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samedi 13 novembre 2021

L'organisation politique de Florence au moment savonarolien

Si, dans les programmes scolaires, nous n'avons le temps que de présenter le système démocratique mis en place à Athènes à la fin du VIe siècle avant JC, il serait pourtant utile de prendre du temps pour présenter d'autres systèmes d'organisation de gestion et de vie politique, notamment au Moyen Age. Etudier avec les élèves, dans une démarche comparative les différentes formes de systèmes républicains (Athènes, Rome, les communes italiennes médiévales) permettrait d'aiguiser leur regard sur la longue durée de la mise en place de l'idéal démocratique.



Le palais de la Seigneurie (dit "palazzo vecchio")
qui abritait les conseils de la commune.


Dans le "laboratoire italien" des formes politiques, Florence tient une place particulière étant donné la masse de documentation et donc d'études qui lui sont consacrées. A partir du XIIe siècle, cette commune a expérimenté toutes les formes d'organisation civique : partant d'une autonomie communale, elle devient République plus ou moins oligarchique selon les époques, puis passe sous la domination quasi seigneuriale des Medicis, puis au XVIe siècle la capitale de leur duché. J'ai consacré un billet de blog à une sommaire présentation de la première république et aux ordonnances de Giano della Bella, dans le cadre d'un cours de DNL italien. Aujourd'hui, je vais présenter de façon plus classique le fonctionnement du "regime democratico temperato" mis en place en décembre 1494, alors que la descente du roi de France Charles VIII avait initié les guerres d'Italie et après que la Seigneurie a chassé Pierre de Médicis, le fils de Laurent le magnifique. Je m'appuye sur l'article de Guidobaldo Guidi, "Il Savonarola e la partecipazione alla vita politica", paru dans Savonarole. Enjeux, débats, questions, Actes du Colloque International (Paris, 25-26-27 janvier 1996), Paris, 1997, p.35-44. Mais avant, je reprends, pour introduire le propos, une large citation de l'article de Jean Bourier et Yves Sintomer, "La République de Florence (12e-16e siècle). Enjeux historiques et politiques" (dans Revue française de Sciences politiques, 2014/6, vol.64, p.1055-1081) ainsi que la chronologie qui est fournie en annexe. Cet article constitue une bonne entrée en matière pour ceux qui voudraient avoir un aperçu général de l'histoire institutionnelle de Florence.


"Du 13e au 16e siècle, et plus particulièrement lors du moment « républicain » où elle se fait le héraut de la « liberté florentine » (Florentina libertas), Florence constitue une référence centrale pour l’histoire politique du monde occidental. Tôt libérée des rapports féodaux, elle est, pendant deux siècles et demi, et malgré quelques éclipses, le lieu d’une véritable réinvention de la politique, au sens où Moses I. Finley et Christian Meier entendent celle-ci [1]Moses I. Finley, L’invention de la politique. Démocratie et… – un débat public sur les choses de la cité appuyé sur des procédures permettant aux citoyens une participation politique institutionnalisée. Mais elle l’est aussi au sens des luttes et intrigues pour le pouvoir lorsqu’elles sont tranchées in fine sur la place publique, plutôt que confinées dans les coulisses, et qu’elles s’effectuent dans un champ largement autonome, en particulier à l’égard de la religion, et partiellement professionnalisé. Si les origines et les premiers temps de la Commune de Florence restent en partie dans l’ombre, c’est avec l’affirmation du Popolo, en liaison étroite avec les associations de métiers, qu’elle devient une cité de premier plan. (les phrases en gras sont de mon fait) Avec Venise et Gênes, c’est l’une des cités-États qui, durant la Renaissance, résiste le plus longtemps à la montée des nouvelles Seigneuries princières, celles des Visconti puis des Sforza à Milan, des Gonzague à Mantoue ou des Este à Ferrare et à Modène. Dans les représentations et discours de l’époque, elle incarne la version « populaire » de la République, quand la ville des doges en représente la version « aristocratique ». La mutation politique que Florence expérimente dès le 13e siècle participe de l’invention ou de la réinvention de techniques délibératives ou électives et de modes de scrutin qui seront typiques de la politique moderne. La cité-État a rompu progressivement avec l’univers de pensée féodal, avec la théologie politique de l’empire et avec les formes institutionnelles et idéologiques de l’autorité qui en étaient le corollaire. Quelques siècles avant que ne s’impose l’idée de la souveraineté populaire, une communauté politique quasi fédérative basée initialement sur les corporations (les Arts) et d’autres groupes fondés sur un statut spécifique reconnu par la cité (les quartiers, l’organisation regroupant les partisans du guelfisme, etc.), typique des communes médiévales, cède progressivement la place, au cours des 14e et 15e siècles, à une République plus unitaire.

La politique est dans la cité toscane tout à la fois étonnamment proche et foncièrement différente de la nôtre. Quelques aspects méritent ici d’être mentionnés. La délibération publique se déploie de façon importante, en particulier à partir de la fin du 14e siècle, mais dans des assemblées quasi informelles, les consulte e pratiche, qui discutent presque quotidiennement des questions sensibles, et non dans les Conseils législatifs, lieux qui sembleront son habitat « naturel » quelques siècles plus tard. L’élection et le vote au scrutin majoritaire sont employés et affinés mais, jusqu’à la fin du 15e siècle, ces modes de scrutin ne sont pas couplés à l’idée du consentement du peuple, typique des gouvernements représentatifs modernes. Florence voit émerger une véritable classe politique, quasi professionnalisée en ce qu’elle pratique cette activité à plein temps, dominée par les grandes familles qui exercent un large contrôle, à travers leurs réseaux, sur la vie politique. Mais elle voit aussi s’affirmer la participation active de milliers de citoyens à la gestion des affaires publiques à travers un mélange de cooptation, de tirage au sort et de rotation rapide des mandats. Elle développe nombre des techniques d’administration modernes, comme l’impôt proportionnel fondé sur un recensement très précis des richesses immobilières et mobilières, dans le cadre d’un vaste État territorial en cours de constitution, qui occupe au 15e siècle toute la vallée de l’Arno, des Apennins à la mer, au niveau de Pise et de Livourne. C’est aussi à Florence que la notion moderne de république est créée, à partir du moment où Leonardo Bruni (1ere moitié du XVe siècle) oppose le régime républicain au régime princier et où la république n’est plus simplement synonyme de bon gouvernement. Cependant, l’idéologie officielle de la cité toscane est marquée par l’idéal d’une représentation politique qui n’est pas la représentation-mandat mais la désignation des personnes les plus impartiales, les plus justes et les plus utiles pour l’harmonie communale, personnes qui forment une pars pro toto pouvant engager la collectivité."


Une longue chronologie commentée accompagne l'article dont je tire l'exercice suivant :

Une exercice pour les 1ere SPE HGGSP, thème démocratie

Rapide historique de la commune de Florence

1154-1159 : la commune qui a reçu l’autorisation de la part de son seigneur, l’empereur, d’administrer elle-même la justice civile et criminelle, se dote de ses premiers statuts constitutionnels

1166 : première mention d’un Conseil de Boni Homines (les « bons hommes »)

1180-1220 : années de la mise en place du système des Arts (les corporations de Florence qui se dotent de représentants)

1244 : le popolo (ensemble des citoyens non nobles et non riches = petit peuple des artisans et des ouvriers, à jour de leurs impôts) s’organise et se dote de deux capitaines. En 1250, une insurrection renverse le groupe des notables qui dirigeait la cité et met en place le premier régime du Popolo. Celui-ci va durer 10 ans.

Tensions entre deux factions rivales : les guelfes et les gibelins.

1293 : approbation des Ordonnances de Justice qui visent à diminuer la puissance politique des plus riches et à expulser les nobles de la vie politique florentine. Création du gonfalonier de justice et du gouvernement élu de la « Seigneurie », constitué de prieurs des Arts.

1342-1346 : krach financier. Les grandes familles de la banque florentine font faillite. Les Arts mineurs par la suite rééquilibrent le pouvoir à leur profit.

1378 : révolte populaire des Ciompi (artisans du textile) qui imposent une nouvelle constitution ouvrant la vie politique aux petits ouvriers et artisans.

1382 : Fin du gouvernement des Arts. Etablissement d’un régime oligarchique, hostile au popolo minuto (les plus pauvres) qui perd tout accès au gouvernement. Officiellement cependant, le cadre de la République est conservé.

1434 : A partir de cette date, la famille des Medicis parvient à s’imposer comme l’unique famille dirigeant effectivement la ville. Les institutions sont conservées, mais sans autonomie.

1478 : échec de la tentative de coup d’Etat menée par les Pazzi contre les Medicis

1494 : la commune de Florence chasse Pierre de Medicis et met en place un régime constitutionnel à nouveau élargi aux plus pauvres.

1512 : retour des Medicis au pouvoir à Florence.


En 1ere SPE sur le thème de la démocratie, j'insiste sur les antagonismes de classes à Athènes et surtout à Rome qui ont conduit à la mise en place d'institutions de compromis permettant aux riches comme aux pauvres,, aux aristocrates comme au plébéiens de constituer un seul peuple de citoyens, participant, chacun à leur mesure, à la vie politique. Les dosages sont le résultat de rapports de force constamment renégociés et mouvants. On retrouve cette même idée dans l'histoire de Florence. La chronologie a aussi l'avantage de montrer que noblesse et richesse ne sont pas forcément synonyme : à Florence, des magnats de la banque et de la finance s'imposent au pouvoir, sans être nobles et en ayant précisément profité de l'expulsion de la noblesse féodale après les Ordonnances de Justice.

Le questionnement pour les élèves pourrait être le suivant

1)      Repérer les différents types de pouvoir à Florence :

·         Avant le milieu du XIIe siècle, qui est le seigneur de Florence ? Avant 1293, quelle classe sociale dirigeaient la ville ? Que vous suggère l’appellation « Bons Hommes » pour désigner ceux qui dirigent Florence à cette époque ? A partir de 1280, quel groupe social prend de plus en plus d’importance et s’organise ?

·         Au XIVe siècle, quelles organisations contrôlent la commune ? Est-ce toujours le cas au XVe siècle ?

·         Qu’est-ce qu’un « régime du popolo » ?

2)      Comprendre les luttes sociales et politiques à Florence

·         « Fluotez » dans la chronologie toutes les mentions témoignant de tensions sociales et politiques.

·         Quelle typologie des tensions peut-on établir ?




Focus sur un régime du popolo : la "République savonarolienne"

(remarque : l'expression est impropre, mais ce n'est pas l'objet ici d'un débat de spécialiste)




 R) coquille : lire pratica et non praticha

+ le Grand Conseil ne débat pas, il vote les lois. En de très rares cas seulement, la Seigneurie appelle au débat au sein du Grand Conseil. En temps ordinaire, cela se faisait au sein des pratiche.


Précision sur le système d’élection aux magistratures de la commune

C’est un système extrêmement compliqué en 3 étapes et que je simplifie sans être d'ailleurs certaine d'avoir tout compris. Ce n’est donc pas un suffrage direct, mais indirect.

Les membres du Grand Conseil sont réunis dans un premier temps par quartier. L’élection dure toute la journée.

Etape 1 : tirage au sort. Trois bourses/sacs ont été préparées pour chaque quartier et pour chaque collège électoral (2 bourses pour les arts majeurs, 1 pour les arts mineurs) avec les noms des personnes qui pouvaient prétendre participer à la désignation des candidats (faire partie du Grand Conseil, être majeur, être à jour des devoirs de citoyens, être membre d’un Art…). En tout, on tirait au sort 108 personnes (3 par quartier pour chaque mandat à désigner).

Etape 2 : désignation des candidats à l’élection. Juste après le tirage au sort, chacun de ces tirés au sort proposait son candidat pour la Seigneurie en choisissant parmi les membres de Grand Conseil. Leurs candidats doivent habiter leur quartier et faire partie soit des Arts majeurs (6 « seigneurs + gonfalonier soit 7 postes à pourvoir) soit des Arts mineurs (2 postes), comme eux d’ailleurs.

Etape 3 : élection. Puis tous les membres du Grand conseil procédaient au vote (non = fève blanche, oui = fève noire) pour chaque poste (9) et pour chaque nom proposé (12x9), en respectant le fait que chaque quartier devait avoir deux élus. Un notaire procédait le jour suivant au dépouillement. On conservait la personne qui avait reçu le plus grand nombre de fèves noires, à condition qu’il ait reçu au moins 50% des suffrages. Il fallait au moins 1000 votes. Sinon, on recommençait (!)

Pour les magistratures mineures, on se contentait d’un tirage au sort.

Pour les élèves, avec un peu de concentration car c'est compliqué, ils peuvent repérer le rôle souverain du Grand Conseil, le rôle de la Seigneurie comme organe du pouvoir exécutif, la séparation des pouvoir, les mandats courts et la collégialité des magistratures, le contrôle de l'action des magistrats.

Dans un 2e temps, on peut leur demander (comme pour la comparaison avec Rome) si ce système est réellement démocratique au regard des critères athéniens. Ils repéreront que les participants à la vie politique sont, comme à Athènes, une minorité, mais que , contrairement à Athènes, le petit peuple est désavantagé à plusieurs niveaux (exclu du Grand Conseil, minoritaire à la Seigneurie). Cependant, la procédure de désignation des magistratures, leur garantit (contrairement au cursus honorum romain) d'avoir des élus.

Enfin, on peut leur faire identifier les différentes échelles administratives (le quartier, la commune) et les niveaux de compétence enchassés. Puis l'importance à Florence du monde économique qui structure en fait la vie politique.


Remarque : Le mode de scrutin pour la désignation des magistrats florentins a fait l’objet de nombreux débats et a changé en juin 1495 puis en mai 1498 et en mai 1499. Il est un enjeu de la "liberté florentine", c'est-à-dire de l'effectivité de son autonomie. Il vise à éviter la mainmise des factions sur le gouvernement (Seigneurie, 10 de Liberté ...) et notamment le retour au pouvoir des partisans des Medicis. En 1499, l'institution du gonfaloniérat de Justice à vie, confié à Piero Soderini, veut faire de Florence une République enfin stable.


Ci dessous, la version simplifiée pour les élèves, avec le questionnaire



samedi 18 septembre 2021

Le peuple au bas Moyen-Age français : quand il se révolte

 Les sources narratives font rarement état du peuple, sauf à l’occasion de ses révoltes, et toujours avec un point de vue surplombant. Si de rares auteurs sont relativement « neutres » dans leur compte-rendu des faits, la majeure partie des auteurs livrent un jugement de valeur, stéréotypé et négatif, sur les actions de la population laborieuse dès lors qu’elle s’organise et qu’elle revendique.

 Samuel Kline Cohn (Lust for liberty. The politics of social revolts in medieval Europe (1200-1425), Harvard University Press, 2008), à partir des chroniques anglaises, bourguignonnes, françaises et italiennes ainsi que des lettres de rémission et autres documents judiciaires des 13e et 14e siècles a dressé une typologie des mouvements de révoltes, de leurs réussites et de leurs échecs. Il en a trouvé 1112, beaucoup plus urbaines que rurales. D'après lui, les révoltes du petit peuple urbain contre les élites apparaissent dans la documentation en premier lieu dans le royaume de France et en Flandres, dans la première moitié du XIIIe siècle tandis que la première mention d’une révolte  de ce type en Italie remonterait à 1289 dans la ville de Bologne, avec la révolte des foulons. 


Comment rendait-on compte des révoltes populaires ?

Marie-Thérèse de Médeiros (Jacques et chroniqueurs, une étude comparée de récits contemporains relatant la jacquerie de 1358, Paris, 1979) a étudié la grande Jacquerie et elle compare très précisément les récits des différents chroniqueurs sur la révolte paysanne qui a tant effrayé la noblesse française. Elle constate qu’au-delà des nuances et si l’on excepte Jean de Venette, l’accent est mis partout sur la sauvagerie, la brutalité des actes de paysans, leur supposé appétit de destruction. Les paysans brisent, "mus de mauvais esprit", ils détruisent par le feu, n'épargnent rien ni personne. Ils témoignent d'une cruauté inhumaine en violant les femmes devant leurs maris (c'est Froissart qui insiste le plus sur cet aspect) : ce sont des faits "horribles", "deshonnêtes", des "dyableries"... Ils sont "forcenés".


Dans un autre contexte (urbain et non pas rural) et pour une autre époque, voici le témoignage du Religieux de St Denisauteur de la chronique officielle du règne de Charles VI,  sur une révolte antifiscale des Parisiens de 1380, alors que le jeune Charles VI va être couronné roi et que le gouvernement de la France se trouve dans les mains de ses oncles, qui sont eux-mêmes divisés. On y retrouve le même vocabulaire de la violence et du manque de mesure : « Dans tout le royaume de France on désirait ardemment jouir de la liberté et s'affranchir du joug des subsides, et l'on était enflammé et agité d'une fureur semblable. Ainsi à Paris plus de deux cents hommes de la lie du peuple se portèrent vers le Palais, et entraînant avec eux, malgré ses refus et ses efforts, le prévôt des marchands, Jean dit Culdoé, homme d'une modération et d'une probité éprouvées, ils ramenèrent à cet effet devant le duc régent. À son arrivée, le duc étonné lui demanda pourquoi il venait ainsi en désordre et contre l'usage. Le prévôt répondit à genoux, que la nécessité n'avait point de loi, que contraint par la fureur du peuple, il était venu conjurer le régent de faire abolir les impôts que le roi défunt avait fait supporter et avait augmentés sans mesure ; et il montra par beaucoup de preuves que le peuple en était surchargé d'une façon intolérable. À peine eut-il fini de parler, que les assistants poussant des cris terribles déclarèrent qu'ils ne les paieraient plus, et qu'ils mourraient mille fois plutôt que de souffrir un tel déshonneur et dommage. Ces démonstrations effrayèrent le duc : sachant que pour une multitude désordonnée rien n'est plus aisé que de passer tout à coup de la colère aux actes de violence et désirant éviter d'exposer sa majesté à quelque offense dans la confusion d'une mêlée, il les flatta par de douces paroles, (…) Et un peu plus loin, il évoque les « conciliabules insensés et dangereux » dans des « assemblées secrètes », si bien qu’il « ne semblait leur manquer qu'un chef pour se soulever ». Quelques temps plus tard, alors que le roi a été couronné, c’est une homme « grossier et plein d’emportement » (sordidissimus et inconsulti pectoris vir) qui excite « le feu de la colère du peuple par ses clameurs séditieuses ».


Par ailleurs, on peut déduire des textes que les révoltes populaires sont vues comme des événements perturbant l'ordre naturel des choses. Symptomatiquement, quand le religieux de St Denis raconte le soulèvement des maillotins à Paris, peu après la révolte rouennaise, il fait suivre son récit des faits par un chapitre consacré aux « prodiges extraordinaires, avant-coureurs de l’avenir [qui] avaient présagé, à ce que nous croyons, cet horrible attentat ». En effet, « la veille de l’émeute susdite, près de la ville de Saint-Denys, dans une maison qu’on appelle Mereville, une vache avait mis bas un veau monstrueux qui, ayant la forme d’un animal à deux têtes, avait trois yeux et deux langues séparées dans sa gueule fourchue. » D'ailleurs, les révoltés eux-mêmes mettent en scène la subversion de l'ordre social ordinaire : à Rouen, en 1382, « plus de deux cents compagnons des métiers, qui travaillaient aux arts mécaniques, égarés sans doute par l'ivresse, saisirent de force un simple bourgeois riche marchand de draps et surnommé le Gras, à cause de son embonpoint excessif, placèrent insolemment son nom en tête de leurs actes […] en firent aussitôt leur roi. Ils l’élevèrent comme un monarque, sur un trône placé dans un char, et le promenant par les carrefours de la ville, ils parodiaient les acclamations dont on entoure le roi." (RSD, vol 1, p.131)

La bestialité

Au-delà du simple constat de mouvements violents, on trouve aussi un préjugé et un mépris de classe. ce qui n'est pas particulièrement nouveau, ni réservé au seul Moyen Age. De l'Antiquité au 19e siècle, le peuple n'est pas seulement violent, il est dépourvu d'intelligence.
 
 L’italienne Christine de Pisan a été élevée en France et elle écrit pour un public français. Dans le livre qu’elle consacre, sur commande du duc de Bourgogne, au règne de Charles V (Le livre des faits et des bonnes mœurs du sage roi Charles V, J. Blanchard (éd), Pocket, coll. Agora, 2013) et dans lequel elle fait œuvre de réflexion politique, comme dans tous ses livres, voici ce qu’elle dit du peuple : "Le peuple, c'est Végèce qui le dit, est souvent fort utile durant la bataille quand il est emmené et commandé par de bons capitaines ; il y a même des auteurs pour affirmer que le peuple, surtout celui des villages, est mieux apte au combat que les gentilshommes ; la raison en est selon eux qu'ils sont davantage habitués que les nobles au travail physique, à faire des efforts, à mener une vie rude, loin de tous les raffinements, en conséquence de quoi le métier des armes ne leur est pas aussi pénible. Mais à mon avis il y a une motivation supérieure qui réduit à néant cette argumentation, c'est l'intelligence et la réflexion, la noblesse de cœur, le désir de gloire, la peur du déshonneur, qui incite davantage aux exploits guerriers que l'effort et la peine physique ; or ces dernières caractéristiques sont plus fréquentes dans la noblesse que dans le peuple. " (p. 186)

C'est ce défaut d'intelligence qui fait faire aux révoltés des choses insensées. Au contraire des autres catégories sociales, à savoir les élites, y compris issues du peuple, les gens du peuple sont insensibles à la raison. A propos de la révolte des Rouennais en 1382 que l’on a évoquée plus haut, le jugement que porte Michel Pintoin, le religieux de St Denis, est sans appel : « Une scène si ridicule [qui] excita à droit les rires des hommes sensés ». Débutant son récit de la Caboche, au début du livre 34, il oppose les cinquanteniers, « gens sages et modérés », les « plus notables bourgeois », le prévôt des marchands et les échevins d’un côté à la foule et ses chefs de l’autre, et il commente l’échec du discours modéré des premiers aux seconds par ces mots : « Vouloir parler raison aux chefs de la sédition, c’est s’adresser à des sourds ; ils répondirent à ces sages conseils par des clameurs tumultueuses. »

Le moyen français a un mot pour désigner cette absence de comportement rationnel, le fait d'être mû avant tout par ses émotions et ses humeurs, c'est la bestialité. Elle caractérise bien plus souvent le peuple que les élites et elle s'oppose dans les sources à  l’honorabilité des élites et à l’esprit chevaleresque revendiqué pour la noblesse.

Enfin, même si c'est un cas rare et extrême, la comparaison des gens du peuple à des animaux peut être faite explicitement chez certains nobles ou à des moments de danger et de crainte de la part de la noblesse comme pour la grande Jacquerie. Michel Pintoin, le religieux de St Denis, écrit à propos de Huguet de Guisay, un des brûlés du bal des ardents du 28 janvier 1393 : « Huguet de Guisay était un homme perdu de vices et passait pour un misérable aux yeux de tous les honnêtes gens ; sa perversité était telle que, dans sa haine pour les gens du petit peuple qu’il appelait des chiens, ils les forçaient souvent à imiter toutes sortes d’aboiements. Souvent aussi pendant son dîner, il les obligeait à soutenir sa table et si l’un d’eux avait le malheur de lui déplaire en quelque chose, il le faisait coucher à terre, montait sur son dos et le frappait de l’éperon jusqu’au sang, en disant qu’avec des gens de cette espèce il fallait employer, non pas des coups de poing, mais le fouet comme avec les bêtes brutes. » (Chronique du religieux de St Denis  dans l’édition et la traduction de L. Bellaguet, Vol 2, p.69)

 D'ailleurs, dans certains récits de la répression de la grande Jacquerie, le vocabulaire de la chasse est convoqué. Les nobles "pendent aux premiers arbres qu'ils trouvoient" ; ils les "tuoient comme des pourceaulx" ou "ainsi que bêtes". On retrouve aussi ce type de formulation, quoique moins explicites, dans le récit que fait Olivier de la Marche, chroniqueur bourguignon, de la répression de la révolte des Gantois.

 

Terminons en précisant, s'il en était besoin, que la peur générée par les révoltes populaires est générale et bien évidemment non limitée au royaume de France. L'exemple du tumulte des Ciompi, en 1378, à Florence en témoigne également. Pour la première fois depuis le XIIIe siècle, une Seigneurie dominée par la plèbe contrôlait la cité. Ceci a été rendue possible par la violence du mouvement et par l'alliance, bien éphémère, des Arts mineurs avec les travailleurs pauvres de la laine. Elise Leclerc dans sa thèse, Affaires de famille et affaires de la cité, la transmission d'une pensée politique dans les livres de famille florentins, fait la remarque que cet épisode est dominant dans ses sources : c'est le moment de l'histoire de Florence le plus cité et narré par les Florentins eux-mêmes. Or, comme l'écrit Gene Brucker ("The Ciompi revolution" dans Florentine Studies, Politics ans Society in Renaissance Florence, ed. Nicolaï Rubinstein, 1968) :

"[...] au XVe siècle, les Florentins continuèrent de décrire la révolution en termes apocalyptiques et comme une expérience déchirante qui ne devrait jamais sombrer dans l'oubli. La légende de la Terreur Ciompi se mit ainsi en place, et la nature diabolique et dépravée de ces travailleurs fut inculquée à des générations entières de citoyens."

 Je tire un exemple de ce type de jugement sur le peuple de la communication de Alessandro Stella dans Le petit peuple dans l'Occident médiéval (une publication de l'EHESS coordonnée par Pierre Boglioni et Robert Delort) et dont le titre est « Ciompi... gens de la plus basse condition... crasseux et dépenaillés » : désigner, inférioriser, exclure.
« Oh mon Dieu, quels gens eurent à réformer une si noble ville et son gouvernement ! Certainement, plus de la moitié de ceux qui avaient droit de vote et jugeaient les bons et aimés citoyens, c’étaient des maquereaux, des filous, des voleurs, des batteurs de laine, des semeurs de mal, et gent dissolue et de toute sorte de méchante condition, et très peu de bons citoyens, et presque pas d’artisans connus ; il n’y avait là que des déracinés ne sachant pas eux-mêmes d’où ils venaient, ni de quelle contrée. [...] Et l’on vit ensuite clairement à leurs procès qu’il n’y en avait aucun de famille connue, ni aucun citoyen de bonne souche, et bien peu de bons artisans, seulement des gens vils et inutiles. Ils ne voulaient entendre aucun honnête homme, et encore moins voir au Palais aucun citoyen honorable, vêtu de bons habits, mais seulement des gens comme eux »

L'auteur appartient à la famille Acciaiuoli, puissante famille de citoyens-banquiers florentins, qui a donné au XIVe siècle de nombreux dirigeants à la cité du lys et dont une branche a été annoblie par le service des Angevins de Naples.

mardi 17 mars 2020

Fiche communisme au 20e siècle


LE COMMUNISME AU 20e SIECLE : LE MODELE SOVIETIQUE
ORIGINES
(remercions les grands Marx, Engels, Lenine, Staline -de gauche à droite-)
Marx (philosophe et journaliste allemand du milieu du 19e siècle) Il est le fondateur du marxisme, à la base du communisme. Il théorise que les sociétés sont organisées sur l’affrontement de deux catégories sociales aux intérêts opposés : les exploités (nommés prolétaires) et les exploiteurs (la bourgeoisie). C’est la lutte des classes. Cette lutte des classes doit mener, grâce à une révolution, à abattre la domination bourgeoise. Les prolétaires au pouvoir organisent la dictature du prolétariat, c’est-à-dire un démocratie mais réservée aux prolétaires. Les « ennemis de classe » (la bourgeoisie) ne bénéficie pas des droits démocratiques
Révolution russe :
Oct 17 : les bolcheviks, dirigés par Lenine, s’emparent du pouvoir en Russie

1917-1920 : Guerre civile –Blancs contre-révolutionnaires contre Rouges communistes

1922 : création de l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques) 1er pays communiste au monde.

UN MODÈLE DE SOCIÉTÉ IDÉALE ?
UN RÉGIME TOTALITAIRE
Socialement 
·                    Une société sans classe sociale => égalité absolue (devant la loi, mais aussi égalité économique)

·                   Pas de propriété  privée.
·                   Nomenklatura (les cadres dirigeant du PC sont privilégiés)

·                   Dictature du prolétariat <= lutte contre les ennemis du régime, les bourgeois
Politiquement
·                   Suffrage universel direct (y compris féminin)
·                   Soviet (assemblées syndicales décisionnaires)
·                    Parti unique
·                    Culte du chef
Économiquement
·                   Collectivisation de l’agriculture
·                   Planification de l’économie
·                   Nationalisations de tous les secteurs d’activité.

·                    Répression contre les paysans
·                    Plan irréaliste, qui privilégie l’industrie lourde (sidérurgie…) et l’armement au détriment des industries de biens de consommation
·                    Pénuries et famines
Vie quotidienne
Changer les mentalités pour créer un « Homme nouveau »
·                    Surveillance , contrôle et encadrement de la population dans tous les moments de la vie
·                    Répression (GOULAG = camps de travail)
·                    Propagande omniprésente

LE « GRAND FRÈRE » SOVIÉTIQUE MONTRE LA VOIE AUX COMMUNISTES DU MONDE ENTIER
La révolution bolchevique est la première révolution communiste au monde…et elle a réussi. L’URSS jouit d’un immense prestige auprès des communistes du monde entier. Elle devient la « patrie des travailleurs », de tous les travailleurs…fidèle au mot d’ordre de l’Internationale : « travailleurs du monde entier, unissez-vous »
Lénine appelle à la révolution mondiale. Mais à sa mort, en 1924, les tentatives de révolution ailleurs en Europe ont échoué.

Staline, qui dirige l’URSS entre 1928 et 1953, décide de « construire le socialisme dans un seul pays » = renforcer d’abord la puissance de l’URSS avant d’exporter la révolution.
Après la 2e guerre mondiale, l’URSS devient le 2e super-grand. C’est le début de la Guerre froide contre les EUA. En 1947, l’URSS crée le Kominform, l’internationale communiste qui regroupe les PC du monde entier et obéit au « grand frère soviétique ».

1949 : La Chine devient communiste. C’est le début de l’amitié sino-russe.

Mao se lance dans des réformes pour « soviétiser » son pays . Mais il prend petit à petit son indépendance…

D’autres pays (période de Guerre froide) entrent dans le bloc des pays communistes.

La Chine dispute à l’URSS son rôle de leader.

dimanche 12 janvier 2020

Synthèse sur la transition démocratique espagnole


TRANSITION DEMOCRATIQUE ESPAGNOLE
Intro :
A servi de modèle pour élaborer la notion de « transition démocratique ». Ce modèle sera appliqué ensuite à d’autres expériences de passage d’un régime dictatorial à un régime démocratique, comme la révolution de velours en Tchécoslovaquie par exemple après la chute du mur de Berlin.
ð  L’Europe achève sa démocratisation et son unification puisque tous ces pays vont adhérer à la CEE (1986 Espagne+ Portugal) ou l’UE (anciennes démocraties populaires d’Europe de l’est)
ð  La Transition démocratique a été invoquée par tous ceux qui ont voulu y voir le signe de la supériorité de ce régime sur tous les autres et la marche inévitable de la démocratisation du monde
R) Péninsule ibérique = les plus longues dictatures d’Europe
* Portugal de Salazar (puis M. Caetano, son successeur) : 1933-1975. Régime nommé Estado Novo
* Espagne de Franco 1936/39-dec 1976, date de l’autodissolution des Cortes franquistes.  TRANSITION de 1975 à nov 1982, date de l’arrivée au pouvoir en Espagne du parti socialiste et de son chef, Felipe Gonzales.

1-      Une transition voulue par les élites qui avaient soutenu le régime de Franco
R) Le régime franquiste reposait sur l’alliance et le soutien des pouvoirs économiques, de l’armée et de l’Eglise catholique : valeurs = tradition et ordre + anticommunisme.
Car Franco n’a pas désigné de successeur. Dans un texte « testament », il se contente de recommander d’obéir au roi d’Espagne, censé être le garant de la continuité. La mort de Franco ouvre un moment d’incertitude politique, d’autant plus qu’il n’y avait aucune constitution.
Car le contexte économique est mauvais. Le recul de la croissance, la crise économique touche l’Espagne comme les autres pays européens dans les années 1970, mais plus fortement encore qu’ailleurs. La courbe de la croissance du PIB (cf pwpt) montre l’ampleur de la récession dont l’Espagne ne sortira qu’à la fin des années 1980, essentiellement grâce à la CEE/UE et à ses transferts financiers. Les milieux économiques en ont bien conscience, mais il était inconcevable que l’Espagne adhère à la CEE sans se démocratiser. Les EUA (diplomatie secrète) poussent à la démocratisation.
Car le contexte social est également mauvais. Multiplication des manifestations et des grèves dans les usines + tensions séparatistes (surtout montée du terrorisme basque de l’ETA qui se convertit à cette époque aux idées de l’ultra-gauche cf les années 70 sont surnommées « les années de plomb ». C’est un phénomène général Italie « Brigade rosse »/ Allemagne « RAF-Fraction armée rouge »/ France « Action directe »). La mort de Franco (nov 75) redonne espoir aux aspirations républicaines, voire révolutionnaires.
2-      Une transition pilotée par la monarchie qui est en mesure d’organiser le compromis politique.
Le jeune roi Juan Carlos 1er, tout juste intronisé en 1975, adopte très vite l’idée de la transition démocratique. Eté 1976, il nomme comme chef du gouvernement Adolfo Suarez, ancien franquiste. Après la dissolution des Cortès, il organise les premières élections législatives démocratiques pour une assemblée constituante (la nouvelle constitution qui instaure la monarchie parlementaire date de dec 1978. Elle est adoptée par referendum à une majorité de 88%). De nouveaux partis émergent, et le principal est l’UCD, parti d’A. Suarez. (cf pwpt).
Ensemble, Suarez et Juan Carlos vont négocier avec les partis de gauche un compromis. En échange de leur légalisation, PSOE et PCE abandonnent leur revendication de 3e République (avril 77) et modèrent les revendications sociales. En oct 1977, le pacte de la Moncloa, signé par l’ensemble des forces politiques et syndicales signe cette alliance consensuelle. En oct 77, la loi d’amnistie (cf pwpt) permet aux anciens franquistes de vivre tranquillement dans le nouveau régime sans être inquiété pour leurs éventuels crimes. Cette impunité, au nom d’une « responsabilité collective » (tous les espagnols seraient responsables des horreurs commises, notamment durant les 3 ans de guerre civile entre 36 et 39) permet de renvoyer dos à dos les bourreaux et leurs victimes. Il y a donc un « pacte d’oubli » (l’expression est de Santos Julia, historien sur l’Espagne franquiste) qui à l’époque rassure une opinion publique encore traumatisée par la guerre civile.
Autre explication de la modération des forces de gauche : la menace, toujours présente, d’un putsch militaire (l’armée restant majoritairement fidèle au franquisme). Sophie Baby (autre historienne) rappelle que cette menace fut « fortement inhibitrice » pour ceux qui négociaient la transition.

3) Le mythe de la transition pacifique
Le compromis n’arrête pas la violence. Du côté de l’extrême droite franquiste, l’éclatement en de nombreux micro-mouvements, l’affaiblissement électoral (cf pwpt), le sentiment d’avoir été trahis, le soutien d’encore de nombreuses personnalités importantes dans l’appareil d’Etat et dans l’armée => espoir de reprendre le contrôle du pouvoir => rumeurs incessantes de coup d’Etat + violences dans la rue, terreur. Le 23-2- 1981, un putsch longuement préparé, mené par le général Tejero échoue de peu parce que les putschistes avaient compté sur le soutien de Juan Carlos et ils ne l’auront pas (discours télévisé du roi voir manuel p.51). Le contexte était pourtant favorable puisque leur autre ennemi, A. Suarez était tellement affaibli qu’il perd sa place au gouvernement.
Les années de transition sont aussi les pires années de la violence séparatiste, et notamment des attentats terroristes. (cf pwpt). Historiquement, l’Espagne a été formée de la réunion de royaumes indépendants. La nouvelle constitution maintient l’unité de l’Etat (acquis franquiste), mais concède de larges autonomies à des régions puissantes face à l’Etat central. Les deux principaux séparatismes sont le catalan (renforcé par le souvenir de la guerre civile quand la Catalogne fut le dernier bastion de résistance à Franco) et le basque. Autant les Catalans décident de rejeter la lutte armée, autant l’ETA (Euskadi Ta Askatasuna, « pays Basque et Liberté ») organise des attentats visant, à Madrid et ailleurs, fonctionnaires et police + enlèvement et exécution d’industriels.

CCL
(cf résumé Espagne, et maintenant la République ? + pwpt) Avec l’arrivée d’une nouvelle génération, après 25 ans d’oubli, les ratés de la transition démocratique ressurgissent :
·          il n’y a pas eu de « dé-franquisation » => fin 2010’s, les socialistes reprennent ce thème contre la classe politique de droite, héritière du régime dictatorial. CF affaire du transfert de la dépouille de Franco (Valle de Los Caidos)
·         La monarchie, lgtps considérée comme garante de la démocratie, est désormais attaquée. Le roi a beaucoup de pouvoirs pol et surtout accusations de corruption. => abdication de Juan Carlos en 2014 + résurgence des revendications républicaines
R) Cette transition incomplète, basée sur compromis, oubli et maintien des anciennes élites donc plaies mal pansées, c’est aussi ce qui s’est passé au Chili après Pinochet (écarté du pouvoir en 1988 après qu’il a perdu un referendum). Or, on voit actuellement explosion sociale et politique de la jeunesse au Chili. Il n’est pas étonnant que tout de suite ait émergé la revendication d’une nouvelle constitution plus démocratique.


le pwpt

dimanche 5 janvier 2020

Grands repères chronologiques et notionnels sur le Moyen Age



L'expression « moyen âge » date du XVIIe siècle. De même au XVIe siècle, on nomma la nouvelle période « Renaissance » et le MA « les temps obscurs ». Ces termes suggèrent que la période de mille ans, archaïque et barbare, qui a rompu avec les modèles classiques de l'Antiquité, n'est que l'attente obscure des prestiges de la Renaissance et des Temps modernes. Cette longue période est pour la première fois réhabilitée au XIXe siècle, mais dans une vision simpliste (l’ère « gothique ») campée de caricatures romantiques, le preux chevalier et le serf. Depuis les années 1930, les historiens s'attachent à rendre son identité à cette longue période de lentes mutations, au cours de laquelle une société complexe s'est épanouie en Occident.
La longue période et le cadre spatial du continent rendent difficile une vision claire et simple de la chronologie et des périodes (durée dans laquelle il y a une certaine unité civilisationnelle) du MA.


Le haut Moyen Âge (fin du Ve-IXe siècle)
Caractéristiques :
·         ruralisation de l’économie, passage de l’esclavage au servage.
·         L'assimilation des Barbares : les rois barbares adaptent leurs lois au droit romain, maintiennent la langue latine, les villes antiques … MAIS la notion de droit public s'estompe, civil et militaire ne se distinguent plus, la valeur guerrière du chef, élu et mythifié devient essentielle. C’est lui qui distribue les terres et les pouvoirs à ses chefs militaires. Ceux-ci deviennent une noblesse







·         Le véritable ciment des communautés antiques et barbares est le christianisme. : le christianisme devient en Occident le passage obligé vers le pouvoir, car l’Eglise catholique est la seule force organisée, unie et présente dans toute l’Europe, qui a survécu à la disparition de l’empire romain.


Vers un grand empire chrétien : des Mérovingiens aux Carolingiens
Le sacre du roi Pépin le Bref à Saint-Denis, par le pape Étienne II en 754, confirme le prestige franc et marque un nouveau pas vers la sacralisation d'une famille : celle des Carolingiens. Le principe dynastique complète désormais l'élection coutumière et finit par la remplacer.
Le secours apporté par Charlemagne au pape, menacé par la noblesse romaine, fait du Carolingien le candidat à la restauration de l'empire d’Occident : son couronnement sanctionne cette évolution. Lors de la cérémonie romaine à la Noël 800, le pape Léon III, couronne l'empereur avant qu'il ne soit acclamé ce qui fait de Charlemagne un « empereur couronné par Dieu ». On sort définitivement des anciennes conceptions barbares du pouvoir.



Alors même que s'édifie une civilisation nouvelle, l'Empire carolingien révèle ses faiblesses. Toujours unifié sous Louis le Pieux, il profite encore un temps des conquêtes de Charlemagne.
Divisé par les fils de Louis le Pieux en trois royaumes rivaux, l'Empire carolingien n'a plus qu'une unité théorique. En « France », les invasions et l’affaiblissement du pouvoir amènent à la naissance de la féodalité. Mais en Germanie, où le roi a conservé le contrôle des duchés régionaux, l'idée d'empire et les structures carolingiennes sont assez vigoureuses pour que le roi Otton Ier de Germanie prenne à son tour la couronne impériale, en 962. Toutefois, l'Empire ressuscité n'est plus que strictement germanique, et bientôt appelé Saint Empire romain germanique.

Un monde dominé par le manque
Une économie agricole : Pendant tout le "Moyen Âge", c'est-à-dire du Ve au XVe siècle, les campagnes ont occupé une place prépondérante, essentielle, en Europe occidentale.= Un peu plus de 90% de la pop au XIe siècle, un peu moins au XVe siècle.
L'analyse d'ossements provenant de cimetières mérovingiens montre que l'espérance de vie variait entre 25 et 45 ans ; cependant si l'on survivait aux premières années, il n'était pas rare d'atteindre, voire de dépasser, l'âge de 65 ans.(…) Au cours de trois siècles de troubles continus, beaucoup de terres jadis cultivées étaient retournées à la friche, de sorte qu'il ne restait plus que des îlots cultivés dans un océan de forêts, de landes et de marécages. Dans les grands domaines mérovingiens, dont certains s'étendaient sur plusieurs milliers d'hectares, les cultures en occupaient au plus quelques dizaines. Cultures médiocres au demeurant, car il semble que les paysans ne disposaient généralement que d'outils en bois. Pourtant, l'iconographie de l'époque mérovingienne montre déjà des hommes cultivant la terre à l'aide d'outils ferrés, bêches ou socs d'araire. En définitive, à l'époque mérovingienne, les hommes demandaient donc l'essentiel de leurs moyens de subsistance à la forêt, aux friches de toute nature, aux rivières et aux étangs : la chasse, l'élevage, la pêche et la cueillette l'emportaient, et de loin, sur l'agriculture. Avec l'avènement des Carolingiens commence une ère relativement plus paisible, et donc plus propice au développement des campagnes. C'est le moment majeur du passage au servage.


L'âge féodal (Xe-XIIIe siècle)
Problématisation : Comment une société sans pouvoir central (Etat) peut-elle fonctionner et se développer ? Cette période correspond aussi à un moment (XIIe-XIIIe s) que l’on a appelé le « Beau Moyen-Age ». C’est la période étudiée à l’école, au collège et au lycée.

La société féodale repose sur des engagements d’homme à homme, les relations de fidélité et contractuelles, et une organisation stricte de la place de chacun dans la société. Tout le monde contrôle tout le monde. Les punitions sont publiques et vexatoires. Ainsi, chacun fait ce à quoi il s’est engagé.
L'engagement vassalique et la richesse foncière constitue le fondement de la puissance des aristocrates. Les mieux nantis (vassaux royaux) disposent de terres en toute propriété (les alleux, issus d'héritages familiaux), mais aussi d'honneurs, concédés pour la durée d'exercice d'une charge (comtale par exemple), et de bénéfices accordés en échange de services (surtout militaires). Devenu héréditaire, par transmission familiale des fidélités, le bénéfice ne tarde pas à être la cause même de l'engagement vassalique.

« L'arbre de la société médiévale » selon Adalbéron de Laon  (vers1015) => vers une société d’ordres
A la tête de la hiérarchie, un conflit se noue entre le Pape et l'empereur : la réforme grégorienne en marque le commencement. Les choses ne se règlent pas avant la fin du MA (antipape, grand schisme, affirmation de la supériorité du concile sur le pape sont autant d'étapes qui jalonnent les relations complexes, jusqu'au XVe siècle, entre l'Eglise et les pouvoirs temporels).



Toutefois, la naissance des Etats
Entre le XIe et le XIIIe siècle, la notion d'État n'est encore qu'en gestation, mais l'idée que le roi doit gouverner pour le bien commun s'affirme de plus en plus. La notion de pouvoir public progresse au cours du XIIIe siècle ; ainsi s'explique le rôle croissant des assemblées de contrôle (états, parlements, Cortes), qui, selon les pays, équilibrent un pouvoir monarchique consolidé par le principe dynastique, légitimé par le sacre et appuyé sur l'Église.
En Angleterre, l'équilibre des pouvoirs s'instaure au milieu de violents conflits. La victoire de Guillaume le Conquérant à Hastings en 1066 ouvre l'île saxonne à la colonisation et à la féodalité normandes.
Hugues Capet
En France, les succès de la monarchie capétienne se confirment tardivement. Hugues Capet, encore aux prises avec les féodaux, n'a pour lui que l'aura de son sacre. Il faut attendre Philippe II Auguste et ses victoires sur l'Angleterre et le Saint Empire (→ bataille de Bouvines en 1214) pour voir s'affirmer l'indépendance du royaume de France.
En Espagne, les petits royaumes chrétiens du Nord – Asturies, Castille, Aragon et Navarre – poursuivent depuis le VIIIe siècle la lutte contre les musulmans, maîtres du califat de Cordoue et du royaume de Grenade. La Reconquista, croisade des chrétiens de la péninsule Ibérique, marque des progrès décisifs au début du XIIIe siècle, malgré la résistance de Grenade. L'Espagne chrétienne, divisée en royaumes, ne parvient pas à réaliser son unité.
En Italie, l'explosion urbaine et les forces économiques donnent le pouvoir et le contrôle du territoire à quelques villes : Gênes, Milan, Florence et surtout Venise, grande bénéficiaire de la quatrième croisade (1202-1204), véritable « thalassocratie » dans laquelle le doge contrôle l'aristocratie marchande, dont seules quelques familles constituent le Grand Conseil. Ces Etats sont parfois des Républiques, contrôlés par les grandes familles. Le Pape, chef religieux est aussi chef d’Etat. Il contrôle Rome et les territoires de l’Italie centrale.


La prospérité favorise la liberté
A partir de la 2e moitié du XIe siècle, sous l’effet de la croissance démographique, et sous l’impulsion des seigneurs (et des monastères) défrichement de la forêt et mise en culture de nouvelles terres (cf. assèchement des marais): les paysages agricoles changent. L’augmentation des productions grâce à l’augmentation des surfaces cultivées permet de soutenir la croissance démog. Des mouvements de pop ont lieu dans les campagnes vers ces nvx terroirs. De nouveaux villages voire des villes se développent. Pour attirer les pop, les seigneurs concèdent des chartes de franchises* = exemption de certains impôts et obligations. Les redevances en argent remplacent la corvée.
 => XIIIe siècle = majorité de paysans libres 

Pour compléter ces idées générales: deux plans détaillés travaillés il y a quelques années avec des classes de 2nde : Violence et autorité au MA et Vivre au village au MA .


Le bas Moyen Âge (XIVe-XVe siècle)
Le temps des calamités
Aux deux siècles d'expansion économique que sont les XIIe et XIIIe siècles succèdent deux siècles de crise profonde. Les famines, l’épidémie de la Grande Peste noire qui débarque en Europe en 1348, les guerres (la guerre de Cent Ans -1337/1453-, les guerres en Italie) sont autant de catastrophes qui dépeuplent l’Europe.



Les hommes sont rares, épuisés de travail pour payer des taxes toujours plus lourdes. Les crises sociales, explosion de violence et révoltes (ligues nobiliaires contre les rois, jacqueries paysannes), mouvements hérétiques, chasse aux sorcières…se multiplient

Vers l'Europe moderne
Le triomphe des hommes d'argent, la réforme religieuse et la conquête du monde.
La limite entre le fin du MA et le début de l'époque moderne est floue.

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