vendredi 31 mai 2019

Schéma de l'île imaginaire

Trouvée en 2012 sur le site de l'Académie de Lille, la proposition suivante de transformation d'un texte en schéma. J'utilise tous les ans cet exercice comme support de la méthode de la cartographie. C'est devenu encore plus pertinent avec la nouvelle définition de l'épreuve de cartographie du baccalauréat / tronc commun et c'est un exercice que les élèves apprécient.

séance 1 : les bases méthodo (à quoi servent les figurés, conseils de réalisation)
séance 2 : on lit le texte, on dégage l'idée principale, on réfléchit à la caractérisation des espaces et aux choix de figurés
séance 3 : les élèves ont réalisé le schéma et on compare les différents schémas. Ils se rendent compte de la diversité des réalisations, on sélectionne les meilleures approches, on corrige les erreurs de réalisation. Puis élaboration collective du schéma final



Après avoir lu le texte suivant, faites un schéma de l’organisation de l’espace de l’île.
 L’île dont il s’agit ici est une île idéale, donc imaginaire. Elle se situerait idéalement dans l’océan Atlantique, au large du Mexique, dans la mer des Caraïbes, profitant donc d’un climat tropical propice au développement d’activités touristiques et agricoles spécifiques.
Notre île, vue du ciel, a une forme rectangulaire, longue et d’une largeur modeste.
La côte méridionale (= au sud) est tout à fait différente de celle du Nord. Elle est en effet très rocheuse alors que le littoral septentrional est bordé de larges plages de sable fin. Le littoral, au Nord, est donc très prisé des touristes. Un ruban d’hôtels de luxe suit la côte : ces hôtels proposent des activités variées, principalement liées aux sports nautiques (nombre d’entre eux possèdent de petits ports de plaisance) mais aussi des golfs, des terrains de tennis…
La capitale est en fait la seule grande ville du pays, elle se situe tout à l’est, à quelques kilomètres à peine de la plage. Son aéroport international est pour le moment le seul de l’île, c’est la porte d’entrée des touristes. Son port concentre des activités industrielles (raffineries de pétrole, usines sidérurgiques, chantiers navals…). Les vents repoussent régulièrement les fumées vers le sud, cette pollution industrielle n’incommode donc pas les touristes des plages du Nord.
Le centre de l’île est couvert d’une chaîne de montagnes assez haute (altitudes moyennes autour de 1500 m, le sommet le plus haut, un volcan endormi depuis deux siècles culmine à 2367 m) à la végétation très dense. Cet espace est presque vide, mis à part les quelques touristes aventuriers qui y effectuent des randonnées pédestres.
Les flancs de cette montagne sont, quant à eux, très anthropisés : de nombreux villages d’agriculteurs se succèdent au milieu des champs de canne à sucre, des plantations de café et de cacao et des vergers (bananes, mangues, ananas…). La terre, longtemps fertilisée par le volcan, permet en effet de développer une agriculture très productive.
Le Sud de l’île est beaucoup moins prospère : le tourisme n’y est pas développé (manque d’axes routiers, plages difficiles d’accès…). Les villages s’y vident : les jeunes quittent les terres peu fertiles pour travailler dans les grands complexes hôteliers. Certains préfèrent quitter le pays et aller tenter leur chance aux Etats-Unis.
Récemment le gouvernement a lancé un nouveau plan d’aménagement du territoire afin de redynamiser cet espace : l’Etat a délocalisé certaines administrations dans la petite ville de Los Reyes à l’extrémité occidentale de la côté sud et y a ouvert un musée de la colonisation (l’île a été colonisée par les espagnols de 1502 à 1881). Un Hôtel a été construit, spécialisé dans les activités « à sensations » : parapente, plongée sous-marine, rafting dans le torrent qui dévale la montagne pour se jeter dans la mer… une autoroute, reliant la capitale à Los Reyes est en projet (mais le tracé pose problème), un petit aéroport est en construction… Ces initiatives suffiront-elles à relancer le Sud ouest de l’île ?


1.      Soulignez dans le texte tous les éléments qui sont cartographiables.
2.      Regroupez-les par thème et organisez-les dans une légende.
3.      Choisissez les figurés appropriés pour chaque information sélectionnée.
4.      Réalisez le schéma : tous les figurés sélectionnés dans la légende doivent apparaître sur le schéma. N’oubliez pas les quelques éléments de nomenclature.



jeudi 30 mai 2019

Commerce et guerres économiques

Au Moyen Age


Commerce, échanges et conflits en Méditerranée médiévale : lien vers un audio d'histoire (type cours)

Venise au Moyen Age, un redoutable guerrier économique : lien vers vidéo France 24


A l'époque moderne


La guerre des épices : lien vers vidéo France 24



1527 : le sac de Rome

Le sac de Rome (1527)

Texte 1
« L'armée, renonçant au siège du fort [Château Saint-Ange], se divisa en plusieurs corps et se porta sur différents quartiers. Elle apercevait à son passage les pères et les mères de famille, placés au seuil des palais ou à l'entrée de leurs maisons, désolés de la perte de leurs enfants tués dans le combat, et consternés des malheurs qui menaçaient encore leur misérable cité. Ces infortunés, vêtus de leurs habits de deuil, offraient aux ennemis leurs maisons, leurs meubles, tous leurs biens, et fondant en larmes, demandaient d'une voix suppliante qu'on leur fît grâce de la vie. Ces prières touchantes ne pouvaient fléchir le cœur de ces féroces soldats ; comme si le son des tambours et des trompettes les eût animés au carnage, ils se jetèrent le fer à la main sur ces malheureux, en firent un massacre horrible, et sans distinction d'âge, de sexe, ni de lieu, égorgèrent tout ce qui s'offrait à leur vue. (...)  Exaspérés par la mort de leur chef [le connétable de Bourbon], ils se souillèrent de cruautés dont l'histoire offre à peine d'autres exemples. Ils [les troupes allemandes] se mirent à arrêter les passants ou les Romains qu'ils trouvaient sur le seuil de leurs portes et qui leur demandaient merci ; ils les contraignaient à leur ouvrir leurs appartements, d'où ils emportaient ensuite tout ce qui était à leur convenance. Ils ne se bornèrent pas à ces vols ; ils violèrent indifféremment toutes les femmes qu'ils rencontraient. (...) Les maisons particulières n'étaient pas le seul théâtre de ces scènes abominables ; elles se passaient encore dans les temples saints, dans les chapelles consacrées à Dieu, où des dames et demoisellede tout rang, jetant des cris perçants et fondant en larmes, s'étaient réfugiés, pleines d'espérance dans la protection divine. Les couvents de religieuses ne furent pas plus épargnés que les églises. Ces audacieux contempteurs des objets respectés par les fidèles entrèrent comme des loups enragés dans une bergerie, et transformèrent ces retraites sacrées en un lieu de débauches, où ils assouvissaient par les obscénités les plus révoltes leur atroce brutalité. Ils mettaient le feu partout où les habitants faisaient mine de se défendre. (...) Lorsqu'ils eurent un peu apaisé leur soif de sang, ils portèrent leur attention sur les immenses richesses des lieux saints. Les luthériens, qui composaient en grande partie cette armée, pouvaient ne se croire tenus à aucune espèce de ménagements. À peine avaient-ils mis le pied dans une église, qu'ils portaient leurs mains ensanglantées sur les calices, images, croix ou vases précieux qui frappaient leurs regards. S'ils trouvaient des reliques, ils les jetaient par terre d'un air de dédain. (...) Ils détachaient des murs les images des Saints qui les ornaient, pour les salir, les déchirer ou les brûler. Ils barbouillaient les peintures à fresques. Quelques-uns d'entre eux allèrent dans lesacristies se revêtir des habits sacerdotaux, et, montant sur l'autel, ils officiaient par dérision comme des ministres de la religion ; seulement au lieu de prières, ils proféraient d'horribles blasphèmes. »
Sac de Rome au temps du pape Clément VII de Médicis, en 1527, par Jacques Buanoparte, gentilhomme de San Miniato, dans Choix de chroniques et mémoires sur l'histoire de France, avec notices biographiques, J. A. C. Buchon, Paris, 1836, Desrez, p. 204-206.


Texte 2
Lactance, gentilhomme de la cour, rencontre à Valladolid l'archidiacre du Viso qu'il a connu autrefois à Rome et qui a fui la Ville Eternelle, indigné par ce qu'il a vu et subi.
"L'ARCHIDIACRE : Voyons donc, sire Lactance, vous croyez qu'il y a de quoi se réjouir parce que l'empereur a fait à Rome ce que jamais les infidèles n'y avaient fait, parce que, pour satisfaire sa rancune personnelle et se venger de je ne sais quoi, il a voulu détruire le Siège apostolique avec la plus grande ignominie, la plus grande irrévérence, la plus grande cruauté qu'on ait jamais entendue ou vue ? Je sais bien que les Goths s'emparèrent de Rome, mais ils ne touchèrent pas à l'église Saint-Pierre, ils ne prirent rien des reliques des saints, ils ne touchèrent pas aux choses sacrées. Ces demi-chrétiens marquèrent ainsi leur respect, tandis qu'aujourd'hui nos chrétiens (mais méritent-ils ce nom ? je ne sais) n'ont épargné ni les églises, ni les monastères, ni les reliquaires ; ils ont tout violé, tout volé, tout profané, et je m'étonne que la terre ne s'ouvre pas devant eux et devant ceux qui ont ordonné et laissé faire cela. Que croyez-vous que vont dire les Turcs, les maures, les juifs et les luthériens en voyant qu'on traite si mal la tête de la Chrétienté ? [...] Je me demande si vous vous rendez compte de la situation ici ; et si vous vous en rendez compte, je me demande comment vous pouvez en prendre ainsi votre parti.
LACTANCE : J'ai suivi avec attention tout ce que vous avez dit. Certes, j'ai entendu beaucoup de gens parler de ces événements, mais vos accusations et vos blâmes me semblent plus graves que les autres. Cependant, vous êtes bien mal informé et je crois que ce n'est pas la raison, mais le ressentiment de ce que vous avez perdu qui vous fait parler ainsi. [...] L'empereur n'a aucune responsabilité dans ce qui s'est passé à Rome ; tout ce qui a au lieu a été manifestement voulu par Dieu afin de punir cette ville où, avec un grand mépris de la religion chrétienne, régnaient tous les vices que la malice des hommes a pu inventer. Il s'agissait, par ce châtiment, de réveiller le peuple chrétien pour que, une fois guéri des maux dont il souffre, nous ouvrions les yeux et vivions en chrétiens, nous qui sommes si fiers de ce nom. "
Alfonso de VALDES, Dialogo de las cosas ocurridas en Roma, traduction dans Joseph PEREZ, L'Espagne du XVIe siècle, Paris, Armand Colin, 1973, p. 131 - 133.


+ Complément : la fiche wikipedia


Consigne : présentez oralement un événement historique

1) Caractériser l’événement. Pour cela, relever puis reformuler de façon organisée et synthétique les informations correspondant à l'objectif de caractérisation : Qui sont les protagonistes ? Quoi = que s'est-il passé ? Quand  = ici dans quel contexte historique (voir fiche wikipedia) ?

2) Expliquer l'événement. Dans les documents, relever, classer, reformuler les motivations des protagonistes présentées par les deux auteurs. Quelles autres causes sont aussi invoquées ? A partir la fiche wikipedia, synthétiser l'enchaînement des événements et décisions qui ont conduit au sac de Rome.

3) Porter un regard critique sur les documents. Identifier les points de vue des auteurs (analyse interne du texte -argumentation, champ lexical ...) Répondre à la question suivante : en quoi ces documents témoignent-ils de la portée historique du sac de Rome ?


Patrick Boucheron, Un été avec Machiavel. Sur l'importance de l'événement :


mercredi 29 mai 2019

Millenarisme au Moyen Age

Joachim de Flore

Les franciscains spirituels puis ceux de l’Observance s’emparèrent de la figure et du message de l’abbé Joachim de Flore pour les besoins de leur lutte contre la hiérarchie ecclésiastique. C’est par leur intermédiaire surtout que ce qu’on a appelé le courant joachimiste se développa à travers tout l’Occident.
Joachim de Flore, né vers 1135 en Calabre, d’abord prédicateur itinérant puis moine cistercien, suscita l’admiration de ses contemporains par sa théorie de l’Histoire, établie à partir d’une analyse de la Bible et des concordances entre les deux Testaments. L’Histoire, pour Joachim de Flore, était divisée en trois périodes marquant les étapes de l’humanité vers son salut. Il y voyait le signe de l’intervention constante du divin, chaque étape de l’histoire du salut correspondant à l’intervention d’une Personne de la Trinité : après le temps des juifs, période dominée par la Loi propre au Père, était advenu avec Jésus Christ le temps du Fils, caractérisé par l’Eglise de l’Evangile. Ce deuxième âge était celui du temps présent. Le troisième âge enfin, serait celui de l’Esprit Saint, l’âge de l’ordo monachorum, où les hommes-moines seraient entièrement voués à la contemplation ; La terre entière communierait dans la même foi, la séparation d’avec l’Orient serait abolie, les Juifs viendraient à la vraie foi et les païens se convertiraient. Alors la Création serait entièrement rénovée et anticiperait le royaume de Dieu. Ainsi Joachim faisait de l’Eglise du Christ une institution imparfaite et provisoire, appelée à disparaître dans sa forme médiévale et à se renouveler. Les instruments de cette transformation seront les moines d’un nouveau type, caractérisés par leur séparation du monde, leur pauvreté absolue, leur pureté du cœur et leur vie contemplative, ce qui n’empêche pas une prédication active de l’Evangile.
On comprend aisément que les Franciscains, et de façon plus générale tous ceux qui voulurent rénover l’Eglise, se soient servis de Joachim de Flore comme d’un instrument de bataille au risque, parfois, d’infléchir ou de déformer son message. Ils firent de lui un prophète (ce qu’il n’avait jamais prétendu être), ayant annoncé St François et les ordres mendiants. Les trois-quarts des prophéties apocryphes circulant en Occident lui furent attribuées. Par ailleurs, alors que Joachim ne voyait qu’un progrès lent et continu de l’Histoire, qu’une amélioration interne de l’Eglise dans le passage du deuxième au troisième âge, de l’Eglise cléricale à l’Eglise spirituelle, ils introduisirent une réelle rupture en mêlant considérations apocalyptiques et millénaristes de traditions diverses : la décadence de la société et de l’Eglise entraînant la colère divine, l’apparition de l’Antéchrist et sa bataille contre les forces du bien dirigées par un « dernier empereur » qui régnerait ensuite sur la Jérusalem terrestre[1], l’apparition d’un pastor bonus, pape angélique dont l’action inaugurerait le troisième âge… De plus, ils cherchèrent dans leur époque les signes du changement en utilisant toutes sortes de prophéties politiques que les rois et les papes. Comme le dit Marjorie Reeves dans son livre sur le courant joachimiste, « la tentation de mettre des noms derrière ces idées d’Antéchrist et de dernier empereur fut irrésistible ».[2]
Ce sont ces thèmes-là, en fait, qui firent le joachimisme, beaucoup plus que les propres écrits du moine calabrais. Les traités pseudo-joachimistes[3] sont nombreux dans les bibliothèques ecclésiastiques médiévales et ils sont disséminés dans toute la chrétienté, preuve de l’extraordinaire intérêt porté aux prophéties de la fin des temps, chez les séculiers jusqu’au plus haut niveau comme chez les mendiants. Ils côtoient parfois les écrits mêmes de Joachim de Flore[4], mais plus souvent des compilations de prophéties : prophéties sibyllines, prophéties de Merlin, oracles byzantins, prophéties de Brigitte de Suède ainsi que des pronostications astrologiques. A Florence, rien que dans la bibliothèque laurentienne -laquelle fut transportée à St-Marc après la fuite de Pierre de Médicis- on compte trois manuscrits se rattachant à Joachim de Flore : le Liber Concordie, le De ultimis tribulationis, le De articuli fidei et l’apocryphe Super Hieremiam. On retrouve une copie illustrée du Liber Concordie dans la bibliothèque de Sta Maria Novella, église des dominicains. Il est presque certain que Savonarole avait connaissance de ces textes. D’ailleurs, dans un de ses sermons sur l’Apocalypse en 1490, il cite comme autorité « diverses prophéties de Joachim, de St Vincent… »[5] Certes, par la suite, pendant son procès, il se récusa, mais certaines thèses de Joachim de Flore avaient été condamnées en 1215, et  Savonarole était jugé pour hérésie...

     Diffusion et ampleur de l’angoisse eschatologique

Le millénarisme de Joachim de Flore et des spirituels franciscains consistait en une vision optimiste de l’Histoire, mais les fléaux qui s’abattirent sur l’Occident à partir de 1348 et le grand schisme rendirent plus angoissée l’attente du troisième âge. Sans que jamais les espoirs en une Eglise renouvelée et en l’instauration d’une Jérusalem terrestre ne disparaissent, l’accent fur plutôt mis sur la persécution finale de l’Antéchrist et la colère divine devant les péchés de la terre. Les plus grandes personnalités de l’Eglise sont touchées par ce phénomène. Ainsi St Vincent Ferrier, célèbre prédicateur dominicain (1355-1419)[6] eut la vision du Christ, entouré de St François et de St Dominique, Christ qui le chargea d’annoncer la fin des temps et de prêcher la pénitence avant la crise imminente du monde. Les terribles prédications de St Vincent Ferrier généraient terreur puis contrition et pénitence parfois la plus extrême. En effet, les convertis, qui suivaient le prédicateur, s’étaient constitués en groupes de flagellants. Le soir du prêche, ils procédaient à la cérémonie de la pénitence publique. L’urgence eschatologique nécessitait cet ascétisme.
Un autre modèle possible de Savonarole est le franciscain Bernardin de Sienne (1380-1444), autre prédicateur apocalyptique, toscan, extrêmement « célèbre » à son époque. Pour lui aussi, la restauration morale de la Chrétienté était nécessaire pour se préparer à l’imminente fin des temps dont la corruption de l’Eglise était le signe le plus certain. Toutefois, il se refusait à toute spéculation sur l’Antéchrist et à toute déviance outrancière, préférant se limiter à susciter chez les individus une foi plus pure, centrée sur le Christ et ses vertus.  Savonarole se situe entre ces deux extrêmes. Dans un premier temps parfait prédicateur du repentir, il opta par la suite pour une voie plus « humaine » ; susciter chez chacun une prise de conscience et les ramener vers la véritable religion du Christ.
Dans le peuple également, les angoisses eschatologiques se font pressantes en ces deux derniers siècles du Moyen Age. Les prophéties pseudo-joachimistes, les sombres prognostications astrologiques sur la fin des temps, n’étaient pas connues des seuls cercles lettrés ecclésiastiques. Un nombre sans cesse croissant de laïcs accédaient à l’écriture, pour les nécessités administratives des Etats, et ce jusque aux couches les plus élevées de la paysannerie. Il y avait donc un public pour les textes apocalyptiques. L’apparition de l’imprimerie amplifia leur diffusion à la fin du XVe siècle. Ottavia Niccoli[7] compte pour l’Italie 50 éditions de textes prophétiques entre les années 1480 et 1530, pour un total d’une vingtaine de prophéties différentes. Ce nombre est énorme si l’on tient compte de la fragilité de ces éditions, toujours de mauvaise qualité, composées en général de quelques feuillets, douze au maximum. C’est pourquoi l’on peut conclure à leur diffusion massive et populaire. Un examen de ces textes a conduit Mme Niccoli à estimer que « ces éditions sont donc les héritières directes des anthologies manuscrites de prophéties qui circulaient en grand nombre pendant les XIVe et XVe siècles »[8]. Remarquons au passage que les centres les plus actifs pour la diffusion de ces écrits à la fin du Moyen Age furent Venise et justement Florence : sur les cinquante éditions recensées, au moins six ont été publiées à Florence avant 1500[9]. L’analyse du circuit de distribution de ces "feuilles volantes" nous permet de comprendre comment ce type d’imprimerie fut un formidable facteur multiplicateur dans la diffusion des thèmes répondant aux angoisses du temps.
A côté des prédicateurs prêchant le repentir -et ils sont nombreux, il n’est que de lire les chroniques italiennes-, des saltimbanques s’emparaient également des espaces publics, proposant des lectures de textes apocalyptiques simplifiés par rapport aux originaux ou des récitations de prophéties en vers composées pour la circonstance à partir du matériau pseudo-joachimiste le plus courant (prophétie de Ste Brigitte, prophétie sur le dernier empereur…). Par leur intermédiaire, la littérature prophétique, à l’honneur depuis plusieurs siècles dans les milieux culturellement plus élevés, pénétrait dans le cercle de la culture orale. Ce sont eux également qui diffusaient les feuillets dont Mme Niccoli fait état. On trouve trace de leurs contrats dans les livres de compte des ateliers d’imprimerie : ils commandaient une centaine de feuilles volantes à crédit, qu’ils revendaient dans l’assistance à la fin de leur spectacle, puis ils remboursaient l’imprimeur. A leur tour, les auditeurs qui savaient lire, une fois rentrés chez eux, en faisaient certainement lecture à leur entourage. Ainsi, les actions des saltimbanques et des prédicateurs itinérants se renforçaient mutuellement, chacun préparant le terrain à l’autre.
Culture des élites et culture populaire se rejoignaient donc dans la même angoisse de la fin et dans une connaissance commune des thèmes apocalyptiques et des spéculations prophétiques les plus courants. Le public de Savonarole était prêt, de l’humaniste à l’apothicaire.




[1] Influence juive
[2] Marjorie Reeves, The influence of Prophecy in the later Middle Ages : a study of joachimism, Oxford, 1969.
[3] Super Hieremiam, Super Esaiam, Liber figurarum, Vaticinia de summis pontificibus
[4] Exposition in Apocalypsim, Liber Concordie, De articuli fideis
[5] Même s’il utilise les Ecritures comme matériau de base de ses sermons. En cela, il se conforme à la tradition dominicaine qui reste très réticente vis-à-vis des écrits d’inspiration joachimites.
[6] Ce frère dominicain était très révéré à St Marc pour son prophétisme et son œuvre purificatrice. Fran Angelico l’y a peint quelques dizaines d’années avant l’arrivée de Savonarole comme prieur du couvent.
[7] Profeti et popolo nell’ Italia del Rinascimento, Rome-Bari, 1987 et “Profezie in piazza: note sul profetismo popolare nell’Italia del primo Cinquecento” in Quaderni storici, 41 (Ancône, 1979), pp. 500-539
[8] Niccoli, Profeti e popolo, p.22
[9] L’atelier d’imprimerie florentin qui imprime ces feuilles existe déjà en 1479.

lundi 27 mai 2019

Cartographie à la Renaissance

On pourra compléter avec grand 
profit par cet article consacré à la Cartographie médiévale et avec l'exposition en cours aux archives nationales

Le monde connu en 1492 Le globe de Martin Behaim (1492)


Réalisé en 1492, le globe de Martin Behaim, commerçant et cartographe allemand, est le plus ancien globe terrestre connu. Il reflète la vision du monde des Européens à la fin du Moyen Âge, avant la découverte de l’Amérique. A consulter en 3D dans Gallica => https://c.bnf.fr/CnE et à retrouver en ce moment dans l’exposition "Monde en sphères" à la BnF ou dans l’exposition virtuelle dédiée (http://expositions.bnf.fr/monde-en-sphère). Sur la page Facebook de Gallica, une courte vidéo de présentation

Les Globes étaient à la fois des objets de science et des objets de luxe : Objets coûteux et prestigieux, les globes terrestres peints sont produits majoritairement en Hollande au XVIIe siècle et en Italie. A Paris, un moine vénitien, Vincenzo Coronelli, est encouragé par Louis XIV à faire des réductions de grands globes peints pour toucher un plus vaste public. Seize globes terrestres et célestes de 108cm de diamètre sont ainsi conservés qui témoignent du succès de cette stratégie commerciale. Associé à l'Académie des sciences, l'ingénieur Nicolas Bion publie de nombreuses brochures décrivant les globes, leur fabrication et leurs usages. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, profitant de l'engouement pour les voyages d'exploration, le globe devient un objet plus familier.



Fiche de lecture : Histoire des sciences et des savoirs, Dominique Pestre dir., vol 1, De la Renaissance aux Lumières

Cartographie et grandeur de la Terre. 

Aspects de la géographie européenne (XVIe-XVIIIe siècle) J-M Besse


Un nouveau concept géographique de la Terre

Jusqu'au milieu du XVIe siècle, plusieurs concepts de Terre coexistent sans fusionner : à la fois une sphère participant de l'ordre global du cosmos, lui-même sphérique, étudié par l'astronomie ; un élément qui, avec le feu, l'eau, l'air, entre dans la composition de toute chose et est à ce titre étudié par la physique; une création de Dieu et le reflet de son intention providentielle, donc objet de la théologie; enfin, la demeure des hommes, leur oekoumène, souvent représentée de façon carrée (les 4 points cardinaux). Le XVIe siècle voit l'apparition d'une conception géographique spécifique et unifiée de la Terre. Celle-ci est à la fois pensée, décrite, imaginée et perçue comme Terre universelle, comme surface partout habitable et parcourable. Elle devient l'objet d'un autre discours qui se détache progressivement du discours astronomique, qui lui aussi se modifie. Alors que l'astronomie, après Copernic, tend à considérer la Terre comme un élément parmi d'autres du système cosmique et à le ranger dans l'ensemble plus vaste des planètes à la loi commune, la géographie, en procédant à une unification et à une recomposition des divers discours qui envisagent la Terre, tend à l'identifier comme objet spécifique. Toute entière orientée vers la conquête, c'est-à-dire la description et l a mesure, elle dessine les contours de ce territoire élargi de l'existence humaine pour y désigner les nouvelles possibilités qui s'offrent à l'être humain.

Il ne semble pas possible dans le cas de la géographie d'envisager la question de la "révolution scientifique" sous l'angle du passage brutal d'une théorie à une autre, mais plutôt, il faut concevoir la perspective d'une pluralité des rythmes et des modalités selon lesquelles s'effectuent les diverses opération d'objectivation. Au XVIe s, l'astronomie et la géographie sont des disciplines voisines qui partagent certains de leurs concepts et mobilisent souvent les mêmes acteurs. Pourtant elles n'ont pas la même histoire, ni les mêmes temporalités.

Vermeer, l'astronome, 1668 (?) 

Vermeer, le géographe , 1669

L'unification spatiale du monde terrestre est le résultat des réaménagements successifs des représentations au fur et à mesure des entreprises de découverte et de colonisation menées par les Européens, et à mesure que les livres cosmographiques, les récits de voyage, les cartes et atlas décloisonnent les imaginaires. Autrement dit, l'espace géographique n'est pas un absolu, c'est-à-dire un cadre englobant, neutre et homogène. L'espace dans lequel les géographes travaillent et auquel ils se relient est celui de leurs pratiques spatiales concrètes et des échelles spatiales dans lesquelles les interactions savantes qu'ils tissent se déploient. D'où le fait que les aspects politiques et religieux, la structure des réseaux savants, mais aussi les contraintes interpersonnelles, les patronages, tout autant que les pratiques personnelles de l'espace, jouent un rôle déterminant dans la fabrication des savoirs géographiques.
La géographie européenne a été un des lieux où, sur le plan de l'image (cartes...) et du texte (récits de voyage...), l'image du monde terrestre a été réordonnée, dans un double mouvement de découverte et de réarticulation critique des savoirs. Mais elle a été aussi un opérateur pour la redéfinition de ce qu'on pourrait appeler les valeurs spatiales par rapport auxquelles les Européens avaient jusqu'alors défini le sens de leurs actions et de leurs pensées.

Les géographes de la première modernité transforment le sens de l'espace

Réorganisation des catégories de pensée sur :

  • Le proche/le lointain
  • La taille et la grandeur de l'espace
  • Les orientations de l'espace et ses hiérarchies (centralités, périphéries)
  • Mais aussi renouvellement considérable des réflexions sur les appartenances et les identités.


Concernant les supports de diffusion et d'élaboration du savoir géographiques, au delà de la diversité des propositions , quatre schèmes :

  • Le schème géométrique : méthodes projectives et méthodes des coordonnées initient une conception de l'espace comme une surface en grille : une table de coordonnées
  • Autre schème de découpage et d'organisation de l'espace terrestre, le schème des ordres de grandeur :  Echelles spatiales qui peuvent s’emboîter
  • Schème descriptif (expression exemplaire, la Cosmographie universelle de Sebastian Münster). Le géographe trouve des modèles opératoires, pour mettre en oeuvre sa description du côté des arts de la mémoire, de la méthode des mieux communs ou de la rhétorique de l'éloge
  • Le schème de la méthode : classement généralisé, création de catégories d'espace, sur un modèle en arbre (= du général au particulier)

La place de la géographie dans l'histoire des cultures visuelles

Un exemple : la place de l'iconographie et des cartouches dans la cartographie des XVI et XVIIe s. Une histoire culturelle et sociale de la cartographie permet d'y reconnaître plusieurs fonctions et discours.
Le cartouche est avant tout un élément décoratif qui appartient aux domaines de l'architecture, de la sculpture et de la gravure. Il désigne et détermine a priori le cadre d'interprétation de la carte. C'est aussi un contenant, un espace vide à l'intérieur duquel on place un titre, une inscription, un blason... annonçant le contenu de la carte. Enfin, il donne l'identité politique du lieu ainsi que son possesseur. On peut comprendre le titre comme l'énonciation d'un titre de propriété. Il traduit un type de relation sociale, celle qui existe entre l'auteur et l'éditeur de la carte d'une part et le dédicataire de l'autre : caractéristique de l'économie du patronage, qui oblige le patron (dédicataire) à offrir protection et rémunération en échange du livre ou de la carte dédiés qui en échange doivent manifester la gloire du patron. Quel que soit le niveau d'autorité auquel la carte est présentée (roi, dauphin, ministres et grands commis, autorité ecclésiastiques, celle(ci est supposée traduire les effets positifs de l'exercice de cette autorité.
=> Un même cartouche peut donc développer des discours de niveaux différents, mais le discours du pouvoir est toujours présent.
Il peut contenir ou s'accompagner de vignettes iconographiques. Celles-ci, sur le modèle rhétorique de l'evidentia, donnent la "vérité" visuelle de l'espace représenté en représentant les ressources naturelles du pays, sa faune et sa flore, ses populations et coutumes, ses costumes ... Ou bien, des représentations allégoriques relevant d'un discours de la civilisation : les quatre éléments, la Bible, les allégories des continents, des instruments scientifiques de mesure ... Il s'agit de mettre en évidence l'image du monde terrestre, mais aussi du cosmos, ordonné et mesurable. Remarquons qu'on retrouve là sur la carte une pratique largement diffusée lors des entrées princières , celle des tableaux vivants ou des décorations des arcs de triomphe qui présentent de façon allégorique les territoires soumis à l'autorité du prince. Par exemple, en 1539 à l'occasion du mariage de Cosme de Médicis avec Eleonore de Tolède, un défilé convoque la géographie sus la forme de personnages allégoriques représentant les rivières, montagnes et autres éléments du territoire soumis à Florence. Quelques jours auparavant, Charles Quint paradait Porta del prato entouré de personnifications des pays constituant son empire : on pouvait y voir le "nouveau Pérou", l'Afrique, le Danube et l'océan Atlantique.

C'est le cas également dans d'autres dispositifs décoratifs, comme la galerie des cartes au palais du Vatican, chef d'oeuvre du XVIe siècle.





Ou encore les exceptionnelles cartes de marbre au sol du palais communal d'Amsterdam



Pour prolonger : article de ce blog sur les voyages marchands de la VOC

samedi 25 mai 2019

La Sicile médiévale : Palerme musulmane

D'après l'article d'Alessandro Vanoli, "1030: Palermo islamica, une metropoli mediterranea", in Storia mondiale dell'Italia, pp.211-214

Un port au cœur des réseaux méditerranéens

Palerme sous la domination musulmane fait partie d'un vaste réseau d'échanges  au sein du  monde musulman, de l'Espagne jusqu'à l'Inde. Par-delà les vicissitudes politiques ultérieures, ce réseau a en partie survécu.

Si l'on pouvait contempler le port de Palerme en 1030, il serait évident, à voir les navires chargés d'épices et de soie, que l'île était au coeur d'un vaste monde. C'était d'ailleurs une réalité ancienne, remontant au moins aux Phéniciens et aux Grecs, poursuivie sans interruption par les Romains et les Byzantins. La Sicile a toujours regardé vers les côtes de l'Afrique et l'Orient méditerranéen. Sur ce point d'ailleurs, Palerme ne se distinguait pas tellement des autres cités de l'île. Mais les Musulmans ont fait la différence.

Palerme musulmane

En juin 827, ils débarquèrent à Mazara, profitant des tensions internes du gouvernement byzantin. Ils venaient plus ou moins de l'actuelle Tunisie. Certains arabes, d'autres berbères. L'armée arabe avane lentement. Palerme tombe en 831. On dit que ce fut un carnage, mais ce fut aussi la naissance d'une nouvelle capitale. Dix ans plus tard, au moins la moitié de l'île était sous contrôle musulman. A partir de ses ports partaient des expéditions de razzia : Ponza et Ischia (au large de Naples), Rome le 23 août 846. Rien ne semblait arrêter les musulmans à l'époque. Entre 841 et 871, ils installèrent un émir à Bari et poursuivaient la lente conquête de l'île. 878, Syracuse puis finalement Taormina tomba. A l'époque, le pouvoir califal s’effritait et dans ce vaste espace musulman, des pouvoirs autonomes surgissaient, comme le califat autonome de la péninsule ibérique vers 929. En Orient, le califat chiite des Fatimides s'étendait jusqu'au Nil et Le CAire était en 969 leur nouvelle capitale. En quelques années, ils contrôlaient aussi l'Afrique du nord, et jusqu'à la Sicile. Une bonne partie des échanges commerciaux entre l'Océan Indien et la Méditerranée passait par eux, élargissant d'autant le monde vu de Sicile. Cependant, les plus anciennes communautés musulmanes murmuraient contre le pouvoir chiite en Sicile et des révoltes, particulièrement à Palerme, éclatèrent. Rien d'étonnant alors que le gouverneur de la cité décide de faire construire la citadelle de la Khalisa qui donna son nom au quartier actuel de Khalsa. Sous l'émirat des Kalbiti (948-1053) la Sicile connut une période de paix relative, alors que la prospérité de l'île était indéniable.
En 1030, Palerme ne ressemblait plus à la ville byzantine si ce n'est les deux cours d'eau qui la délimitaient. Balarm, de son nouveau nom, était entourée d'une muraille de pierre, ouverte par neuf portes et partagée entre cinq quartiers. Sa grande mosquée pouvait, disent les voyageurs, contenir jusqu'à  7000 personnes soit, selon le récit d'un voyageur du Xe siècle Ibn Hawqal, 36 files de fidèles. Près d'une autre mosquée, celle d'Ibn Saqlab, le grand souk des vendeurs d'huile, de farine, de poissons vivants, de drogues pharmaceutiques, de graines et des légumes, de viande, de plantes aromatiques, des boulangers, des ferronniers, des menuisiers, des potiers...Venus d'Orient la soie, mais aussi le lin, indaco teint en bleu et  salim d'Egypte, le poivre et la cannelle, l'aloe, les clous de girofle... Les produits en provenance de l'océan indien et d'Aden éteint ensuite transportés par voie terrestre jusqu'en Egypte jusqu'au Caire. la Sicile servait de plaque tournante pour les destinations italiennes comme Amalfi, Naples, les cités des Pouilles...



Palerme, cité cosmopolite tirait sa richesse aussi de la présence d'autres communautés et de leurs réseaux, et surtout les hébreux qui opéraient depuis des siècles dans les ports de commerce. Nous connaissons cette histoire par les archives de la genizah (l'espace de la synagogue dévolu à la conservation des objets de culte non utilisés) du Caire. Des centaines de milliers de documents, lettres, registres de compte, traités rabbiniques, poèmes...rédigés pour l'essentiel entre les XI et XIIIe siècles, tout un monde d'une vitalité culturelle qui embrassait toute la Méditerranée.
Mais bientôt l'Histoire va changer. Venus des terres septentrionales, les normands vont accoster. Mais comme souvent, les conquérants seront conquis : la guerre contre les musulmans de Sicile n'empêchera pas Roger II et ses descendants de conclure des accords commerciaux et diplomatiques avec le califat fatimide du Caire.

Les supports pour la classe de Seconde

  • Al Idrisi, géographe arabe pour les rois de Sicile, a écrit le livre des voyages agréables dans des pays lointains, le plus souvent connu sous le nom Tabula Rogeriana. C'est une description du monde et une carte du monde créées en 1154.  Elle est restée la carte du monde la plus précise pendant les trois siècles qui ont suivi.

Et pour aller plus loin, l'expo virtuelle site de la BNF, la Sicile d'Al -Idrisi et la Méditerranée au XIIe siècle, qui est une mine de documents utilisables pour le cours de 2nde.
  • Extrait de "l'Italie vue du ciel" : Palerme et son architecture mixte

  • Un texte trouvé sur le blog de Pierrick Auger pour mettre des mots sur le plan ci-dessus : 

Palerme décrite par le savant géographe Al- Idrisi
« La première de ces villes est Balharm (Palerme), cité des plus remarquables par sa grandeur et des plus illustres par son importance ; chaire de prédication parmi les plus célèbres et prestigieuses du monde. Elle est dotée de qualités qui lui confèrent une gloire inégalable et réunit beauté et noblesse. Siège du gouvernement dès les temps primitifs et les premiers temps de l’islam, c’est de là que partaient les flottes et les armées lors des expéditions militaires et c’est là qu’elles revenaient, comme elles le font encore aujourd’hui. Cette ville est sur la côte, elle a la mer à l’est, et est entourée de montagnes hautes et massives. Le rivage à cet endroit est plaisant et riant, il est orienté vers l’est. La ville est dotée de bâtiments magnifiques, qui accompagnent les voyageurs et étalent la beauté de leur construction, la finesse de leur réalisation et leur merveilleuse originalité.(…) De tous côtés, la ville est traversée par des cours d’eau et des sources pérennes ; les fruits y poussent en abondance ; ses édifices et ses promenades sont tellement beaux qu’il est impossible à la plume de les décrire et à l’intelligence de les concevoir ; le tout est une vraie séduction pour l’œil. Le Cassaro dont il vient d’être fait mention est parmi les villes fortifiées les mieux défendues et les plus élevées ; il peut résister aux attaques et est tout à fait imprenable. À son sommet est un fort, bâti récemment pour le grand roi Roger et constitué d’énormes blocs de pierre de taille recouverts de mosaïques. Les murs du « Palais » sont bien alignés et élevés, ses tours de guet et ses postes de garde sont d’une construction fort solide, de même que les différents palais et salles qu’il abrite. Ces derniers sont ornés des motifs calligraphiques les plus merveilleux et couverts de peintures remarquables. Tous les voyageurs attestent la splendeur de Palerme et en font une description hyperbolique. Ils affirment clairement qu’il n’y a point hors de Palerme d’édifices plus magnifiques que les siens, de demeures plus nobles, de palais plus imposants et de maisons plus agréables. Le « Faubourg » qui environne l’ancienne ville forte dont il vient d’être fait mention est très vaste, il contient un grand nombre de maisons, d’hôtelleries, de bains, de boutiques et de marchés. Il est entouré d’une enceinte, d’un fossé et d’un espace vide. À l’intérieur, il y a beaucoup de jardins, de parcs splendides, de canaux d’eau fraîche courante provenant des montagnes qui entourent cette plaine. À l’extérieur, au sud, coule la rivière de ‘Abbâs, qui fait tourner des moulins en assez grand nombre pour suffire aux besoins de la ville."



jeudi 23 mai 2019

Savonarole

Disponible sur la page Les Découvreurs


Sortie ce mois, dans notre petite structure éditoriale, LD éditions, du livre de Valerie Phelippeau, Gouverner l'ingouvernable, une présentation de l'aventure politique trop mal connue de Savonarole, dans la Florence de la fin du XV siècle. Nul doute que chacun y trouvera matière à réfléchir sur la difficulté de conduire les hommes. Et à s’interroger sur bien d’autres questions comme celles toujours prégnantes aujourd’hui d’homme providentiel,d’enfermement de la pensée dans ses propres logiques, bref de l’ajustement toujours si difficile à réaliser du rêve et de la réalité.


TABLE 







mercredi 22 mai 2019

La dame à la licorne, un jeu de piste


(Il s'agissait d'un travail effectué avec des collégiens)


La dame est dans un espace clos, île ou jardin bleu, où abondent les fleurs, les arbres...Les animaux sauvages et domestiques se côtoient sans s’entretuer. Monde de paix et d’harmonie ? Paradis ? la dame est entourée d’une prolifération des lapins et les animaux vont par couple (chasseur/chassé) Ile d’amour, royaume de Vénus ? Et si cette « dame à la licorne », série de 6 tapisseries, racontait une histoire, une histoire en 6 épisodes ?!
Quelle histoire ?

Observons les tapisseries
Etude générale : comparaisons de certains éléments des tapisseries
Une seule dame ou des dames ?
Dame seule (justifiez)
Plusieurs dames (justifiez)
Une dame riche et jeune ?
Riche
Jeune ? OUI (justifier) NON (justifier)
Une reine ?

Pour chaque panneau :
Quels objets porte la dame? 
Décrire la pose, la coiffure et  les gestes de la dame.
Selon vous, quelles émotions son visage et son attitude expriment-ils ?
Quels sont les animaux les plus proches d’elle et que font-ils ?


Mon seul désir
Que veut dire cette inscription ?
Quelles sont les deux lettres entourant l’inscription ?

Recherchons les indices

Chaque élément des tapisseries a un sens caché : les couleurs, les animaux, les objets ...ne sont pas là par hasard. Ils racontent une histoire secrète, différente de celle que l’on voit au premier abord. On appelle cela des symboles

Symboles/ Eléments signifiants repérés
Dans quelle(s) tapisserie(s)
Signification ?
Observation des points communs ou différences
Licorne
Toutes
Virginité
Licorne dressée sur Mon seul désir, odorat et goût.
Licorne assise sur les genoux de la dame sur Vue. La licorne voyant une vierge se couchait « en son giron »
Quelle est l’attitude des licornes (dressée,ou non, vers la dame ou s’en écartant …) 



Licorne
Toucher
Amour physique
/ Enfantement (la corne de licorne passait pour guérir la stérilité)

Lion

Père, maître, souverain
Mari ? Roi ?
Quelle est l’attitude des lions (dressé,ou non, vers la dame ou s’en écartant, rugissant ou non …)


Faucon qui attaque pie ou héron

Conquête amoureuse

Perruche ou perroquet

Amant

Chien Lévrier



Amant, Amour
Amour dompté (si collier)

Chien griffon


Amour entre mari et femme/ fidélité

Lapin

Symbole sexuel féminin
Plus il y a de lapins, plus ……


Singe

Soumission aux instincts primaires
Enchaîné sur Toucher = les instincts sont domptés !?


Oranger



mariage

Chêne



fidélité

Houx

naissance



Pin

permanence




Les armoiries ne sont pas des symboles. Elles « signent » visuellement une famille, un clan, le plus souvent noble et puissant, surtout si ses armes sont portées par un lion.
Les armoiries sont celles des Le Viste, riche famille lyonnaise qui travaillait dans la haute administration royale. Toutefois, leurs armoiries sont soutenues par des lions et pas par un lion et une licorne. Certains auteurs proposent de comparer avec les armoiries de la famille royale anglaise soutenues par lion et licorne. De plus, un blason de gueule et d’azur avec 3 croissants montants rappellent celui de la reine Guenièvre de la légende arthurienne.


Reconstituons une histoire
Personne ne sait exactement ce que raconte cette série de tapisseries. On reconnaît dans chaque panneau une référence à un des cinq sens (Vue, Odorat, Toucher, Goût, Ouïe), et le panneau "Mon seul désir" serait le renoncement à ces sens pour atteindre une plus grande sagesse. Mais cette interprétation dominante n'est sans doute pas la seule possible et la référence aux sens pourrait n'être qu'accessoire. D'autres interprétations ont été proposées. Ceci vous laisse libres de tenter de trouver vous-même la véritable histoire de la « Dame à la Licorne ».

En vous aidant de toutes les observations faites sur les panneaux, quel est l'ordre des tapisseries, d’après vous. Quelle est votre histoire ?


(à)mon seul désir
Vue
Ouïe




Goût

Odorat
Toucher
  

     




A télécharger : une proposition d'histoire, résultat de longs brainstorming


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