jeudi 9 janvier 2020

J.D. Rockfeller et la Standard Oil Compagny


Montrer en organisant vos connaissances de cours au service de l’analyse des documents que le cas de Rockefeller et de sa compagnie est exemplaire de l’économie capitaliste libérale qui se met en place à la fin du 19e siècle.


Doc 1 : Eléments de biographie
Ce fils de colporteur américain (1839- 1937) se lance dans les affaires à 16 ans. Il investit à partir de 1863 dans une branche industrielle naissante, les raffineries de pétrole. En 1870, il dirige la Standard Oil company, un cartel puis un trust qui assure plus de 80% des activités pétrolières des EUA. Cette firme est au début du XXe siècle (avant les lois anti-trust américaines 1911-1914) la plus puissante au monde. Il fut l'homme le plus riche de tous les temps, avec une fortune estimée à environ 200 milliards de dollars américains de 2012. Sa famille a été à la tête d'un empire durant près de deux siècles : la Standard Oil deviend Esso (des initiales SO), puis ExxonMobil. Rockefeller voyait volontiers dans son succès un signe d’élection : « L'argent me vient de Dieu », disait-il.


Doc 2 : La Standard Oil, de la naissance à l’empire mondial
« Nous avons progressivement étendu notre marché au monde […] La production pour l’exportation était plus économique si elle était effectuée dans les villes côtières. Des raffineries furent donc installées à Brooklyn, Bayonne, Philadelphie et Baltimore.[…] Nous avons aussi découvert que le transport en barils coûtait plus cher parfois que le contenu.[…]Nous avons donc opté pour le système de l’oléoduc.[…] En 1867, toutes les firmes Rockefeller se sont unies. En 1870, nous avons organisé la Standard Oil Company (en rachetant des concurrents) avec un capital d’un million de dollar.[…] Nous avons trouvé des investisseurs : le capital a atteint 2,5 puis 3 millions de dollars.[…] Nous n’avons pas hésité à investir des millions de dollars dans les méthodes de baisse des coûts en multipliant les oléoducs, les tankers et les wagons-citernes. Nous avons construit des stations-essence dans les centres ferroviaires de chaque partie des Etats-Unis.
Pendant des années, la SOC s’est développée pas à pas […] La compagnie a aujourd’hui 3000 wagons-citernes qui approvisionnent en essence les villes et les plus petits hameaux d’Europe, du Japon, de Chine, d’Inde et des principaux pays du monde.[…] Depuis de nombreuses années, elle rapporte chaque semaine aux Etats-Unis plus d’un million de dollars-or.[ …] La compagnie paie bien ses 100 000employés, elle les prend en charge lorsqu’ils sont malades et les pensionne lorsqu’ils sont vieux.[…] Elle lutte contre la concurrence du pétrole extrait des vastes gisements de Russie… »
J.D.Rockefeller, Random Reminiscences of Men and Events, 1909.

Doc 3 : L'université Rockefeller

Prestigieuse université privée américaine, spécialisée dans la recherche médicale. Elle fut fondée en 1901 grâce à des capitaux donnés par J.D. Rockefeller.




Doc 4 : Caricature américaine contre la Standard Oil(1884)





















Doc 5 : Une publicité pour l’essence de la Standard Oil (1913)








La correction :

Objectif : Un destin d’homme et une entreprise exemplaires de l’économie libérale de la fin du 19e s.
= Le sujet nous invite à reconstruire à partir de l’exemple une def du libéralisme et du capitalisme,
à la fois dans son aspect économique : économie de marché, du libre-échange et de la liberté laissée aux entreprises + économie financiarisée (circulation de l’argent, investissements/profits/ banques)
et dans son aspect « social » : rôle des chefs d’entreprises qui prennent des risques et sont récompensés (ou non) de ses risques car ils possèdent leurs entreprises.

Doc 1 nous apprend :
Un self-made-man qui a su “investir (ses économies de 8 ans de travail comme ?) dans une branche industrielle naissante” : raffinage de pétrole
Une industrie qui se développe rapidement, permettant la naissance de fortunes rapides (R = « homme le plus riche de tous les temps »)
Possession privée des moyens de production puisque la SOC appartient à la famille de Rockefeller.
Croyance dans des capacités particulières (« l’argent me vient de Dieu ») : la réussite vient récompenser le mérite.
La croissance économique  de la fin du 19e siècle est tirée par des trusts (groupes industriels = cartel, concentration horizontale. La S.O.C. contrôle « 80% des activités pétrolières US ». cf doc2 « en rachetant les concurrents »)
Doc 2 nous apprend :
Développement mondial quasiment dès l’origine de la compagnie vers Europe, Asie… Bénéfices rapatriés dans le pays d’origine (EUA)
Implantation des usines (raffineries) en fonction des objectifs commerciaux => sur les ports.
Innovation technologique (oléoduc etc) née de considérations de réduction des coûts de production.
Nécessité de l’investissement. L’argent se trouve auprès des banques.
Production de masse + méthodes pour développer une consommation de masse (pub, stations essence)
Paternalisme et pol salariale généreuse.
Grande entreprise (100 000 employés)
Doc 3 nous apprend :
La société se préoccupe de son image de marque. Nouvelle forme de marketing : le mécénat caritatif.
Doc 4 nous apprend :
Critique contre les trusts (« la pieuvre ») => action de l’Etat pour distorsion de la concurrence => (doc 1) lois anti-trust.
Doc 5 nous apprend :
Pol de franchise pour des agents qui commercialisent l’essence de la compagnie (« special agent SOC »)

Correction rédigée (à partir de la copie de Sabrina)
Au 19e siècle, la révolution industrielle s’accompagne d’un long cycle de développement économique qui touche les EUA dans le dernier tiers du siècle. C’est également au 19e siècle qu’une pensée libérale naît pour accompagner le capitalisme qui soutient la circulation généralisée des biens, des personnes et de l’argent. En quoi le cas de R. et de sa compagnie sont exemplaires de cette économie capitaliste libérale qui se met en place. Pour répondre à cette question, nous allons  tout d’abord constater que R. a utilisé des méthodes capitalistes pour développer la Standard Oil Company puis qu’il répond de façon libérale à la question posée par son enrichissement « excessif ».
En quelques décennies, Rockefeller a bâti un empire industriel basé sur les activités de raffinage pétrolier. La S.O. emploie en 1909 100 000 employés et a déployé ses activités sur tous les continents (Europe, Asie et pas seulement en Amérique du nord où elle contrôle absolument tout le marché). La recherche de nouveaux marchés, tout comme la sécurisation de ses parts de marchés est une caractéristique de l’économie capitaliste basée sur la concurrence (ici le pétrole russe). C’est pourquoi, en plus de la mondialisation, il a progressivement racheté tous ses concurrents sur son marché domestique (constitution d’un cartel) puis a opéré une concentration verticale en se positionnant sur toutes les activités pétrolières, jusqu’à constituer un trust. Par ailleurs, comme tout chef d’entreprise capitaliste, R. a constamment cherché à augmenter les profits de son entreprise en réduisant les coûts de production. Il a localisé ses raffineries sur les ports des littoraux américains ; Il a investi d’énormes sommes d’argent dans le développement de nouvelles technologies de transport du pétrole (oléoduc, tankers, barils). Il a aussi cherché à augmenter ses ventes en comprenant très tôt l’intérêt de la publicité qui vante le produit, en créant un logo pour sa marque, en franchisant ses distributeurs. Comme beaucoup de grands patrons de son époque, il pratiqua aussi le mécénat caritatif : l’université Rockefeller, spécialisée dans la recherche médicale, fonctionnait grâce à ses dons. Celui-ci, outre l’aspect moral, présentait comme autre avantage de servir à améliorer l’image de marque de l’entreprise et donc ses ventes.
Au début du 20e siècle, la SO faisait donc des chiffres d’affaire faramineux : un million de $-or par semaine, pour un capital investi de 3 millions de $. Rockefeller a fait appel à des investisseurs privés (banques t/ou actionnaires) qui ont fait de bonnes affaires en lui prêtant de l’argent. Ils étaient intéressés aux résultats de l’entreprise. Pour autant, la SO appartenait à Rockefeller, puis à ses descendants. C’est lui qui en 1863 a investi ses économies dans la société d’origine et a donc pris le risque financier initial. Sa bonne gestion, le pari qu’il a fait, au bon moment, de miser sur une industrie naissante et pleine d’avenir, lui ont permis de devenir l’homme le plus riche de tous les temps. Sa fortune est estimée à 200 milliards de dollars actuels. Il avait donc bien fait fructifier son capital de départ et retiré la majeure partie des bénéfices de son entreprise. R. est le parfait exemple du patron libéral. Il possède son entreprise et les personnes qui y travaillent sont ses employés. Il les paye bien, dit-il. Il est paternaliste : la SO « les prend en charge lorsqu’ils sont malades et les pensionne lorsqu’ils sont vieux ». Mais ils ne partagent pas les bénéfices. Pour R., ils ne sont pas responsables du succès de la SO. Ce sont sa chance, sa vision claire, ses bons choix, bref ses capacités particulières, dont il pense qu’elles sont un don de Dieu, qui lui valent sa fortune.

En conclusion, l’histoire de R. et de la SO sont un bon exemple des réussites industrielles et personnelles permises au tournant du XXe siècle par l’économie capitaliste. Cependant l’exceptionnelle domination économique du trust fondé par R. est aussi sa faiblesse. On lui reproche son gigantisme tentaculaire et entre 1911 et 1914, l’Etat américain démantèle l’entreprise avec ses lois anti-trust établies pour restaurer une concurrence libre et non faussée.


Un autre sujet possible : la version courte

John D Rockefeller et la Standard Oil Compagny 
 « Nous avons progressivement étendu notre marché au monde […] La production pour l’exportation était plus économique si elle était effectuée dans les villes côtières. Des raffineries furent donc installées à Brooklyn, Bayonne, Philadelphie et Baltimore.[…] Nous avons aussi découvert que le transport en barils coûtait plus cher parfois que le contenu.[…]Nous avons donc opté pour le système de l’oléoduc.[…] En 1867, toutes les firmes Rockefeller se sont unies. En 1870, nous avons organisé la Standard Oil Company (en rachetant des concurrents) avec un capital d’un million de dollars.[…] Nous avons trouvé des investisseurs : le capital a atteint 2,5 puis 3 millions de dollars.[…] Nous n’avons pas hésité à investir des millions de dollars dans les méthodes de baisse des coûts en multipliant les oléoducs, les tankers et les wagons-citernes. Nous avons construit des stations-essence dans les centres ferroviaires de chaque partie des Etats-Unis.
Pendant des années, la SOC s’est développée pas à pas […] La compagnie a aujourd’hui 3000 wagons-citernes qui approvisionnent en essence les villes et les plus petits hameaux d’Europe, du Japon, de Chine, d’Inde et des principaux pays du monde.[…] Depuis de nombreuses années, elle rapporte chaque semaine aux Etats-Unis plus d’un million de dollars-or.[ …] La compagnie paie bien ses 100 000 employés, elle les prend en charge lorsqu’ils sont malades et les pensionne lorsqu’ils sont vieux.[…] Elle lutte contre la concurrence du pétrole extrait des vastes gisements de Russie… »
J.D.Rockefeller, Random Reminiscences of Men and Events, 1909.

En organisant vos connaissances de cours au service de l’analyse de ce texte, montrez que le cas de Rockefeller et de sa compagnie est exemplaire de l’économie capitaliste, industrielle et commerciale, paternaliste, qui se met en place à la fin du 19e siècle


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