mercredi 27 mai 2020

Les Antilles françaises et l'esclavage (XVIIIe siècle)

Etude d'un dossier documentaire

Montrez, en utilisant les documents que la société coloniale française tire sa richesse de l’organisation institutionnalisée et généralisée d’une inégalité des races. 

Doc 1 : Présentation de la structure des échanges entre la France et les Antilles

C'est au 17e siècle pour que la France s’engage véritablement dans l’aventure coloniale, et singulièrement le règne de Louis XIV.

A l’échelle nationale, le commerce américain profitait à quelques ports qui ont l’accord du roi : Calais, Dieppe, Le Havre, Rouen, Honfleur, Saint-Malo, Morlaix, Brest, Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Bayonne et Sète. L’essentiel du trafic est assuré par Bordeaux, Nantes, Marseille, Rouen-Le Havre-Honfleur. Bordeaux est le premier d’entre eux avec 41% du commerce antillais de la France à la fin de l’ancien régime. L’arrière-pays bordelais produit la farine et le vin dont les Antilles ont besoin et Bordeaux contrôle les liaisons commerciales avec l’Europe du Nord. Nantes est le second grand port colonial en raison de sa spécialisation rapide dans la traite négrière. L’arrière-pays produit des cotonnades qui restent le principal article d’exportation vers les colonies. Les ports de la Basse-Seine profitent de la croissance textile après 1750 pour développer la traite négrière et le commerce colonial. 

La France à la fin de l’ancien régime est un pôle de redistribution des produits tropicaux qui représentent près de 40% de son commerce extérieur. Des grandes fortunes se sont bâties sur la traite négrière et le commerce colonial comme celles des Bouteiller, les Bertrand de la Clauserie, les Chaurand. Par contre, le commerce avec le Canada est beaucoup moins profitable, d’où sa perte en quelque sorte en 1763. Ce commerce colonial est en croissance pendant tout le XVIII° siècle et son impact sur l’économie nationale a donc été réel. Ce sont les fortunes du royaume qui s’investissent dans ce grand commerce en acquérant des parts dans l’armement des navires. Il stimule les constructions navales. Les Antilles sont un débouché pour les productions nationales : le tiers du vin de Bordeaux, le blé d’Aquitaine, le textile du Maine, de l’Anjou, de Cholet. Il fournit enfin des emplois de matelots et les Antilles par leurs matières premières soutiennent l’emploi métropolitain : soixante centres cotonniers et plus de cent raffineries en dépendent à la fin du siècle. Economie et colonisation sont donc intimement liées.

Document 2 : Texte extrait du Père Labat " Nouveau voyage aux Isles de l'Amérique ", Martinique, début du XVIIIème siècle

     "Je laissai la compagnie au presbytère pendant que j'allais confesser un nègre d'une habitation (1) de Mr. Roy, car il en avait deux très considérables dans ma paroisse et d'autres encore dans différents endroits. On ne peut sans étonnement penser à la fortune de cet homme. Il était venu aux îles en qualité d'engagé (3), dans les premières années que la colonie commença à se former ; il était de Bordeaux, tailleur ou chaussetier de son métier. Le temps de son engagement étant achevé, il se mit à torquer (3) du tabac, et quand la saison de torquer était passée, il travaillait de son métier. Il s'associa avec un autre torqueur, dont il hérita. Quelques années après il fit quelques voyages en course (4), si heureusement qu'en très peu de temps il se vit en état d'établir une sucrerie et de faire des établissements. Quand j'arrivai à la Martinique, il avait six sucreries où l'on comptait plus de huit cent nègres. Son fils aîné, avec lequel j'étais venu de France, était capitaine de milice (5), et une de ses filles avait épousé un capitaine de vaisseau de roi

  1.  Exploitation agricole d'une superficie variable = Plantation
  2. Un engagé n'a pas les moyens de payer la traversée pour les Antilles et "engage" donc ses futurs salaires pour rembourser le prix de son voyage
  3.  Mettre le tabac en rouleau.
  4.  La course, c'est-à-dire la piraterie
  5. Les colons, répartis en compagnies et régiments, constituaient à côté des troupes royales une troupe auxiliaire jouant d'ailleurs un rôle très important, la milice.


Document 3 : La journée d'un " pauvre Blanc " à Saint Domingue

     "Le métier est rude, mais s'il plaît à Dieu de me conserver la santé, aimant naturellement tout ce qui s'appelle culture de la terre, j'en prendrai bientôt le dessus, mais il y a bien du mauvais temps à passer sous un économe qui la plupart du temps vous regarde comme un chien ou tout au moins comme son valet. Pour la culture des cannes, je l'aurai bientôt apprise, ayant de la bonne volonté et connaissant déjà un peu la terre et les nègres. Mais ce qu'il y a de plus difficile, c'est la fabrication du sucre. Il y a le quart à faire à la sucrerie qui est 6 heures du soir jusqu'à minuit ou depuis minuit jusqu'à 6 heures du matin, et on fait une semaine le premier quart et une autre le second quart, tour à tour.

La journée s'emploie dans les jardins pour faire travailler les nègres ; visiter tous les jours les vivres pour que les gardeurs ne les volent pas, comme ils ont coutume tant qu'ils veulent pour les vendre ; voir s'il n'y a point de brèches dans les entourages de l'habitation ; les tailleurs de haies et les sarcleurs ; l'hôpital, si tout va bien pour les malades ; les gardeurs de boeufs, de chevaux, de moutons, si on les renferme bien tous les soirs, et si on ne les laisse point aller dans les jardins, entrer et se promener dans les cannes, pour voir si les arroseurs ne se contentent pas de mouiller les bordages ou la superficie et si tous ces gens là qui travaillent séparés de l'atelier, ne sont point à dormir au lieu de travailler et s'ils avancent assez, en un mot, je n'ai pas un moment de repos, au point que pour raccommoder un peu mes hardes je suis obligé malgré moi de faire comme les nègres, c'est-à-dire le faire le dimanche."

Source égarée


Une des plus anciennes habitations sucrières de Guadeloupe : source INRAP

Document 4 : Extraits du Code Noir (mars 1685)

"Art. 2. - Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine.
Art. 12 .- Les enfants qui naîtront de mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves, et non à ceux de leur mari, si le mari et la femme ont des maîtres différents.
Art. 15. - Défendons aux esclaves de porter aucune arme offensive, ni de gros bâtons, à peine de fouet et de confiscation des armes.
Art. 22. - Seront tenus les maîtres de faire fournir, par chacune semaine, à leurs esclaves âgés de dix ans et au-dessus pour leur nourriture, deux pots et demi, mesure du pays, de farine de manioc, ou trois cassaves pesant deux livres et demie chacun au moins, ou choses équivalentes, avec deux livres de boeuf salé ou trois livres de poisson ou autres choses à proportion ; et aux enfants, depuis qu'ils sont sevrés jusqu'à l'âge de dix ans, la moitié des vivres ci-dessus.
Art. 28. - Les esclaves ne pourront rien avoir qui ne soit à leur maître ; et tout ce qui leur vient à quelque titre que ce soit, appartient en pleine propriété à leur maître.
Art. 38. - L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois (...) aura les oreilles coupées et sera marqué d'une fleur de lys sur une épaule ; et s'il recommence, aura le jarret coupé et sera marqué sur l'autre épaule ; et la troisième fois, il sera puni de mort.
Art. 42. - Les maîtres pourront, lorsqu'ils croiront que leurs esclaves l'auront mérité, les faire enchaîner et les faire battre de verge ou de cordes. "


Document 5 : Evolution de la population de la Guadeloupe dans la seconde moitié du XVIIIème siècle

Années

Blancs

Libres

Esclaves noirs

1772

12737

1175

77957

1777

12700

1350

84100

1785

13599

1969

85290

1789

13712

3058

89823




Pas à pas : 

Consigne. Quels sont les deux thèmes du sujet ?

1-

 2-

 Quelle est la question (problématique) qui est donc posée ?

 

 

Relevé des informations document par document

Texte de présentation (doc 1)

Thème => quelle partie ?

 Idée 1 : Listez les produits exportés de la métropole vers les Antilles.

 Idée 2 : Quelles activités bénéficient du grand commerce avec les Antilles ?

 Idée 3 : Quelles régions de France et quelles catégories sociales bénéficient et dépendent du grand commerce avec les Antilles ?

 

 Texte doc 2

Thème/ Partie ?

 Idée 1 : Quel est le niveau de fortune de Mr Roy ? A t-il toujours été riche ?

 Idée 2 : Quelles activités lui a permis de se constituer le capital de base nécessaire à sa réussite sociale ?

 Idée 3 : A votre avis pourquoi la milice était-elle essentielle dans les colonies ? (croiser avec tableau doc 5)

 Quelles idées vont dans les différentes parties ?

 

Texte doc 3

Thème/ Partie ?

Idée 1 : A quoi comprend-on dans le texte que ce colon est "pauvre" ? => quelle idée précédemment listée est donc nuancée par ce texte ?

 Idée 2 : De quoi se plaint cet propriétaire d'esclave ? Pourquoi n'a t-il pas d'employé pour faire le travail à sa place?

 Idée 3 : Quel est le travail à fournir dans une plantation de sucre ? Comment est-il organisé ?

 

 

Texte doc 4 = que veut dire « Code » ?

Thème/ Partie?

 Idée 1 : Qu'est-ce qu'être esclave ?

 Idée 2 : Quels sont les indicateurs de la violence des sociétés esclavagistes ?

 Idée 3 : en utilisant l'art 22 et ce qui a été vu dans le texte précédent, montrer que l'exploitation des esclaves était indispensable à la rentabilité des plantations


Tableau stat doc 5 :

Thème/ Partie ?

Idée 1 : comparer le nombre de colons blancs et le nombre d'esclaves. Par rapport à ce qu'on a dit précédemment, qu'en concluez-vous ?

Idée 2 : à qui correspond la catégorie "libre" ? Comparer les libres et les esclaves. Que concluez-vous ?

Idée 3 : Dernière ligne Pourquoi une augmentation du nombre de "libres" en 1789 ? Comparer les libres et les esclaves entre 1785 et 1789. Que concluez-vous ?


2e étape du travail préparatoire : regrouper les infos par thème

Pour organiser le plan détaillé (ordre des idées dans les différentes parties), faites une carte mentale


Bilan : phase de réponse à la problématique (en conclusion)

Quel est le lien  entre existence de l’esclavage , enrichissement des colons et racisme ?

 

 Doc complémentaire

Les débats révolutionnaires autour de la question de l’abolition de l’esclavage

A la veille de la Révolution, l'abolitionnisme est défendu en France par la Société des Amis des Noirs, fondée en février 1788 par Brissot. Elle compte parmi ses 130 ou 140 membres, l'abbé Grégoire et Condorcet, rejoints en 1789 par La Fayette, Mirabeau, le duc de la Rochefoucauld, le comte de Clermont-Tonnerre … Elle peut également compter sur la bienveillance de Necker et sur le journal de Brissot, Le Patriote Français. Son action comme son discours sont relativement modérés car elle semble désarmée face au réalisme apparent des arguments économiques esclavagistes. Or, Benjamin Franklin et Adam Smith ont déjà souligné la moindre rentabilité de ce mode de production. Enfin, les Amis des Noirs prônent un abolitionnisme timoré et progressif, persuadés comme Voltaire que les noirs sont inférieurs aux blancs. Cependant, la Révolution proclame dans la DDHC la liberté et l’égalité comme un droit naturel de tous les Hommes. La question se pose donc avec urgence : ces droits concernent-ils les noirs et les mulâtres des Antilles ? Deux questions sont débattues aux assemblées. D'une part, celle de la citoyenneté des libres de couleur (accordée en mai 1791). D'autre part, celle de l'abolition (votée en février 1794). Entre ces deux dates, il y aura eu en 1791 la révolte de l‘île de St Domingue qui devient en 1793 la première colonie libre noire du monde et en 1804 une République indépendante. Mais Napoléon 1er rétablit l’esclavage en 1802


Pour d'autres ressources et compléments : voir ici

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