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mardi 19 mars 2024

Guerre et cinéma aux Etats-Unis

 

Présentation : je vous propose une activité en classe, sur la bataille d' Iwo Jima, qui peut être utilisée dans le cadre de l'enseignement de spécialité. A priori, elle cadre mieux avec le thème Histoire et Mémoire (Spé Term)  dans l'axe 1, "Histoire et Mémoire des conflits", mais je viens de l'utiliser en Spé 1ere, dans le cadre du cours sur l'information en temps de guerre. Il s'agissait de compléter le cours qui fait une part belle à la question de la propagande par un point plus spécifique : l'image iconique et les traces qu'elle laisse dans la mémoire.

Durée : puisqu'il s'agissait pour moi d'un complément de cours, j'ai calibré pour que l'activité soit faite en 1H. Il y aurait bien des possibilités d'approfondir, en utilisant davantage le film de Clint Eastwood, "Mémoires de nos pères". J'ai indiqué aussi en fin d'article deux autres pistes pour prolonger la réflexion.

Supports : poly pour les élèves (détaillé dans la suite de l'article) + Mémoires de nos pères de Clint Eastwood + épisode 8 de The Pacific

Documentation : un article de Laurent Tessier dans Transhumances IX, p. 233-244 + Le labo 1 (publication des clionautes, auteur JP Meyniac) , nov 2007 + article du Nouvel Obs , le drapeau rouge sur le Reichstag

Déroulé
  • On commence par regarder le début du film de 3:40 à 5:10. Les élèves ont un poly. C'est leur doc 1 (image + transcript)

Transcript scène d'ouverture de Mémoires de nos pères (+/-3:40-4:40). Film de Clint Eastwood -2006

"Beaucoup de gars que j'ai connus n'ont jamais parlé de ce qui s'est passé là-bas, sans doute parce qu'ils essaient de l'oublier. Ils ne se sont jamais considérés comme des héros. Ils sont morts, sans gloire. Personne ne les a pris en photo. Seuls leurs copains savent ce qu'ils ont fait. J'ai dit à leurs parents qu'ils sont morts pour leur pays...je ne suis pas sûr que c'était le cas. D'ailleurs il y a eu plein d'autres photos prises ce jour-là, mais que personne n'a voulu voir. Ce qu'on voit et ce qu'on fait à la guerre, la cruauté, est impensable. Mais d'une façon ou d'une autre, il nous faut y trouver un sens, et pour ça il nous faut une vérité facile à comprendre. [...] La bonne photo peut faire gagner ou perdre une guerre. Regardez le Vietnam, la photo de cet officier sud-vietnamien faisant sauter à bout portant la tête de ce Viêt-Cong. C'était fini, on avait perdu la guerre."


Ensuite, présentation de la photo

Doc 2 : Une photographie pour l'Histoire

Raising the Flag on Iwo Jima est prise le 23 février 1945 par le photographe américain Joe Rosenthal pour l'agence Associated Press. Elle montre cinq Marines américains et un soldat infirmier de la Navy hissant le drapeau des États-Unis sur le mont Suribachi, lors de la bataille sur l'île japonaise d'Iwo Jima durant la Seconde Guerre mondiale. La photographie est développée à Guam et envoyée immédiatement aux Etats-Unis. Des centaines de journaux la reprennent dès le lendemain. La photographie eut donc immédiatement un immense succès. Elle devint également le seul cliché à obtenir le prix Pulitzer de la photographie l'année de sa publication. Considérée comme l'une des images les plus significatives de son époque, elle constitue également l'une des photographies les plus diffusées de tous les temps. Elle a été choisie à l'époque pour servir de support à la campagne du 7e emprunt de guerre et donc a été reproduite sur des affiches, des timbres ... Les trois soldats survivants de ce moment ont été enrôlés par l'armée pour la tournée de levée de fonds à travers les Etats-Unis.

 

Analyse rapide de la photo pour en comprendre l'efficacité

Contextualiser en expliquant aux élèves que la guerre du Pacifique contre le Japon est une guerre que les Etats-Unis ont mené seuls contre le Japon qui les avait directement attaqués. Elle a nécessité un déploiement d'hommes et de ressources bien supérieur au front européen. Les conditions extrêmement difficiles de cette guerre (sauts de puces d'archipels en archipels => carte historique) pour se rapprocher du Japon, de même que la résistance acharnée des Japonais (cf les kamikazes) ont fait du front du Pacifique le front essentiel de la Seconde Guerre mondiale pour l'opinion publique américaine.

Intérêt stratégique d'Iwo Jima = indiqué au tout début de The Pacific : carte + images d'archives + témoignage de vétéran . Visionnage de ces quelques minutes (avant le générique)

Pour mieux comprendre pourquoi cette photo et pas une autre du même événement, les élèves sont amenés à comparer avec une autre photo. Celle-ci est juste projetée, pas distribuée.

=> bilan :

  • Une bataille stratégique, filmée et reportages radio en direct. 12 000 japonais sur un îlot de quelques dizaines de km². Nombre de morts US très élevé.
  • Quant à la photo elle-même : dynamisme de la scène, des marines (corps d'élite) qui en plus forment un seul corps (coopération et esprit d'équipe = valeurs "militaires") + annonce de la victoire future/message d'espoir : la ligne négative (diagonale descendante) est en passe de basculer en ligne positive (diagonale montante)

 

Qu'est-ce qu'une image iconique ?

Elle imprègne l'imaginaire collectif => réutilisée, détournée, mentionnée ...

doc 3 : quelques exemples de l'impact de cette image

a- Felix de Weldon pose devant son oeuvre : le US Marine Corps War Memorial d'Arlington (cimetière militaire)

= plus de 6 millions de visiteurs /anBataille Iwo Jima

b- Le drapeau rouge sur le Reichstag (Berlin), la réponse soviétique ( Photo : Evgueny Khaldeï, 2 mai 1945 pour l'agence Tass)

c- Andy Singer, D-Day, 1998

l'image iconique détournée...

Le rôle et l'efficacité du cinéma dans la fabrication et la transmission d'une mémoire "officielle"

"Mon boulot, c'est juste de raconter cette histoire. Et ensuite, quand le public viendra, j'espère que ça lui donnera une idée de ce qu'était cette génération : la famille, la camaraderie, le fait de pouvoir compter sur son voisin et ce que ça veut dire dans la vie" (extrait interview Eastwood dans les bonus du DVD, édition collector)

Doc 4 : présentation et exploitation de la série The Pacific

Après Band of brothers (2001) qui retraçait l'histoire d'une compagnie américaine du débarquement jusqu'à la fin de la guerre en Europe, Steven Spielberg et Tom Hanks récidivent en 2010 et co-produisent The Pacific. HBO est une chaîne du câble, connue pour ses programmes de très haute qualité. La série a reçu 8 Emmy Awards.

Basée sur deux livres de vétérans, Eugène Sledge et Robert Leckie la série entretient le flou entre la fiction et la réalité : les vétérans sont joués à l'écran par des acteurs, les scènes de bataille sont minutieusement reconstituées...

Comment le dispositif de la série joue-t-il sur cet aller-retour entre réalité et fiction ? Quel est le but recherché ? On pose ces deux questions aux élèves et on repasse le début (images d'archives et témoignage jusqu'au début du previously = 2min 32). Puis visionner la scène de bataille d'Iwo Jima à partir de 44min 18.

Ce n'est pas utile d'aller jusqu'au bout.

L'objectif est de comparer les images de la guerre filmées à l'époque et les images de la bataille dans la série.

Bilan =

  • une reconstitution apparemment fidèle (cf la butte et les soldats qui se font mitrailler en haut = quasiment identique entre archives et série). Le fait de commencer par les films de l'armée de l'époque et par le témoignage d'un vétéran légitime la fiction. Cela lui octroie une sorte de certificat d'authenticité.
  • une efficacité de la narration : focalisation interne (on entre directement dans la scène de combat, on est perdu, on ne comprend pas d'où viennent les tirs et on découvre l'ennemi en même temps que le personnage principal) + suspense (vont-ils réussir à tuer le japonais dans son bunker ?) (le héros va t-il finir étripé comme tous les autres ?)
  • des émotions multiples (horreur, stress, tristesse...) qui impriment en nous cette représentation de la guerre.
  • un message : l'héroïsme des soldats ordinaires => un modèle ?
En cette fin de séance, il reste à indiquer aux élèves que :

Comme le fait remarquer Pierre Conesa, géopoliticien français qui travaille sur les mêmes thématiques qu'Alford, les Etats-Unis n'ont pas un système unifié pour l'enseignement de l'Histoire. Les programmes scolaires relèvent de la compétence des États et non pas de l'état fédéral. C'est donc Hollywood qui fabrique et transmet aux différentes générations d'américains la mémoire commune de l'Histoire . Cette mémoire n'est pas unifiée, mais on distingue de nombreux points communs dans tous les récits de guerre à destination du public américain.

Par ailleurs, Laurent Tessier dans son article indique que : "en interrogeant les vétérans du Vietnam, nous avons pu constater que les soldats américains qui se sont battus lors de conflit sont souvent partis à la guerre avec, en tête, le fantasme de reproduire le modèle héroïque de leurs pères (la génération de la 2nde guerre mondiale) et de leurs grands-pères (celle de la 1ere guerre mondiale). [...] De même, les films se répondent comme si chaque génération de boys était représentée en référence à la précédente. [...] On constate depuis les années 60 (Vietnam) une sorte de blocage dans cette filiation".

Remarque 1: sur un idée de Lionel Chevassus, les élèves approfondiront en autonomie. J'ai repris son questionnaire de l'interview de Matthew Alford sur Le Media : "Hollywood, la machine à propagande".

Remarque 2 : sur le fait qu'il est devenu plus difficile de faire des films de guerre ouvertement héroïques depuis le Vietnam et que les films se répondent les uns aux autres, on pourrait évoquer une autre mini-série de HBO, Generation Kill de David Simon. Ce fut un flop médiatique et la série fut annulée à la fin de la première saison, ce qui est très rare avec HBO. Or, cette série refuse précisément toute héroïsation des soldats et montre une guerre profondément absurde.

samedi 6 janvier 2024

Compo puissance -2

 Voici le 2e sujet proposé à la réflexion de mes 1ere SPE HGGSP. Si sa formulation peut désarçonner, en fait il s'agit très largement d'une réflexion filée tout au long du 2e chapitre consacré à l'impérialisme et à l'hégémonie. La difficulté consistait à choisir dans le cours les éléments qui répondent vraiment au sujet et laisser de côté tous les éléments qui pouvaient conduire à des hors-sujets, ou du moins à des développements trop annexes par rapport au fil directeur à suivre.


Sujet : la forme impériale est-elle condamnée par l'Histoire ?

plan fourni (ce n'est que la 2e compo de l'année !): 

1- les empires sont une forme de l'Etat et de la domination la plus ancienne et la plus répandue historiquement et géographiquement

2- toutefois, la montée des nationalismes au 19e siècle en Europe  (les élèves reprennent les points utiles du jalon sur l'empire ottoman) et la reprise des principes  nationalistes dans les territoires colonisés ont conduit à la progressive disparition des empires.

3- cependant, l'impérialisme s'est recomposé au XXe siècle sous la forme de l'hégémonie occidentale, si ce n'est américaine. (les élèves reprennent les points utiles du chapitre conclusif)



mardi 21 novembre 2023

Alexandre le grand

 Carte mentale à partir de la vidéo de l'émission de P. Boucheron, Quand l'Histoire fait date.





Cette séance peut se faire en début d'année de seconde, dans l'objectif de familiariser les élèves à la méthodologie de la prise de notes et pour présenter la méditerranée antique (hors programme) ou en 1ere, en exercice sur la notion d'empire (thème de la puissance)

jeudi 16 novembre 2023

L'indépendance de la Grèce

Dans le cadre du cours de 1ere HGGSP sur le thème de la Puissance, je fais un chapitre consacré aux Etats et à leur forme de domination et d'expansion (titre Empire et Hégémonie cf l'activité qui introduit la notion d'hégémonie). Après une première partie sur les empires qui se termine par l'étude du jalon sur l'empire ottoman, une 2e partie est consacrée à la forme des Etats-Nation. Elle débute par l'étude de cas de la Grèce des années 1820-1830. Puisqu'il ne faut pas empiéter sur le programme du tronc commun (PPO la liberté de la Grèce), on passe très vite sur le courant philhellène qui constitue une opinion publique en Europe de l'Ouest favorable à l'intervention aux côtés des Grecs révoltés contre les Ottomans, on fait une analyse du tableau de Delacroix , scènes de massacre de Scio, pour en montrer les procédès visant à créer du pathétique, 



puis et surtout, on analyse le texte suivant :

    L'insurrection qui va conduire la Grèce à l'indépendance débute le 25 mars 1821, après 400 ans de domination ottomane. Un premier congrès national est réuni à Épidaure pour rédiger une Constitution (1/13 janvier 1822). Il adopte également un Acte d'indépendance pour expliquer les raisons du soulèvement et les difficultés du pays.
Source : La traduction a été publiée par Dufau dans le supplément à la collection des constitutions, chez Pichon et Didier, 1830.

Déclararation d'indépendance de la Grèce. 

Donné à  Épidaure, le 15 (27) janvier 1822, et l'an 1er de l'indépendance.

signé : Alexandre Mavrocordato, président du Congrès. 

La nation grecque prend le ciel et la terre à témoin que, malgré le joug affreux des Ottomans qui la menaçait d'une ruine entière, elle existe encore. Pressée par les mesures aussi iniques que destructives que ces tyrans féroces, après avoir violé leurs capitulations ainsi que tout esprit d'équité, rendaient de plus en plus oppressives, et qui ne tendaient à rien moins qu'à l'anéantissement du peuple soumis, elle s'est trouvée dans la nécessité absolue de courir aux armes pour mettre à l'abri sa propre conservation. Après avoir repoussé la violence par le seul courage de ses enfants, elle déclare aujourd'hui devant Dieu et devant les hommes, par l'organe de ses représentants légitimes réunis dans le congrès national, convoqué par le peuple, son indépendance politique.

Descendants d'une nation distinguée par ses lumières et pas la douce civilisation, vivant à une époque où cette même civilisation répand, avec une profusion vivifiante, ses bienfaits dur les autres peuples de l'Europe, et ayant sans cesse le spectacle du bonheur dont les peuples jouissent sous l'égide protectrice de la loi, les Grecs pouvaient-ils rester plus longtemps dans un état aussi affreux qu'ignominieux, et voir avec apathie le bonheur qu'ils sentaient que la nature a également réservé à tous les hommes ! Des motifs si puissants et si justes ne pouvaient sans doute que presser le moment du réveil, où la nation, pleine de ses souvenirs et de son indignation, devait réunir ses forces pour revendiquer ses droits et venger la patrie d'une tyrannie dont rien n'égale l'horreur.

Telles sont les causes de la guerre que nous avons été forcés d'entreprendre contre les Turcs. Loin d'être fondée sur des principes de démagogie et de rébellion, loin d'avoir pour motifs les intérêts particuliers de quelques individus, cette guerre est une entreprise nationale et sacrée ; elle n'a pour but que la restauration de la nation et sa réintégration dans les droits de propriété, d'honneur et de vie ; droits qui sont le partage des peuples policés nos voisins, mais qui étaient arrachés aux Grecs par une puissance spoliatrice.
Des clameurs publiques, peu dignes d'hommes nés libres et élevés au sein de l'Europe chrétienne et civilisée, dirigées contre notre cause, sont parvenues jusqu'à nous. Mais quoi ! les Grecs seuls, de toutes les nations européennes, devraient-ils être exclus comme indignes de ces droits que Dieu a établis pour tous les hommes ? ou bien étaient-ils condamnés par leur nature, à un esclavage éternel qui perpétuait chez eux la spoliation, les violences et les massacres ? Enfin la force brutale de quelques hordes barbares qui, sans être jamais provoquées, vinrent, précédées du carnage et suivies de l'esprit de destruction, s'établir au milieu de nous, pouvait-elle jamais être légalisée par le droit des gens de l'Europe ? Les Grecs, sans l'avoir jamais reconnue, n'ont jamais cessé de la repousser par les armes, toutes les fois qu'une espérance ou des circonstances favorables se sont présentées.

Partant de ces principes et sûrs de nos droits, nous ne voulons, nous ne réclamons que notre rétablissement dans l'association européenne où notre religion, nos moeurs et notre position nous appellent à nous réunir à la grande famille des chrétiens et à reprendre, parmi les nations, le rang qu'une force usurpatrice nous a ravi injustement. C'est dans cette intention aussi pure que sincère que nous avons entrepris cette guerre, ou plutôt que nous avons concentré les guerres particulières que la tyrannie musulmane a fait éclater sur les diverses provinces et sur nos îles, et nous marchons d'un commun accord à notre délivrance, avec la ferme résolution de l'obtenir ou d'ensevelir enfin à jamais nos malheurs sous une grande ruine digne de notre origine qui, dans ces calamités, ne fait que peser davantage sur nos coeurs.

[...]


 Deux axes d'analyse sont donnés aux élèves 

1) Quelles sont les justifications de la révolte apportées par ce texte ? Autrement dit comment la domination ottomane est-elle qualifiée ?

2) Relever toutes les occurrences du mot "nation" et le champ lexical qui lui est associé. Comment peut-on distinguer "nation", "peuple", "patrie" ? Quelles sont, dans ce texte, les fondements de la nation grecque ?

samedi 30 septembre 2023

Compo puissance -1


Sujet : Depuis la fin de la guerre froide, assiste-t-on à un chaos mondial lié à des affrontements entre les grandes puissances ?


Comme il s'agit de la première composition de l'année avec les 1ere HGGSP, le travail préparatoire a été mené en classe et avec mon aide, puis les élèves se sont répartis par groupes de travail pour élaborer collectivement le plan détaillé des trois grandes parties. Ils ont ensuite divisé leur groupes en unités de travail pour rédiger les paragraphes. 

Cet exercice fait suite à une série d'exposés (avec de grosses reprises) qui ont permis de dresser un tableau assez complet, sans être exhaustif, de l'état des relations internationales depuis les années 1980. Le vocabulaire, les grandes notions et les principaux repères étant acquis, il s'agit dans un 2e temps d'organiser la masse d'informations et de connaissances. C'est l'objet de cette composition.


La liste des exposés est disponible ici

Les grandes idées élaborées en classe :

1) la vidéo de P Bulher (les experts du Dessous des cartes) sur les nouveaux visages de la puissance

    la carte mentale de synthèse élaborée en classe

    la vidéo du dessous des cartes sur l'ONU, un  système à bout de souffle

2) le bilan des exposés


Grands axes de l'intro

  • Historiquement, les Etats ont mené des politiques d'affirmation de leur puissance, ce qui les conduisait éventuellement à des affrontements (def puissance)
  • Il est courant de dire que la Guerre froide, par le contrôle que les deux super-Grands exerçaient sur leur bloc et par l'équilibre de la terreur, a eu un effet de stabilisation (def super-grands)
  • Sur quelles bases de régulations s'organise le monde actuel et comment expliquer la multiplication, en apparence chaotique, des conflits ces 30 dernières années ?

Grands axes du plan
  • L'effondrement du bloc communiste et la disparition de l'URSS fin 1991 a laissé les Etats-Unis seuls à pouvoir prétendre réguler la scène internationale. Ils sont de plus en plus isolés, contestés et donc affaiblis. 
  • De nouveaux Etats s'affirment soit en tant que grande puissance, soit en tant qu'ils ont une capacité de nuisance. Les tensions et conflits sont nombreux et l'Occident se trouve souvent seul et contesté.
  • Le droit international et les règles élaborées par l'ONU sont certes toujours valables et elles ont le mérite d'exister, mais elles peinent à encadrer les nouvelles formes de conflit et de tensions.

Conclusion
 - basculement du monde
- réinventer le multilatéralisme en sortant des logiques de puissance, mais comment ? peut-on tabler sur de nouveaux acteurs, les peuples / les opinions publiques ?


samedi 13 mai 2023

Les premiers temps de l'Islam

Pour le cours de 1ere SPE HGGSP consacré au thème "Etat et religion", j'ai accumulé quelques fiches de notes sur l'Islam et le monde musulman médiéval, en me basant essentiellement sur le Coran des Historiens et des heures de conférences spécialisées que l'on peut trouver sur Youtube : ici  ( Dye le Coran et le problème synoptique et quelques questions sur les contextes du Coran ), ici (Amir-Moezzi évolution depuis les origines) ici (la leçon inaugurale de François Deroche au Collège de France) ou ici (Les Almohades), ici (le Coran des Pierres) par exemple.

Je partage par ce post mon plan de cours et les photos de mes notes, en espérant qu'elles pourront servir.

Lien vers une timeline que j'ai créée sur Genialy

Axe 2 : Pouvoirs politiques et pouvoirs religieux autour de la Méditerranée au Moyen Age 

I) Le Basileus et le Patriarche  III) L'occident entre Restauration impériale carolingienne et Réforme grégorienne

II) La question du pouvoir politique dans l'Islam des origines

1) Question complexe car :

- Muhammad annonce la fin des temps : L'Heure est imminente. Donc il n'y a pas de nécessité de penser un royaume musulman installé dans la durée. (encore qu'on trouve dans les Hadiths officiels une annonce de la succession des régimes jusqu'à la fin des temps : prophétie, califat selon la voie prophétique / "bien guidé", la royauté mordante / succession , la royauté imposée, retour du califat sur la voie prophétique)

- Muhammad ne prévoit pas de règles de succession => 3 siècles de guerres civiles (fitna) et de conflits de succession (ce point a été abordé lors des exposés)

- Muhammad ne vit pas l'expansion de l'Islam hors d'Arabie, la conquête de territoires étendus et la question de la conversion, ou pas (pour les Chrétiens et les Juifs), des populations à l'Islam. Cela a deux conséquences : Tout d'abord, la fin des temps se fait attendre et il faut s'adapter à la durée donc effacement autant que faire se peut des aspects eschatologiques. De plus, Muhammad s'inscrit nettement dans la tradition juive et chrétienne (Jesus Messie, mais pas fils de Dieu d'où le fait qu'il est appelé dans le Coran comme "fils de Marie") donc pas tant de différences que cela avec les communautés religieuses de l'empire byzantin.

R) cela pose le problème des temps de rédaction de la Sunna.

 








2) Il a donc fallu s'adapter = c'est ce que font les califes du 1er siècle de l'hégire et les premiers Omeyyades.

- L'influence byzantine

se mesure par le personnel de l'empire omeyyade qui reste en place et ne se convertit pas (dans un premier temps)

R) Cela explique en partie la facilité de l'imposition du pouvoir arabo-musulman sur ces territoires : l'empire sassanide était en phase de profonde décomposition. L'empire byzantin était affaibli par sa guerre contre l'empire sassanide, mais surtout les élites acceptent facilement la domination musulmane car elle en tire profit (autre exemple, le retour des Juifs à Jérusalem)

se voit par quelques signes extérieurs : cf le programme décoratif et iconographiques des palais du désert...

- l'islamisation de l'empire à partir d'Abd-el-Malik

Titre de calife et utilisation du mot "islam" pour désigner les croyants / Monnaie avec le texte de la sourate 112 


/ Dôme du rocher de Jérusalem

La version définitive du Coran est fixée (Coran attribué à Othman) et largement diffusée : le projet est d'accentuer les caractères propres de l'Islam pour le distinguer du judéo-christianisme + diluer les aspects apocalyptiques sans les renier : "En inscrivant sa profession de foi au cœur d’un complexe monumental qui préfigure l’apocalypse, ‘Abd al-Malik s’affirme comme le seul garant d’une foi islamique dont il définit l’orthodoxie. Ainsi les longues citations coraniques qui font référence aux chrétiens (BI) n’entendent-elles pas seulement réfuter le dogme de la Trinité, mais aussi mettre en garde contre l’éventuelle division de la communauté : les chrétiens, bien qu’ils aient « reçu la science », « se sont opposés les uns aux autres » (Coran 3 : 19) en raison de leurs divergences théologiques. Pour éviter que la fitna n’aboutisse à un résultat similaire, ʻAbd al-Malik invite les adeptes de sa religion à s’unir autour du dogme qu’il proclame. Avant même de se présenter, sur ses monnaies, comme le « lieutenant de Dieu » (khalīfat Allāh), il se veut le guide suprême des musulmans, celui qui permettra à tous les membres de la communauté – la umma mentionnée sur la porte orientale – de se présenter devant Dieu au jour du Jugement et de gagner leur salut éternel."

R) Certains historiens de l'Islam parlent d'Abd-el-Malik comme du véritable fondateur de l'Islam, de la même manière qu'on peut faire de Paul le fondateur du Christianisme.


3) Les contestations du pouvoir califal

- le Shiisme (vu en exposé)

   

     



2 études de doc :
La révolution abbasside
Une audience califale

 La mina, l’épreuve par laquelle le calife avait tenté d’imposer son autorité théologique contre les savants traditionalistes, achève de ternir l'image du calife abbasside.

- Un empire fragmenté et difficilement contrôlé => des califats concurrents
ex. Des Omeyyades à Cordoue après 750 / les Fatimides au Caire (969) / Le califat Almohade




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dimanche 16 avril 2023

Le christianisme évangélique : mutations et rapports au pouvoir politique

 En m'appuyant sur la série de 3 documentaires d'Arte sur les Evangéliques américains, je vous propose une fiche d'activité qui s'insère dans un cours de 1ere SPE HGGSP, thème Etats et Religions.


Le christianisme évangélique

 

I) Une diffusion mondiale récente

 = cas d'une église en expansion. Montrez en vous aidant des documents ci-dessous que cette expansion est le fruit d'une action volontariste et organisée.

 

Chronologie

1942 : création de la NAE (Association nationale des Evangéliques) aux Etats-Unis

1945-fin des années 1970 :

       campagnes mondiales d'évangélisation, nommées "Croisades", du pasteur Billy Graham : 185 pays visités en tout. A chaque fois, B. Graham réunit des foules dans des stades ou des gymnases. Par exemple, la plus grande = 1973 en Corée du Sud (3 millions d'auditeurs en 5 jours)

      Emission hebdomadaire aux Etats-Unis dans les années 1950 et 1960, "l'heure de la décision". 20 millions d'auditeurs/ semaine. + Il fonde le magazine Christianity Today et World Wide Pictures pour la production de films : cf "Welcome USA" sur un entrepreneur du pétrole converti par un télévangéliste interprété par Billy Graham lui-même et cf "Jesus" en 1979

1973 : 1er Congès international pour l'évangélisation mondiale à Lausanne (Suisse) : 2750 représentants évangéliques venant de 150 nations. 10 jours de conférences et élaboration d'une Déclaration de Lausanne, qui définit l'identité et la mission de l'Evangélisme.

1980's à nos jours :

       Développement des mega-churches. Actuellement plus de 2000 dans le monde, dont 1750 aux Etats-Unis

                                            


 Lakewoood (Colorado)


Brooklyn Tabernacle (NY)
 

       Nouveau chef : Jerry Falwell. Les évangéliques américains investissent dans la création de C.B.N. (Christian broadcast netwok) qui diffuse dans plus de 100 langues des programmes religieux. Ils possèdent plusieurs journaux (par ex. Charisma Media). Ils ont fondé des universités pour former leurs cadres dirigeants et les futurs cadres dirigeants des entreprises et des institutions US = Liberty University(1971-1985 ...) et Regent University (1977...). Des cursus sont disponibles totalement en ligne.

 


Carte : Une religion mondialisée

Dans le monde, un chrétien sur 4 est évangélique. L'église revendique 665 millions de fidèles. Une croissance de 30% entre 2010-2020

 


 

II) Les croyances, les rites et l'attittude morale

Il s’agit de montrer et d’expliquer que la forme évangélique du protestantisme est une manière de répondre aux défis de la modernité et de la globalisation.

 

      Une église née du protestantisme américain (les mouvements baptistes et anglicans puritains) mais qui s'en sépare. C'est pourquoi on entre dans l'évangélisme par un nouveau baptême ("born again")

 => une foi totalement christianocentrée : vivre dans l'acceptation de la présence en soi de Jésus, qui s'est sacrifié pour racheter les péchés. Entrer dans l'évangélisme est vécu comme un "reset", un nouveau départ qui garantit la vie éternelle.

 => une foi basée sur une lecture de la Bible (Ancien et nouveau Testament) : "La Bible ne doit pas servir seulement le dimanche (...) elle nous commande coment vivre, comment penser ..." (Michelle Bachmann, leader du Tea Party, une composante de parti Républicain) Tout est dans la Bible qui est infaillible = la lecture littérale du texte a fini par s'imposer au sein du mouvement. L’idée est que si tout change tout le temps dans le monde, le message de Jésus, lui , est éternel et immuable . D'où le développement du mouvement millénariste = dans l'attente de la fin du monde et du retour de Jésus.

 => une foi individuelle, qui réclame un engagement personnel (évangéliser) et qui se vit sur un mode charismatique (l'effusion de la grâce) => des rituels qui incitent à extérioriser la foi.

       Un fondamentalisme

Qui s’origine dans le SE des Etats-Unis (états de la Bible Belt). Contre la sécularisation, jugée pernicieuse et s’attaquant aux racines morales de la société du fait de la déchristianisation, il s’agit de régénérer la société en revenant aux vraies pratiques et aux vraies valeurs, qui sont censées être celles de la religion. Il faut restaurer le rôle dominant de la religion dans la société pour le contrôle social qu’elle permet. En rencontrant le littéralisme biblique, cette vision pessimiste d’un déclin de la société produit le fondamentalisme : il s’agit de restaurer le monde tel qu’il est pensé par les leaders évangéliques (de façon fantasmatique) = Dieu a créé l’Homme et la Femme donc la famille doit être traditionnelle, le sexe hors mariage interdit, l’homosexualité est un péché et doit être combattue. Toute vie est sacrée puisqu’elle est le véhicule de la foi en Christ donc les évangéliques reprennent dans les années 1970 le combat catholique contre l’avortement (mouvement pro-life). Le courant principal de l’évangélisme est donc un mouvement anti-libéral. Le capitalisme n’est pas en soi un problème (de grands capitalistes sont évangéliques) mais doit être moralisé…

 

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Doc.1 : une réflexion théorique à la fois sur la nature du fait religieux et sur ses recompositions

Extrait de l’article de Raphaël Liogier, RECOMPOSITIONS RELIGIEUSES DANS UN MONDE GLOBAL THÉORIQUEMENT SÉCULARISÉ, Karthala« Histoire, monde et cultures religieuses » 2015/2 n° 34 | pages 131 à 146

 « [...] Il existe aujourd’hui une nouvelle dynamique mythique générale, un métarécit émergeant en phase avec la globalisation–l’individuo-globalisme–qui refond progressivement les traditions religieuses dans son moule imaginaire. Cette culture croyante, apanage des mouvements New-Age très minoritaires dans les années 1960, est progressivement devenue, par euphémisation successive de ses aspects les plus excentriques [...], la culture croyante dominante des sociétés industrielles avancées. La progression constante des valeurs de bien-être dans les enquêtes des valeurs européennes depuis les années 1980 ne démontre pas autre chose : c’est l’ensemble de la société qui s’est « newagisée » […]. Le New-Age généralisé, aseptisé dans le langage du développement personnel (polarité individuelle) connecté au développement durable (polarité globale), autrement dit l’individuo-globalisme, se traduit dans des styles de vie, des choix alimentaires, des comportements, des orientations politiques. Le champ religieux s’est progressivement recomposé sous l’emprise de cette force [...]

Le charismatisme est l’expression la plus émotionnelle de l’individuo-globalisme, l’émotion se caractérisant par la négation du temps (négation de la progression par étape, par degré), au profit d’une grâce immédiate, conférée sans effort, dans l’effervescence du moment. Il s’agit bien pourtant dans le charismatisme du même mythe, celui de la profondeur abyssale des ressources individuelles, et de la puissance d’un monde sans limites, où tout est possible. Même dans les mouvements évangéliques, dépendant de la tradition chrétienne et devant donc se référer à elle, Dieu finit par s’apparenter à une puissance énergétique qui traverse l’adepte et lui permet de se reconnaître lui-même, de prendre conscience de sa puissance productive. Ce Dieu vivant à travers Jésus recharge l’adepte en situation de transe, et lui permet de se connecter à ses semblables ainsi qu’au monde entier. D’après Paul Heelas, d’ailleurs, les spiritualités d’inspiration New-Age et le théisme émotionnel contemporain participent de la même dynamique. Leur point commun serait le facteur HS. HS comme Holy Spirit (Esprit Saint, pour les théistes néo-évangéliques) et comme Higher Self (Soi Supérieur, pour le New-Age au sens large). Dans les deux cas, il y a sanctification de la force de vie qui est mystérieusement lovée dans l’intimité de l’être. La surprésentation des populations les moins nanties dans ces mouvements émotionnels n’est pas très étonnante. L’émotion permet par excellence de sublimer la frustration matérielle. Par ailleurs, et c’est là toute la force du charismatisme, les signes attendus et promis par ces épreuves émotionnelles, sont d’abord matériels, financiers. Ce n’est pas la santé supérieure, un mental libéré, une créativité accomplie, qui sont promis et attendus en priorité, mais la richesse matérielle, la sortie du ghetto, de la précarité, une prospérité offerte, fruits immédiats de la foi. […]. Lorsqu’aucun horizon rationnel d’amélioration de la condition économique n’est plausible, lorsqu’aucun effort ne semble pouvoir permettre de sortir d’un tunnel opaque dont le bout n’est pas perceptible, il ne reste plus que la transe, l’abandon et la foi dans le don d’une prospérité immédiate. C’est encore cependant l’individu qui est la priorité, sa réussite personnelle, mais avant tout matérielle contrairement au spiritualisme […] Ce ne sont pas toujours les plus démunis qui adhèrent à cet évangile de la prospérité, mais ce ne sont jamais, néanmoins, les classes supérieures économiquement, ni les créatifs culturels. L’Église pentecôtiste Hillsong, étudiée par Marion Maddox, issue des Assemblées de Dieu, implantée à Sydney et qui a des ramifications mondiales, est un réseau religieux pentecôtiste adapté aux classes moyennes, dont les leaders ont poussé à son paroxysme la sacralisation de la prospérité matérielle.[...]

Le fondamentalisme ne se définit pas forcément contre l’Occident, comme en témoigne l’existence d’un fondamentalisme nord-américain qui entend au contraire le sauver. Comme tous les mouvements réactionnaires, il vise à protéger la « tradition » contre un mal omniprésent. Le fondamentalisme s’alimente au sentiment de faiblesse, d’injuste oppression, et se traduit toujours par une certaine paranoïa, la perception d’un complot, voire chez certains individus, dans une version plus pathologique, par des délires de persécution. C’est en tout cas la traduction d’un manque qui touche l’identité, et qui entraîne une réaction de retranchement vers des origines reconstruites, vers des racines, une communauté, et le désir de redresser le monde.

[…] Les tendances charismatistes peuvent être aussi mobilisées, comme les Églises évangéliques qui se développent surtout en Amérique latine et en Afrique subsahariennes, qui peuvent servir de réseaux d’influence de la politique américaine. Dans ce cas, le soft power religieux se met au  service d’un État, en l’occurrence les États-Unis d’Amérique. Nous avons aussi des leaders charismatistes musulmans, en Égypte avec le télécoraniste Amr Khaled et en Indonésie avec Aa Gym,ou des leaders spiritualistes comme le néo-soufi pakistanais anti-taliban Tahir ul-Qadri, à l’influence politique planétaire. Là encore, il existe aussi de nouveaux leaders qui eux opèrent sur la marché de la terreur –tels que l’hypercalife globalisé Abou Bakr al-Baghadi– qui savent susciter l’horreur des élites des sociétés industrielles avancées et, symétriquement, attirer les populations qui éprouvent des sentiments d’humiliation, de frustration sociale, et cherchent sur toute la surface du globe une occasion de revanche violente.

[...] Terminons en évoquant les révolutions arabes dont l’événement déclencheur superficiel fut l’immolation par le feu, le 17 décembre 2010, d’un bachelier tunisien au chômage. À peine plus d’un mois plus tard, le président Ben Ali dut fuir comme un voleur son palais présidentiel. Il était pourtant considéré comme un dictateur inébranlable, dont le pouvoir reposait sur un système clientéliste parfaitement huilé en interne, et le soutien des grandes démocraties occidentales en externe. À la suite de ces événements tunisiens, d’autres dictatures arabes ont été renversées ou ébranlées, en Égypte, en Libye, dans le Golfe Persique. Un vent de liberté a soudain soufflé sur l’ensemble du Moyen-Orient. Puis, comme dans toutes périodes transitoires, il y eut les lendemains qui déchantent. Les partis islamistes, en particulier issus des Frères musulmans, ont naturellement réussi à récupérer les dividendes électoraux de leur statut de résistants pendant la période de dictature. Ce qui provoqua immédiatement l’inquiétude dans certains milieux « laïques » occidentaux qui ont cherché à présenter ces victoires électorales islamistes comme l’expression de la guerre des civilisations. Pourtant, comme on le voit en Tunisie, sur le terrain, les choses ne sont pas si simples. La position des islamistes est fragile, parce que même s’ils restent une des forces les plus structurées dans cette période tourmentée, ils ne sont pas à l’origine de la révolution. Et ils n’ont pas réussi à la confisquer. L’instabilité actuelle est bien d’ailleurs le signe qu’aucune reprise en main n’a été possible. L’instabilité est le signe d’une véritable révolution, qui peut se traduire par des périodes très difficiles, parfois d’une grande violence, comme au lendemain de la Révolution de 1789, en France. Le point commun des grandes révolutions, c’est qu’elles ne sont pas le produit des événements qui les ont déclenchées officiellement, mais d’une transformation profonde de la structure des désirs. En 1789, la bourgeoisie qui détenait une part de plus en plus importante du pouvoir économique ne pouvait plus accepter les privilèges politiques et symboliques de la noblesse. En 2010 au Moyen-Orient, la nouvelle classe bourgeoise émergente, cultivée, branchée sur internet, avide de réussite économique et sociale, ne pouvait plus supporter les privilèges écrasants de la classe sociale gouvernante. C’est ce qui explique, après l’exemple tunisien, qui sonne comme un sifflet de départ, la réaction en chaîne dans l’ensemble de la région. Dans le grand bain informationnel, dans lequel chacun se raconte, transfère, partage des images et des histoires, à travers les réseaux sociaux tels que Facebook, les désirs se concentrent plus vite, plus intensément, et produisent plus vite des effets sociaux, voire politiques. S’il y a aujourd’hui risque de collision, de violence, ce n’est pas entre des civilisations enracinées sur des valeurs millénaires, mais entre des espaces déterritorialisés de désirs.

Questions pour guider dans la lecture de ce document

Lignes 1 à 12 : elles expriment la thèse de l’auteur. Une nouvelle représentation mentale (il dit « meta-récit ») de la place de l’individu dans les sociétés s’est forgé dans les années 1960 et a irrigué toutes les formes de pensée actuelles, y compris la religion : l’auteur parle de New Age ou d’individuo-globalisme pour qualifier cette nouvelle représentation. A la ligne 24/25, il le nomme ……………………………..

Repérez la structure du texte. Dans un premier temps, il explique comment, selon lui, ce New-Age a créé une tendance charismatique dans la religion (lignes …… à ……..) puis comment il peut aussi permettre d’expliquer le fondamentalisme (lignes ……..à ……….) C’est l’aspect individualisme du « New Age »

 A partir de la ligne 50, l’auteur élargit le spectre de son analyse au monde entier et à d’autres mouvements que le mouvement évangélique. Il montre comment les mouvements religieux en expansion s’appuient sur la globalisation médiatique (quels exemples ? …………………………………………………..…) C’est l’aspect globalisme du « New Age »

Lignes 61-91 : à travers son analyse des Printemps arabes et de leurs suite, l’auteur cherche à montrer comment ces mutations des désirs individuels (réalisation de soi, désir de réussite sociale, revendications des droits) touchent en profondeur les sociétés, même non-occidentale. Il parle de « révolution » des désirs. Son propos est de dire que cette révolution à l’œuvre est mal, voire peu captée, par les mouvements religieux fondamentalistes.

 

Reprenons plus en détail. L’auteur fait une typologie des formes que peut prendre l’individuo-globalisme

Ligne 13 ; 20-22 ; 25-26 ; 41 : comment le charismatisme est-il défini ?

Ligne 26-38 : qui sont, d’après l’article, prioritairement les adeptes de ces mouvements charismatiques ? Pourquoi ?

Ligne 44 : comment le fondamentalisme est-il défini ?

Lignes suivantes : quelles motivations individuelles pousseraient à adhérer à une vision du monde fondamentaliste ?

 

Le point commun de ces deux approches, si l’on en croit l’auteur, serait donc que ces mouvements prospèrent en mobilisant les frustrations d’individus qui n’acceptent pas le monde tel qu’il est, du fait de leurs propres difficultés. La religion leur donnerait un moyen de peser sur le monde et de transformer (ou de l’espérer) leur propre « être-au-monde ». C’est une explication psychologique du phénomène religieux évangélique.

 

 Doc 2 : Le Brésil de Bolsonaro, un pays fracturé (vidéo dans Pearltrees. Vous pouvez passer les passages où ne s’expriment pas les partisans de Bolsonaro)

Comment les Bolsonaristes expliquent-ils leur engagement dans la droite conservatrice ?

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Doc 3 : un exemple historique de ce qu’est le fondamentalisme : le procès « du singe » et le créationnisme.

Voir les documents dans le dossier Pearltrees. Il s’agit d’une activité de manuel

Quelle est l’attitude fondamentaliste face à la science ?

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Comment les fondamentalistes agissent-ils pour faire triompher leur point de vue ?

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III) Le lobbyisme politique 

 Doc 1 : Le Brésil de Bolsonaro (vidéo)

Quelles sont les politiques suivies par le gouvernement de Bolsonaro ?

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Le mouvement évangélique américain a des proximités anciennes avec le pouvoir politique. Ainsi, Billy Graham était très ami avec le président républicain Eisenhower (1950’s) et avec le président républicain Nixon (fin 1960’s-début 1970’s). Mais c’est surtout à la fin des années 1970 qu’a lieu le grand tournant et l’activisme politique des évangéliques traditionnalistes de droite (paradoxalement alors que le président en exercice, Jimmy Carter, était un évangélique, mais libéral et du parti démocrate)

 

Les évangéliques appuient le candidat Ronald Reagan (Républicain) -1981-1988-. Ils revendiquent être la « majorité morale ». Ils occupent la rue avec leurs manifestations pro-life (anti-avortement). Ce combat va ensuite s’élargir à d’autres combats (« les 7 montagnes ») pour prendre le pouvoir spirituel non seulement aux Etats-Unis, mais partout où l’évangélisme de droite se répand dans le monde = il s’agit de devenir des leaders d’opinion dans le divertissement et la culture populaire, l’éducation, la famille, le gouvernement, le monde des affaires, et bien sûr la religion. En 2000, ils font élire G. Bush (2001-2009, Républicain) qui manifeste clairement sa proximité avec les idées évangéliques. En 2016, ils votent Trump à 81%. En 2018, ils contribuent à l’élection de Jaïr Bolsonaro au Brésil et de Scott Morison en Australie. Trump va donner des gages aux évangéliques de droite pendant tout son mandat. Il participe à une marche pro-life et nomme 3 juges ultra-conservateurs à la Cour Suprême (ce qui permet à celle-ci en 2022 d’annuler l’arrêt Roe -vs-Wade faisant de l’avortement un droit constitutionnel). Il fait transférer l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem avec la présence de sa fille à l’inauguration. Il nomme un directeur de la foi dans chaque ministère et dans chaque agence gouvernementale. En 2019, il active le veto des EUA à l’ONU contre un projet de résolution présenté par le docteur congolais Denis Mukwege pour faciliter l’accès à l’avortement aux femmes violées pendant les guerres.

 

Pourquoi vouloir contrôler le pouvoir politique ?

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mercredi 15 mars 2023

Proposition pour une introduction générale au thème de 1ere HGGSP "Etats et Religions"

 Le thème se propose d'étudier les rapports entre Etat et Religion.

Ces rapports peuvent être théoriquement et logiquement de plusieurs sortes :

  • deux pouvoirs distincts et qui s'ignorent. Ils agissent dans des sphères différentes de la vie.  Classiquement, on parle du pouvoir temporel (ou séculier) pour le pouvoir politique et du pouvoir spirituel pour le pouvoir religieux. Le pouvoir temporel s'exerce dans le cadre de notre vie quotidienne par des prescriptions organisant notre vie sociale (la loi, le droit). Il a une autorité qu'on lui a conféré (du moins en démocratie). Le pouvoir spirituel s'intéresse quant à lui au Salut de nos âmes* et cela a plusieurs conséquences

- le pouvoir spirituel définit une morale ("Bien vivre") qui implique des prescriptions organisant elle-aussi notre vie sociale. Pour cette raison, *dans l'Histoire et dans les territoires que l'on va étudier (monde occidental et méditerranée essentiellement), le pouvoir spirituel est rarement complétement séparé du pouvoir politique puisque les deux pouvoirs ont la même prétention = diriger, gouverner les Hommes.

- Les sociétés laïques sont donc historiquement les seules à avoir tenté (réussi ?) la séparation des pouvoirs temporels et spirituels.

- Le pouvoir spirituel dispose d'un autre type d'autorité que le pouvoir temporel. Le pouvoir temporel a une autorité qui dépend de nous puisqu'il est politique, alors que l'autorité spirituelle est généralement transcendant : elle revendique pour elle-même venir de Dieu et s'exprimer à travers ses représentants sur terre. On peut par simplicité parler d'une autorité horizontale (interne à la société humaine) pour le pouvoir politique et d'une autorité verticale (descendant de Dieu vers la société humaine) pour le pouvoir spirituel.

  • deux pouvoirs distincts et qui coopèrent, essentiellement pour se renforcer (et il faut se poser la question de quel pouvoir en profite le plus = qui influence qui et comment ?, qui "manipule" qui ?)
  • deux pouvoirs distincts et qui s'affrontent (et il faut se poser la question de qui l'emporte sur l'autre et pourquoi)
  • deux autorités qui sont fusionnées au sein du même pouvoir

rappel : "pouvoir" et "autorité" 

L'autorité est la faculté d'être  obéi. Il s'agit alors de reconnaître à quelqu'un ou à une institution une légitimité à imposer ses décisions. Le pouvoir a un rapport à la puissance : il s'agit de la capacité, légitime ou pas, d'imposer ses décisions.

Définir l'Etat = l'État peut être considéré comme l'ensemble des pouvoirs d'autorité et de contrainte collective que la nation (communauté organisée sur un territoire) possède sur les individus en vue de faire prévaloir ce qu'on appelle l'intérêt général (ce qui est bon pour le plus grand nombre). Il est dirigé par une autorité politique (= élue ou non, qui légifère). Il dispose d'instruments (la "puissance publique") qui imposent les contraintes = justice, police, administrations diverses et variées.

Définir Religion

C'est là que ça devient plus compliqué (par ex, la différence entre spiritualité et religion). Les exposés nous ont montré plusieurs choses. Par delà les différences :

  • Une religion est un sytème organisé de croyances. Ces croyances s'articulent autour de l'existence d'une (ou plusieurs) divinité.s, doté.es d'une capacité d'intervention dans notre monde physique (créateur du monde etc.)
  • Une religion répond, grâce à ces croyances à des questions existentielles : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Que devenons-nous après notre mort ? ...
  • Toutes les religions sont prescriptives, c'est-à-dire qu'elles proposent/imposent au croyant des règles de conduite, plus ou moins contraignantes et plus ou moins codifiées.
  • De la religion découle donc des institutions plus ou moins structurées (on parlera par simplification d'"Eglise") qui visent à encadrer les pratiques et les conduites des fidèles par des rituels, des normes, un discours sur la morale (le Bien, le Mal ...)

Ainsi, il y a une prédisposition, que l'on vérifie historiquement, à la supériorité de l'autorité spirituelle sur l'autorité temporelle. Cependant, récemment" et initié par l' Occident , on a assisté à un processus de sécularisation qui tend à réduire l'autorité spirituelle des Eglises en les cantonnant à une sphère "privée" (Leçon 1). Par ailleurs, les Eglises ont souvent eu moins de pouvoir que les Etats et les rapports entre les deux ont pu être conflictuels (Leçon 2). Pour autant, le potentiel d'influence et d'autorité des Eglises reste fort et nous verrons (Leçon 3) que les Etats ou des groupes politiques instrumentalisent de nos jours les religions au service de la politique.

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