vendredi 19 juillet 2019

La colonisation française (19e-20e s)

Une série de support pour servir au cours ou pour des DS

 Pourquoi coloniser ?


Le 18 mai 1879, un banquet commémoratif de l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises réunissait, cent vingt convives. Victor Hugo présidait le repas. Il avait à sa droite Victor Schoelcher, l'auteur principal du décret de 1848.
 Au dessert, M. Victor Schoelcher a dit les paroles suivantes:
            « Cher Victor Hugo, en vous voyant ici, et sachant que nous vous entendrons, nous avons plus que jamais confiance, courage et espoir. Quand vous parlez, votre voix retentit par le monde entier ; de cette étroite enceinte où nous sommes enfermés, elle pénétrera jusqu'au coeur de l'Afrique, sur les routes qu'y fraient incessamment d'intrépides voyageurs, pour porter la lumière à des populations encore dans l'enfance, et leur enseigner la liberté, l'horreur de l'esclavage, avec la conscience réveillée de la dignité humaine ; votre parole, Victor Hugo, aura puissance de civilisation ; elle aidera ce magnifique mouvement philanthropique qui semble, en tournant aujourd'hui l'intérêt de l'Europe vers le pays des hommes noirs, vouloir y réparer le mal qu'elle lui a fait. (…) ».
            Après ces paroles, dont l'impression a été profonde, Victor Hugo s'est levé et une immense acclamation a salué longtemps celui qui a toujours mis son génie au service de toutes les souffrances. Le silence s'est fait, et Victor Hugo a prononcé les paroles qui suivent :
            « Messieurs, (…) Le moment est venu de faire remarquer à l'Europe qu'elle a à côté d'elle l'Afrique. (…) Le moment est venu de dire à ce groupe illustre de nations: Unissez-vous ! allez au sud. (…).
            L'Afrique n'a pas d'histoire. Une sorte de légende vaste et obscure l'enveloppe. (…) Cette Afrique farouche n'a que deux aspects : peuplée, c'est la barbarie ; déserte, c'est la sauvagerie ; mais elle ne se dérobe plus ; les lieux réputés inhabitables sont des climats possibles ; on trouve partout des fleuves navigables (…). De gigantesques appareils hydrauliques sont préparés par la nature et attendent l'homme ; on voit les points où germeront des villes ; on devine les communications (…).
Au dix-neuvième siècle, le blanc a fait du noir un homme ; au vingtième siècle, l'Europe fera de l'Afrique un monde. (Applaudissements.)
            Refaire une Afrique nouvelle, rendre la vieille Afrique maniable à la civilisation, tel est le problème. (…)
            Dieu offre l'Afrique à l'Europe. Prenez-la.(…). Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille, mais pour l'industrie ; non pour la conquête, mais pour la fraternité. (Applaudissements prolongés.)
            Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites! faites des routes, faites des ports, faites des villes ; croissez, cultivez, colonisez, multipliez (…).»

            Victor Hugo, Depuis l'Exil 1876-1885, Actes et Paroles, volume 4


En contrepoint




Le racisme colonial


Doc  Chanson :  Les Amazones du Dahomey
[...] Ell's ont la peau comm' du cirage
On dit que ce peuple sauvage
A chaqu'repas mange du feu
Ça doit vous étonner un peu [...]

Refrain :
Mais, vraiment, l'on ne croyait pas
Qu'pareill's gens vivaient ici bas
Et qui n'fut douté jamais
D'aller au Dahomey

Ell's ont de drôles de coutumes
Ainsi qu'de primitifs costumes
Ell's ne port'nt pas de faux appas
C'est naturel du haut en bas [...]

Le roi souvent pour se distraire
Comme il est d'un' humeur sévère
Fait trancher pour son bon plaisir
La tête à son peuple martyr [...]

Pour mettre un terme à ce carnage
Il faut vers ce peuple sauvage
Sans hésiter, cré nom d'un nom !
Braquer sans tarder le canon [...]

Refrain :
Il faut donc aller sans retard
Déployer chez eux l'étendard.
 Libre enfin, le noir, désormais  Vivrait au Dahomey

Édouard Vézinaud, Les Amazones du Dahomey, 1890 (sur l’air de : Devant la Samaritaine)




La destructuration des sociétés traditionnelles


et 

En 1931, un jeune géographe, Jacques Weulersse, traverse l'Afrique. À Élisabethville, au Congo belge, il s'entretient avec l'évêque.

Je conçois votre admiration, me dit-il après quelques instants de conversation. Oui nous avons accompli une oeuvre admirable, admirable et terrible. Ici, comme partout dans le monde contemporain, plus que partout ailleurs sans doute, la puissance de nos moyens d'actions l'emporte sur le sens de nos responsabilités. La création soudaine d'une gigantesque industrie dans un pays reculé, peuplé de primitifs, pose d'angoissants problèmes. La question de la main d'oeuvre prime toutes les autres ; pour que les usines grandissent, pour que les rails s'allongent dans la brousse ou la forêt, pour que les capitaux engagés rapportent, il faut à tout prix du travail noir, et chaque jour davantage.
Mais le recrutement intense -vous l'avez vu se développer le long de toutes les pistes- dissocie la vie indigène; les villages se désagrègent, les antiques coutumes périssent, le malheureux indigène transporté brusquement de sa case solitaire dans l'usine colossale, devenu un "matricule" sur un chantier, astreint à une tâche mécanique, impitoyable dans sa régularité, comment pourrait-il résister à un si brutal dépaysement ? L'âme naïve du Noir est troublée jusque dans ses profondeurs. Nous voulons en faire le support de notre organisation industrielle, mais notre civilisation matérielle est trop lourde pour lui ; il ne la soutient pas, il la subit, et elle l'écrase.

Cité par. C. Pervillé, l'Europe et l'Afrique de 1914 à 1974, Ophrys, 1994.
  







Réformer la domination coloniale


Doc : discours de Constantine d'Albert Sarraut
« [La] puissance coloniale [de la France] est un de ces éléments fondamentaux, dans le présent et dans l'avenir. Avec son domaine d'outre-mer, la France est une nation de cent millions d'habitants, riche d'incomparables richesses. Sa force militaire, c'est-à-dire sa sécurité, et son avenir économique, c'est-à-dire son indépendance, dépendent largement encore demain de ce potentiel colonial. Voilà donc ce qu'il faut analyser. Et le communisme français, qui, sur l'ordre de l'extérieur, se porte sur tous les points où s'articule notre vie nationale pour fausser successivement tous les rouages, désagréger les organes, rompre les assemblages, saboter les mécanismes de notre activité, s'est attaché spécialement, en ces dernières années, à essayer de briser les clés de voûte de notre grande œuvre coloniale.
Vainement, le groupement révolutionnaire qui s'acharne à cette besogne essaie-t-il de donner le change en invoquant un prétexte d'humanité, au nom duquel il prétend émanciper des colonies opprimées et des indigènes asservis. Stratagème trop grossier, dont il sait lui même que l'on ne peut plus être dupe. Car l'honneur de la colonisation française est précisément d'avoir totalement transfiguré l'esprit de l'entreprise coloniale, en la pénétrant du sens profond du droit humain. LA COLONISATION N'EST PLUS POUR LA FRANCE UNE OPERATION A CARACTERE MERCANTILE, ELLE EST ESSENTIELLEMENT UNE CREATION D'HUMANITE; si le colonisateur a le droit évident d'en recueillir de légitimes avantages, il considère -c'est la doctrine française- qu'elle n'est pas simplement un enrichissement universel, profitant à l'ensemble du patrimoine mondial, (,,,) à la fois la richesse morale et la richesse matérielle; cet enrichissement d'humanité doit être fait et poursuivi dans l'acceptation et avec la collaboration des races que le colonisateur gouverne et qu'il a pour premier devoir d'accroître en valeur et en dignité humaine.(...)


Albert Sarraut, Discours à Constantine, 23 avril 1927, le Petit Parisien.

La consigne :  à l'aide du document, éclairé et contextualisé par vos connaissances de cours, expliquez pourquoi Albert Sarraut veut une évolution de l'administration coloniale et montrez que son programme de réforme représente en fait une application stricte des principes qui ont justifié la colonisation.


Contester la domination coloniale


Doc : Extrait de la lettre du capitaine Khaled (Algérie) au président Wilson (Etats Unis) en 1919
(source : Guy Pervillé, L'Europe et l'Afrique, Ophrys, 1994, p. 25-27)

En vaincus résignés, nous avons supporté tous ces malheurs, en attendant et en espérant des jours meilleurs.

La déclaration solennelle suivante : « Aucun peuple ne peut être contraint de vivre sous une souveraineté qu'il répudie », faite par vous en mai 1917 dans votre message à la Russie, nous laisse espérer que ces jours sont enfin venus.
Mais sous la tutelle draconienne de l'Administration algérienne, les indigènes sont arrivés à un tel degré d'asservissement qu'ils sont devenus incapables de récriminer : la crainte d'une répression impitoyable ferme toutes les bouches.
Malgré cela, nous venons, au nom de nos compatriotes, faire appel aux nobles sentiments de l'honorable Président de la libre Amérique: nous demandons l'envoi de délégués choisis librement par nous pour décider de notre sort futur, sous l'égide de la Société des Nations. 
Vos 14 conditions de paix mondiale, Monsieur le Président, acceptées par les Alliés et les puissances centrales, doivent servir de base à l'affranchissement de tous les petits peuples opprimés, sans distinction de race ni de religion. 
Vous représentez aux yeux du monde entier le digne porte drapeau du droit et de la justice. Vous n'êtes entrés dans cette guerre gigantesque que pour les étendre à tous les peuples. Nous avons une foi ardente en votre parole sacrée. Cette requête est faite pour éclairer votre religion et attirer votre bienveillante attention sur notre situation de parias. 
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre haute considération.




2-



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Une proposition de DS : analyse de documents

Doc 1 : Célébrer le centenaire de la conquête de l’Algérie
 En 1930 le centenaire de la prise d’Alger est l’occasion de célébrer les aspects positifs de la colonisation. A cette occasion de nombreux événements sont organisés par les dirigeants de la III° République en France et en Algérie.




Doc 2 : Les conséquences de la colonisation : l’exemple de la Mitidja.

La Mitidja est une plaine de 100 km de longueur et de 20 de largeur au pied de l’Atlas soit 120 à 130 000 hectares. En 1830 elle est en partie constituée de marécages dans lesquels sévit le palud. Elle souffre d’un excès d’eau en hiver et de sécheresse en été.
       
Travaux réalisés 
- 1860 : plus de 12 000 hectares sont assainis grâce à un réseau de plus de 200 km de canaux.
- 1930 : 22 000 ha assainis ; creusement d’une galerie souterraine de 2900 mètres sous le Sahel pour évacuer l’eau de la partie occidentale vers la mer.
- 1930 : 17 000 hectares sont irrigués, dont 7000 à partir de réservoirs, le reste à partir de barrages

Population en 1930 : 130 000 habitants dont 42 000 Européens.

Répartition de la propriété foncière en 1930 
- Exploitations détenues par les Européens = 110 000 ha.
- Exploitations tenues par les musulmans = 20 000 ha (contre 50 000 ha en 1917).




Consigne bac : En utilisant les documents et vos connaissances, vous montrerez les différences entre les représentations et la réalité de la colonisation en Algérie.
Aide à la mise en œuvre :
1-   Présentez le document en insistant sur le contexte.
2- Relevez dans le document 1 les éléments qui représentent la réussite coloniale sur le plan technique, économique et humain. Commencez par décrire : distinguez les différents plans de l’affiche, le paysage, les personnages. Trouver la correspondance avec les termes de la consigne (quel élément symbolise la modernité technique, la prospérité économique, l’égalité entre les hommes). 

3- Confrontez le document 1 au document 2 : la réalité correspond-elle à cette représentation ?

- Quels sont les éléments du doc 2 qui reflètent les travaux et la transformation de l’environnement ?

- Quels sont les éléments qui montrent les aspects négatifs de la colonisation ?


Sur le même thème, voir autre post du blog  : les sociétés coloniales (époque moderne)

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