Thème
: Les mémoires françaises de la Seconde Guerre mondiale
Consigne : Après une introduction complète qui
n'oubliera pas de présenter les documents, vous analyserez les documents pour
montrer que la mémoire du rôle de la France pendant la seconde Guerre mondiale
est passée d'une mémoire officielle résistancialiste (Première partie) à une
reconnaissance "d'une dette imprescriptible" (Deuxième partie). Vous
conclurez sur les débats encore vifs qui agitent cette mémoire.
Doc 1 : Extrait d'un manuel scolaire de
1958. Exercice sur « La seconde guerre mondiale : Paris libéré,
(août 1944). »
RÉCIT
Depuis 1940, les Allemands occupaient notre pays : les Français
étaient esclaves sur leur propre sol. Mais ils voulaient rester un pays libre,
et ils « résistaient » à l'« occupant ». L'occupant prit
peur ; il emprisonna et tortura des milliers de patriotes français ;
il les fit mourir de faim en Allemagne. D'autres furent fusillés ou massacrés.
Des milliers de jeunes gens se réfugièrent dans le « maquis » où ils
continuèrent la lutte. Malgré leur « résistance », les enfants de
France ne pouvaient à eux seuls délivrer le pays. Les armées alliées
débarquèrent en Normandie, et, en août 1944, elles marchèrent sur Paris. De
leur côté, les Parisiens avaient attaqué les troupes allemandes qui occupaient
Paris. Et voici les chars du général Leclerc qui arrivent dans la capitale. Les
Parisiens, fous de joie, crient : « Vive la France ! »
L'Allemagne capitule le 9 mai 1945.
QUESTIONS
1. Les Français « résistaient » : que
faut-il entendre par là ?
2. Comment les « occupants » traitèrent-ils
les Français ?
3. Que firent les armées alliées en 1944 ?
4. Comment Paris aida-t-il vaillamment à se
libérer ?
5. V signifie Victoire : dessinez. »
Source :Cours élémentaire,, Nathan 1959, direction
Louis François, cité dans : Jean-Michel Gaillard, Histoire
Terminale L-ES, Bréal, 2004, p. 266 ,
Doc 2 : discours de J. Chirac en 1995 commémorant la rafle du Vel d'Hiv.
Il est, dans la vie d'une nation, des
moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays. Ces
moments, il est difficile de les évoquer, parce que l'on ne sait pas toujours
trouver les mots justes pour rappeler l'horreur, pour dire le chagrin de celles
et ceux qui ont vécu la tragédie. Celles et ceux qui sont marqués à jamais dans
leur âme et dans leur chair par le souvenir de ces journées de larmes et de
honte. Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires
souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos
traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des
Français, par l'Etat français. (…) La
France , patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre
d'accueil et d'asile, la France ,
ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses
protégés à leurs bourreaux. Conduites au Vélodrome d'hiver, les victimes
devaient attendre plusieurs jours, dans les conditions terribles que l'on sait,
d'être dirigées sur l'un des camps de transit - Pithiviers ou Beaune-la-Rolande
- ouverts par les autorités de Vichy. L'horreur, pourtant, ne faisait que
commencer. (…) Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible. (…)
Cinquante ans après, fidèle à sa loi, mais sans esprit de haine ou de
vengeance, la Communauté
juive se souvient, et toute la
France avec elle. Pour que vivent les six millions de martyrs
de la Shoah. Pour
que de telles atrocités ne se reproduisent jamais plus. Quand souffle l'esprit
de haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et
l'exclusion. Quand à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines
publications, certains enseignements, certains partis politiques se révèlent
porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d'une idéologie raciste et
antisémite, alors cet esprit de vigilance qui vous anime, qui nous anime, doit
se manifester avec plus de force que jamais. Transmettre la mémoire du peuple
juif, des souffrances et des camps. Témoigner encore et encore. (…) Reconnaître
les fautes du passé, et les fautes commises par l'Etat. Ne rien occulter des
heures sombres de notre Histoire, c'est tout simplement défendre une idée de
l'Homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est lutter contre les forces
obscures, sans cesse à l'œuvre. Certes, il y a les erreurs commises, il y a les
fautes, il y a une faute collective. Mais il y a aussi la France , une certaine idée
de la France ,
droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n'a
jamais été à Vichy.
Sujet
de bac: étude de document /
Les
mémoires de la 2nde Guerre mondiale
Comment combattre le négationnisme ?
« L’instruction
constitue un des vecteurs privilégiés de la transmission du savoir. « La
mémoire est-elle menacée ? » questionne Le Monde pendant l’été 1988. Pour conjurer ce risque, certains ont
entrepris des actions auprès des jeunes afin de les sensibiliser à l’histoire
du génocide. Le comité d’information des lycéens sur la shoah […] propose à de
jeunes gens des voyages à Auschwitz. Comme le précise l’avocat Serge Klarsfeld,
ce ne sont pas des pèlerinages : « Nous voulons que ces garçons et ces
filles, en majorité non juifs, soient les témoins des relais de la
mémoire. » En mars 1988, une centaine d’enfants se retrouvent ainsi sur
les lieux du camp d’extermination et entendent les explications d’anciens
déportés.[…]
Parallèlement, certaines
personnes, comme Henri Bulawko, résistant et ancien déporté d’Auschwitz,
président de l’amicale des anciens déportés juifs de France, se rendent dans
les lycées pour témoigner et transmettre leur expérience. Le combat contre le
négationnisme et ses adeptes passe inéluctablement par la sensibilisation des
jeunes générations susceptibles d’accréditer ce discours parce qu’ils n’ont pas
vécu la période de la Seconde Guerre mondiale. Ils sont plus à même de se
laisser gagner par le doute. Nous le savons, les négationnistes […]
ambitionnent de toucher la génération des 15-20 ans. »
Valérie Igounet, Histoire
du négationnisme en France, Seuil, 2000.
En vous appuyant sur le
document et vos connaissances de cours, expliquez pourquoi la mémoire du
génocide juif évolue avec/contre le négationnisme et montrez les enjeux et les
difficultés du travail de l’historien.
SUJET ETUDE
CRITIQUE DE DOCUMENT : La mémoire du génocide juif
Document :
extraits du discours de Simone Veil1 , Amsterdam le 26 janvier 2006.
Et puisque nous commémorons demain
la date anniversaire de l’arrivée de l’Armée rouge dans le camp d’Auschwitz, je
souhaite rappeler comment nous, les déportés, avons vécu ce que l’on a appelé «
la libération», ne serait-ce que pour mieux mesurer le chemin accompli dans la
mémoire européenne depuis 1945. Je dis européenne, mais je pourrais dire
mondiale, puisque l’Assemblée générale de l’ONU a, comme vous le savez, adopté
en novembre dernier une résolution pour que le 27 janvier soit reconnu par les
nations, même par celles qui n’ont pas été directement concernées par la Shoah,
comme la « journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de
l’Holocauste. »
[…] Ce que nous avions à raconter,
personne ne voulait en partager le fardeau. Dans l’Europe libérée du nazisme,
qui se souciait vraiment des survivants juifs d’Auschwitz ? Nous n’étions pas
des résistants, nous n’étions pas des combattants, pourtant certains étaient de
vrais héros, et pour l’histoire qui commençait déjà à s’écrire, pour la mémoire
blessée qui forgeait ses premiers mythes réparateurs, nous étions des témoins
indésirables. Même le procès de Nuremberg dont nous venons de célébrer le
soixantième anniversaire, avait peu pris en compte la dimension de la Shoah
dans les crimes contre l’humanité, qui pour la première fois de l’histoire,
étaient jugés. Il s’agissait de créer un nouveau concept pour juger les crimes
de masses, avec bien sûr les victimes juives, mais celles-ci n’étaient pas au
cœur des débats. Il a fallu attendre le procès d’Eichmann2 en 1961,
pour que l’on commence à prendre en compte la spécificité des crimes commis par
les nazis. D’ailleurs, même les historiens, pendant des décennies, ont mis très
longtemps à prendre en compte nos témoignages, et chaque fois que j’y pense,
j’éprouve le même sentiment de colère. Mais nous étions, pour eux, des
victimes, et nos témoignages étaient donc subjectifs et partiaux. Pendant de
longues années, la Shoah n’intéressait personne. Le lent et difficile travail
de mémoire qui s’est enfin accompli depuis, l’a arrachée à l’indifférence,
comme il nous a rendu notre place. Quel renversement ainsi aujourd’hui, où nous
ne cessons d’être sollicités, où partout on nous demande de témoigner, parce
qu’après nous, plus personne ne sera là pour rappeler ce que nous avons vu, ce
que nous avons entendu, ce que nous avons vécu. Lentement, Auschwitz est peu à
peu devenu le symbole du Mal absolu, la Shoah, le critère d’inhumanité auquel
se réfère aujourd’hui la conscience moderne, chaque fois qu’elle craint de
s’égarer. Cela a pris du temps. La portée universelle du génocide juif a été
retenue. Cette maturation était nécessaire : elle a bouleversé la réflexion sur
la modernité, révolutionné la pensée politique jusque dans ses fondements,
entraîné les progrès du droit international3.
[…] Je voudrais à présent aborder, après la
digue que constitue pour moi, la construction d’une Europe solide et démocratique,
ce qui, à mes yeux, constitue un second rempart : je veux parler du rôle de
l’histoire, de l’éducation et de la transmission de la Shoah. L’Europe doit
connaître et assumer tout son passé commun, ses zones d’ombre et de lumière ;
chaque Etat-membre doit connaître et assumer ses failles et ses fautes, être au
clair avec son propre passé pour l’être aussi avec ses voisins. Pour tout
peuple, ce travail de mémoire est exigeant, souvent difficile, parfois
douloureux. […]
1- S.
Veil est une ancienne déportée, ancienne ministre sous la présidence de Valéry
Giscard d’Estaing, présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
2- Adolph
Eichmann fut pendant la guerre le responsable de la
logistique de la « solution
finale » en tant que chef de la section du RSHA (police et
renseignements) qui s'occupait des « affaires juives et de
l'évacuation ». Echappant à l’arrestation, il vécut caché après-guerre en
Amérique latine et fut « enlevé » par des agents des services secrets
israéliens. Son procès eut un retentissement international. C’est à cette
occasion qu’Hannah Arendt écrivit Eichmann à Jérusalem : rapport sur la
banalité du mal.
3- Peut-être une allusion à l’installation de la CPI (cour
pénale internationale) en 2002. Basée à La Haye, elle juge les personnes pour
crime de guerre, crime de génocide et crime contre l’humanité.
Consigne :
après une rapide présentation du document, vous expliquerez pourquoi Simone
Veil parle des juifs rescapés de 1945 comme des « témoins indésirables
pour une mémoire blessée qui forgeait ses premiers mythes réparateurs».
Dans un deuxième temps, vous présenterez les différentes étapes et processus
qui ont permis l’établissement de la mémoire du génocide juif. Dans une 3e
partie vous reviendrez sur l’analyse que fait l’auteur de la difficulté et de
l’importance du travail de mémoire effectué par la communauté historienne.
Thème : Le procès Papon et la mémoire de
la collaboration
Consigne : Après avoir rappelé
l'évolution de l'opinion publique sur la collaboration du régime de Vichy,
montrez que le procès Papon est révélateur d'une nouvelle mémoire de cette
période. Expliquez, à partir de ce document, les débats qui agitent les
Français sur la tenue de ce procès.
"Le 2 avril 1998, après 94
journées d'audience, 12 h de réquisitoire, 72 h de plaidoiries et 19 h de
délibéré, la cour d'assises de Bordeaux rend son verdict. Reconnu coupable de
complicité de crimes contre l'Humanité pour son rôle dans l'arrestation de 1
600 Juifs alors qu'il était Secrétaire général de la préfecture de Gironde
entre 1942 et 1944, Maurice Papon et condamné à dix ans de réclusion criminelle
et à la privation de ses droits civiques. Le procès le plus long de
l'après-guerre s'achève. Et avec lui un autre procès, instruit celui-là hors du
prétoire, dont l'accusé fut autant l'ancien haut-fonctionnaire de 87 ans rattrapé
par son passé vichyste que son procès lui-même.
Faut-il juger Maurice Papon ?
Interrogés par plusieurs instituts de sondage avant l'ouverture des débats, les
Français, surtout le jeunes et les sympathisants de gauche, sont
majoritairement favorables à la tenue du procès. Les intellectuels, eux, sont
plus septiques. Certains doutent de la légitimité d'un procès qui a lieu plus
d'un demi-siècle après les faits. [...] Pour ses contempteurs (= personne qui dénigre quelqu'un ou quelque
chose), le procès Papon pose donc la question de la mise en pratique de
l'imprescriptibilité des crimes contre l'Humanité, inscrite dans le droit
français depuis 1964. Persuadé "qu'une des conditions d'un jugement
équitable manque quand on est trop loin des faits", l'essayiste Paul
Thibaud craint que cette distance n'amène la justice à se tromper d'objet.
"L'opinion se moque bien que le procès de Papon soit équitable. C'est le
procès d'un régime, voire d'une époque, qui l'intéresse, estime-t-il (Le Débat, 09 / 10 / 1997).
Juger Vichy à la place de Maurice Papon
? Le risque paraît d'autant plus légitime que beaucoup de Français, en cette
fin de XXe siècle, restent convaincus que "l'épuration n'a pas été
faite", comme l'observe l'historien Pierre Nora. [...] D'où l'attente suscitée
par le procès Papon, censé parachever, après ceux de Klaus Barbie et de Paul
Touvier cette "seconde épuration", selon l'expression de l'historien
Henry Rousso, plus centrée sur la question du génocide que ne le fut
l'épuration d'après-guerre. [...]
En tant que dernier survivant, Maurice
Papon se trouve [...] érigé en symbole d'une politique de collaboration dont il
ne fut qu'un agent d'exécution. "Il est très difficile de juger un seul
homme pour tout un système, toute une politique, de lui en faire porter tout le
poids", reconnaît Claude Lanzmann. (Le
Monde, 1er avril 1998).
Article de Thomas Wieder,
Rétrocontroverse : 1998, fallait-il
juger Maurice Papon ?, Le Monde, 16
août 2007