Deux journaux dans la guerre : Le Temps et Défense de la France.
1- Le Temps
Quotidien fondé en 1861 par Auguste Nefftzer sur le
modèle de The Times. Organe de
référence de la IIIe République, paraissant l’après-midi, il était une source
importante pour la presse parisienne et provinciale paraissant le lendemain
matin. Modéré et libéral avant la guerre, il évolue dans l'entre deux
guerres vers la droite, s’opposant en 1924 au Cartel des gauches et, en 1936,
au Front populaire. Après la défaite de 1940, affaibli et voyant sa diffusion
limitée à la zone libre, il soutient le régime de Vichy, avant de disparaître
en 1942 après l’entrée des Allemands en zone libre. A la Libération, le général
de Gaulle, désireux de disposer d’un journal de référence sérieux qui puisse
aussi servir de relais à la diplomatie française impulse, sur les ruines du Temps,
la création du journal Le Monde dont
la direction est confiée à Hubert Beuve-Méry (1902-1989)
ex article « Révolution nationale » (11 juillet 1940).
"
L’Assemblée nationale a accompli solennellement hier l’acte qui lui était
commandé par l’intérêt supérieur de la patrie. Elle a confié au maréchal Pétain
la mission et le pouvoir de promulguer par un ou plusieurs actes la nouvelle
Constitution de l’État français. Constitution qui devra garantir, dans le cadre
indiqué par l’admirable exposé des motifs que nous avons publié, « les
droits du travail, de la famille et de la patrie ». Le Parlement avait, la
veille, accompli le geste de sacrifice et de raison que le pays attendait de
lui.
Disons-le
tout de suite, ce n’est pas dans une atmosphère de résignation et d’impuissance
que l’Assemblée nationale a délibéré. Il a fallu, hélas !, les défaites,
le désastre de la patrie pour que les leçons de la débâcle fussent tirées.
Mais, depuis longtemps, les esprits clairvoyants comprenaient la nécessité
absolue pour notre pays de procéder à cette réforme profonde, à cette
révolution nationale dans la légalité que le déclin constant de notre vitalité
et de notre force rendait indispensables. Ce n’est pas leur faute si « les
batailles perdues » ont imposé impérieusement un tel bouleversement et
s’il a fallu tirer les conséquences d’un désastre. C’est le désastre lui-même
qui a été la conséquence de ce funeste retard, de cette méconnaissance des
réalités.
Mais à
quoi bon se complaire et se perdre à des regrets et à des remords désormais
inutiles ? Nous devons aujourd’hui tourner les yeux vers l’avenir, vers le
relèvement de la patrie ensanglantée et mutilée, courbée sous la volonté du
vainqueur, mais capable cependant de réaliser sa propre renaissance ;
notre vieille France va enfanter dans la douleur une France nouvelle.
Ce
que l’Assemblée nationale vient de réaliser, non sans grandeur, est sans
précédent dans notre histoire, et peut-être dans l’histoire de tous les
peuples. […] L’unité de la patrie dans le sacrifice et dans la peine est
désormais assurée. L’avenir de la France est confié à des mains loyales et
pures. L’acte de confiance au maréchal Pétain, qui n’a jamais été plus grand
qu’en ces heures tragiques, est réalisé, mais en même temps, comme nous l’avons
écrit, cet acte de confiance est un acte de foi et un immense espoir peut se
lever dans toutes les âmes françaises. […]
Surligner les
éléments de rédaction qui témoignent de l’absence d’objectivité de l’article
2-
Défense de la France
Défense de la France, est un des
premiers journaux clandestins à avoir été créés. Créé en juillet 1941 en zone occupée, par Philippe
et Hélène Viannay et Robert Salmon, et disposant d’une véritable imprimerie
indépendante, Défense de la France
devient le plus fort tirage de la presse clandestine, un peu avant la
Libération avec 450 000 exemplaires par jour. Les premiers numéros étaient
imprimés sur une machine offset Rotaprint, cachée dans les caves de la
Sorbonne, avec en exergue cette phrase de Pascal : « Je ne crois
que les histoires dont les témoins se feraient égorger ». Le journal continuera une longue carrière
après la guerre sous le titre France Soir.
1940 : les médias,
responsables de la défaite ? (d’après l’analyse de l’historien et
résistant Marc Bloch)
Ce n'est pas seulement sur le terrain militaire que notre défaite a eu
ses causes. Notre régime de gouvernement se fondait sur la participation des
masses. Or, ce peuple, qu'avons-nous fait pour lui fournir ce minimum de
renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n'est
possible ? Rien en vérité. Telle fut, certainement, la grande faiblesse de
notre système, prétendument démocratique, tel le pire crime de nos prétendus
démocrates. Passe encore si l'on avait eu à déplorer seulement les mensonges et
les omissions, coupables, certes mais faciles en somme à déceler, qu'inspire
l'esprit de parti ouvertement avoué. Le plus grave était que la presse dite de
pure information, que beaucoup de feuilles même, parmi celles qui affectaient
d'obéir uniquement à des consignes d'ordre politique, servaient, en fait, des
intérêts cachés, souvent sordides, et parfois, dans leur source, étrangers à notre
pays. Sans doute, le bon sens populaire avait sa revanche. Il la prenait sous
la forme d'une méfiance croissante envers toute propagande, par l'écrit ou par
la radio. L'erreur serait lourde de croire que l'électeur vote
toujours « comme le veut son journal ». J'en sais plus d'un, parmi
les humbles, qui, recevant chaque jour le quotidien du cru, vote presque
constamment, contre lui et peut-être cette imperméabilité à des conseils
sans sincérité nous offre-t-elle, aujourd'hui, dans l'état où nous voyons la France,
un de nos meilleurs motifs de consolation, comme d'espoir. […] Était-ce donc que nos classes aisées et
relativement cultivées, soit par dédain, soit par méfiance, n'avaient pas jugé
bon d'éclairer l'homme de la rue ou des champs ? Ce sentiment existait
sans doute. Il était traditionnel. Ce n'est pas de gaieté de cœur que les
bourgeoisies européennes ont laissé « les basses classes » apprendre
à lire. Un historien pourrait citer là-dessus bien des textes. Mais le mal
avait pénétré plus loin dans les chairs. La curiosité manquait à ceux-là mêmes
qui auraient été en position de la satisfaire. Comparez ces deux journaux quasi
homonymes : The Times et Le Temps. Les intérêts, dont ils
suivent, l'un et l'autre, les ordres, sont de nature semblable ; leurs
publics, des deux côtés, aussi éloignés des masses populaires ; leur
impartialité, également suspecte. Qui lit le premier, cependant, en saura toujours, sur le monde, tel qu'il
est, infiniment plus que les abonnés du second. […]
Marc Bloch, L'étrange défaite,
essai rédigé durant la 2nde guerre mondiale.
Quelle est la
thèse de Marc Bloch. Résumez son argumentation
La guerre des ondes
A.
extraits de l' émission « les Français parlent aux Français » sur la
BBC.
Entre le 19 juin 1940 (suite à
l'Appel du 18 juin dans un bulletin d'information) et le 25 octobre 1944, des
programmes en langue française furent diffusés depuis les studios de la section
française de la BBC (British Broadcasting Corporation, société de production et
de diffusion des programmes de radio-télévision britanniques). Sous le nom de Radio Londres, qui entendait
s'opposer à Radio Paris,
antenne du gouvernement de Vichy, furent produits six bulletins quotidiens
d'informations françaises et des émissions à contenu politique, dont des
programmes humoristiques. Enregistrés à Londres par les équipes françaises de
la BBC, les sketches et chansons s'appuyaient le plus souvent sur des airs très
connus, des jeux de mots et un contenu détourné ; les textes étaient
interprétés par Pierre Dac, Pierre Lefevre et d'autres, accompagnés par
l'orchestre de Francis Chagrin, auteur des arrangements. Rompant avec le style
emphatique de la radio française, ils employaient un ton nouveau à l'antenne et
inventaient une radio de proximité avec, outre les sketches et chansons, des
messages personnels, des blagues ou des publicités détournées. Le succès
rencontré poussa les Allemands à faire interdire Radio Londres en confisquant
les postes et en punissant lourdement les auditeurs. La radio était devenue une
arme de guerre. Elle encourageait les Français à s'insurger contre l'occupant
et dénonçait, parfois avec humour, la désinformation des radios
collaborationnistes.
B.
Extraits de Radio-Paris
Philippe Henriot : principal collaborateur de
Radio-Paris, il prend la parole tous les jours à l'antenne de Radio Paris pour
défendre la collaboration, attaquer la France libre et les Français libres du
Général de Gaulle. Il se bat particulièrement contre Pierre Dac et Maurice Schumann,
qui animent l'émission « Les Français parlent aux Français » sur la
BBC. Sur
Youtube, écouter Pierre Dac répond à Henriot. Surnommé le Goebbels
français, il est nommé Ministre de
l'Information et de la Propagande dans le gouvernement de Vichy en janvier
1944. Il est abattu par la Résistance le 28 juin 1944.
L’œil de Vichy
EXTRAIT VIDEO => TE
L'Oeil de Vichy est un documentaire réalisé en 1993 par Claude Chabrol, sur un
“scénario” des historiens Jean-Pierre Azéma et Robert Paxton. Le film rassemble
et présente des images d'archives tirées des actualités officielles entre 1940
et 1944. Il peint ainsi le tableau de cette époque, de son fonctionnement et de
ses obsessions. Les images sont montées chronologiquement et ne sont pas
commentées car le film « n'en a pas besoin ». Seule la voix de Michel Bouquet
vient à intervalle régulier rétablir la vérité sur des images mensongères ou
apporter des précisions sur le contexte. A sa sortie, le documentaire déclenche
la polémique. Lors de la présentation du film en 1993, Claude Chabrol dit que «
ce film ne montre pas la France telle que je la vois mais telle que Pétain et
les vichystes ont voulu qu'on la voie.
« comment Vichy met en valeur les réalisations du Troisième Reich,
met en valeur le régime nazi et le cite en exemple ».
Ils s'appuient
sur des images de 1941 vantant les mérites du travail en Allemagne, qui permet
aux chômeurs « d'aller gagner leur vie et celle de leur famille outre-Rhin ».
Dans ce cadre « 50 000 ouvriers français travaillent momentanément en
Allemagne, gagnant ainsi un salaire élevé pour leur catégorie ». 300 000
ouvriers volontaires partent jusqu'en 1942 pour l'Allemagne, avant que 650 000
autres ne partent sous la contrainte dans le cadre du Service du Travail
Obligatoire (STO). On devine en fond du document une deuxième voix, couverte
par la musique et le commentaire. Est-ce la version pour la France du journal
allemand de l'UFA Deutsche-Wochenchau ? Rien ne permet de l'affirmer mais cela
rentre bien dans la question soulevée initialement par Jean-Pierre Elkkabach.
Tout
l'argumentaire de la propagande de Vichy est déroulé dans les Actualités
mondiales. Le départ volontaire « permet non seulement d'alléger sensiblement
les crédits de secours accordés par l'Etat français, mais aussi de donner aux
ouvriers l'occasion d'apprécier la valeur des institutions
nationales-socialistes allemandes ». C'est la mise en place d'une nouvelle
Europe à l'heure allemande, marquée par les cris de joie du départ et les
visages souriants des femmes qui partent. Au retour, dans cette nouvelle
Europe, resterait le « souvenir tant du standard de vie que des bonnes
conditions de travail, et enfin de l'accueil amical et de vraie camaraderie que
leur réservèrent les ouvriers allemands ».
Ces images de propagande sont « beaucoup vues à
l'époque », quand les Français les découvrent sur grand écran au moment où le
cinéma est « en pleine gloire ». Claude Chabrol évalue le nombre de spectateurs
à 200 millions par an en 1938, à 300 millions en 1942 et 400 millions en 1943.
La croissance de la fréquentation depuis le milieu des années 1930 s'est
progressivement stabilisée autour de 400 millions de spectateurs. Les années
1940, 1942 et 1944 connaissent une relative contraction qui peut s'expliquer
par les épisodes militaires de guerre sur le territoire national. Dans la
période 1940-1944, 220 films sont produits qui attirent le public. Les
Actualités qui précèdent le long métrage sont « chahutées », avec des
protestations « dans quelques villes » (Montpellier, Angoulême, Perpignan). Les
actualités étaient alors projetées avec la lumière allumée, « pour voir les
siffleurs ».