dimanche 18 août 2019

L'automobile dans la 2e révolution industrielle

Un exemple de réponse argumentée


La seconde révolution industrielle (1850-1960) a définitivement ancré le monde occidental dans la modernité économique. A ce titre, on peut faire du secteur de l’automobile un modèle d’industrialisation de la 2nde révolution industrielle.

            Le secteur de la construction automobile naît au tournant du XIXe siècle et du XXe siècle. C’est d’abord une industrie de luxe, qui fait construire encore essentiellement à la main, des automobiles pour une toute petite frange très fortunée de la population. Les choses changent cependant assez vite à la faveur de la première guerre mondiale, et sous l’influence d’innovations venues des Etats-Unis.
L’industrie automobile se lance dans la production de masse dès les années 1910. Le mouvement part des usines Ford qui en 1908 produisent les premiers une voiture en grande série = la Ford T. En France, grande patrie de l’automobile européenne, André Citroën lance en 1919 la Torpedo A 10 CV, première voiture française produite en grandes séries. Ce changement d’échelle dans ce secteur d’activité est rendu possible par des innovations dans le mode de production. En 1912, Frédéric Taylor, un ingénieur américain publie les Principes d’organisation scientifique des entreprises. Ses expérimentations sur la parcellisation du travail, la réduction des temps inutiles, ses nouvelles fixations de normes de production en fonction de la rentabilité et de la productivité sont tout de suite adoptées par les chefs d’entreprises les plus novateurs. C’est dans l’automobile, couplé avec la mécanisation, que le taylorisme est d’abord appliqué (1913). La chaîne est née, d’abord dans les usines Ford, puis vite adoptée partout ailleurs. Les ateliers s’agrandissent jusqu’à devenir gigantesques : Dans les années 30, à l’usine Ford de Red River, 80 000 ouvriers travaillent ; chez Renault ; 25 000 employés ; chez Citroën, l’usine parisienne du quai de Javel s’étend sur 90 hectares. Les voitures ne sont plus seulement des objets de luxe, façonnées par des ouvriers spécialisés amoureux de leur métier. Elles deviennent essentiellement des objets standardisés, de conception assez simple, destinés à une consommation de masse. La Ford T est produite à une moyenne de un million d’exemplaires par an. Ceci caractérise la 2nde révolution industrielle et la différencie de la 1ère révolution.
Ceci dit, les modèles doivent tout de même évoluer et le secteur automobile est porté par des innovations permanentes : en 1922, la Citroën B-12 est la première voiture au monde dotée d’une carrosserie monopièce en acier. En 1934, la Citroën 7 CV est la première traction avant : sa suspension et ses roues indépendantes en font une voiture d’une « conception entièrement nouvelle ».
La révolution des modes de production dans le secteur automobile s’explique par la nécessité pour les chefs d’entreprise d’adapter leur activité à une concurrence extrêmement forte. On compte aux Etats-Unis, déjà avant la 1ère guerre mondiale, pas moins de 7 marques différentes qui se partagent le marché intérieur. Le marché étant tout de même encore limité, le secteur était donc très concurrentiel : les marques automobiles sont obligées d’innover dans tous les domaines si elles veulent survivre. Les modernisations productives permettaient donc de produire plus, plus vite (650 tractions avant sortent tous les jours des usines Citroën en 1934) et moins cher. L’argument du prix devient en effet primordial. Les ventes de la Ford T ont commencé à décoller quand son prix a baissé de 850 $ en 1909 à 550 $ en 1915.
Pour ces mêmes raisons, les industriels automobiles innovent dans les méthodes de vente et de marketing. Ils utilisent massivement la publicité pour se vanter leurs produits (forcément plus rapides, plus confortables que les autres …) et se différencier de la concurrence. En France, André Citroën fait figure de pionnier : il invente la communication événementielle avec les « croisières » noire (1924) et jaune (1933) : parce que les voitures de cette marque se sont montré capables de traverser les continents africain et asiatique, elles acquièrent de ce fait une réputation de robustesse et de fiabilité. De plus, ces événements associent à la marque des valeurs positives comme l’aventure et l’exotisme si en vogue en ces temps d’expositions coloniales. Pour ancrer encore davantage la marque dans l’esprit des futurs consommateurs, Citroën a aussi l’idée en 1925 d’illuminer la tour Eiffel, monument patrimonial français et symbole de modernité industrielle, avec des lettres de 30 mètres de haut à son nom. Enfin, comme toutes les autres marques d’ailleurs, il dote ses voitures d’un logo facilement identifiable, les doubles chevrons renversés.
Toutes ces innovations marketing permettent le passage à une consommation de masse. Ford le premier avait d’ailleurs mis en place une politique salariale élevée (5$ par semaine) pour permettre à ses propres ouvriers d’économiser et d’accéder au crédit pour acheter leurs voitures. Cette politique connue sous le nom de Fordisme n’est pas immédiatement reprise par les autres constructeurs qui, eux, continuent longtemps à payer mal leurs salariés à la pièce, mais elle préfigure ce qui se fera de façon massive après la 2nde guerre mondiale, dans tous les secteurs industriels d’ailleurs. D’une autre manière, mais pour obtenir les mêmes résultats, le directeur de General Motors, entre 1923 et 1956, « planifie l’obsolescence [des modèles] et les politiques de prix » permettant de faire changer les goûts des consommateurs tout en leur donnant la possibilité de changer de voiture assez souvent.
            Enfin, les politiques industrielles et financières des groupes automobiles sont elles aussi des modèles pour les autres secteurs industriels. Le cas de General Motors est à bien des égards exemplaire. Le fondateur William Durant en fait, presque dès sa création, une société par actions, côtée en bourse. Ce système lui permet  d’obtenir des fonds propres, sans dépendre des banques, et avec l’avantage que, si son entreprise fonctionne bien, le cours de ses actions montant, son capital grossit de façon automatique. Mais les besoins en capitaux sont si importants qu’il doit tout de même emprunter à des banques d’affaires 15 millions de $ en 1909. Il perd son indépendance (les banquiers entrent au conseil d’administration et peuvent nommer le PDG : d’ailleurs ils « démissionneront » Durant en 1910) mais il gagne en puissance financière. Cette puissance lui permet de poursuive ses opérations de concentration industrielle. Entre 1908 et 1910, GM devient un groupe détenant plusieurs marques automobiles qui se complètent plutôt que de se concurrencer. La concentration est aussi verticale, avec le rachat de fournisseurs de composants et de fabricants de camions. Par ailleurs, la taille, la puissance financière et industrielle du groupe lui permet d’être en position de force dans ses rapports avec les pouvoirs publics et donc d’obtenir l’octroi de marchés avantageux : le remplacement des tramways par des bus par exemple. Pourtant, cette puissance n’est parfois pas suffisamment importante pour éviter d’être intégré à des holding détenu par de riches familles capitalistes industrielles venues d’autres secteurs comme les Dupont de Nemours, qui ont fait leur fortune dans la chimie, ou comme A. P. Sloane, l’industriel du roulement à billes.

Au total, nous avons effectivement montré que le secteur de l’industrie automobile fut particulièrement innovant, tant dans le domaine de la production et des innovations, que dans celui de la commercialisation, du marketing et des opérations financières. Ces avancées sont le fait de capitaines d’industrie caractéristiques du premier âge capitaliste et qui utilisent tous les moyens que l’économie moderne met à leur disposition. Leurs groupes industriels tirent la croissance des économies des pays occidentaux. La révolution automobile qu’ils initient change aussi considérablement les paysages et les modes de vie des sociétés modernes.



Identifier les différentes étapes formelles de l'exercice
puis reconstituer le plan détaille.

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