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mardi 21 novembre 2023

Alexandre le grand

 Carte mentale à partir de la vidéo de l'émission de P. Boucheron, Quand l'Histoire fait date.





Cette séance peut se faire en début d'année de seconde, dans l'objectif de familiariser les élèves à la méthodologie de la prise de notes et pour présenter la méditerranée antique (hors programme) ou en 1ere, en exercice sur la notion d'empire (thème de la puissance)

samedi 27 juin 2020

Pouvoir et marges : La pensée de l'empire chez Ibn Khaldoun et ses avatars dans Dune de Frank Herbert

A partir du livre de Gabriel Martinez-Gros, La fascination du djihad, PUF 2016
A partir des livres de Frank Herbert, la série des Dune




Pourquoi Dune ?
Livre de science fiction, fondateur du genre space-opera et prototype de ce que l'on appelle un "livre-monde", Dune dont le premier volume a paru en 1965 (6 tomes écrits par Frank Herbert jusqu'en 1985), en plus d'être le livre de science-fiction le plus vendu au monde, a irrigué tout l'imaginaire de la science-fiction depuis les années 1970. Il inspire notamment Star Wars de G. Lucas, sorti sur les écrans américains en 1977 dont l'esthétique et les codes artistiques furent eux aussi très prolifiques. 
Par ailleurs, les thématiques qui s'entrecroisent dans le tissu narratif sont  universelles (pouvoir, religion, relation homme/science/nature) mais résonnent particulièrement dans la période actuelle : la foi en un absolu permet-elle ou anéantit-elle la liberté des hommes ? comment les sociétés humaines peuvent-elles s'adapter au changement permanent et néanmoins brutal de leur environnement ? comment gérer politiquement et économiquement la rareté des ressources ? 

Bref lire les romans de Frank Herbert, c'est ouvrir un univers vaste de questions, souvent sans réponse unique et ce pour plusieurs raisons : Tout d'abord parce que  presque tous les protagonistes de l'histoire étant des "ordinateurs humains" (mentats ou formés aux techniques bene gesserit), ils ont des raisonnements particulièrement complexes, et les dialogues et "voix off" sont volontairement elliptiques (ils sont censés penser plus vite que nous et donc ils "sautent des étapes", c'est souvent exaspérant, il faut bien le dire) ; ensuite parce que la pensée de Herbert n'est ni figée ni didactique et expose les points de vue différents des différents personnages sans parti-pris affirmé. Sur la longueur du cycle, en revanche, une constante apparaît : Dune est bien une dystopie, elle présente les dangers de la pensée figée, que ce soit les absolus en politique et dans la religion ou même le respect trop strict des codes sociaux, car elle empêche les sociétés de s'adapter au changement. Toute tentative de contrôle du changement (la sélection génétique par l'ordre féminin du bene gesserit par exemple) est également vouée à l'échec.

Dans le cadre des programmes d'HGGSP, il y a de multiples portes d'entrée pour utiliser Dune. 

  1. La géopolitique de l'épice, ressource essentielle aux déplacements et donc au contrôle de l'empire peut être aisément reliée à la prise de contrôle de la production de pétrole par les pays de l'OPEP à partir de 1960, mettant en échec, par la nationalisation, les cartels pétroliers occidentaux (les majors, les "7 soeurs", la CHOM dans Dune). C'est précisément le contexte de rédaction du premier volume de Dune. Il y a là indéniablement un écho de l'Histoire. Le pétrole, comme l'épice sont indispensables aux déplacements et à l'économie des empires, occidental et intergalactique. Or, c'est une ressource "rare" car strictement géolocalisée dans une région qui, par conséquent, a été soumise au contrôle de la puissance dominante. Paul Muad'Dib, fils du duc Leto Atréides à qui l'empereur a confié le gouvernement de la planète Arrakis, se réfugie dans le désert à la suite d'un complot de l'ennemi héréditaire le baron Harkonnen, soutenu en sous-main par l'empereur lui-même, il s'allie aux Fremen pour reconquérir Arrakis mais aussi pour prendre le contrôle de l'empire. Pour cela, il doit forcer et la guilde des navigateurs intergalactiques et la CHOM qui contrôle le commerce et le conseil des grandes familles régnantes (le Landsraat) de lui faire allégeance : pour cela, il menace de détruire l'épice car "qui peut détruire l'épice détient le vrai pouvoir", dit-il.
  2. Le thème de la transformation environnementale est également au programme de Terminale et ici encore, Dune peut être utile. Le lien entre transformation environnementale et transformation sociale est au cœur du volume 3, Les enfants de Dune. -suivre ce lien pour une conférence sur l'écologie dans Dune- C'est une piste sans doute plus facile à mettre en oeuvre à partir d'extraits du livre.
Car le souci, c'est la mise en oeuvre didactique. Le volume 1 est épais, les fils à tirer sont dispersés et ténus. Il n'est pas envisageable d'en prendre un extrait pour en faire l'analyse. Quant au film de David Lynch, il est tellement daté et mauvais qu'on ne peut pas décemment le recommander aux élèves. Il existe une mini-série, mais ancienne, aussi je doute qu' elle soit visible sur le web et 4 jeux vidéos, eux aussi anciens.

Aussi, la piste qui me semble la plus intéressante est celle que je vous propose ici : un peu de sciences politique médiévale...

Qu'est-ce qu'un empire ? Comment se crée t-il ? Comment se maintient -il ?

Il me semble qu'on peut utiliser la pensée d'Ibn Khaldoun comme grille d'analyse de Dune, et inversement, se servir de Dune pour illustrer et incarner les théories d'IK.

Ibn Khaldoun (1332-1406) né en Tunisie d'une famille andalouse émigrée. 


L'empire de Tamerlan (1336-1405)
Le rôle de l'économie
Sa théorie de l'histoire, née en terre d'Islam mais d'ambition universelle, pense le "mouvement des sociétés", dans une approche très originale pour l'époque (IK est contemporain de la grande vague de peste noire) c'est-à-dire l'explication de la politique par l'économie, alors même que les progrès économiques sont si lents qu'ils sont invisibles donc impensés par les intellectuels depuis l'antiquité jusqu'au 18e siècle.
On peut résumer l'enjeu de la pensée d'Ibn Khaldoun en une seule question : comment créer de la richesse dans une société qui n'en crée pas spontanément, ou dont on ne perçoit pas le progrès ? La réponse, c'est qu'il faut la mobiliser artificiellement par la coercition. Le tribut qu'infligent les conquérants aux conquis, ou l'impôt qu'exige le pouvoir de ses sujets permettent l'accumulation des richesses, et donc des hommes et des compétences, dans un lieu dédié, la ville. La tâche fondamentale et fondatrice de l'État, c'est en effet la collecte de l'impôt. Or celui-ci n'est pas consenti spontanément. Il faut donc exercer une force coercitive pour l'imposer à une population qui doit être désarmée. D'où l'opposition fonctionnelle opéré par IK entre sédentaires (le peuple de l'Empire pacifié) et bédouins (la force au service de l'empire). En échange de l'impôt, l'empire offre à ses sujets soumis toutes les protections souhaitables – militaire, policière, judiciaire, sociale. 

Dans cet extrait d'un reportage de ARTE, l'empire perse de Darius a conquis puis pacifié un vaste empire, dont les habitants lui doivent l'impôt. Or l'impôt est la forme impériale du tribut que le conquérant impose aux peuples vaincus.

Le rôle de la violence
Dans le même temps, l'empire doit mobiliser une armée coûteuse, à la fois pour intimider son troupeau producteur et lui faire rendre l'impôt, mais surtout pour protéger ce troupeau qu'il maintient désarmé contre les prédateurs extérieurs.
Le pouvoir impérial n'a d'autre recours que de confier la charge de violence qu'il interdit à ses sujets à quelques-unes de ces tribus hostiles afin de s'en assurer l'alliance contre les autres. La part violente et « bédouine » (pour reprendre les termes d'Ibn Khaldoun) de l'empire peut être acquise par l'achat de tribus mercenaires (c'est déjà le cas dans l'empire chinois au Ier siècle avant notre ère), ou tout simplement par l'invasion, dont la victoire fournit paradoxalement au système impérial les forces qui lui sont nécessaires. À terme, le résultat est à peu près le même : le pouvoir revient à ceux qui ont la charge des fonctions de violence, parce qu'ils ont les armes, qu'ils conquièrent ce pouvoir par l'invasion, ou qu'ils en héritent en assurant les fonctions armées qui leur ont été volontairement confiées (les Barbares des dernières générations de l'Empire romain sont ainsi dans les deux rôles d'envahisseurs et de défenseurs).

Ces tribus sont violentes à la mesure de la privation de violence des majorités qu'elles protègent, gardent ou intimident. L'empire crée, à ses frontières, des réserves de violence que la tribu naturelle, ignorante de l'existence de l'État impérial, ne montre jamais. Il s'y ajoute le mépris et l'aversion que les tribus manifestent pour la civilisation urbaine, et parfois la haine religieuse pour la décadence de la civilisation impériale (dans le cas des arabes musulmans historiquement)
Si l'empire aiguise la violence à ses marges, c'est parce qu'il est radicalement pacifique en son centre.
Mais il survit et se développe car, comme l'explique Ibn Khaldoun, c'est sur l'infinie fragmentation du monde bédouin que repose la fragile tranquillité du monde sédentaire. Le rôle du pouvoir est donc de jouer des divisions, de tenir l'équilibre instable des tensions.

Mais la violence solidaire des bédouins plongés dans la société sédentaire s'y érode et s'y corrompt. Le processus de désarmement et de pacification de l'État s'exerce aussi sur sa propre violence. La tribu disparaît parce qu'elle ne sert plus à rien, parce que l'État impérial pourvoit à tout.
Dans sa volonté de régner seul au détriment des chefs qui partageaient autrefois avec lui la décision dans le conseil, le roi accentue puis précipite la décomposition de sa tribu, qui l'a pourtant hissé au pouvoir. Ses sages ministres lui font en outre voir que la tribu, tant qu'elle est armée, est une menace pour l'essence même de l'État, c'est-à-dire pour la tranquille levée de l'impôt. Enfin, la crise finale des dynasties selon Ibn Khaldoun : l'hypertrophie de l'appareil d'État y écrase une économie déjà anémiée.

Selon Ibn Khaldoun, l'histoire est ce processus de déperdition qui dissout des ethnies créatrices d'empires pour en faire des populations sédentarisées, désolidarisés, indifférenciées, incapables de création historique. En un siècle ou deux, ceux dont les ancêtres ont forgé l'histoire la quittent pour rejoindre le troupeau sans nom des producteurs contribuables. L'empire tue ceux qui le font.

Le rôle de la religion
IK s'en explique dans les chapitres qu'il consacre au califat et dans la comparaison qu'il mène, dans ces mêmes pages, entre les trois monothéismes. Fidèle à la vision unanime des auteurs médiévaux, il ne sépare pas la religion de son incarnation impériale, ou du moins de sa forme politique. Par définition, la religion est ce qui donne corps et forme à un peuple, et à l'inverse, un peuple se définit d'abord par sa religion. La preuve de la véracité de la religion, c'est qu'elle règne. Le christianisme, c'est Rome – et les chrétiens sont couramment nommés Rûm, « Romains » ; le judaïsme, c'est le royaume d'Israël ; l'islam (la religion musulmane), c'est l'Islam (l'empire islamique) ; s'il l'avait mieux connue, Ibn Khaldoun aurait ajouté que le bouddhisme, c'est la Chine.
La fondation de ces empires religieux suppose donc à la fois une croyance prosélyte – une dawa, un appel, une cause – et ce qu'Ibn Khaldoun nomme une assabiya, c'est-à-dire un rassemblement de solidarités tribales ou bédouines animées par cette cause religieuse et par l'ambition commune de conquérir l'espace sédentarisé dont l'existence d'un empire est inséparable. En un mot, un empire naît d'une conquête souvent dictée par une foi religieuse.
Mais c'est ici qu'apparaissent déjà les différences. Le judaïsme fut d'emblée une dawa – une foi et surtout une Loi, que Moïse reçut sur le Sinaï –, mais sans assabiya, sans peuple capable d'en faire un royaume. Les Hébreux vers lesquels Moïse revint avec les commandements divins étaient des sédentaires, les plus vils des sédentaires, puisqu'ils sortaient de l'esclavage et donc d'une totale dévirilisation. Pour en faire ce peuple qui conquit Canaan, nous dit Ibn Khaldoun, il fallut que Moïse l'entraîne pendant quarante ans dans le désert, de sorte que la génération qui avait reçu la marque infâmante de l'esclavage disparaisse, et qu'un peuple nouveau, né du désert, acquière les vertus bédouines qui lui permirent de mettre en œuvre la Loi divine et de fonder le royaume d'Israël. Puis le royaume se sédentarisa, sombra, et le judaïsme se réduisit à une pure religion sans État. En somme, Israël en revint à la condition mutilée – une dawa sans assabiya – de ses origines.
Dans aucun de ces cas – judaïsme, christianisme, bouddhisme –, la religion et la conquête (dawa et assabiya) n'ont coïncidé, au contraire de l'Islam. La geste fondatrice de l'Islam confond en effet déploiement bédouin et message religieux, fonctions de guerre et fonctions du sacré dans la personne du Prophète, puis, dans une moindre mesure, dans celle de ses Compagnons les premiers califes. La preuve de cette union, c'est le califat, succession du Prophète à la tête du peuple et dans tous les pouvoirs qu'il a exercés – à l'exception de la prophétie, bien sûr ; et c'est le djihad, qu'il a ordonné et que ses Compagnons ont mené à bien en lançant les Arabes à la conquête du monde. La guerre associée à la religion est un caractère propre de l'Islam : Le djihad est de tous les âges. Ibn Khaldoun fixe à un siècle ou un peu plus la durée de la vie moyenne d'une dynastie, au terme duquel, souvent, un djihad venu des confins l'emporte. La religion ne s'y manifeste avec une particulière véhémence que dans le camp des assaillants. La violence des nouveaux venus fait contraste avec le vieillissement timoré du pouvoir en place. Le souverain et la ville apparaissent comme déconcertés par l'intrusion d'une réalité étrangère, alors que les révoltés réformateurs ou rénovateurs ne rappellent, le plus souvent, que les principes de la geste originelle de l'Islam. (Les Almoravides, les Almohades, les Ottomans ou les Safavides ont commencé comme des sectes des confins)





Mise en oeuvre
Partir de la question : "A quoi servent les théories politiques ?"
Exemple de la théorie de l'empire d'Ibn Khaldoun (voir ici la fiche sur Ibn Khaldûn distribuée aux élèves)

Proposer un tableau synoptique structuré autour des problématiques proposées ci-dessus (qu'est-ce qu'un empire ....) : colonne 1 pensée de IK/ colonne 2 les exemples historiques sur lesquels il a réflechi / colonne 3 les extraits de Dune qui illustrent

Travail sur l'argumentation pour les élèves : justifier les relations faites dans le tableau synoptique entre la théorie politique d'IK et les extraits de Dune de Frank Herbert.

samedi 28 décembre 2019

Analyse extrait discours Che Guevara

Cuba si, Yankee no (10 juillet 1960)


Camarades,
Nous sommes […] réunis dans ce lieu […] qui, de toutes les tribunes révolutionnaires de Cuba, symbolise le mieux la dignité et l’ardeur militante de son peuple.[…] Le peuple réuni ici a dit NON à l’intrusion étrangère […]jusqu’à faire de Cuba l’avant-garde de l’Amérique. Et à ce moment-là, l’Amérique lâcha ses fauves qui étaient, malheureusement les fils de ce même peuple et qui, de Floride, se jetèrent sur une Havane sans défense.[…][Alors] nous nous sommes trouvés en présence de l’avertissement du Premier Ministre de l’URSS (Applaudissements) qui bouleverse le caractère de notre propre avertissement. Envahir Cuba maintenant ne signifierait nullement la destruction de tous ses édifices par les bombes ennemies, cela ne signifierait pas seulement le massacre sans pitié de nos fils, de nos femmes, de tout notre peuple par les forces aériennes et par l’énorme supériorité de l’ennemi, cela signifierait quelque chose de plus qui doit faire réfléchir les hiérarques du Nord : l’invasion signifierait que les missiles atomiques peuvent effacer une fois pour toutes la nation qui incarne aujourd’hui la misère du colonialisme.(Applaudissements)
Ces fils du Pentagone et des monopoles nord-américains qui ont promené jusqu’à présent, sur les champs d’Amérique, leur arrogance, doivent prendre garde et bien penser à cela : Cuba n’est plus l’île solitaire au milieu de l’océan, ayant pour seule défense les poitrines de ses fils et les poitrines généreuses de tous les déshérités du monde. Cuba est aujourd’hui une île glorieuse au centre des Caraïbes, défendue par les missiles de la plus grande puissance militaire de l’Histoire.[…] Aujourd’hui, [les Etats-Unis] se trouvent face à une situation mondiale extrêmement neuve. La balance du pouvoir s’est inclinée définitivement dans le monde et les forces partisanes de la paix et de la coexistence pacifique ont triomphé et ces forces augmentent de jour en jour, et leur pouvoir de représailles devient de plus en plus redoutable.[…] Comme message à notre chef suprême qui n’est pas parmi nous en cette occasion, comme expression globale de la volonté d’un peuple, je vous demande de faire vibrer dans l’appareil récepteur de Fidel un seul cri lancé par toutes les bouches cubaines : « Cuba si, Yankee no ! » (La foule reprend le cri)

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Éléments d'analyse

Che Guevara = archétype du révolutionnaire moderne, symbole de la lutte des pays d’Amérique latine pour leur indépendance vis-à-vis de la domination américaine. Médecin argentin, marxiste, il abandonne tout pour soutenir le gouvernement du Guatemala en pleine réforme agraire en 1953, mais celui-ci est renversé par la CIA. Puis il s’associe à la révolution cubaine contre Batista, dictateur corrompu  soutenu par les EUA. Ancienne colonie espagnole, Cuba est libre depuis 1901, mais les Américains y contrôlent le pouvoir politique et exploitent les principales ressources économiques (plantations de tabac, de canne à sucre + tourisme). Cuba est aussi l’arrière-cour des opérations mafieuses qui ont pour débouché le marché US.
La révolution aboutit au début de l’année 1959. Castro devint le 1er ministre du nouveau régime, reconnu par les EUA. Mais la rupture entre les deux pays a lieu très vite et se voit dans le doc qui date de juillet 1960. 
En quoi celui-ci est typique d’un discours de guerre froide tout en comportant des spécificités propres aux préoccupations de l’Amérique latine ?

I/ « L’avant-garde de l’Amérique » : la lutte contre la nation qui incarne « la misère du colonialisme »
1- La rupture progressive entre la Havane et Washington
La réforme agraire lancée par Castro en mai 1959 se heurte aux intérêts US à Cuba. Les latifundiaires amer sont expropriés. + nationalisation d’entreprises appartenant à des compagnies amer (sucreries et raffineries de pétrole).
En rétorsion, les EUA menacent de revenir sur l’accord de quotas sucrier qui permet à Cuba de vendre son sucre aux EUA au-dessus des prix du marché en échange de l’ouverture de Cuba aux produits américains. C’est chose faite en juin 1960.
Cuba se rapproche de l’URSS dès le départ pour compenser la dégradation des relations économiques avec les EUA.

2- Le soutien US aux anticastristes
Des raids contre Cuba sont organisés depuis la Floride avec la complaisance des autorités amer à partir de l’automne 1959. (ce qui explique les lignes 4 et 5)
Parallèlement, les médias US mettent l’accent sur ce qu’ils considèrent comme des dérives communistes graves (procès politiques, exécutions publiques d’opposants)
Enfin, les EUA ont refusé de fournir l’aide économique qui est demandée par Castro dans un 1er temps, sur le modèle du plan Marshall. Après la radicalisation du régime de la Havane, les EUA suspendent les importations de sucre puis décrètent un embargo total de l’île sauf les produits alimentaires et les médicaments. Dans la foulée, les EUA promettent 500 millions de dollars d’aide aux pays d’Amérique latine pour les empêcher de basculer dans le camps castriste.

3- La rhétorique anti américaine dans la droite ligne du tiers-mondisme
A Bandoung (1955)est né le concept de Tiers-Monde. Ses leaders sont la Chine, l’Inde, l’Egypte, la Yougoslavie de Tito. Aucun de ces pays n’est véritablement neutre, ni totalement « non aligné ». Ils sont proches de l’URSS sans pour autant lui obéir. Che Guevara fait le tour de ces pays pour « vendre » la révolution cubaine entre 1959 et 1960. Il prône une voie cubaine vers le socialisme, comme il y a une voie chinoise … Il devient le leader du tiers-mondisme qui se développe dans les années 1960 autour et grâce des conférences de la CNUCED (conf des nations unies pour la croissance et le développement) qui sont autant de tribune pour condamner les anciennes puissances coloniales, responsables selon les leaders du TM, de l’état catastrophique des économies des pays nouvellement indépendants donc de leur sous-développement. Ces anciens pays colonialistes sont soupçonnés de mener toujours une politique impérialiste, mais en sous-main, par le biais des agents économiques.

Dans le discours, les EUA sont assimilés à ces anciennes puissances coloniales. L’objectif de Guevara est de diffuser en Amérique latine le mouvement initié à Cuba de libération des peuples de la tutelle américaine (voir le cri « cuba si, yankee no) et c’est pour cela qu’à la fin des années 1960, il se rend en Bolivie où il sera assassiné.

II/ Le soutien soviétique
1- Un régime rapidement communiste
Au départ, mise en place d’un gouvernement de coalition dont les plus modérés sont rapidement exclus au gré des rumeurs de complot contre Castro.
Le 13 février 1960, un accord commercial et financier est signé entre Cuba et Moscou. L’île, progressivement, passe sous aide économique soviétique.

2- La protection militaire soviétique
Période de la guerre froide = coexistence pacifique, lancée par Khrouchtchev. Il s’agit d’éviter les affrontements directs entre URSS et EUA, qui se déportent sur la recherche d’alliances nouvelles. Dans ce cadre, Cuba représente un atout de poids dans le bloc contrôlé par l’URSS du fait de sa proximité des côtes des EUA. C’est ce qui expliquera la « crise des fusées » entre juillet 1961 (installation des rampes de missiles soviétiques à Cuba) et octobre 1962.
La nouvelle alliance soviétique de Cuba place donc l’île dans une position nouvelle vis-à-vis des EUA : « Cuba est aujourd’hui une île glorieuse au centre des Caraïbes, défendue par les missiles de la plus grande puissance militaire de l’Histoire », ce qui équilibre le rapport de force entre la petite île et l’ »énorme supériorité de l’ennemi ».

3- Une rhétorique classique de guerre froide 
L’URSS et son allié cubain sont présentés comme le camp de la paix qui ne font la guerre qu’en « représailles » ou pour se défendre. A l’inverse les EUA sont présentés comme des fauteurs de guerre, sans retenue et sans « honneur » : « L’Amérique lâcha ses fauves » + « massacre sans pitié de nos femmes et de nos fils ».

Conclusion
Remise en cause doctrine Monroe. Le continent américain n’est plus la chasse gardée des EUA ? cf Cuba et les autres pays d'Amérique latine => néobolivarisme.



dimanche 22 septembre 2019

Et si les "grandes invasions" n'avaient pas eu lieu ?

Petit préambule :
1) J'adore le ton alerte des conférences de cet éminent médiéviste des débuts du Moyen Âge
2) J'adore ses objets et les thématiques qu'il explore
3) Ses démonstrations sont lumineuses, s'appuyant sur une incontestable érudition et un petit côté pop-culture irrévérencieux qui entraîne le public avec lui.


Dans cette conférence, vous apprendrez l'origine du Seigneur des Anneaux (les influences de JRR Tolkien sont bien connues pour être médiévales)



Mais surtout, entre 30 min et 45 min, c'est là qu'on entre véritablement dans le sujet : la localisation dans le nord de la Francie/ Belgique seconde des tombes guerrières que l'on identifiait comme barbares car grandes épées franques (spatha), des chaudrons avec de la bière, squelette de cheval et bijoux d'apparat en orfèvrerie cloisonnée de grenats pouvait faire croire à l'arrivée de nombreuses troupes venues de Germanie, amenant avec eux leurs traditions. Mais cette interprétation ne tient pas, je vous laisse découvrir pourquoi.
Le plus vraisemblable, d'après Dumezil, serait que les populations gallo-romaines ont changé leur référent culturel pour s'adapter à la nouvelle dynastie royale (Clovis et ses descendants), d'autant plus que se déclarer franc permettait d'être exempté d'impôt !



Une révision de mon cours s'impose.

La suite (partie III) est toute aussi intéressante puisque Bruno Dumézil fait, à grands traits, toute la généalogie de cette interprétation historique qui naît au 19es, celle des grandes invasions. Le passage sur les Allemands, l'érudition allemande et le germanisme et le Völkerwanderung permet d'avoir un contrepoint au roman national français qui se constitue à la même époque et donc un deuxième exemple à présenter aux élèves du rôle politique joué par l'histoire nationale au 19e siècle. (autour de 55 min)...puis vient un passage édifiant sur la présentation des barbares dans les manuels de la 3e République. C'est là que j'apprends que cette carte qu'on utilise tous, qui présente les invasions par de grandes flèches traversant toute l'Europe, a été forgée en plein moment revanchard, avec les arrière-pensées que l'on comprend sans peine.

Bref, un grand moment de révision de mes certitudes en plus d'une heure de conférence qui passe comme un éclair.

Je complète ce post avec l'article Barbaricum de l'encyclopédie Les Barbares dirigée par Bruno Dumézil.
Depuis les migrations des Cimbres et des Teutons vaincus par Marius à la fin du IIe siècle av. J.-C., puis les déplacements des Suèves d’Arioviste combattus par César en 58 av. J.-C., le monde germanique paraissait relativement stabilisé. Ces migrations avaient concerné des populations partant du sud de la Scandinavie, qui se heurtaient aux Celtes, tout en étant marquées par leur influence. L’origine de ce phénomène tenait probablement à un ensemble complexe de facteurs, climatiques, démographiques, voire culturels. On a évoqué un refroidissement climatique affectant la Scandinavie depuis le VIe siècle av. J.-C., mais son impact réel demeure discuté. On a également quelques difficultés à vérifier par l’archéologie l’hypothèse d’un éventuel surpeuplement de cette région durant la même période. On suppose parfois l’existence de rites obligeant les plus jeunes générations de guerriers à s’emparer de nouveaux territoires, qui rappelleraient les pratiques de certains peuples italiques. Ces migrations avaient abouti à l’établissement de tribus très morcelées, vivant au contact du limes. C’est d’ailleurs à cette même époque que les historiens antiques tels que Posidonios de Rhodes en 90 av. J.-C., puis César commencèrent à désigner l’ensemble de ces populations sous le terme générique de Germains. Pour César, il s’agissait également d’expliquer l’arrêt de l’expansion romaine sur le Rhin, alors que, de part et d’autre de ce fleuve, vivaient des tribus très marquées par la civilisation celtique. Au contraire, selon Strabon, contemporain des conquêtes augustéennes, les Germains étaient apparentés aux Celtes. Même après le ralentissement de ces mouvements de grande ampleur, les Germains restèrent soumis à des brassages constants, qui rendent très difficile l’individualisation de groupes particuliers dont on pourrait suivre l’évolution jusqu’au IIIe siècle. C’est ainsi que les distinctions topographiques ou ethniques opérées par César ne coïncident pas forcément avec celles de Velleius Paterculus, de Strabon, de Pline l’Ancien, de Tacite ou encore de Ptolémée au IIe siècle. Il y eut vraisemblablement des rassemblements qui se faisaient et se défaisaient autour de quelques lignages aristocratiques se réclamant d’ancêtres mythiques communs. Les chercheurs contemporains fondent plutôt leurs classifications sur l’archéologie et la linguistique. Désormais, les peuples barbares sont donc distingués les uns des autres selon des critères plus culturels qu’ethniques. Ils se seraient répartis dans trois grandes régions : les Germains du Nord ou Germains de la mer, Angles, Cimbres et Jutes en Scandinavie et dans le Jutland ; les Germains de l’Ouest, ou Germains de la forêt, entre le Rhin, le Danube et l’Elbe ; les Germains de l’Est ou Germains de la steppe, Bastarnes, Skires, Costoboques, Goths, Vandales, Burgondes et Gépides au-delà de l’Elbe. Ce sont ainsi les Germains occidentaux qui se trouvèrent les premiers au contact de l’empire romain. Dès le premier quart du IIe siècle de notre ère, les migrations reprirent en Germanie orientale, en suivant d’abord la même direction que le mouvement qui avait déjà conduit les Bastarnes, les Skires puis les Costoboques en Ukraine et sur la mer Noire au IIIe siècle av. J.-C. Les Vandales remontèrent la vallée de l’Oder pour s’établir en Silésie, Galicie et Slovaquie. Derrière eux, les Goths, sans doute repoussés des côtes de la mer Baltique par la famine et la surpopulation, remontèrent les vallées de la Vistule et du Dniestr, où ils se scindèrent en Ostrogoths et Wisigoths. Les Burgondes se dirigèrent vers l’ouest en direction des vallées du Main et du Rhin, tandis que les Gépides parvenaient sur le territoire actuel de la Hongrie. Ces peuples, surtout les Goths, étaient généralement plus puissants et plus unis que les Germains occidentaux, notamment grâce aux richesses tirées du commerce de l’ambre. En effet, les Goths accédèrent au rang de puissance militaire en fédérant les peuples divers qu’ils rencontrèrent. Les Germains orientaux repoussèrent donc les populations qui se trouvaient sur leur passage. Il s’agissait d’une part des nomades des steppes qui s’étendaient à l’est des Carpathes, généralement d’origine iranienne : parmi les Sarmates, qui avaient absorbé les Scythes, on distinguait les Roxolans entre le Don et le Dniepr et les Iazyges sur le cours inférieur de la Tisza et du Danube, déjà mêlés aux Bastarnes. D’autre part, le contrecoup de ces migrations fut d’autant plus ressenti à l’ouest que le territoire occupé par les Germains occidentaux avait sans doute vu augmenter la densité de son peuplement. La pression se fit donc plus forte sur le Rhin, sur les champs Décumates et surtout sur le Danube. Les frontières romaines furent ainsi franchies à partir de 166 apr. J.-C. Les Chattes pénétrèrent en Gaule Belgique, les Chauques pratiquèrent la piraterie à l’embouchure du Rhin, les Quades et les Marcomans parvinrent en Norique puis en Vénétie, les Carpes en Dacie, les Sarmates Iazyges franchirent le Danube, les Costoboques et les Bastarnes atteignirent l’Achaïe et l’Asie. La stratégie impériale s’avéra alors inadaptée aux moyens militaires romains et à la situation au-delà des frontières. Après avoir consacré une grande partie de son règne à repousser les incursions germaniques, Marc Aurèle aurait peut-être envisagé de résoudre la question barbare en établissant deux nouvelles provinces au-delà du Danube. Si tant est qu’il ait réellement existé, ce projet fut abandonné par Commode et, moyennant parfois le versement de subsides, la situation se stabilisa jusqu’au règne de Caracalla. Son règne correspondit en effet à l’émergence d’un nouveau phénomène : la formation de vastes coalitions de tribus germaniques. La ligue des Alamans, attestée pour la première fois en 213 à l’occasion des combats qui valurent le titre d’Alamannicus à Caracalla, regroupait ainsi des tribus installées dans les hautes vallées de l’Elbe et de la Saale. Étymologiquement, le terme alaman est en effet formé de l’adjectif « tous » et du nom « hommes ». Il s’agissait pour ces Germains du haut Danube de résister aux pressions des autres peuplades germaniques en s’emparant de nouveaux territoires. Quant à la ligue franque, elle se constitua pour des raisons similaires quelques décennies plus tard sur le cours inférieur du Rhin en rassemblant dans un premier temps les Chamaves, les Chattes, les Sicambres et les Bructères, dans un second temps les Usipètes et les Tenctères. Ils sont attestés pour la première fois dans la biographie d’Aurélien de l’Histoire Auguste (Vie d’Aurélien, VII, 1-2). Le terme « Franc » découlerait de l’appellation « hommes libres » ou de leur réputation de bravoure, voire de férocité. Dans d’autres cas, les adversaires nouvellement venus au contact de l’empire fusionnèrent avec les occupants précédents tombés sous leur domination et introduisirent des formes d’organisation politique et militaire plus efficaces qui en faisaient désormais des adversaires redoutables et imprévisibles. Au contraire, les peuples combattus jusqu’au règne de Marc Aurèle étaient plus connus des Romains et plus limités dans leurs moyens d’action. Or, le pouvoir impérial et les élites de l’empire ne semblent pas avoir pris nettement conscience de la gravité de ces menaces d’une ampleur inédite. La meilleure preuve en est que les Romains tardèrent à adapter leur terminologie à leurs nouveaux adversaires. C’est ainsi que, généralement, les auteurs anciens ne distinguèrent pas avant un certain temps les populations récemment parvenues aux frontières de l’empire de celles qui les avaient précédées. Goths, Vandales et même plus tard Huns continuèrent à être souvent appelés Scythes. La première attestation du nom Goth remonte au titre de Gothicus Maximus revêtu par l’empereur Claude II en 269, alors que les incursions de ce peuple en Asie Mineure et dans les Balkans avaient commencé dès 238. Certes, Pline l’Ancien avait déjà évoqué des Gutones dans son Histoire naturelle au Ier siècle de notre ère, mais les Romains du IIIe siècle s’avérèrent incapables d’opérer le rapprochement entre les deux. Cette attitude est révélatrice autant d’une conception fixiste des êtres et des choses que d’un complexe de supériorité culturelle profondément ancrés dans les mentalités gréco-romaines. En outre, la vision augustéenne d’un empire ayant atteint les limites du monde connu et utile avait fini par contaminer les connaissances géographiques du temps. En outre, les buts de guerre des Germains demeurèrent longtemps difficiles à appréhender par les Romains. En effet, au IIIe siècle, il ne s’agissait généralement pas de véritables conquêtes territoriales mais plutôt d’incursions prédatrices à grandes distances destinées à faire le plus de butin et de captifs possible. L’inscription retrouvée à Augsbourg en 1992 gravée sur un autel dédié à la Victoire (AE, 1993, 1231) mentionne ainsi plusieurs milliers de prisonniers italiens arrachés aux Juthunges sur le chemin du retour par le gouverneur de Rhétie Marcus Simplicius Genialis en avril 260. Elle témoigne de la capacité des barbares à pénétrer très loin de leurs bases jusqu’au cœur de l’empire et donc de l’inadaptation du système défensif des frontières. En outre, le caractère très mouvant de leurs organisations politiques, oscillant entre éclatement et fédération, ne permettait pas toujours au pouvoir impérial romain d’identifier des interlocuteurs fiables et représentatifs avec lesquels engager des négociations. Après un répit relatif entre la Tétrarchie et le règne de Julien l’Apostat, la conjoncture militaire se dégrada de nouveau aux frontières romaines à partir du milieu du IVe siècle. En effet, les incursions barbares n’avaient plus pour seul objectif le pillage : certaines populations extérieures aspiraient désormais à s’installer à l’intérieur de l’empire. Elles y cherchaient les ressources qui leur manquaient mais aussi la sécurité, dans la mesure où elles se sentaient elles-mêmes menacées par l’arrivée de nouveaux peuples sur leur propre territoire. C’était particulièrement le cas des Goths qui tentaient d’échapper à la pression des Huns apparus entre le Don et le Danube vers 360. Cependant, comme au siècle précédent, le pouvoir impérial semble avoir mal apprécié la gravité respective des différentes menaces auxquelles il se trouvait confronté. Cette incompréhension est à l’origine de l’écrasement à Andrinople de l’armée romaine par les Goths, le 9 août 378, et, le 31 décembre 406, du franchissement du Rhin par les Vandales, les Suèves et les Alains.

Proposition de séquence : 
Voici en PJ la frise chronologique que je donne aux élèves (frise avec questions que les élèves complètent avec les 30 premières minutes de cette autre conférence de Bruno Dumézil) : Les invasions barbares, la fin de l'empire romain

vendredi 13 septembre 2019

L'empereur à Rome : focus sur Auguste et Ara pacis


LA DEMOCRATIE EST-ELLE COMPATIBLE AVEC L’EXISTENCE DE L’EMPEREUR ?


Doc 1 : Les pouvoirs de l’empereur
Du fait de l’attachement à la République des Romains, Rome est restée officiellement une République mais elle est dirigée par un princeps imperator (= prince qui veut dire « le premier » + imperator qui veut dire « victorieux »). On devrait parler de Principat plutôt que d’Empire.


doc d'accompagnement1

doc d'accompagnement 2


a)       En utilisant la titulature impériale (titres attribués à l’empereur inscrits tout autour de la pièce de monnaie), justifier qu’on puisse dire que l’empereur concentrait tous les pouvoirs.
b)       Montrer qu’il dirigeait directement l’empire (40 provinces-60 millions d’habitants environ) en utilisant le doc d’accompagnement 1
c)       Quelles sont donc les différences par rapport au système de la République ? Utilisez le doc d’accompagnement 2 pour comparer



 Doc 2 : Un texte qui raconte comment la République est devenue l’Empire
« En fait, César*, puisqu’il était le maître des finances […] et qu’il avait l’autorité militaire, pouvait exercer en tout et toujours un pouvoir souverain […]. Le nom d’Auguste lui fut donné par le Sénat  et par le peuple car il avait été décidé de lui donner un titre spécial. […] César se fit appeler Auguste, ce qui signifiait qu’il avait quelque chose de plus que les hommes [ordinaires]. […] Ce fut ainsi que la puissance du peuple et du Sénat passa toute entière à Auguste et qu’à partir de cette époque, fut établie une monarchie pure. »
Dion Cassius, Histoire Romaine.
*Auguste, 1er empereur, avait comme nom César puisqu’il avait été adopté par César

a)       D’où vient la puissance d’Auguste ? (1ère ligne)
b)       Montrez qu’Auguste n’a même pas besoin d’utiliser la force pour s’emparer du pouvoir (phrases 2 et 3)
c)       Pour Dion Cassius, Rome est donc une monarchie. Derrière l’apparente neutralité du récit, peut-on deviner l’opinion de l’auteur sur l’empereur.


Cette situation de coexistence des institutions héritées de la République et d’un empereur ayant tous les pouvoirs a duré de -27 (Octavien, fils adoptif de César devient l’empereur Auguste) jusque +476 (déposition du dernier empereur romain de Rome, Romulus Augustule : fin de l’empire romain). Cette longévité témoigne de la stabilité du système impérial. Comment les empereurs gagnaient-ils la sympathie des foules ?

Doc 3 : La propagande impériale : Comment l’empereur « se met en scène » pour assurer sa domination

a-  Ovide, Fastes, traduction de Nisard, 1, 589-616 : anniversaire du nom d'Auguste donné à Octave par le Sénat (13 janvier)
C'est à ces Ides que toutes les provinces de l'empire ont été rendues au peuple romain, et que le nom d'Auguste, ô Germanicus, a été donné à votre aïeul. Jetez un coup d'oeil sur toutes les images de cire qui ornent les palais de la noblesse, et voyez si jamais titre plus glorieux a été décerné comme récompense. [...] Pourtant, ces distinctions sont purement humaines; c'est avec le souverain des dieux, c'est avec Jupiter, que César* partage son nom. Les mystères religieux étaient dits augustes par nos pères;  Auguste aussi a un temple que la main des prêtres a solennellement consacré. De ce mot aussi est dérivé celui d'augure; il désigne enfin tout ce qui doit son accroissement à la faveur de Jupiter. Qu'il accroisse donc l'empire de notre maître, et qu'il prolonge ses années. Puisse la couronne de chêne protéger la porte de nos demeures; et que sous les auspices des dieux, l'héritier d'un tel titre soutienne aussi heureusement que son père le sceptre pesant du monde !
*Le nom de Cesar renvoie à Octave-Auguste comme dans le texte qui précède





a) Comment Auguste a t-il été divinisé ?



b- Dédicace de l'Ara Pacis, prière à la Paix.(Ovide, Fastes, 1, 709-724)Nous voici amenés par la muse elle-même à l'autel de la Paix; nous sommes au second jour avant la fin de ce mois. Viens, ô déesse*, le front paré des lauriers d'Actium, et puissions-nous, avec tout l'univers, rester longtemps sous ton paisible empire! Rome n'a plus d'ennemis; rien n'alimente plus ses triomphes; la gloire militaire pâlit devant celle que te devront nos chefs; que le soldat ne soit armé que pour faire mettre bas les armes; que les sons belliqueux de la trompette n'annoncent plus que le retour de nos fêtes; que, d'un bout du monde à l'autre, on tremble devant les descendants d'Énée, et qu'à défaut de la terreur, l'amour nous soumette les nations. Prêtres, jetez l'encens sur les feux de l'autel,  frappez au front la victime blanche; demandez aux dieux, qui entendent les pieuses prières , que nous conservions longtemps la paix , et aussi longtemps que la paix, la maison qui nous la donne. Mais déjà j'ai rempli une première partie de ma tâche, et ce livre finit avec le mois qu'il a chanté.
* Il s'agit de la déesse de la Paix

C'est le Sénat qui a décidé la construction d'un autel dédié à la Pax Augusta (ou pax romana), en l'honneur du retour d'Auguste après la pacification de la Gaule et de l'Espagne. La dédicace, c'est à dire la cérémonie de consécration solennelle aux dieux a lieu le 30 Janvier de l'an 9. On peut supposer que le programme décoratif de l'autel a été supervisé par Auguste, tant l'ensemble monumental, situé en bordure du champ de Mars soutient sa propagande. Le message en est bien connu (il sera gravé sur des plaques de bronze affichée sur le mausolée d'Auguste,  ce sont les Res gestae). Une des façades du mur d'enclos de l'autel présente la déesse Rome assise sur un bouclier, ce qui renforce visuellement le sens du bâtiment. Auguste a mis fin aux guerres civiles, il a renforcé la puissance de Rome et agrandi l'Empire : les Romains peuvent grâce à lui profiter d'un âge d'or pacifique, ce qui est constamment évoqué dans le programme décoratif intérieur de l'ara Pacis par des grappes de raisin, des guirlandes de fruits évoquant l'abondance. L'Ara pacis était donc autant un lieu de cérémonie religieuse (ara = autel) qu'une reconnaissance officielle du rôle prééminent de Auguste.

 Restes d’une statue monumentale de Constantin




b-  Listez les autres  moyens par lesquels l’empereur maintient ou renforce sa domination (idée, exemple)



------------------------------------- (en complément pour éventuellement compléter à l'oral)
Lien vers une très bonne présentation du monument par un ou une collègue de collège (fiche HDA)


Un dernier point :
D'après Diana E. Kleiner, The great friezes of the Ara Pacis Augustae dans Mélanges de l'Ecole française de Rome -Antiquité, 1978

Dans cet article, l'auteur rappelle le lien que l'on peut faire entre les frises de l'ara Pacis et la frise des Panathénées du Parthénon, autant stylistiquement que dans sa fonction. 
Le dernier point de son article a plus particulièrement retenu mon attention.



La présence d'enfants et de femmes sur l'ara pacis (procession de l'aile sud) est une nouveauté artistique : on trouve peu de femmes et encore moins d'enfants dans l'art romain républicain. C'est donc une rupture qui s'explique par les buts politiques d' Auguste.
Les textes disent qu'Auguste s'est occupé personnellement de l'éducation de ses deux petits-fils (Gaïus et Lucius, fils de Marcus Agrippa et de sa fille, Julia) auxquels il était très attaché et qui devaient sans doute lui succéder. Dès 13 BC, sur des deniers, on peut voir le portait d'Auguste sur l'avers et Julia et ses deux enfants sur le revers. En 2 BC, on porte à Lugdunum, aussi bien sur des pièces d'or que des deniers, les portraits des deux enfants, la tête couverte de la toge, entourés de  boucliers et d'objets religieux. Enfin des groupes statuaire représentant les deux enfants ont été disséminés un peu partout dans l'empire. Selon F. Chamoux, seul Auguste lui-même était davantage représenté. Sur ces représentations officielles, Lucius était représenté comme  Octave (sur la pièce célébrant sa victoire à Actium)



 et Gaïus était coiffé comme le Auguste  de Prima porta.



Sur Auguste, on peut aussi utiliser la vidéo de la série Points de repères "Auguste empereur de Rome" qui est assez complète, plutôt bien faite sur le contenu même si il s'agit d'images d'animation.

lundi 26 août 2019

Éloge de Rome

3 textes extraits du discours d'Aelius Aristide, Éloge de Rome. Les deux premiers peuvent être utilisés dans le cadre du chapitre 1 sur la Méditerranée antique, le 3e en complément, nécessite de présenter les institutions romaines un peu en détail. Il peut aussi être utilisé en SPE 1ere (thème la démocratie) pour présenter la vision aristotélicienne du meilleur gouvernement (= un système qui équilibre les tensions entre les groupes sociaux en mélangeant les 3 formes possibles de gouvernement, cet équilibre permettant d'éviter la dégénération de chaque système ). Cette approche est reprise au XIIIe par St Thomas d'Aquin et tous ceux qui, à sa suite, vont se réclamer de l'aristotélisme politique.





La constitution romaine présentée par Aelius  Aristide

Document :
« Il me semble que, dans cette cité, vous avez établi une constitution qui ne ressemble à aucune autre. Auparavant, en effet, on pensait qu’il y avait, dans la société des Hommes, trois types de constitutions. Deux étaient connues sous deux noms chacune, selon qu’on les appréciait d’après les manières d’être de ceux qui les dirigent : la tyrannie et l’oligarchie ou la royauté et l’aristocratie. Une troisième catégorie correspondait à la démocratie, que l’on pouvait conduire bien ou mal. Les cités avaient donc reçu chacune leur constitution selon les décisions du choix ou du hasard. Dans votre cité, rien de semblable : c’est comme s’il y avait un mélange de toutes les constitutions, moins l’aspect mauvais de chacune. Voici précisément pourquoi un tel type l’a emporté. Si l’on regarde la force du peuple, et comment il obtient facilement ce qu’il peut vouloir et demander, on pensera qu’il s’agit d’une démocratie complète sans les fautes de la démocratie ; quand on s’intéresse au Sénat des Anciens, où siège le conseil et qui contrôle les magistratures d’autorité, on pensera qu’il n’existe pas d’aristocratie plus parfaite que celle-ci ; quand on aura tourné les yeux vers [celui] qui préside à tout cela, cet homme à qui le peuple doit d’obtenir ce qu’il veut, de qui le petit nombre tient ses magistratures et ses pouvoirs, on verra en lui celui qui détient la monarchie la plus parfaite, qui n’a point part aux vices de la tyrannie et qui dépasse en grandeur la majesté royale. Il n’y a rien d’étonnant à ce que vous soyez les seuls à avoir fait ces distinctions, ces observations, tant au sujet du gouvernement du monde que de celui de la cité elle-même. »
Aelius Aristide, Éloge de Rome, Discours, XXVI.
Ce discours a été écrit par un philosophe grec en 143 après JC, sous le règne d’Antonin le pieux

Consignes :
Analyse du texte :
·         montrer que Rome est gouvernée selon « un mélange de toutes les constitutions » (n’oubliez pas de justifier par vos connaissances de cours)
·         que pense l’auteur du pouvoir de l’Empereur ? En quoi fait-il de l’empereur la clé de voûte des institutions romaines ?
Critique du texte : Peut-on dire de Rome qu’elle fut une cité et un empire démocratiques ?
Approfondissement : Comment expliquer que tous, au sein de l’empire, y compris les Grecs, veuillent devenir citoyen romain ?





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