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dimanche 18 juin 2023

Churchill

 

Churchill, sa vie, ses crimes

Aux Sources (sur le site Hors-Série)

Tariq Ali

Émission animée et conçue par Stathis KOUVÉLAKIS

Traduction et sous-tirage : Ernest MORET

Il y a trois ans, à Londres, la statue de Winston Churchill devant le Parlement britannique était couverte de peinture rouge. Au même moment, des actions du même type, initiées par mouvement Black Lives Matter suite au meurtre de George Floyd, ont visé des dizaines de monuments dans plusieurs pays occidentaux. En cause dans ces actions symboliques, une histoire, coulée dans le marbre ou le bronze des statues, qui a partie liée avec l’esclavage, le colonialisme, le racisme.

Cette actualité a incité Tariq Ali, écrivain, militant de l’anti-impérialisme et figure historique de la gauche radicale britannique à se pencher sur le cas Winston Churchill. L’ouvrage qu’il lui consacre, publié d’abord en langue anglaise en 2022 et dont une traduction française vient de paraître aux éditions La Fabrique, n’est pourtant pas une biographie conventionnelle. Constatant la faible transmission de l’histoire des combats pour l’émancipation dans les nouvelles générations militantes, Ali utilise la figure de Churchill pour déployer une contre-histoire de cette séquence mouvementée, entre la fin du 19e siècle et le mitan du 20e, au cours de laquelle s’est déroulée sa longue carrière de journaliste, d’homme politique et d’écrivain.

Le portrait dressé est assurément à charge. Sont évoquées les multiples facettes du personnage, toutes reliées par un même fil : la défense acharnée de l’ordre capitaliste et, plus particulièrement de l’Empire britannique, qui fut indiscutablement la grande cause de sa vie.

La liste de ses crimes est aussi longue que la carrière d’un personnage qui fut controversé et, en fin de compte, peu apprécié de son vivant. Ali montre que le culte de Churchill est bien plus récent que ce qui est généralement admis. Il coïncide avec la montée du thatchérisme et l’épisode de la guerre des Malouines, mêlant contre-révolution néolibérale et nostalgie impériale d’une puissance sur le déclin.

Pourtant cet ouvrage n’est pas un simple réquisitoire : plus que de la personne du dirigeant conservateur ou de ses actes considérés individuellement, c’est de la logique d’un système dont il est question. Et plus que du système, ou du dirigeant qui a consacré son existence à le servir, ce dont nous parle Tariq Ali c’est du véritable protagoniste de cette histoire : des luttes de ces millions femmes et d'hommes qui, des mines du pays de Galles jusqu’aux rues d’Athènes et au moindre recoin de l’immense Empire, se sont se battus sans relâche contre tout ce que représente le nom de Winston Churchill.

Stathis Kouvélakis

Aux Sources , émission publiée le 17/06/2023
Durée de l'émission : 78 minutes


Compte-rendu rapide
Ce livre a pour objectif d'effectuer une opération de décentrage du regard sur l'impérialisme anglais du XXe siècle dont Churchill fut un ardent promoteur et défenseur. Il ne s'agit pas de dénoncer la personne et les choix de Churchill en tant qu'individu, mais d'éclairer, sur la longue durée, le système global qui a produit Churchill.

Q : De quoi Churchill est-il le nom, pour nous, dans le contexte présent ?
A son époque, Churchill a été souvent et durement attaqué, notamment par ceux qui attaquaient l'organisation élitiste, classiste du pouvoir britannique. C'est à partir de l'époque de la guerre des Malouines que la mémoire de Churchill a été revisitée et qu'il est devenu plus populaire. Depuis, les milieux universitaires décoloniaux "se battent" contre l'establishment politique (cf Tony Blair  a essayé de faire cesser les manifestations contre la mémoire de Churchill) pour rétablir une image plus historicisée du personnage, pour le démythifier. L'entreprise est rendue d'autant plus nécessaire étant donné l'utilisation de son image dans les guerres actuelles .





Il s'agit aussi de réarmer la gauche en lui redonnant l'accès à la connaissance des luttes historiques de la "ruling class" contre les classes ouvrières/salariées.

Q : Pourquoi Churchill a été si haï de son vivant ?
Il fut à l'avant-garde de la lutte contre le bolchevisme, les mouvements contre l'oppression de classe, d'une manière générale contre tout ce qu'il considérait comme étant du radicalisme. Au pays de Galles par exemple, alors que Churchill était ministre de l'intérieur d'un gouvernement libéral, il a brisé un mouvement de grève des mineurs et la troupe a défilé dans les rues des villes minières pour effrayer la population et a usé de la violence (1910-1911). Même si bien d'autres hommes politiques se sont comportés de la même manière, Churchill fut particulièrement haï car il avait la victoire flamboyante.

Q : Son anticommunisme l'a souvent mené dans des postures...(délicates mais qu'il assume)
Il fut également très actif dans la conduite des affaires militaires dans la lutte contre le tout jeune régime bolchévique pour soutenir les armées "blanches" immédiatement après la révolution russe. Il faut accusé à l'époque (gros scandale) d'avoir fait déverser sur les villages bolchéviques du gaz toxique.
Au début des années1920, il publie un article sur "sionisme et bolchevisme" où il distingue le bon juif et le mauvais juif, recyclant tous les stéréotypes sur le judéo-bochévisme, lequel a servi de base à l'idéologie fasciste naissante en Europe. Cette stratégie de diviser une communauté est un classique de la gouvernance colonialiste qu'il applique ici à une question européenne.
Rq) Pour l'auteur, c'est la même stratégie à nouveau l'oeuvre, par exemple au sein du Labour Party, contre ceux qui soutiennent le mouvement palestinien contre l'action du gouvernement israélien de Netanyahou, même quand ces personnes sont eux-mêmes juives.
Enfin, même si Churchill a été un des rares hommes politiques d'envergure à avoir compris à partir de 1938 que ne pas résister à Hitler était dangereux pour l'ordre européen et pour le maintien de la puissance britannique et de son empire, il a eu des complaisances qu'on qualifierait désormais de coupables vis-à-vis des dirigeants fascistes, singulièrement Mussolini et Franco.

Q : Churchill est, avant toutes choses, un soldat de l'empire britannique.
Pourtant, il se distingue par une série de désastres : cf ses mauvaises décisions en tant que 1er Lord de l' amirauté pour la bataille de Gallipoli (1915) contre l'empire ottoman ; dans ce désastre militaire, il n'a sauvé que les britanniques, laissant aller à la mort les troupes coloniales australiennes, néo-zélandaises, indiennes. A remarquer : le défenseur turc de Gallipoli était Mustapha Kemal, qui s'est servi de ce fait dans sa propagande personnelle après la guerre.

Q : Pour mettre en évidence la face sombre de la manière dont Churchill a conduit la 2nde guerre mondiale, il faut se tourner vers les colonies
Par ex : La famine au Bengale, alors que la production de riz de cette région était énorme. Tout le riz bengalais a été fourni aux armées engagées dans la guerre, au prix de plusieurs centaines milliers de morts civiles (certains historiens avancent 3 millions de morts). Cette atrocité a été perpétuée avec l'appui de tout le gouvernement, donc y compris les travaillistes de Clément Attlee, alors que la chose était bien connue puisque les autorités britanniques sur place transmettaient lettres et rapports.
Rq) Dans les mois qui suivent, la plus grande mutinerie au sein des forces coloniales britanniques puis en 1942, le mouvement de Gandhi qui publie Quit India.

En Europe, le projet de Churchill a été d'éviter le surgissement de mouvements internes aux pays soumis à la domination allemande, singulièrement si communistes. C'est par exemple le cas des troupes britanniques qui combattent la résistance en Grèce en décembre 1944. Du fait de l'importance stratégique des ports grecs pour le contrôle en Méditerranée des routes menant à l'empire britannique, il ne fallait en aucun cas que la Grèce connaisse le même destin que la Yougoslavie, libérée par l'armée de Tito. Aussi, quand le général Scobie a demandé à Churchill comment agir si la population grecque résistait au débarquement des troupes anglaises, Churchill a répondu d'agir comme dans les colonies, sans état d'âme. La Grèce a connu une guerre civile horrible, dans laquelle les Anglais ont payé des milices pour torturer et exécuter les résistants.
cf Greece, the hidden war, documentaire produit par Channel 4 au début des années 1980 et visible sur internet.

Q ; comment expliquer la défaite électorale de Churchill dès 1945 ?
C'est la revanche de la working class britannique. C'est un moment historique où tous les mouvements de gauche sont forts en Europe de l'ouest.



lundi 28 octobre 2019

Sur les traces de la RDA

Fiche de lecture du livre de Nicolas Offenstadt, Le pays disparu, folio Histoire


Alors qu'on s'apprête à célébrer les 30 ans de la chute du mur de Berlin, mais que dans le même temps l'extrême droite allemande renaît (AfD) notamment dans les Länder de l'ancienne RDA, il n'est pas inutile de se pencher sur les conditions de la réunification. Selon un sondage du Spiegel du 17 dec 1989, 71% des Allemands de l'Est aspirait non pas à l'unification, mais à une RDA réellement démocratique. Le 26 nov, un appel "Pour notre pays", signé par 1,2 million de personnes espérait en la "possibilité de développer une alternative socialiste à la RFA". (Monde diplo, nov 2019) Les années qui suivent, au contraire, ont vu une absorption de l'ex RDA par la RFA. Ce spectaculaire coup de force, l'annexion d'un Etat souverain, la liquidation intégrale de son économie et de ses institutions, la transplantation d'un régime de capitalisme libéral, fut particulièrement brutal et sidéra la population est-allemande.

Aussi, le livre de Nicolas Offenstadt est éclairant à plus d'un titre.

Des politiques mémorielles allemandes, souvent abritées derrière le terme d'Aufarbeitung qui désigne plus ou moins un travail de mémoire sur le passé afin de la clarifier, ont été mises en place de façon officielle par l'Etat réunifié, alors que cette prérogative était plutôt réservée aux Länder. C'est ainsi que l'offre de musées publics sur la RDA ne cesse de se développer, que les archives de la STASI ont fait l'objet d'une politique de sauvegarde, de préservation et d'utilisation rapide, alors que dans le même temps, des initiatives de tout genre, mais privées, se multiplient, notamment à Berlin.
Ce n'est toutefois pas pas le propos de l'auteur, qu part à la recherche de la RDA à travers la pratique de l'exploration urbaine sensorielle et émotive, par le biais des traces provisoirement épargnées par la rénovation urbaine, par les rencontres et les témoignages aussi.Comme l'indique N. Offenstadt à la fin de son introduction, ce livre tresse trois projets : un parcours matériel dans l'ancienne RDA, occasion de s'interroger sur ces traces du passé et leur lien au présent et donc, de façon plus générale, de "penser les traces en historien, ce qu'elles sont, ce que l'on peut en  faire, ce qu'on peut leur faire dire".

La première parte de l'introduction est consacrée à des rappels (sur 5 pages) de ce que fut la RDA, géographiquement, institutionnellement, culturellement et idéologiquement, puis la chronologie du passage de la RDA à l'Allemagne réunifiée. Elle peut constituer le parfait vademecum à donner aux élèves sur le sujet.

 Quelques points au préalable : 
Pourquoi la RDA ? N.O. rappelle l'originalité de l'Allemagne dans l'histoire du mouvement ouvrier, à la fois par la figure des grands penseurs de la gauche (révolutionnaire ou social-démocrate), par la lutte contre le nazisme et par l’articulation avec le temps long (de la guerre des paysans au XVIe s aux résistants du XXe). C'est pourquoi, "à n'étudier la RDA que comme dictature, on prive de sens des vies entières qui s'étaient consacrées à l'édification de cet Etat austère et autoritaire et qui ont été flouées " ( Sonia Combe "usage savant et usage politique du passé" , Ead. (dir) , Archives et Histoire dans les sociétés post-communistes, Paris, La Découverte, 2009, p. 271)
Par ailleurs, il est rappelé dès l'introduction que la réunification, qualifiée d' "iconoclaste", s'est accompagnée d'une puissante entreprise de délégitimation de l'"expérience RDA" (l'expression n'est pas de l'auteur). Saskia Hellmund, allemande de l'est, née en 1974, qui vit en France, écrit dans ses Souvenirs : " au niveau national, il est pratiquement impensable de parler de perte, de dépossession, de regret. La RFA attend de la gratitude de ses nouveaux citoyens pour leur avoir apporté liberté et démocratie".  Il faut donc d'autres espaces à ces mémoires pour se dire, et le livre de N.O. en est un. 
Plus récemment, après la première phase de débarras des objets de vie quotidienne et des symboles de la RDA, après les jugements et humiliations des premiers temps, un "désir de revanche" a conduit à différentes pratiques politiques, sociales et culturelles dont les objets participent : retour de quelques "marques" de RDA, messages publicitaires se réclamant de la RDA, voire construits explicitement en opposition avec la RFA. L'année 2003 aura constitué un sommet avec le succès de Good bye Lenin ! et de multiples "Ostalgie-show" à la télévision ou des fêtes où l'on vient déguisé. Certains analysent ces pratiques comme un nouvel instrument de dépossession, tant elles sont marquées par une approche d'entertainment typique de l'ouest.
Un travail sur la trace : selon le principe d'une anthropologie symétrique, ce livre a le projet de faire l'histoire des "perdants" comme on fait celle des vainqueurs, par l'interrogation des traces laissées. Mais dans ce cas précis, la trace est vue comme une résistance, quelque chose qui dure quand autour, tout est bouleversé. Sous tous ses aspects, la trace n'a rien de naturel ; elle est un symptôme qui permet d'interroger les structures sociales et les rapports de force. En ce sens, la trace fonctionne dans des "séries" et des continuités, des retournement d'emploi, des changements de statut...

Histoires de Vies  (chap 1)

Il est difficile de synthétiser la collection d'exemples, de parcours de vie individuels qui composent le 1er chapitre. En revanche, l'auteur fait de nombreux développements reflexifs sur sa méthode de travail, sur le désarroi parfois, l’excitation souvent de travailler sur des "traces" recueillies dans des circonstances toujours particulières : en effet, pas d'autre méthode ici pour trouver l'archive que le hasard des trouvailles dans les vieux fonds déclassés, en déshérence et, encore plus souvent, dans les arrière-boutiques des brocanteurs (cas de Johanna Klepel, etc.) ou dans des bâtiments, par exemple industriels, abandonnés (cas de Heidrun K., etc.) et ce jusqu'à très tard, le début des années 2010.

Dans le cadre d'une éventuelle utilisation en cours, selon le cadre (Term Tronc commun) , on pourra croiser plusieurs exemples en montant un dossier sur le rôle des organisations comme la brigade ou le syndicat pour encadrer, émuler, aider le travailleur communiste ; sur la politique menée en RDA sur toute la période pour développer le travail des femmes, ses réussites et ses échecs en matière d'égalité homme/femme. On comparera avec profit la situation qui fut faite aux femmes de l'ex RDA juste après la réunification. (Monde diplo, nov 2019) : les femmes furent licenciées prioritairement alors que l'ex RDA était le pays où leur taux d'activité était le plus élevé du monde.


Un pays horizontal  (chap 2)

L'expression est heureuse et désigne la somme éclectique des objets d'un monde périmé, qui s'offre à la vente sur les étals des brocantes. Dans ce chapitre, Nicolas Offenstadt prend quelques uns de ces objets glanés pour les remettre en contexte : plaque d'une rue qui a été débaptisée, compteur électrique au nom de Staline, drapeau de l'association des jardiniers ouvriers de Iéna.

L'aspect parcellaire et volontairement modeste d'une présentation strictement adaptée strictement à l'objet, rend difficile une utilisation en classe ; on lira toutefois avec intérêt le "manomètre bulgare" qui présente rapidement les connexions économiques et productives au sein du CAEM.

Le (futur/ ancien) touriste berlinois sera intéressé par le passage sur la destruction du Palais de la République,

remplacé par une simili-reconstitution de l'ancien château des Hohenzollern qui avait été détruit par les bombardements de la 2nde guerre mondiale

Humbolt Forum

Effacer le RDA (chap 3 )

C'est à partir de ce moment-là du livre que le propos prend de la consistance. Le thème avait été annoncé justement par l'exemple de la destruction du Palais de la République : il s'agit de la destruction des traces de la RDA dans l'espace public (monuments, noms de rues, tracé urbain) qui justifie le titre du livre, "le pays disparu", et ceci a été au nom d'une politique mémorielle ouest-allemande. Dans une longue et passionnante introduction au chapitre 3, N.O. présente, à travers la biographie de  Hans Maur, ce que fut la politique mémorielle et patrimoniale de l'Allemagne de l'est et comment tout ce travail de mémoire fut balayé par les municipalités et les commissions d'enquête sur l'histoire de la RDA (dès 1992) sous le cadre global de la délégitimation au nom de la nature totalitaire du communisme, comparable au nazisme.
Ainsi, Hans Maur a travaillé au musée d'Histoire Allemande qui se trouve sur Unter Den Linden à Berlin, dirigeant le secteur "Mémoriaux du mouvement ouvrier et de la résistance antifasciste". Etablir des lieux de mémoires autant valorisés que les lieux de la mémoire bourgeoise (églises, châteaux, œuvres d'art) par une politique patrimoniale qui permettait de relier le passé de la classe ouvrière à son effort présent de construction du socialisme. Alors que le patrimoine socialiste, inscrivant dans la matérialité de lieux la continuité de la lutte des classe, était maltraité ou nié dans les sociétés capitalistes, la RDA affirmait une contre-culture, essentiellement centrée sur l'antifascisme. 
C'est ainsi que, sous sa houlette fleurissent les mémoriaux sur les sites des crimes nazis et les lieux emblématiques de la 2nde Guerre mondiale (monuments militaires soviétiques par exemple).
Cependant, au nom des impératifs politiques, le discours historique de la RDA était indéniablement biaisé, insuffisant, partial. A partir des années 1990, "l'antifascisme ordonné", c'est-à-dire promu par le SED, a été vu comme le paravent de la dictature, comme un récit manipulé ne valorisant que ce qui servait l'idéologie communiste. La traduction de ce discours est double :
d'un côté, les musées locaux, les mémoriaux anciens ferment ou se transforment les uns après les autres, leurs employés congédiés, considérés "contaminés par le régime"

Remarque : N.O. rappelle d'ailleurs quelques pages plus tôt que 110 000 personnes firent l'objet d'une information judiciaire dans les dix ans qui suivirent l'unification et qu'il y eut au total 1500 condamnations, toujours au motif d'avoir participé au meurtre de citoyens de RDA dans le cadre de tentatives de fuite à l'ouest). Dans le Monde diplo de ce mois (novembre 2019), l'encart de la p.14 indique que "de 1989 à 1992, le nombre de salariés à temps plein de la recherche, de l'enseignement supérieur, y compris industriel, passait dans les nouveaux Länder de 140 567 à moins de 38 000, au rythme des fermetures de centres de recherches et d'académies des sciences. Parmi les scientifiques de l'ancienne RDA, 72% furent démis de leurs fonctions en 3 ans : ils durent émigrer ou se reconvertir dans des métiers sans rapport avec leurs qualifications. Le personnel résiduel fut soumis à des tests d'aptitude évaluant notamment ses convictions politiques. Cette élimination de 3/4 des scientifiques fut justifiée par un impératif idéologique : "il faut éradiquer l'idéologie marxiste en procédant à des changements de structure et de personnel", expliquait ainsi en juillet 1990 un document d'évaluation de l'Académie des sciences."  P. 16 : "un million de fonctionnaires ont perdu leur emploi dont 70 000 enseignants du supérieur et la totalité des magistrats pénalistes, chassés des tribunaux". Pour espérer se sauver de la débacle, 2 millions d'est-allemands sont partis s'installer à l'ouest, en général des jeunes diplomés. Les nouveaux Länder ne se sont jamais remis de cette hémorragie, surtout que dans le même temps -1989-1993-, le taux de natalité passait de 14 enfants pour 1000 hbts à 5 !

De l'autre, les nouveaux mémoriaux indifférencient les victimes des nazis ("pour toutes les victimes de la guerre et des dictatures"), incluant parfois les victimes de la Grande guerre, ce qui apparaît inadmissible à ceux qui ont fait de l'antifascisme le fondement des politiques du souvenir . Bref, d'un côté une mémoire de la lutte et donc une mémoire politique contre une mémoire mettant l'accent sur la douleur et la victimisation, si l'on veut schématiser. Cette opposition sur ce que doit porter une politique mémorielle,, à quoi elle rend hommage, quels sont ses objectifs, en quoi elle est forcément politique, est, il me semble, un bon exemple à garder en tête pour le cours de SPE Terminale, sur la thématique de la Mémoire.


Face au  dé-baptême des noms de lieux, la résistance initiale (1990-1992) des habitants s'efface vite devant les enjeux politiques et urbanistiques, surtout dans les grandes villes. Au rythme des destructions/reconstructions ou tout simplement sur décision municipale, les noms des anciens dirigeants de l'ex-RDA sont retirés en premier, ainsi que ceux trop liés à l'URSS. En 1993 à Berlin, le sénat de la ville considère que les communistes, tout autant que les nazis ont contribué à la chute de la République de Weimar, ce qui permit de retirer leur rue à tous les dirigeants du KPD d'alors. A Francfort, des arguments de retour à une "identité allemande" sont employés contre les noms des communistes étrangers...Cet effacement  par des moyens multiples, changement du nom des rues, enlèvement des plaques commémoratives et déboulonnement des statues, destruction ou déplacement des monuments, fermeture des musées locaux ou de sections dans les musées ne concerne pas que les souvenirs de la RDA, mais aussi celui des résistants face au nazisme, ou encore du KPD ou des Spartakistes au moment de la République de Weimar: c'est toute la mémoire du mouvement ouvrier au sens large qui est laissée à l'abandon, ou effacée, ou cantonnée dans l'ordre d'un folklore local et mineur. En 2015, une enquête de Léonie Beierdorf a montré que le démontage des monuments a concerné environ 20% des lieux et qu'il y avait eu très peu d'"attaques spontanées ou populaires" de ces monuments. Cependant, c'est une enquête partielle qui ne porte que sur 30 villes. De plus, l'approche quantitative ne prend pas en compte le fait que la disparition des monuments de première importance dans l'espace urbain et symbolique produit une nouvelle géographie mémorielle même si d'autres lieux demeurent. Enfin, même quand les œuvres ou les statues demeurent, le bouleversement de l'environnement qui les entoure rend leur présence étrange et peu compréhensible, parlant une langue disparue.

Effacer les traces, c'est aussi se débarrasser de la monumentalité des immeubles RDA, trop marqués par leur époque, trop empreints de grandiloquence socialiste. Les reproches à l'égard de ces bâtiments est toujours le même : "esthétiquement affreux".  L'architecture dans ce domaine n'est pas plus neutre que les politiques mémorielles. A Berlin (cf supra sur le Palais du peuple) comme à Postdam, on privilégie la reconstruction de bâtiments depuis longtemps disparu de l'époque prussienne : ainsi à Posdam, le chateau a été reconstruit ainsi que l'ancien palais Barberini. En revanche, l'ancien Interhotel RDA construit en 1969, devenu un Mercure,  a perdu une bonne parte de ses décorations réalisées par des artistes renommés de la RDA et le café Bellevue au 16e étage a été remplacé par des chambres de prestige, faisant disparaître du même coup l'oeuvre mosaïque et le décor de Wolfang Wegener.

De Leipzig à Buchenwald, la mémoire antifasciste est elle aussi troublée. Le discours et la mise en scène communistes insistant en particulier sur la résistance des rouges et de leurs alliés , quitte à minimiser ou écarter d'autres thématiques, d'autres enjeux, d'autres acteurs, ne pouvait se maintenir dans le nouveau contexte. Par ailleurs, certains de ces camps ayant servi  aux Soviétiques dans d'autres circonstances, ils permettent désormais d'illustrer le discours des "deux dictatures allemandes", de la continuité de l'oppression et d'appuyer la dénonciation du communisme. NO développe l'exemple de Buchenwald.

Résistances et renouveau (chap 4)

Les mémoires de la RDA sont aussi un commerce, principalement à destination des touristes.
Au chapitre des projets qui n'ont pas vu le jour, mais qui témoignent de l'approche générale de cette mémoire particulière de l'ex-RDA, N.O signale l'entreprise de Frank Georgi qui en 1993 imagine un parc d'attraction sur un ancien terrain militaire de Wandlitz. Il s'agissait d'une mise en scène destinée à immerger le visiteur dans une "expérience". De façon caricaturale, des mises en scène, à l'intérieur de cet espace entièrement entouré de barbelés, reconstituaient un marché noir, des lieux d'internement de prisonniers politiques, des espaces d'habitation ou des magasins remplis de produits de l'est, où la propagande radio/télé aurait diffusé des émissions de l'époque. A titre personnel, j'ai trouvé également caricatural le petit musée privé sur l'ex-RDA qui se trouve à Berlin derrière l'île des musées et notamment le texte du livre du musée qui est mis en vente. Des musées RDA privés (DDR-museum) ont partout fleuri en ex-RDA, souvent attachés à des fondateurs collectionneurs. Ces musées ne s'inquiètent pas des questions muséographiques scientifiques, mais articulent ambiance et monstration d'objets. Quasiment tous affirment autre chose qu'un objectif de connaissance ou de pédagogie, plutôt quelque chose qui relève du souvenir, du rappel, voire de la nostalgie. Les chercheurs et spécialistes de muséographie affichent leur mépris pour des expositions sans reflexivité, ni sur le discours sur l'ancien régime, ni sur la mise en scène. Pourtant, c'est un phénomène intéressant par la multiplicité de ces initiatives et par le caractère souvent "artisanal" de nombre de ces petits musées. Par exemple, à Thale en Saxe-Anhalt, au pied du Harz : sur le parking, un fourgon de la "police du peuple", customisé, accueille le visiteur. Au dernier étage d'une fabrique de textile, installée dans le bâtiment administratif de la VEB sidérurgique de Thale, 19 pièces ordonnées le long d'un couloir racontent par les objets et la reconstitution la vie quotidienne de la RDA selon un parcours chronologique. La dernière pièce reconstitue une pauvre habitation de réfugiés chassés de l'est par l'avancée de l'armée rouge. On circule librement dans ces pièces, contrairement à d'autres musées, en pouvant toucher les objets, s'assoir dans les fauteuils ou sur le lit...Le musée se veut neutre, mais le discours se coule parfois dans le discours dominant, tel ce panneau sur l'après 1989 qui est un hymne à l'unité allemand. Chaque 1er mai, sur le parking est organisée un "ost-mobile"nqui rassemble les fanas des anciens véhicules de l'est.
En 2006, à Pfaffroda, le petit musée de la Volkspolizei est ouvert par un couple dont le mari était précisément policier " de proximité". Il ne s'agit pas ici de collection seulement, mais bien de la construction d'une continuité biographique articulée à un discours politique. L'ancien policier rassemble toute la documentation disponible sur l'histoire de la police en RDA et l'ordonne chronologiquement. Il entend montrer les choses "comme elles furent vraiment", sans les affirmations qu'il constate ailleurs,, comme par exemple vouloir attribuer une fonction de 'torture" à des objets qui n'avaient rien à voir avec cela. L'ancien policier tient à son indépendance, au caractère privé de son musée, garant selon lui de la liberté de son récit alternatif face au discours dominant. Il décrit sans ancien métier comme une forme d'arbitrage à la campagne, bien plus que comme l'exercice d'une forte autorité policière. Dans les deux pages que N.O. consacre à la biographie de ce monsieur, il y a cette jolie phrase : " Les gens ont été ravis de se débarrasser de la domination du parti, ce père sévère, mais ils n'ont pas compté qu'ils y perdaient toute la sécurité qui leur été assurée : la mère protectrice partait avec."




Faire trace : écritures de la RDA perdue  (chap 6)








mardi 24 septembre 2019

Mémoires de la 2nde Guerre Mondiale : DS


Thème : Les mémoires françaises de la Seconde Guerre mondiale

Consigne : Après une introduction complète qui n'oubliera pas de présenter les documents, vous analyserez les documents pour montrer que la mémoire du rôle de la France pendant la seconde Guerre mondiale est passée d'une mémoire officielle résistancialiste (Première partie) à une reconnaissance "d'une dette imprescriptible" (Deuxième partie). Vous conclurez sur les débats encore vifs qui agitent cette mémoire.

Doc 1 : Extrait d'un manuel scolaire de 1958. Exercice sur  « La seconde guerre mondiale : Paris libéré, (août 1944). »
RÉCIT


Depuis 1940, les Allemands occupaient notre pays : les Français étaient esclaves sur leur propre sol. Mais ils voulaient rester un pays libre, et ils « résistaient » à l'« occupant ». L'occupant prit peur ; il emprisonna et tortura des milliers de patriotes français ; il les fit mourir de faim en Allemagne. D'autres furent fusillés ou massacrés. Des milliers de jeunes gens se réfugièrent dans le « maquis » où ils continuèrent la lutte. Malgré leur « résistance », les enfants de France ne pouvaient à eux seuls délivrer le pays. Les armées alliées débarquèrent en Normandie, et, en août 1944, elles marchèrent sur Paris. De leur côté, les Parisiens avaient attaqué les troupes allemandes qui occupaient Paris. Et voici les chars du général Leclerc qui arrivent dans la capitale. Les Parisiens, fous de joie, crient : « Vive la France ! » L'Allemagne capitule le 9 mai 1945.


QUESTIONS

1. Les Français « résistaient » : que faut-il entendre par là ?
2. Comment les « occupants » traitèrent-ils les Français ?
3. Que firent les armées alliées en 1944 ?
4. Comment Paris aida-t-il vaillamment à se libérer ?
5. V signifie Victoire : dessinez. »

Source :Extrait du manuel, Cours élémentaire,, Nathan 1959, direction Louis François, cité dans : Jean-Michel Gaillard, Histoire Terminale L-ES, Bréal, 2004, p. 266

Doc 2 : discours de J. Chirac en 1995 commémorant la rafle du Vel d'Hiv.

Il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays. Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l'on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l'horreur, pour dire le chagrin de celles et ceux qui ont vécu la tragédie. Celles et ceux qui sont marqués à jamais dans leur âme et dans leur chair par le souvenir de ces journées de larmes et de honte. Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français. (…) La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. Conduites au Vélodrome d'hiver, les victimes devaient attendre plusieurs jours, dans les conditions terribles que l'on sait, d'être dirigées sur l'un des camps de transit - Pithiviers ou Beaune-la-Rolande - ouverts par les autorités de Vichy. L'horreur, pourtant, ne faisait que commencer. (…) Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible. (…) Cinquante ans après, fidèle à sa loi, mais sans esprit de haine ou de vengeance, la Communauté juive se souvient, et toute la France avec elle. Pour que vivent les six millions de martyrs de la Shoah. Pour que de telles atrocités ne se reproduisent jamais plus. Quand souffle l'esprit de haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et l'exclusion. Quand à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines publications, certains enseignements, certains partis politiques se révèlent porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d'une idéologie raciste et antisémite, alors cet esprit de vigilance qui vous anime, qui nous anime, doit se manifester avec plus de force que jamais. Transmettre la mémoire du peuple juif, des souffrances et des camps. Témoigner encore et encore. (…) Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l'Etat. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c'est tout simplement défendre une idée de l'Homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l'œuvre. Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a une faute collective. Mais il y a aussi la France, une certaine idée de la France , droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n'a jamais été à Vichy.





Sujet de bac: étude de document /
Les mémoires de la 2nde Guerre mondiale

Comment combattre le négationnisme ?

« L’instruction constitue un des vecteurs privilégiés de la transmission du savoir. « La mémoire est-elle menacée ? » questionne Le Monde pendant l’été 1988. Pour conjurer ce risque, certains ont entrepris des actions auprès des jeunes afin de les sensibiliser à l’histoire du génocide. Le comité d’information des lycéens sur la shoah […] propose à de jeunes gens des voyages à Auschwitz. Comme le précise l’avocat Serge Klarsfeld, ce ne sont pas des pèlerinages : « Nous voulons que ces garçons et ces filles, en majorité non juifs, soient les témoins des relais de la mémoire. » En mars 1988, une centaine d’enfants se retrouvent ainsi sur les lieux du camp d’extermination et entendent les explications d’anciens déportés.[…]
Parallèlement, certaines personnes, comme Henri Bulawko, résistant et ancien déporté d’Auschwitz, président de l’amicale des anciens déportés juifs de France, se rendent dans les lycées pour témoigner et transmettre leur expérience. Le combat contre le négationnisme et ses adeptes passe inéluctablement par la sensibilisation des jeunes générations susceptibles d’accréditer ce discours parce qu’ils n’ont pas vécu la période de la Seconde Guerre mondiale. Ils sont plus à même de se laisser gagner par le doute. Nous le savons, les négationnistes […] ambitionnent de toucher la génération des 15-20 ans. »

Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000.

En vous appuyant sur le document et vos connaissances de cours, expliquez pourquoi la mémoire du génocide juif évolue avec/contre le négationnisme et montrez les enjeux et les difficultés du travail de l’historien.





SUJET ETUDE CRITIQUE DE DOCUMENT : La mémoire du génocide juif

Document : extraits du discours de Simone Veil1  , Amsterdam le 26 janvier 2006.

Et puisque nous commémorons demain la date anniversaire de l’arrivée de l’Armée rouge dans le camp d’Auschwitz, je souhaite rappeler comment nous, les déportés, avons vécu ce que l’on a appelé « la libération», ne serait-ce que pour mieux mesurer le chemin accompli dans la mémoire européenne depuis 1945. Je dis européenne, mais je pourrais dire mondiale, puisque l’Assemblée générale de l’ONU a, comme vous le savez, adopté en novembre dernier une résolution pour que le 27 janvier soit reconnu par les nations, même par celles qui n’ont pas été directement concernées par la Shoah, comme la « journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste. »
[…] Ce que nous avions à raconter, personne ne voulait en partager le fardeau. Dans l’Europe libérée du nazisme, qui se souciait vraiment des survivants juifs d’Auschwitz ? Nous n’étions pas des résistants, nous n’étions pas des combattants, pourtant certains étaient de vrais héros, et pour l’histoire qui commençait déjà à s’écrire, pour la mémoire blessée qui forgeait ses premiers mythes réparateurs, nous étions des témoins indésirables. Même le procès de Nuremberg dont nous venons de célébrer le soixantième anniversaire, avait peu pris en compte la dimension de la Shoah dans les crimes contre l’humanité, qui pour la première fois de l’histoire, étaient jugés. Il s’agissait de créer un nouveau concept pour juger les crimes de masses, avec bien sûr les victimes juives, mais celles-ci n’étaient pas au cœur des débats. Il a fallu attendre le procès d’Eichmann2 en 1961, pour que l’on commence à prendre en compte la spécificité des crimes commis par les nazis. D’ailleurs, même les historiens, pendant des décennies, ont mis très longtemps à prendre en compte nos témoignages, et chaque fois que j’y pense, j’éprouve le même sentiment de colère. Mais nous étions, pour eux, des victimes, et nos témoignages étaient donc subjectifs et partiaux. Pendant de longues années, la Shoah n’intéressait personne. Le lent et difficile travail de mémoire qui s’est enfin accompli depuis, l’a arrachée à l’indifférence, comme il nous a rendu notre place. Quel renversement ainsi aujourd’hui, où nous ne cessons d’être sollicités, où partout on nous demande de témoigner, parce qu’après nous, plus personne ne sera là pour rappeler ce que nous avons vu, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vécu. Lentement, Auschwitz est peu à peu devenu le symbole du Mal absolu, la Shoah, le critère d’inhumanité auquel se réfère aujourd’hui la conscience moderne, chaque fois qu’elle craint de s’égarer. Cela a pris du temps. La portée universelle du génocide juif a été retenue. Cette maturation était nécessaire : elle a bouleversé la réflexion sur la modernité, révolutionné la pensée politique jusque dans ses fondements, entraîné les progrès du droit international3.
 […] Je voudrais à présent aborder, après la digue que constitue pour moi, la construction d’une Europe solide et démocratique, ce qui, à mes yeux, constitue un second rempart : je veux parler du rôle de l’histoire, de l’éducation et de la transmission de la Shoah. L’Europe doit connaître et assumer tout son passé commun, ses zones d’ombre et de lumière ; chaque Etat-membre doit connaître et assumer ses failles et ses fautes, être au clair avec son propre passé pour l’être aussi avec ses voisins. Pour tout peuple, ce travail de mémoire est exigeant, souvent difficile, parfois douloureux. […]

1-      S. Veil est une ancienne déportée, ancienne ministre sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
2-      Adolph Eichmann fut pendant la guerre le responsable de la logistique de la « solution finale » en tant que chef de la section du RSHA (police et renseignements) qui s'occupait des « affaires juives et de l'évacuation ». Echappant à l’arrestation, il vécut caché après-guerre en Amérique latine et fut « enlevé » par des agents des services secrets israéliens. Son procès eut un retentissement international. C’est à cette occasion qu’Hannah Arendt écrivit Eichmann à Jérusalem : rapport sur la banalité du mal.
3-      Peut-être une allusion à l’installation de la CPI (cour pénale internationale) en 2002. Basée à La Haye, elle juge les personnes pour crime de guerre, crime de génocide et crime contre l’humanité.


Consigne : après une rapide présentation du document, vous expliquerez pourquoi Simone Veil parle des juifs rescapés de 1945 comme des « témoins indésirables pour une mémoire blessée qui forgeait ses premiers mythes  réparateurs». Dans un deuxième temps, vous présenterez les différentes étapes et processus qui ont permis l’établissement de la mémoire du génocide juif. Dans une 3e partie vous reviendrez sur l’analyse que fait l’auteur de la difficulté et de l’importance du travail de mémoire effectué par la communauté historienne.




Thème : Le procès Papon et la mémoire de la collaboration

Consigne : Après avoir rappelé l'évolution de l'opinion publique sur la collaboration du régime de Vichy, montrez que le procès Papon est révélateur d'une nouvelle mémoire de cette période. Expliquez, à partir de ce document, les débats qui agitent les Français sur la tenue de ce procès. 

         "Le 2 avril 1998, après 94 journées d'audience, 12 h de réquisitoire, 72 h de plaidoiries et 19 h de délibéré, la cour d'assises de Bordeaux rend son verdict. Reconnu coupable de complicité de crimes contre l'Humanité pour son rôle dans l'arrestation de 1 600 Juifs alors qu'il était Secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 1942 et 1944, Maurice Papon et condamné à dix ans de réclusion criminelle et à la privation de ses droits civiques. Le procès le plus long de l'après-guerre s'achève. Et avec lui un autre procès, instruit celui-là hors du prétoire, dont l'accusé fut autant l'ancien haut-fonctionnaire de 87 ans rattrapé par son passé vichyste que son procès lui-même.
         Faut-il juger Maurice Papon ? Interrogés par plusieurs instituts de sondage avant l'ouverture des débats, les Français, surtout le jeunes et les sympathisants de gauche, sont majoritairement favorables à la tenue du procès. Les intellectuels, eux, sont plus septiques. Certains doutent de la légitimité d'un procès qui a lieu plus d'un demi-siècle après les faits. [...] Pour ses contempteurs (= personne qui dénigre quelqu'un ou quelque chose), le procès Papon pose donc la question de la mise en pratique de l'imprescriptibilité des crimes contre l'Humanité, inscrite dans le droit français depuis 1964. Persuadé "qu'une des conditions d'un jugement équitable manque quand on est trop loin des faits", l'essayiste Paul Thibaud craint que cette distance n'amène la justice à se tromper d'objet. "L'opinion se moque bien que le procès de Papon soit équitable. C'est le procès d'un régime, voire d'une époque, qui l'intéresse, estime-t-il (Le Débat, 09 / 10 / 1997).
         Juger Vichy à la place de Maurice Papon ? Le risque paraît d'autant plus légitime que beaucoup de Français, en cette fin de XXe siècle, restent convaincus que "l'épuration n'a pas été faite", comme l'observe l'historien Pierre Nora. [...] D'où l'attente suscitée par le procès Papon, censé parachever, après ceux de Klaus Barbie et de Paul Touvier cette "seconde épuration", selon l'expression de l'historien Henry Rousso, plus centrée sur la question du génocide que ne le fut l'épuration d'après-guerre. [...]
         En tant que dernier survivant, Maurice Papon se trouve [...] érigé en symbole d'une politique de collaboration dont il ne fut qu'un agent d'exécution. "Il est très difficile de juger un seul homme pour tout un système, toute une politique, de lui en faire porter tout le poids", reconnaît Claude Lanzmann. (Le Monde, 1er avril 1998).

Article de Thomas Wieder,
Rétrocontroverse : 1998, fallait-il juger Maurice Papon ?, Le Monde, 16 août 2007




mardi 23 juillet 2019

La Commune, entre Histoire et mythe


Ce qui me fait peur avec ces nouveaux programmes hyper-descriptifs qui choisissent même les exemples à développer, cumulés aux 3 épreuves de bac sur des sujets qu'on ne peut adapter, c'est qu'à terme, ils nous contraignent à ne faire que ce qui est indiqué dans le programme, au détriment à d' études de cas et d'exemples que l'on pouvait développer auparavant parce qu'on avait davantage de temps. Typiquement, se contentera -t-on de Louise Michel pour évoquer la Commune ?
Ce qui suit correspond à  une fiche d'activité et au "cours" sur la Commune qui introduisait mon anciens cours sur la 3e République. 



La Commune de Paris désigne une période révolutionnaire qui installa, à Paris, un contre-gouvernement opposé au pouvoir officiel de la République établi à Versailles (Thiers et la Chambre) ; elle dura du 18 mars 1871 jusqu'à la «semaine sanglante» (21-28 mai).





1) Un récit dans un manuel d'Ernest Lavisse, Histoire  de France, cours moyen, 1921
La guerre civile - Nous n'étions pas au bout de nos malheurs. La guerre contre les Allemands était à peine finie quand une guerre entre Français commença. Les esprits étaient très troublés à Paris à la fin du siège. Des patriotes étaient exaspérés par nos défaites. Beaucoup de républicains se défiaient de l'Assemblée nationale, qui était venue de Bordeaux à Versailles, et qui semblait disposée à rétablir la royauté. Des révolutionnaires voulaient changer toute la société. Enfin, il y avait à Paris, comme dans toutes les grandes villes, des hommes qui aimaient le désordre et les violences. En mars 1871, les Parisiens nommèrent un gouvernement révolutionnaire qui s'appela la Commune.
Le second siège - Un second siège commença. Cette fois, ce fut une armée française qui assiégea Paris. Mac-Mahon la commanda. L'armée entrée dans Paris le 21 mai. Les insurgés se défendirent derrière les barricades. Ce fut une affreuse guerre de rues. Vaincus, les insurgés fusillèrent l'archevêque de Paris et plusieurs autres personnes que la Commune avait emprisonnées. Les insurgés incendièrent des maisons et des monuments. L'Hôtel de Ville et le palais des Tuileries (Voir photo ci-dessus) furent brûlés. Les Allemands occupaient encore les environs de Paris. Ils entendirent avec joie la fusillade et la canonnade. la nuit, ils regardèrent la flamme et la fumée des incendies. La France semblait se détruire elle-même dans un accès de folie furieuse. Beaucoup de soldats périrent pendant la bataille dans les rues. Un plus grand nombre de Parisiens furent tués en combattant ou après un jugement de conseil de guerre. La répression fut terrible.
L'année terrible, c'est le nom que Victor Hugo a donné à cette année qui vit la guerre étrangère et cette criminelle guerre civile faite sous les yeux de l'étranger. Ce fut un des moments les plus tristes de toute notre histoire.
éd. Armand Colin, 1921, p. 232




2) Une explication dans une  Histoire de France  de 1987
La Commune. La question du régime reste pendante. Devant une Assemblée en majorité monarchiste, Thiers s'est engagé à ne pas prendre parti sur le régime. La crainte d'une restauration, l'humiliation de la défaite, les misères du siège, l'effervescence révolutionnaire de la capitale depuis la fin de l'Empire, tels sont les aspects du malaise de Paris, dont les élections de février avaient montré les sentiments républicains. L'Assemblée nationale s'installe à Versailles et non à Paris, supprime la solde des gardes nationaux et le moratoire des loyers : ces maladresses mettent le feu aux poudres. Le 18 mars, les émeutes éclatent à Montmartre. Thiers, instruit par l'expérience de la monarchie de Juillet, préfère quitter Paris pour Versailles, abandonnant la ville à l'insurrection.
La Commune s'installe, affirmation de l'autonomie parisienne. Le Conseil général de la Commune est élu le 26 mars avec 50% d'abstentions, mais la Commune n'a guère le temps d'accomplir une œuvre en profondeur car toutes les énergies sont absorbées par la guerre entre versaillais et communards (ou fédérés - car les combattants parisiens de la Commune s'étaient constitués en une fédération des gardes nationaux de la Seine en février 1871) qui commence en avril. Elle s'achève de façon atroce par la "semaine sanglante" du 22 au 28 mai. De 20 000 à 35 000 insurgés sont exécutés sans jugement-; le reste est condamné à l'exil ou à la déportation.
Les communards sont issus du vieux Paris des métiers qualifiés et de l'artisanat, pour leur majorité. Ils représentent des courants très divers : patriotes déçus, jacobins révolutionnaires, blanquistes, proudhoniens, socialistes de l'Internationale. Proche des sans-culottes et des insurgés de 1848, dernier avatar des soulèvements parisiens venus de la Révolution française, la Commune est interprétée par Marx comme la première des révolutions futures. Mais l'essor du mouvement ouvrier n'en est pas moins brisé pour dix ans en France. La première conséquence de la Commune est de démontrer qu'aucun régime autre que la République n'est tolérable pour la capitale et pour les grandes villes de province, Lyon, Marseille, Toulouse, qui ont connu elles aussi d'éphémères Communes.
Histoire de France, dir. Jean Carpentier et François Lebrun, Seuil, 1987, p. 291-292.




3) Thiers, libérateur du territoire (1877)

CE TABLEAU EST EXPOSE A L'ASSEMBLEE NATIONALE
Au début de la IIIe République, Adolphe Thiers achève une longue carrière politique commencée sous la Restauration. Appelé à la tête du gouvernement provisoire en février 1871, il conclut la paix de Francfort avec l’Allemagne, le 10 mai 1871, se résignant à l’abandon de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, et réprime la Commune parisienne, donnant à la République son assise à la fois nationale et internationale. En 1873, les séquelles de la guerre sont définitivement réglées : le succès de deux emprunts successifs permet le paiement des 5 milliards de francs-or d’indemnités exigés par la Prusse pour l’évacuation des départements encore occupés. En prônant une république conservatrice, Thiers se heurte cependant à la majorité monarchiste de la Chambre qui, bien que divisée, reste en quête d’une restauration. Aussi Thiers doit-il démissionner et céder la place au maréchal de Mac-Mahon.
La scène se passe le 18 juin 1877 à la Chambre des députés, installée alors à Versailles, deux jour après le renversement du gouvernement Broglie, royaliste. Suivons le compte rendu de la séance tel qu’il a été donné au Journal officiel : « Le ministre de l’Intérieur : “Les hommes qui sont au gouvernement aujourd’hui sortaient des élections de 1871 et faisaient partie de cette Assemblée nationale dont on peut dire qu’elle a été la pacificatrice du pays et la libératrice du territoire !” (“Très bien”, à droite). Plusieurs membres, désignant M. Thiers : “Le voilà, le libérateur du territoire !” (À ce moment, les membres de la gauche et du centre se lèvent et, se tournant vers M. Thiers, le saluent des plus vives acclamations et des plus chaleureux applaudissements.) »

4) Manifeste du Comité central de la Commune
(26 mars 1871)
"La Commune est la base de tout État politique comme la famille est l'embryon de la société.
Elle implique comme force politique la République, seule compatible avec la liberté et la souveraineté populaire. La liberté la plus complète de parler, d'écrire, de se réunir, de s'associer, la souveraineté du suffrage universel.
Le principe de l'élection appliqué à tous les fonctionnaires et magistrats (...).
Suppression quant à Paris, de l'armée permanente. Propagation de l'enseignement laïque intégral, professionnel.
Organisation d'un système d'assurances communales contre tous les risques sociaux y compris le chômage.
Recherche incessante et assidue de tous les moyens les plus propres à fournir au producteur le capital, l'instrument de travail, les débouchés et le crédit, afin d'en finir avec le salariat et l'horrible paupérisme."

5) témoignages sur les massacres après la défaite de la Commune
Marie Mercier
«J’ai vu fusiller à la barricade du faubourg Saint-Antoine une femme qui avait son enfant dans les bras. L’enfant avait six semaines et a été fusillé avec la mère. Les soldats qui ont fusillé cette mère et son enfant étaient du 114e de ligne. On l’a fusillée pour avoir dit : "Ces brigands de Versailles ont tué mon mari". On a fusillé la femme d’Eudes, enceinte de sept mois. Elle avait une petite fille de quatre ou cinq ans qui a disparu. On la dit fusillée aussi. À la petite Roquette, on a fusillé environ deux mille enfants trouvés dans les barricades et n’ayant plus ni père ni mère.»
Témoignage de Marie Mercier, extrait des archives de Victor Hugo. Marie Mercier, dix-huit ans, était la compagne de Maurice Garreau, directeur de la prison de Mazas sous la Commune, fusillé à la fin de la Semaine sanglante. Marie deviendra la maîtresse de Hugo à Vianden.  


George Sand
«Tout est bien fini à Paris. On démolit les barricades ; on enterre les cadavres ; on en fait, car on fusille beaucoup et on arrête en masse. Beaucoup d’innocents, ou tout au moins de demi-coupables, paieront pour les plus coupables qui échapperont.  Hugo est tout à fait toqué. Il publie des choses insensées et, à Bruxelles, on fait des manifestations contre lui.»

Le bilan total de la Semaine sanglante est d'environ 20.000 victimes, sans compter 38.000 arrestations. C'est à peu près autant que la guillotine sous la Révolution.
À cela s'ajoutent les sanctions judiciaires. Les tribunaux prononceront jusqu'en 1877 un total d'environ 50.000 jugements. Il y aura quelques condamnations à mort et près de 10.000 déportations (parmi les déportées qui rejoindront les bagnes de Nouvelle-Calédonie figure une célèbre institutrice révolutionnaire, Louise Michel). L'amnistie (pardon et oubli) ne viendra qu'en 1879 et 1880.



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 1. Quand a été déclenchée la Révolution de la Commune ? Quel était le contexte ? Quelle en fut la raison ? Quel en était le but ?
2.  Pourquoi et comment les "Versaillais" se sont-ils opposés au « mouvement du 18 mars » ?
3. Présenter et expliquer :
  les aspirations politiques de la Commune.
  les références aux événements historiques dont la Commune se veut l’héritière.
4. Montrer l'évolution de la présentation de cet événement dans les manuels scolaires (doc 1 et 2)
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Pour approfondir

R)  Bon nombre des décrets de la Commune sont devenus par la suite des lois de la IIIe République : liberté de la presse (1881), liberté de réunions (1881), enseignement gratuit et obligatoire (1882), droit d’association (syndicat, 1884), interdiction du travail des enfants de moins de 13 ans (1892), journée de travail limitée à 10 heures par jour (1900), séparation de l’Église et de l’État (1905), repos hebdomadaire obligatoire (1906). Certaines ont attendu plus d’un siècle (abolition de la peine de mort, 1981),d'autres encore attendent peut-être toujours.


R) Le souvenir de la Commune. La Commune a été marquée par une prolifération de journaux et d’illustrations et son souvenir a été entretenu par tout un répertoire de chansons. Le célèbre Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément (chansonnier socialiste), dont on voit la tombe au cimetière du Père Lachaise, est devenu associé à la mémoire de la Commune. Victor Hugo (1802-1885), a chanté ses martyrs dans L’année terrible. Gustave Courbet (1819-1877), qui fut membre du Conseil de la Commune de Paris, a laissé toute une série de dessins, surtout de la répression. Jules Vallès (1832-1883), lui aussi membre du Conseil, a dédié « aux morts de 1871 » le troisième volume de son autobiographie romancée L’insurgé.







Une révolution au nom de la République et du socialisme. Au nom de quelle partie du peuple français les insurgés entendent-ils parler ? Souligner l’acuité de la question sociale dans la France urbaine du début des années 1870.

Énoncer quelques-unes des composantes socialistes de la Commune : internationaux, Blanquistes, Proudhonniens, Jacobins… En quoi l’éclatement du mouvement socialiste constitue-t-il un frein à la dynamique révolutionnaire ?

Quelle conception les Communards se font-ils de la République ? Dans quelle mesure le programme, les actes et les symboles de la Commune éclairent-ils la distance entre Républicains modérés (tel Ferry) et socialistes ? 




On peut aussi proposer une analyse comparée de textes. Par exemple :

Pourquoi la Commune ?

Les origines de la Commune

« Au nombre des causes (…) déterminantes de l’insurrection, je placerai d’abord un état moral de la population parisienne, que je qualifierais volontiers ainsi : ‘la folie du siège’ c’est-à-dire un état d’esprit déterminé par un changement d’habitude et de vie radicalement contraire (…) à la tenue habituelle de notre société moderne, une société faite pour le travail qui se retrouve tout à coup, par suite d’événements extraordinaires, jetée dans la vie militaire. Cinq mois de cette existence, le travail interrompu, tous les esprits tournés vers la guerre (…) et cette lutte de cinq mois aboutissant à une immense déception, une population toute entière qui tombe du sommet de ses illusions (…)
Enfin, je considère que la volonté exprimée par les Prussiens, et dont il fut impossible de les faire revenir, d’entrer dans Paris et d’en occuper un quartier, fut un élément d’une extraordinaire importance et a décidé de la violence de la crise et de la forme particulière qu’elle a revêtue (…) »

Témoignage de Jules Ferry (maire de Paris) devant la Commission officielle d’enquête de 1871

 et 
Des militantes dans une ville insurgée

«  La plaie sociale qu’il faut d’abord fermer, c’est celle des patrons, qui exploitent l’ouvrier et s’enrichissent de ses sueurs. Plus de patrons qui considèrent l’ouvrier comme une machine qui produit. Que les travailleurs s’associent entre eux, qu’ils mettent leur labeur en commun et ils seront heureux.
Un autre vice de la société actuelle, ce sont les riches qui ne font que bien boire et bien s’amuser, sans prendre aucune peine. Il faut les extirper, ainsi que les prêtres et les religieuses. (…)
Voici le jour de la revendication et de la justice qui arrive à grands pas (…). Les ateliers dans lesquels on vous entasse vous appartiendront ; les outils qu’on let entre vos mains seront à vous ; le gain qui résulte de vos efforts sera partagé entre vous. Prolétaires, vous allez renaître. (…)

Cité dans J. Rougerie, Paris, ville libre



ou ces deux textes-ci

Déclaration de la Commune de Paris

Citoyens,
Votre commune est constituée. Le vote du 26 mars a sanctionné la révolution victorieuse. Un pouvoir lâchement agresseur vous avait pris à la gorge : vous avez, dans votre légitime défense, repoussé de vos murs ce pouvoir qui voulait vous déshonorer en vous imposant un roi.
(…) Les élus du peuple ne lui demandent, pour assure le triomphe de la République, que de les soutenir de sa confiance. Quant à eux, il feront leur devoir.

Hôtel de ville de Paris, le 19/04/1871
 et

Proclamation de Thiers aux Parisiens, le 8 mai 1871

La France, librement consultée par le suffrage universel, a élu un gouvernement qui est seul légal, le seul qui puisse commander l’obéissance, si le suffrage universel n’est pas un vain mot.
En présence de ce gouvernement, la Commune, c’est-à-dire la minorité qui vous opprime et ose se couvrir de l’infâme drapeau rouge, a la prétention d’imposer à la France ses volontés. Par ses œuvres, vous pouvez juger du gouvernement qu’elle vous destine.
(…) c’est pour cela qu’il –le gouvernement- a réuni une armée sous vos murs. La France veut en finir avec la guerre civile.


Pour approfondir sur les memoires de la Commune, lien vers le podcast 
http://parolesdhistoire.fr/index.php/2021/03/17/185-commemorer-la-commune-avec-eric-fournier/

Pour aller plus loin et légèrement ailleurs: voir le post sur les lois scélérates et sur la présentation de l'anarchisme

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