lundi 26 août 2019

Le corps, dans l'Art et par les Sciences sociales


LITSO : QUELQUES THEMATIQUES AUTOUR DE LA QUESTION DU CORPS
Bilan des séances


1 : La nudité (HDA)
L’art européen est l’un des rares arts mondiaux à avoir représenté le corps nu des hommes comme des femmes, et ce assez tôt dans l’Histoire.
A retenir :
·         Le nu masculin apparaît dans la statuaire grecque avant le nu féminin : les femmes restent habillées plus longtemps et les premières statues de nu féminin représentent la déesse Aphrodite/Vénus (déesse de l’amour)
Remarque : dans l’art grec, les dieux sont représentés comme des êtres humains, souvent plus grands et plus majestueux. (vocab = dieux anthropomorphes)
·         Les critères de beauté de l’art grec pour la représentation des corps ont été repris dans l’art européen ultérieur : ce sont devenus des « canons de beauté ». (vocab = l’origine de l’expression « canon de beauté vient du sculpteur grec Polyclète qui écrivit un traité de la beauté idéale appelé Le Canon, ce qui en grec veut dire « modèle, règle »)
Ils correspondent à une harmonie des proportions et de la symétrie + la beauté extérieure doit refléter la beauté intérieure (= la vertu) qui va s’exprimer par la grâce des gestes + la douceur du regard pour les femmes tandis que les hommes se caractérisent par la force maîtrisée et le dynamisme du geste.
Remarque : C’est ainsi que depuis, on associe en Occident la beauté au Bien et à l’inverse, la laideur au Mal.

A savoir reconnaître :
Le doryphore, le Laocoon, la Venus de Milo

·         Au Moyen-Age, l’art est strictement religieux (religion catholique) et les divinités antiques ne sont plus représentées. Le nu disparaît. Il est assimilé au diable, au mal, à la tentation du péché. C’est pourquoi on peut tout de même voir quelques corps nus suppliciés dans les représentations de l’Enfer.
·         A partir du XIIIe siècle, la représentation du nu réapparaît lentement, mais très codifiée et quasiment essentiellement féminin. On peut, soit trouver des Adam et Eve au paradis terrestre, soit des Venus (le mot a plus ou moins pris le sens de prostituée) à la fin de MA. Cas particulier de Marie-Madeleine, prostituée convertie à la sainteté par Jésus d’après les Evangiles, qui est « en cheveux » (ce qui veut dire la chevelure non cachée par un voile, signe d’impudeur) et parfois nue, mais qui pourtant n’est pas une figure du mal et de la luxure, mais au contraire une figure de la victoire de la religion sur le corps et ses attraits.
·         L’art chrétien présente une profusion de corps, y compris dans les images religieuses. La raison en est que le Dieu des chrétiens s’est incarné dans la personne de Jésus Christ qui est à la fois divin et mortel. L’enfant Jésus est souvent représenté nu pour insister sur cette incarnation.(vocab) Il n’y a donc pas d’interdit sur la représentation du corps, contrairement à d’autres religions.

A savoir reconnaître :
La naissance de Venus de Botticelli, la Venus d’Urbino de Titien, Olympia de Manet.






2 : La beauté féminine comme instrument de contrôle du corps des femmes. (Histoire)

Les critères de beauté féminine ont relativement peu évolué et ont toujours rapport avec un corps contrôlé et certaines obligations de pudeur, autre moyen de limiter la liberté du corps. Pourquoi vouloir contrôler le corps des femmes ?

A retenir :
·         La pudeur est un phénomène éminemment social, destiné le plus souvent aux femmes. Il s’agit d’une attitude visant à se retenir volontairement de dévoiler aux regards d’autrui certaines parties de son corps et/ou certaines émotions => en ce sens, c’est une manifestation du contrôle sur soi-même. Les critères de pudeur peuvent varier selon les cultures.
·         La beauté féminine doit respecter les canons de la beauté antique (symétrie, harmonie) et ceux de la société (grâce, retenue, douceur). Le corps des femmes doit donc pendant des siècles se retenir du laisser-aller. Il y a donc une éducation typiquement féminine du corps, comme celle évoquée par George Sand (qui la dénonce) : corps enserré/redressé dans des corsets, refus du sport qui masculiniserait trop le corps en supprimant les rondeurs et la douceur, refus du gras (témoin d’un laisser-aller au plaisir) qui s’est renforcé à partir du 19e siècle, blancheur du teint (signe d’une vie enfermée et non pas en plein air), cheveux longs…
·         La lutte des femmes pour l’égalité des droits et l’accès au travail à partir de la fin du 19e siècle a produit des évolutions dans l’éducation des jeunes filles et une libération des corps (cf dans la mode, la fin du corset, le droit de porter un pantalon, des cheveux courts…)
·         Les canons de beauté sont devenus encore plus exigeants au 20e siècle avec le développement des medias qui abreuvent les femmes de modèles (ex. stars, top model) et ils sont toujours plus difficiles à respecter, du fait de leur aspect contradictoire : minceur mais rondeur, féminité mais tonus sportif, pudeur mais attrait sexuel (bouche, poitrine, fesses rebondies…mais sans excès) Cette tyrannie de l’apparence est de plus en plus dénoncée au fur et à mesure où elle est de moins en moins naturelle (cf. retouches des images avec Photoshop) et du fait des ravages qu’elle fait sur l’estime de soi des femmes ou des jeunes filles qui n’entrent que difficilement dans les normes.

A savoir :
Biographie de G. Sand qui se trouve au début de la page du texte distribué.
Savoir le nom de l’historien du corps = Georges Vigarello.
Savoir dater et caractériser la mode de la « garçonne » (lire aussi le chap « la volonté d’être l’égale de l’Homme ») https ://claireestagnasie.wordpress.com/2013/04/22/mythes-et-realites-de-la-garconne/


3 : Le refus de vieillir (Littérature)

Le mythe de l’éternelle jeunesse n’est pas nouveau. Il a un rapport très étroit au narcissisme (vocab : se dit d’une personne qui aime son apparence physique de façon outrancière), en plus de la peur de la mort. Comment accepter en effet que notre corps se dégrade, devienne de plus en plus laid et de plus en plus faible. La fragilité de la vie humaine est difficile à accepter.

A retenir :
·         La jeunesse est une période de la vie fascinante. C’est l’âge où tout est possible encore car le choix de vie n’ont pas encore été fait. Jointe à la beauté et la fraicheur des corps, elle confère un pouvoir sur les autres du fait même de la fascination qu’elle suscite. C’est ce qu’illustre le début du roman D’Acier de Silvia Avallone.
·         Narcisse finit par mourir de se contempler sans arrêt => il ne vit pas.





·         Un avatar extrêmement connu du mythe de Narcisse est le personnage inventé par Oscar Wilde dans le roman Le portrait de Dorian Gray. Le refus de vieillir du personnage lui fait accepter un pacte diabolique : il restera toujours jeune, son visage présentera une pureté fascinante. Mais l’auteur imagine qu’il paye ce pacte par sa dépravation morale : il ne peut pas à la fois accepter ce pacte et en même temps rester pur. Dès lors, Dorian Gray sombre dans la débauche et son portrait s’enlaidit de ses crimes. Le roman montre que le narcissisme enferme ceux qui le vivent dans une non-vie, un refus du temps et donc de l’expérience et de l’apprentissage qui amènent les gens à changer. Privilégier l’apparence sur l’existence ne peut être que destructeur.
·         Autre avatar du mythe de l’éternelle jeunesse et de l’apologie d’un corps jeune et puissant : les super-héros qui apparaissent au XXe siècle en Occident (surtout EUA). Ils représentent un fantasme d’autant plus fort que les hommes du Xxe siècle sont confrontés aux crises qui les dépassent (Superman « naît » au plus fort de la crise de 1929 aux EUA, Captain America durant la 2ème guerre mondiale…). L’œuvre de Gilles Barbier intitulée L’Hospice met en évidence ce fantasme. Ses sculptures installées dans un espace clos mettent en scène des super-héros connus qui sont devenus vieux. Avec cette œuvre, le mythe de l’éternelle jeunesse est radicalement remis en cause.

A savoir :
·         Pouvoir répondre à des questions sur un extrait de D’acier (voir PJ dans Pronote et lien ci après : http ://www.lacauselitteraire.fr/d-acier-sylvia-avallone ) Le livre est disponible au CDI.
·         L’histoire de Narcisse et savoir reconnaître une représentation de Narcisse en HDA
·         Savoir ce qu’est un « Dandy »
·         Reconnaître l’installation de Gilles Barbier.
·         Pouvoir reconnaître une planche de la série BD les Watchmen (achetée en 3 exemplaires et à votre disposition au CDI ) : c’est un exemple du genre « comics américain » qui traite justement de ce thème de la vieillesse des super-héros qui va de pair avec la perte des illusions et de la possibilité d’un contrôle sur le monde. http ://fr.wikipedia.org/wiki/Watchmen


4 : le contrôle des corps dans l’espace (Géographie + Sociologie)

La circulation des corps dans l’espace public est un enjeu politique et social de plus en plus important. Qu’une personne soit empêchée de se déplacer ou qu’elle soit contrainte de se déplacer de telle ou telle manière permet de mieux comprendre le fonctionnement de nos sociétés et les systèmes de pouvoir.

A retenir :
·         Rappel : la liberté de circulation est un des droits fondamentaux de l’Homme.
·         Michel Foucault, dans Surveiller et punir, naissance de la prison, a montré que la prison est née au 18e siècle, dans le sillage de la philosophie des Lumières. Auparavant, la punition, monopole du roi ou de ses représentants, était plutôt une punition corporelle, supplice ou marque d’infamie. La loi du souverain s’emparait du corps du « rebelle » et réaffirmait avec force son pouvoir en faisant ce qu’il voulait du corps. Au 18e siècle, le corps du rebelle doit être à la fois séparé du reste de la société pour protéger la société et, dans le même temps, réhabilité/domestiqué pour une éventuelle réinsertion. C’est pour cela que se développent les prisons. Le contrôle du contrevenant à la loi se déplace de son corps à son esprit. On enferme le corps pour mieux contrôler l’esprit. Surveiller constamment les individus permet de les rendre plus dociles.




·         Jeremy Bentham invente en 1791 le Panopticon. Cette architecture utopique est un dispositif central, avec des cellules disposées en cercle tout autour, ce qui permet à un seul homme de tout voir. Ce système a été mis en œuvre dans de vraies prisons. Des œuvres de fiction ont également repris cette idée et ont réfléchi aux conséquences sur ceux qui sont surveillés. Je renvoie à une excellente et très violente série de prison Oz, de Tom Fontana (http://seriestv.blog.lemonde.fr/2009/01/25/oz-la-prison-pour-le-pire/ ) et au roman d’anticipation d’Alain Damasio, la zone du dehors, qui invente une cité sur un astéroïde, conçue comme une grande prison panoptique, dans lequel la démocratie empêche tout citoyen/détenu de se révolter. http://www.lavolte.net/lazonedudehors/resume.php
·         Sans aller jusqu’à la privation de la liberté de circuler, on constate qu’actuellement les villes ont de plus en plus tendance à s’organiser pour contrôler les déplacements, les stationnements de certains individus dans leurs espaces. Voir la récente affaire du grillage des bancs publics à Angoulême et de façon plus générale le mobilier urbain destiné à empêcher les SDF d’y stationner. Voir le phénomène des communautés closes (vient des EUA) : Barrière grillagée, murs, digicode, vigiles, certains groupes s’enferment et discriminent les accès des autres à « leur » espace. Au départ phénomène touchant les riches, depuis une dizaine d’année, c’est devenu le mode d’urbanisme privilégié de tous les nouveaux quartiers à destination des classes moyennes. Il est symptomatique de constater que ce phénomène est concomitant de l’impression d’une montée des incivilités et de la difficulté du « vivre ensemble » dans l’espace urbain, comme rural d’ailleurs.
·         L’exemple des schémas de l’aéroport d’Oslo montre comment la circulation dans un espace peut être contrôlée et en quoi elle est un enjeu. L’espace remodelé entre 2005 et 2007 de la zone d’attente montre comment on a réduit l’espace libre/public et augmenté l’espace marchand, rendu un nécessaire point de passage, pour forcer les voyageurs à la consommation.
·         Enfin, de récentes études ont permis de prouver que l'espace urbain est articulé autour du monde masculin. La place pour les femmes en ville est limitée (le jour et pas la nuit, espaces plus souvent privés que publics car manque d’infrastructures qui leur sont dévolues) : à écouter http://www.franceculture.fr/emission-planete-terre-l-espace-urbain-est-il-machiste-2014-09-03


A savoir :
·         Biographie de M. Foucault
·         Def panopticon et nom de son auteur. Savoir le reconnaître sur un plan, ou dans une description littéraire.
·         L’analyse des schémas d’Oslo
·         Def de communautés fermée/gated community.


5 : Le corps souffrant

Un autre aspect de la condition humaine est l’omniprésence de la souffrance physique et de la maladie. Toutes les utopies, tous les progrès scientifiques ont été motivés à un degré ou un autre par le désir de faire disparaitre ou de soulager les souffrances. Et ce, au risque des pires dérives (voir la figure du savant fou dont le prototype est Frankenstein).




·         Un autre exemple de dérive scientiste (vocab : le scientisme est la croyance que la science sauvera l’humanité) est l’eugénisme (vocab : contrôle a priori des naissances pour sélectionner les bébés + mise à l’écart ou meurtre des bébés déficients).


A retenir :
·         Un thème important de l’art chrétien = le christ en croix. Ce thème se développe avec force à la fin du Moyen-Age/ Alors qu’on avait plutôt une représentation d’un christ en gloire, sur son trône (voir tympan église de Conques), à partir des 14e et 15e siècles, les sensibilités mettent plutôt l’accent sur les souffrances de JC, donc sur son humanité (voir piéta de Michel Ange). De ce fait, la souffrance en Occident est acceptée, car elle rapproche de JC. Le message de l’Eglise catholique est qu’il faut endurer des souffrances pour être saint et être sûr de mériter le paradis. (voir le martyre de St Erasme de Nicolas Poussin)
·         Pourtant, puisque Dieu est censé être bon, il ne peut pas être celui qui permet la souffrance, sauf à supposer que la souffrance est une punition divine. La souffrance est donc depuis le MA liée au mal (voir tortures des Enfers). Celui qui souffre est maudit. Un corps contrefait, scrofuleux est le signe de cette malédiction, voire des péchés de celui qui souffre (cf. Hieronymus Bosh, le triptyque du jardin des délices).
Remarque : l’analyse du tableau du même Bosh, la tentation de St Antoine, nous a montré qu’il ne faut pas toujours interpréter la représentation des souffrances par la morale et la religion. Ce tableau présente de façon à peine symbolique les souffrances des gens atteint de « Mal des ardents », une maladie liée à une mauvaise conservation du seigle servant à fabriquer la farine.
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A savoir :
·         Savoir reconnaître et différencier un christ en croix et un christ en gloire.
·         Reconnaître la pietà de Michel Ange
·         Reconnaître le tableau de Poussin
·         Biographie de H. Bosh et analyse de ses deux tableaux présentés.
·         Auteur, date, histoire de Frankenstein.

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