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INTRO
L’Empire Allemand est un état
récent = créé à la suite de la guerre franco-prusse, le 18 janvier 1871,
fédérant, sous l’impulsion du Royaume de Prusse et d’Otto von Bismarck
(chancelier de Guillaume Ier), d’autres Royaumes, principautés et villes libres
(Bavière, Saxe,…). Puissance industrielle montante de l’Europe à la fin du 19e
siècle, il construit son identité sur une société hiérarchique et militarisée,
et pourtant progressiste, et sur une certaine volonté de puissance.
La question invite à aborder
l’histoire du mouvement ouvrier selon ses deux dimensions = l’idéologie
politique et le rapport au pouvoir, et la lutte concrète pour l’amélioration de
la condition ouvrière. Elle articule donc l’action des syndicats et celles des
partis politiques qui en sont proches, sans se confondre avec eux. La question
porte aussi sur le poids de la classe ouvrière dans la société allemande,
notamment son poids politique.
Pourquoi l’Allemagne ? A
bien des égards, ce pays a été un laboratoire. La croissance industrielle du pays a
abouti à la formation d’une classe ouvrière massive et organisée qui devient un
acteur important de la vie politique allemande à la veille de la Première
Guerre mondiale. L’Allemagne apparait donc comme le pays
emblématique/exemplaire des questions auxquels tous les mouvements ouvriers
occidentaux ont été confrontés à un moment ou à un autre :
·
Rôles des organisations dans la formation d’une classe ouvrière conscient
d’elle-même
·
Manière dont les socialistes ont abordé la question de l’action
révolutionnaire et de la participation au pouvoir
·
Impact des grandes crises du XXe siècle sur le
mouvement ouvrier
Comment nait et se transforme le mouvement ouvrier depuis
1875, à travers l’exemple allemand ?
Chronologie
a minima
Histoire politique de l’Allemagne
L’empire est un régime
autoritaire où le Reichstag a peu de pouvoir, et ce régime s’effondrelors de
pressions révolutionnaires accompagnant la défaite en novembre 1918.La
République de Weimar tente de s’imposer de 1918 jusqu’à l’avènement d’Hitler en
1933.Le IIIe Reich nazi est suivi d’une courte période d’occupation par les
forces alliées de 1945 à1949, à l’issue de laquelle deux entités distinctes
vont perdurer durant la « guerre froide », de1949 à la réunification en 1990,
la République Démocratique Allemande dans l’Estsoviétique, et la République
Fédérale Allemande dans l’Ouest.
1870-1918 : Empire allemand
1918-1933 : République de Weimar
1933-1945 : IIIe Reich (Hitler au
pouvoir)
1945-1949 : Occupation alliée
1949-1989 : Division de l’Allemagne en
deux États
Depuis 1990 : Réunification de
l’Allemagne
Histoire du mouvement socialiste
Socialisme : Doctrine qui s’oppose au libéralisme économique, née
du marxisme, qui a pour projet de lutter contre les injustices sociales et de
changer la société, soit par la voie révolutionnaire, soit par la voie des
réformes. Le terme socialiste s’applique aux partis privilégiant cette deuxième
voie après 1917.
Communisme : Doctrine qui s’oppose au libéralisme économique, née
du marxisme, qui a pour projet de lutter contre les injustices sociales et de
changer la société pour une société sans classe sociale et sans propriété privée. Après la révolution
russe, le terme de communisme s’applique à tous les partis qui s’associent au
parti communiste russe pour propager la révolution.
Syndicalisme : Organisation qui a pour but de défendre les droits
d’une profession, d’un secteur d’activité à travers différents modes d’action
(grèves, occupations d’usines, manifestations, soutien financier aux
travailleurs,…)
1875 : Congrès de Gotha et fondation
du Parti Socialiste Allemand
1891 : Congrès d’Erfurt et fondation
du SPD
1892 : Création de la Commission
générale des syndicats
1918 : Naissance du Parti communiste
allemand (KPD)
1933 : Hitler interdit le SPD, le KPD
et les syndicats.
1946 : Refondation du SPD à l’ouest de
l’Allemagne.
1946 : Création du SED à l’est.
En RDA :
1949-1989 : Dictature du SED
En RFA :
1949 : Fondation de la centrale
syndicale DGB
1959 : Congrès de Bad-Godesberg ;
le SPD renonce à l’idéologie marxiste.
1969-1974 : Willy Brand (SPD) chancelier.
1974-1982 : Helmut Schmidt (SPD)
chancelier.
Depuis 1990,
une Allemagne réunifiée
1990 : Le
SED devient le PDS.
1998-2005 : Schroeder (SPD) chancelier.
2003-2005 : Lois HARTZ (Agenda 2010).
2007 : Fondation de Die Linke.
I/ De la naissance à l’affirmation du mouvement ouvrier
(1870-1914)
A. Les débuts d’un
mouvement ouvrier.
1- un mouvement qui se structure et devient puissant
Sur le plan politique, le mouvement ouvrier
s’organise à travers plusieurs partis politiques, héritiers des théories de
Friedrich Engels et Karl Marx.
Tout d’abord, Ferdinand Lassalle
(1825-1864) fonde, en 1863, l’Association Générale des Travailleurs Allemands
(ADAV - Allgemeiner Deutscher Arbeiterverein). Ce parti rompt avec les thèses
de Marx et Engels, en défendant l’idée d’une libération de la classe ouvrière par
le suffrage universel et la conquête pacifique du pouvoir.= stratégie REFORMISTE
Plus tardivement, August Bebel
et Wilhelm Liebknecht rejettent les idées de Lassalle et souhaitent appliquer
le programme marxiste : conquête du pouvoir par la force et mutation révolutionnaire
de la société. En 1869, ils fondent le Parti Social-Démocrate des Travailleurs SDAP
-SozialdemokratischeArbeiterpartei). =
stratégie REVOLUTIONNAIRE
La division politique du
mouvement ouvrier affaiblit son efficacité. Aussi, sous l’influence de
Liebknecht, les deux partis fusionnent, en 1875,
lors du congrès de Gotha pour former le Parti Socialiste des Travailleurs
(SAP –SozialistischeArbeiterpartei). Son programme constitue une synthèse
difficile des doctrines de l’ADAV et du SDAP : il prône la révolution mais
renonce à l’expropriation des moyens de production du capital pour transformer
la société et accepte de participer à la vie politique, en demandant des
réformes sociales. Ce compromis
permet un rapide succès auprès des travailleurs malgré les critiques sévères
venant des marxistes. Mais dès le début, le SAP est donc double.
En 1890, (fin des lois
antisocialistes et disparition de Bismarck) le SAP se réforme et prend le nom de Parti Social-Démocrate (SPD
-SozialdemokratischeParteiDeutschlands).
Une nouvelle fois, c’est une
synthèse entre le marxisme et le réformisme qui finit par être adoptée et guide
l’action du SPD. La lutte des classes est mise de côté au profit de l’action
démocratique qui doit permettre l’amélioration du quotidien des prolétaires
grâce à des réformes, votées par une bourgeoisie soucieuse du peuple. La
préparation de la révolution n’est pas abandonnée mais passe au second plan.
Cette stratégie permet une progression des socialistes
aux élections : en1871 le SAP obtient 100 000 voix, en 1890 le SPD atteint 1, 5
millions puis en 1912 4,2millions,
faisant du SPD le premier parti
d’Allemagne. Ces progrès sont aussi dus à un élargissement de sa base aux
intellectuels et aux salariés.
Dans le domaine du travail,
les deux courants politiques tentent d’organiser des syndicats destinés à
améliorer la vie des travailleurs. Par exemple, en 1868, l’ADAV fonde la Ligue des Syndicats Allemands (ADG -
Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund). Après
1875, des syndicats « libres », liés au SAP et dirigés par des membres du SAP,
se développent par branche d’activités, en particulier dans la métallurgie,
l’imprimerie et les mines. Là encore, l’idéologie des syndicats est
révolutionnaire mais la pratique est réformiste: ces syndicats préfèrent la
négociation avec le patronat et ne recourent à la grève qu’en dernier recours.
D’autres syndicats non
socialistes sont fondés comme des syndicats chrétiens ou des syndicats
libéraux. Mais, ces syndicats sont moins puissants que les syndicats
socialistes
Sous l’influence du SPD, les syndicats se reconstruisent
aussi avec la création, en 1892, de
la Confédération Allemande des Syndicats
(GGD - GeneralkommissionderGewerkschaftenDeutschlands) rassemblant tous les syndicats socialistes. Elle dispose de 278000
adhérents en 1892 et atteint 2,5 millions en 1913. La majorité des syndiqués appartiennent
au SPD. Celui-ci soutient les grèves qui permettent d’obtenir
d’importantes améliorations des conditions de travail :
ð premières
conventions collectives en 1902 ç-à-d accords négociés entre syndicat et
patronat pour améliorer les conditions de travail,
ð
doublement du revenu des salariés entre 1899 et
1913,
2- Réaction du pouvoir ?
Le chancelier Bismarck
(1815-1898) qui gouverne l’empire allemand pour Guillaume Ier , puis son
petit-fils Guillaume II, considère les socialistes comme des ennemis pour l’empire
en raison de leur nombre croissant, de leur organisation mais aussi en raison
de leur opposition à la guerre franco-prussienne de 1870-1871.
Profitant de deux tentatives
d’assassinat sur l’empereur, dont une par un ex-socialiste, le 21 octobre 1878, Bismarck met en place
des lois « antisocialistes » pour «
mener une guerre d'anéantissement au moyen de la loi, qui toucherait les
associations, les rassemblements, la presse socialistes ainsi que la liberté de
circulation de leurs membres ».
ð
le SAP est interdit et nombre de ses dirigeants
sont contraints à l’exil.
ð
1 300 publications sont interdites,
ð
1 500 personnes condamnées.
Pour éviter d’éventuels conflits sociaux et pour juguler la
crise boursière de 1873, Bismarck complète ces lois par la mise en place de
réformes sociales afin de prouver aux travailleurs que l’Etat peut aussi bien
les protéger que les partis et syndicats socialistes.
ð
assurance-maladie en 1883,
ð
assurance contre les accidents du travail en
1884
ð
assurance-vieillesse et une assurance contre
l’invalidité en1889.
Pourtant, les socialistes, par l’intermédiaire de
candidatures individuelles, réussissent à se faire élire dans les communes et
au Reichstag en raison d’un profond enracinement dans la classe ouvrière. Lorsque,
en 1890, Bismarck quitte le pouvoir, les lois antisocialistes sont retirées ;
les partis et syndicats socialistes peuvent pleinement se développer.
3- un socialisme enraciné dans la classe ouvrière
L’action des partis et syndicats
socialiste a donc réussi à enraciner le socialisme dans le monde ouvrier. Ce
groupe social est globalement uni et a conscience de ses intérêts. On parle de
conscience de classe. S’est constituée une
« contre-société socialiste ».
Quelles actions ?
ð coopératives
de consommation qui permettent à leurs 1,3 millions de membres, en 1911, de
s’approvisionner à moindre coût en dehors des circuits commerciaux classiques.
ð
Il existe aussi des associations culturelles
(bibliothèques, théâtre, chorale, orchestres) ou sportives, des écoles et des
dispensaires tous financés par les cotisations des syndiqués. De nombreux
salariés du SPD encadrent ces différentes structures.
ð Enfin,
une presse de masse se développe, en particulier le journal officiel du SPD
(Vorwärts).
La réussite du SPD constitue une
référence pour les mouvements socialistes étrangers qui cherchent à en copier
le fonctionnement.
B/ Les divisions des
socialistes
1- Le révisionnisme de
Bernstein
L’année suivant
le départ de Bismarck et la création du SPD, au congrès d’Erfurt en 1891, leSPD adopte un programme politique à
connotation marxiste mais, autour d’Edouard Bernstein, se développe un courant proposant une révision du marxisme. Ses idées influencent grandement le SPD après 1919.
Révisionnisme :selon Berstein, Marx et
Engels se sont trompés sur l’analyse de la situation historique des rapports de
force entre les classes sociales. Le capitalisme n’est pas condamné car il a
trouvé des moyens pour maintenir sa domination : La crise économique
(grande dépression) a été surmontée par de nouveaux moteurs de croissance
(innovation) et la hausse des salaires contredit la thèse de la paupérisation
de la classe ouvrière. Pour lui, la lutte des classes est dépassée et il faut
abandonner l’idée d’une société sans propriété privée. Il faut chercher à
conquérir le pouvoir par la voie légale, proposer des réformes pour limiter les
inégalités et permettre aux ouvriers d’accéder à la consommation et à la
propriété (mode de vie de petit-bourgeois). Pour aboutir à ce but, des
alliances avec les partis non socialistes, voire libéraux, sont possibles.
Stratégie SOCIAL-DEMOCRATE
2. Un socialisme divisé par la Première Guerre mondiale
Les débuts de la Première Guerre mondiale
avivent les tensions au sein du SPD. Dans un premier temps, le SPD appelle au
pacifisme et menace d’une grève générale pour empêcher la guerre (comme Jaurès
en France). Mais, par patriotisme, il renonce à la grève générale, demandée par
l’Internationale ouvrière, et accepte de rejoindre l’Union sacrée (Burgfrieden) proposée par le kaiser Guillaume
II. Le SPD soutient l’effort de guerre
en espérant obtenir plus de droits pour les travailleurs après la victoire.
S’il reste fidèle à l’Union sacrée, le SPD espère une paix honorable, sans
annexion ni indemnités.
C'est le sens d'une motion qu’ils réussissent à
faire voter en juillet
1917 au Reichstag.
Cependant,
une minorité au sein du SPD refuse l’Union sacrée au nom du marxisme internationaliste
et pacifiste. Ils sont exclus du SPD, fin 1916, et parfois emprisonnés pour
pacifisme. Menés par Rosa Luxemburg et
Karl Liebknecht, fils du fondateur du SPD, ces dissidents fondent la ligue
spartakiste (Spartakusbund), en 1915, puis rejoignent le parti
social-démocrate indépendant (USPD - UnabhängigeSozialdemokratischeParteiDeutschlands),
fondé le 6 avril 1917, tout en conservant leurs propres orientations
politiques.
La situation militaire désastreuse et la misère
provoquent une vague insurrectionnelle
qui débute, le 29 octobre 1918, par
la mutinerie des marins de Kiel qui refusent de combattre la Royal Navy et
arborent le drapeau rouge.
R) Ce qui alimentera le mythe revanchard du
« coup de poignard dans le dos », diffusé par l’armée dans les années
1920 contre les « rouges ».
Le
8 novembre 1918, le socialiste Eisner proclame la République socialiste de
Bavière. Enfin, alors que le kaiser Guillaume II abdique, à Berlin, le
SPD proclame la République depuis le Reichstag tandis que l’USPD fait de
même mais depuis l’Hôtel-de-Ville, le 9 novembre 1918.les ouvriers et les soldats s'emparent de Berlin : la République est proclamée
Se
pose la question du nouveau régime : dictature prolétarienne pour l’USPD ou
démocratie parlementaire pour le SPD ?
Ebert
(SPD) devient chancelier
de la République de Weimar. Pour la première fois de son histoire, l’Allemagne
a un régime démocratique. Les élections à l'Assemblée constituante voient la victoire d'une coalition dominée par le SPD. Ebert est élu président
de la République en février 1919. Les sociaux-démocrates exigent de leurs partenaires une
« politique socialiste ».
Mais de leur côté, les socialistes révolutionnaires ou spartakistes, menés par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, veulent instaurer une République socialiste qui s'inspire du régime bolchevik en Russie. Face à ces troubles, le
gouvernement social-démocrate décide d'agir. À Berlin, Noske,
appuyé par l'armée et les corps francs (volontaires), s'attaque
aux spartakistes durant la « semaine
sanglante » (6-13 janvier
1919). 1200 morts. Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont
assassinés. Cette répression provoque une division
durable au sein du mouvement ouvrier, car une partie de la classe ouvrière se radicalise alors.
Elle s'organise dans le KPD (300 000
adhérents en 1920) en opposition frontale avec le SPD.
3- La République de Weimar,
une occasion manquée
Un régime de compromis
La république de
Weimar est une démocratie parlementaire. Elle est dominée dans ses premières années par une coalition de trois partis : les catholiques du Zentrum, les libéraux et les sociaux-démocrates du SPD
(37,9% des voix aux premières élections de 1919). C'est donc un régime de compromis. Le SPD s’appuie
dans son action sur son syndicat, la Confédération Générale Syndicale Allemande
(ADGB -Allgemeine Deutsche Gewerkschaftsbund), fondé le 5 juillet 1919,
et qui rassemblera jusqu’à8,5 millions d’adhérents en 1932.
Devant les succès du SPD + écrasement des spartakistes, l’USPD éclate entre
le SPD et leKPD.
Mais la République de Weimardoit faire face à
une opposition frontale menée à droite
par des partis nationalistes
et autoritaires, et à
gauche par le KPD, adhérent du Komintern. Tous rejettent
la Constitution.
ð Soulèvement communiste de la Ruhr en
1920
ð Putsch de Munich (arrestation de
Hitler) en 1923
De plus, elle doit faire face à un
contexte difficile :
§ Hyperinflation de l’immédiate
après-guerre
§ Crise de 1923 quand les Français
occupent la Ruhr pour forcer l’Allemagne à payer les réparations.
§ Montée brutale du chômage après
1929
R)
Baisse de 20 % du PIB d'avant
guerre, qui atteint 200 milliards de dollars en 1919.
Important déficit public de 50 milliards de dollars
(25 % du PIB). Dette à 131% du PIB (emprunts de guerre) + 10 milliards de
dollars sont affectés au remboursement des réparations.
ð Lente érosion des partis au
pouvoir durant toutes les années 1920.
Une république sociale
loi des 8 heures de travail par jour
(mais elle est mal
appliquée)
+ la mise en place généralisée de conventions collectives (reconnaissance du
syndicat comme représentant officiel des salariés ; ce sont les accords Stinnes-Legien
du 15 novembre 1918)
R) une des bases du modèle du capitalisme rhénan
+ augmentation du paiement des heures supplémentaires en 1926
+ En juin 1927, alors
que l'Allemagne compte 1 million de chômeurs, le régime crée une assurance chômage.
+ De nombreux logements sociaux sont par ailleurs
construits pour les
ouvriers. (cf video)
Weimar
consacre environ 30 milliards $ par an à sa politique sociale au début des
années 1920, puis la somme augmente régulièrement jusqu’à plus de 80 milliards
en 1928 : redressement des comptes et du PIB du pays, mais maintien de
nombreux chômeurs.
C/ L'effacement temporaire
1- l'antagonisme KPD-SPD permet l'arrivée de Hitler au
pouvoir
Le KPD adopte le
modèle communiste soviétique, défini par le Komintern ou Troisième Internationale. Il se structure en s’appuyant
sur la classe ouvrière par l’intermédiaire de cellules d’usine, d’associations
culturelles et sportives, de troupes de théâtre prolétarien et même
d’organisations paramilitaires (front rouge des combattants).
Ainsi, le KPD rassemble, en 1920, 300 000 adhérents
qui peuvent être rapidement mobilisés pour mener une révolution. Le parti
communiste organise aussi le Syndicat Révolutionnaire d’Opposition
(RGO – RevolutionäreGewerkschafts-Opposition).
A partir de 1928, le Komintern fixe contre priorité au KPD la lutte
contre le SPD, considéré comme un « parti bourgeois » et comme un « parti
social fasciste ».
La crise des années 30 touche fortement l’Allemagne
dont la production industrielle baisse de 19% et où le chômage touche 6
millions de travailleurs. Le SPD se trouve dans l’impossibilité d’honorer la
nouvelle assurance-chômage créée en 1927. Les ouvriers sont particulièrement
touchés par la dépression. Le SPD et ses alliés peinent à trouver des solutions
à la crise économique et sociale : le blocage des salaires et des prix conduit
à une explosion de l’inflation qui aggrave les conséquences de la crise. Les
partis extrémistes, hostiles à la République, progressent tandis que les partis
au pouvoir reculent. C’est particulièrement le parti nazi (NSDAP) qui bénéficie
le plus de la crise (en 1930, 28 % de membres ouvriers adhérant normalement au
SPD ou au KPD). Lors des élections de 1932, le NSDAP devient le premier parti
au Reichstag avec 33% des voix contre 20,4% pour le SPD et
16,8% pour le KPD.
Les socialistes et communistes sont majoritaires mais
leur division va permettre auxnazis de prendre le pouvoir. Malgré des combats
de rue entre militants nazis et communistes , le KPD refuse de s’allier au SPD
pour stopper la menace du parti d’Hitler car les communistes restent hostiles à
la démocratie parlementaire et pensent que la violence nazie permettra la prise
de pouvoir du prolétariat. La crise économique est pour eux le signe que le capitalisme
est sur le point d’imploser et doit laisser la place selon leurs prévisions à
une société communiste.
2- Le mouvement ouvrier confronté au nazisme
Le 30 janvier
1933, Hitler est nommé chancelier avec la ferme volonté d’éliminer les partis
socialistes, accusés de s’opposer à l’unité du peuple. L’incendie du Reichstag,
dans la nuit du 27 au 28 février 1933, sert de prétexte à la mise en oeuvre de
son programme. Les nazis dénoncent un complot communiste et procèdent à
l’interdiction du KPD. De son côté, le SPD, pourtant conciliant dans un premier
temps avec le nouveau pouvoir, est à son tour interdit, le 22 juin 1933, pour
avoir refusé de voter les pleins pouvoirs à Hitler. Les principaux dirigeants
socialistes et communistes sont assassinés, internés dans les premiers camps de
concentration (Dachau) ou contraints à l’exil. 50% des dirigeants communistes
auraient été assassinés en octobre 1935 selon Alfred Wahl.
Le mouvement
ouvrier est intégré dans l’ordre nazi avec la dissolution des syndicats et leur
remplacement par une organisation de type corporatiste, le Front Allemand du
Travail (Deutsche Arbeitsfront), regroupant patronat et ouvrier. En
janvier 1934, la grève est interdite. Les conflits dans les entreprises sont
réglés par des militants nazis, élus par les ouvriers sur une liste dressée par
le patron.
Les socialistes
et communistes tentent de lutter contre le nazisme dans la clandestinité notamment
via la diffusion de tracts et journaux, activités extrêmement risquées. (70 %
des tracts interceptés en Allemagne par la Gestapo issus de ces deux partis).
En Allemagne, la résistance se limite à des actes de résistance limités et les
groupes d’opposition sont tous démantelés par la Gestapo, de 1933 à 1936. A
l’étranger, le SPD, depuis Londres, et le KPD, depuis Moscou, tentent de
maintenir une existence. Cependant, aucun rapprochement n’a lieu entre les deux
partis, en dépit du revirement du Komintern en faveur des Fronts Populaires
en1934.
Comment
le mouvement ouvrier se reconstruit-il après la chute du nazisme en 1945 ?
II/ Les mutations du socialisme (1945-2015)
Allemagne, année 0 =
modifications de frontières, flux migratoires (rapatriement, zones
d’occupation, appareil productif en partie détruit ou démantelé)
1949, la guerre froide débute en
Allemagne avec la division en deux : RFA (sept 49 ) puis RDA (octobre 49 )
Rideau de fer et mur de Berlin (construit 12/13 aout 1961) => la question
allemande est au cœur de la guerre froide
A) la RDA, une démocratie populaire
En 1949, lors
de la création de la RDA, le SED devient le seul parti en RDA afin de construire
le « socialisme réel », reprenant l’héritage de la gauche communiste allemande et
le modèle soviétique (voir
doc 1 p. 110)
Un semblant de
démocratie est maintenu (élections au suffrage universel, reconnaissance des
libertés fondamentales des individus : conscience, parole, réunion ainsi que
des droits sociaux : loisirs, construction, travail) mais la réalité du pouvoir
est détenu par le SED qui noyaute l’appareil d’Etat et fournit au régime ses
principaux cadres dirigeants (Walter Ulbricht au pouvoir de 1950 à 1971, Erich
Honecker de 1971 à 1989, à la fois secrétaire général du SED et président du
Conseil d’Etat).
Le parti unique organise
un contrôle totalitaire sur la population grâce à des organisations de masse
encadrant la société : jeunesse libre allemande (FDJ - Freie Deutsche Jugend),
confédération des femmes allemandes, société d'amitié avec l'Union soviétique… Ces
organisations offrent au SED le monopole de la scolarisation, de la politique
culturelle, de tous les aspects de la vie sociale. (voir dossier manuel pp108-109 sur l’éducation
socialiste en RDA)
Les syndicats organisés par branches industrielles sont rassemblés
dans la Fédération Libre des Syndicats Allemands (FDGB - Freie Deutsche
Gewerkschaftsbund) soumise au SED. La FDGB vise moins à défendre les droits
des travailleurs qu’à stimuler la productivité et à éviter les revendications
salariales (droit de grève supprimé en 1961). La population est surveillée de
près par la STASI, créée en 1950 et forte de 90 000 fonctionnaires et de 170
000 informateurs, qui réprime toute opposition. (PWPT)
Cependant, la
domination du SED n’est pas sans provoquer certaines oppositions.
- Tout d’abord, en juin 1953,
l’augmentation des cadences imposée par Moscou sans augmentation de
salaire provoque le soulèvement des ouvriers, dans le contexte de la mort
de Staline. Les travailleurs réclament la démocratie dans les entreprises,
l’organisation d’élections libres et la réunification de l’Allemagne. Avec
l’aide des chars soviétiques, le SED écrase ce soulèvement. (PWPT)
- Par la suite, les Allemands de l’Est « votent
avec leurs pieds » en fuyant vers l’Europe de l’Ouest (3 millions entre
1947 et 1961), ce à quoi le SED répond en édifiant le mur de Berlin en
1961.
Les résultats
économiques médiocres à partir des années 70 et le développement des inégalités
entre la majorité de la population et les cadres du parti renforcent la
contestation du régime. Cette dernière s’accentue avec les réformes entreprises
par Gorbatchev en URSS à parti de 1986 car le SED s’oppose à toute évolution
qui risquerait de déstabiliser le régime. A l’automne 1989, des manifestations
conduisent à la chute du régime, symbolisée par la destruction du mur de Berlin
le 9 novembre
L’idéal communiste est mort, condamné par les échecs de
l’histoire. Le SED disparaît dans l’Allemagne réunifiée depuis 1990 : il
se transforme en PDS et ne compte que XXXXXX
B) EN RFA, l’apogée de la social-démocratie
Le SPD et le KPD renaissent dès 1946 mais, dans le contexte de la
guerre froide, ces deux partis peinent à retrouver leur importance d’avant le
nazisme. Le KPD n’obtient ainsi que 2,5% des voix en 1953 et se voit même interdire
en 1956 car il est considéré comme anti-démocratique. Malgré sa ré-autorisation
en 1968, il reste peu influent car trop lié à la RDA. De son côté, le SPD connaît
des échecs répétés lors des élections qui font reculer le nombre de ses
adhérents : 875 000 en 1947, 185 000 en 1955. Ce sont les chrétiens-démocrates de la CDU qui
assure le pouvoir.
L’arrivée de nouvelles générations à la tête du SPD permettent une
remise en cause de l’idéologie du parti. Au congrès de Bad Godesberg, en 1959 (manuel pp 120-121), le
SPD renonce au marxisme considérant que la révolution n’est plus adaptée aux
réalités de la société moderne. A l’inverse, il intègre les valeurs du
libéralisme : économie de marché, capitalisme, propriété privée… L’Etat
doit défendre les libertés démocratiques, garantir plus de justice sociale afin
d’améliorer le sort des travailleurs, selon la doctrine : « le marché autant
que possible, l'intervention publique autant que nécessaire. » => Ce nouveau
programme a pour objectif la mise en place d’une économie sociale de marché, reposant sur la cogestion des entreprises entre les travailleurs et les patrons.
Sur le plan international, le SPD accepte l’adhésion de la RFA au bloc
occidentale et à l’OTAN.
en 1949, est fondée la Confédération Allemande des Syndicats
(DGB – Deutscher Gewerkschaftsbund), proche du SPD même si elle se déclare
politiquement neutre. Cette confédération rassemble des syndicats organisés par
branches d’activités. Ce mouvement syndical est particulièrement attaché au
dialogue social et ne recourt à la grève que de façon exceptionnelle. Cette
attitude lui permet d’obtenir la cogestion des entreprises à partir de 1952
(droit de regard sur les décisions des entreprises concernant les salariés, représentants
des salariés à parité avec les représentants des actionnaires au sein des
conseils de surveillance des sociétés minière et sidérurgique, tiers des sièges
au sein des conseils de surveillance des sociétés par actions réservé aux
salariés) ce qui constitue la base de l'économie sociale de marché mis en
place en RFA et contribue largement au miracle économique allemand. La
cogestion permet obtenir l'amélioration des conditions de travail au prix de l’abandon
de l’idée de la lutte syndicale (1966, abandon de toute référence à la lutte
des classes). La DGB bénéficie d’une large audience auprès des travailleurs
(6,7 millions d'adhérents soit un tiers des salariés en 1970) en raison d’une
offre de services importantes (coopératives de consommation, compagnies
d'assurances, banques…) et d’une réelle richesse lui permettant de menacer le
patronat de grèves longues.
Mais, la domination de la DGB n’est pas totale. En 1955, les
syndicalistes chrétiens quittent la DGB mais conservent l’orientation
réformiste. Puis, dans les années 80, la syndicalisation recule en raison de
difficultés de recrutement auprès des jeunes et des femmes ainsi que du
développement de la mondialisation qui affaiblit le pouvoir des syndicats et
donc leur crédibilité. Malgré tout, le
taux de syndicalisation en Allemagne reste très supérieur à celui du reste de
l’Europe occidentale.
La réorientation politique permet au SPD d’élargir sa base
politique et donc de progresser aux élections. En 1966, une coalition entre la
CDU et le SPD remporte les élections. Willy Brandt devient ministre des
affaires étrangères, le SPD gagne alors en légitimité et est désormais perçu
comme un potentiel parti de gouvernement. C’est en 1969 que Willy Brandt finit par devenir chancelier jusqu’en 1974.
Ensuite, c’est Helmut Schmidt, toujours membre du SPD, qui exerce cette
fonction jusqu’en 1982. Au cours de cette période, le SPD conduit des réformes
importantes : extension de la cogestion aux entreprises plus de 1 000 salariés,
amélioration de la protection sociale, libéralisation du droit (divorce
simplifié, dépénalisation de l’homosexualité, libéralisation de l’avortement)…
Cette période est perçue comme l’apogée du modèle social-démocrate. Sur le plan
international, Willy Brandt mène une politique de rapprochement avec la RDA, l’Ostpolitik. (PWPT)
Mais, la crise des années 70 prive le
SPD des moyens financiers pour poursuivre les réformes sociales et le
chancelier Schmidt s’efforce de préserver au mieux les acquis sociaux. C’est
aussi une période de remise en cause pour le SPD : ses sympathisants ont
atteint un bon niveau de vie et sont donc moins motivés par les idées de
partage socialistes, la situation économique conduit à un réalisme économique
de la part du SPD qui déçoit ses électeurs. L’évolution du SPD vers le libéralisme provoque le
développement d’une Opposition non-parlementaire bien
implantée chez les étudiants. Certains de ses membres basculent vers le terrorisme d’extrême-gauche (RAF-Rote Armee
Fraktion/Fraction Armée Rouge) et multiplient les actions violentes contre les
symboles du capitalisme. ( assassinat du président de la Deutsche Bank) Le
SPD réprime durement ce terrorisme mais consacre ainsi la rupture avec une
partie de la jeunesse et avec l’extrême-gauche. Le SPD perd alors le pouvoir en
1982 au profit des libéraux et des chrétiens-démocrates.
C) Qu’en est-il du socialisme dans l’Allemagne actuelle ?
Après la chute du communisme en RDA, des élections libres sont
organisées à l’Est, le 18 mars 1990, et consacrent la victoire d’une coalition
de trois partis, comprenant les Chrétiens démocrates qui obtiennent 48%, le SPD
qui n’obtient que 21,8% des voix et le Parti du Socialisme Démocratique (PDS -
Partei des Demokratischen Sozialismus) qui remplace le SED que 16,3%.
De 1990 à 1998, le SPD se trouve
dans l’opposition. Pour reconquérir le
pouvoir, le SPD modifie son discours social-démocrate en acceptant la
privatisation de l’économie et en développant de nouveaux thèmes autour du
droit des femmes ou de l’environnement. C’est d’ailleurs à la tête d’une
coalition avec les Ecologistes que le SPD retrouve le pouvoir, en 1998.
Le gouvernement SPD de Gerhardt Schröder vote des lois écologiques et
sociales mais doit faire face à la nécessité de lutter contre le chômage et
contre les effets négatifs de la mondialisation. Il décide alors, en 2005, de
renforcer la compétitivité de l’économie allemande au dépend de son modèle
social. Ce programme de réformes
libérales, connu sous le nom d’Agenda 2010 ou lois Hartz, du nom de Peter
Harz président de la commission des réformes, libéralise les conditions de
travail et réduit les dépenses sociales (réforme des retraites, remise en cause
de l’État providence notamment pour l’assurance maladie…).
Video DATAGUEULE : modèle alld ?
Cette politique provoque une
forte opposition de la part des syndicats et d’une partie du SPD qui lui
reproche de renier la social-démocratie. A l’opposé, la droite salue les
mesures prises par le gouvernement Schröder car elles ont renforcé la
compétitivité de l’économie allemande. Cela montre à la fois un effacement du
clivage droite-gauche mais aussi une crise idéologique au sein de SPD qui se
manifeste par une multiplication des partis à la gauche du SPD. En 2005, le
PDS, héritier du SED, change de nom et devient le Parti de Gauche (Linkpartei).
En 2007, La Gauche (Die Linke), un mouvement antilibéral proche des communistes.
Aux élections de 2009, Die Linke obtient 12% des voix contre 23% pour le SPD.
Ccl :
Avec
recul de l’industrie, en Europe, l’influence des syndicats et des partis
ouvriers a fortement reculé. Sur quelles valeurs et sur quel projet ces
mouvements et la gauche en
général
s’appuient-ils aujourd’hui pour conserver un rôle politique et social ?