prolétarienne. Cette méthode, dont Lyssenko s’attribue la découverte, est mise en avant afin d’améliorer les rendements de l’agriculture soviétique et ainsi sortir le pays de la crise. Il réussit à convaincre Staline que les imposteurs ne sont pas uniquement dans l’agriculture mais aussi dans la Science, puisqu’il dénonce la génétique classique comme « réactionnaire, métaphysique, idéaliste et stérile. » Grâce à des résultats trafiqués, obtenus sur des terres et des animaux, Lyssenko se fait une redoutable réputation et peut se permettre de discréditer entièrement ses opposants scientifiques. Les attaques de Lyssenko contre Vavilov, généticien et botaniste, président de l’Académie Lénine des Sciences agronomiques et membre du Comité Central. se développent à partir de 1931. Lyssenko estime que les progrès des rendements permis par les méthodes d’amélioration des variétés de plante par sélection et croisement  de l’école de Vavilov sont beaucoup trop lents, et il affirme aux autorités soviétiques que l’application de ses propres méthodes à grande échelle permettrait d’atteindre les objectifs fixés pour le court terme = l’hérédité des caractères acquis par les plantes au moyen de greffes. Il soutenait contre la plupart des généticiens du monde entier, que le milieu était déterminant dans la formation des caractères héréditaires, autrement dit qu’on pouvait changer ses caractères héréditaires artificiellement en changeant le milieu. C’est ainsi qu’il affirmait, faisant état de ses propres expériences, que le blé dans certaines conditions pouvait engendrer de l’avoine, du seigle ou de l’orge.



Contre la génétique de  Mendel démontrant que les caractères se transmettent de génération en génération par le biais des gènes et donc que les caractères acquis ne peuvent se transmettre, Lyssenko réussit à la discréditer auprès des grands. Le pouvoir oblige tous ceux qui travaillent sur la génétique mendélienne à arrêter leurs travaux, puis les envoie peu de temps après au Goulag. La recherche en génétique est strictement interdite et le Lyssenkisme devient l’unique façon de penser en Science. En 1936 et 1939, lors de deux conférences sur le sujet, la majorité des scientifiques se taisent  par peur des représailles.  Après son triomphe de 1948, Lyssenko est à la tête de l’agronomie et de la biologie soviétique, qu’il gère de manière dictatoriale en l’expurgeant de ses adversaires. Afin d’augmenter les rendements, les animaux et les plantes doivent être soumis à des conditions spécifiques censées engendrer des améliorations héréditaires. Les résultats se font sérieusement attendre, d’autant que de nombreux jeunes agriculteurs refusent de céder à ce formatage agricole et arrêtent de travailler. C’est une catastrophe pour l’agriculture du pays. Quelques proches de Staline émettent des doutes sur la théorie lyssenkiste et ses résultats mais Staline ne remet pas en cause son protégé, jusqu’à sa mort en 1953. Khrouchtchev, le successeur au pouvoir, continue de croire en Lyssenko et lui donne les mêmes privilèges, jusqu'à sa chute en 1964.


Trophim Lyssenko était soutenu parce qu’il affirmait que les caractères acquis peuvent être transmis héréditairement, ce qui convient parfaitement à l'idéologie marxiste. Le marxisme prône l’idée que la seule cause de l’inégalité entre les hommes tient à l’organisation de la société et à la répartition des moyens de production. Or, les généticiens de l’époque enseignent que les individus appartenant à la même espèce ont des caractères héréditaires différents, et sont donc inégaux par nature. La controverse lyssenkiste reflète l’espoir d’une transformation de la société, qu’il s’agit d’inscrire dans le temps. Il lui donne une fondation scientifique et permet d’en généraliser la portée au monde naturel. Le Lyssenkisme peut ainsi se revendiquer comme une science prolétarienne, contre une génétique bourgeoise qui prône l’idée que les caractères acquis ne peuvent se transmettre. Cette « science prolétarienne » remet en cause chromosomes et gènes et promet de transformer la steppe en vallée fertile et luxuriante.

Marcel Prenant, biologiste, membre du Parti communiste : « Bientôt, le pain sera fourni gratuitement et à volonté - applaudissement nourris. La vie est toujours plus belle dans les cités ouvrières et les kolkhozes où les fleurs tapissent les pelouses et égaillent les logements. Grâce à Staline, qui proclama « L’homme est le capital le plus précieux », le citoyen connaît déjà ce monde heureux où selon la parole de Marx « Il y a pour tous, du pain et des roses ». Vive à jamais –applaudissements nourris- Vive à jamais notre cher et grand Staline. Vive le communisme. Tonner d’applaudissements avec des voix qui scandaient : Vive Staline !
C'est aussi un argument de plus dans la guerre froide

Madeleine Quéré , militante du PCF:
"Alors Lyssenko avait émis l’idée que l’on pouvait tripler la surface cultivable pour remonter le pays. Il faut dire que leur pays était envahi, était donc à reconstruire depuis la ligne de Berlin. Vous vous souvenez quand même de ces héros, les Stakhanovistes, etc. Nous étions très, très éduqués avec ces idées-là. Et le fait que Mitchourine ait trouvé ce blé, qui avait trois épis, vous vous rendez compte ! Alors que le nôtre n’en avait qu’un, donc on pouvait tripler tout en ayant la même surface. Ça avait été un espoir terrible. Ils en avaient envoyé un peu dans toutes les sections. Et je me souviens en Dordogne d’avoir vu un bouquet de blé comme ça, dont la tige avait trois épis. Et moi qui étais jeune, qui partais travailler dans les bureaux de poste à Province, il se trouvait que moi aussi j’étais embarquée à faire connaître, aux paysans, ce blé parce que c’était l’espoir de pouvoir manger à son aise alors qu’encore il y avait les tickets de pain, il y avait ce fameux pain de maïs que nous fournissaient les Américains, et qui était un maïs contaminé parce qu’ils donnaient le pain filant, ce qu’on appelait le pain filant, et je dis ça parce que mon père était boulanger. Ils n’arrivaient pas à pétrir ces pains parce que les farines étaient mauvaises. C’était la faute des Américains, bien entendu. De ce fait, ce blé de Mitchourine prenait de l’importance parce que le pain était une base d’alimentation très, très importante"


science prolétaire contre science bourgeoise

[Exposé présenté à la réunion générale du parti communiste italien des 6-7 avril 1968 à Turin]
Nous appuyons sur la vision fondamentale du matérialisme dialectique qui comprend le monde comme un processus historique, rejette  toutes les catégories immuables […] Cette méthode s'oppose radicalement à celle de la philosophie classique qui prétendait découvrir par la raison logique les principes de l'Être, pour ensuite les appliquer au monde. Engels critique impitoyablement cet idéalisme qui considère les Principes comme des entités absolues.

[…] il n'y a pas de «lois de la raison» a priori et immuables, notre raison et ses lois sont un produit du monde et de notre activité dans le monde; elles traduisent notre effort pour comprendre, représenter et maîtriser les phénomènes du monde.
Il s'ensuit que la raison n'a rien de stable; tout comme l'homme entier, elle se modifie au fur et à mesure que se modifient les conditions d'existence, les besoins, les activités et les connaissances de l'espèce humaine. Des choses qui étaient «rationnelles» hier ne le sont plus aujourd'hui et réciproquement; de même, dans une société divisée en classes antagoniques, chacune d'elles possède sa propre «rationalité».
Et voici que la Science se dresse, fière et altière, pour déclarer: Vous l'avez dit, il faut des connaissances positives; eh bien, Je suis cette Connaissance positive, alors inclinez-vous devant Moi!
Or nous contestons à la science actuelle ce caractère de science tout court, de connaissance humaine en général. Alors qu'elle se prétend Vérité, sinon éternelle du moins objective et au-dessus des classes, nous dénonçons son caractère de classe, nous la qualifions de science  bourgeoise. C'est cet aspect et ses conséquences que nous voulons étudier ici.

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