mardi 10 décembre 2019

1ere guerre mondiale : brutalisation. Un exercice d'analyse d'image


Sujet
Après avoir présenté les documents, expliquez  pourquoi et comment les civils sont affectés par le déroulement de la guerre puis montrez  les formes que prend, ici,  la propagande de guerre.







Correction 
Intro : (présentation des doc) Deux cartes postales françaises, datant de la 1ere guerre mondiale et qui font partie d’une série intitulée « graines de poilus », mettent en scène un petit garçon avec des attributs du soldat (képi, baïonette, gamelle). L’un, sur fond de village détruit, pisse dans un casque allemand, reconnaissable à la pointe ; l’autre joue à manger comme son soldat de père en s’écriant que « le lolo, ça vaut pas le rata ».
(objectif de l’étude) Dans les deux cas, la propagande passe par cet objet de la vie courante, qui sert quotidiennement aux familles pour se donner des nouvelles. Elles témoignent que les civils sont complètement affectés par la guerre en cours, au point qu’elle conditionne leur imaginaire.

(annonce de plan) Dans une première partie, nous montrons de quelle manière les civils en France (mais c’est pareil dans les autres pays) ont participé à l’effort de guerre et ont été affectés par elle.
La 1ere guerre mondiale est une guerre d’un type nouveau, que les historiens qualifient de « guerre totale ». Les pays en guerre se font totalement la guerre et mobilisent toute leur économie, entièrement transformée en économie de guerre, et toute leur population. Celle-ci est incitée par la propagande, mais aussi par la nécessité, à travailler au service de la guerre, soit en remplaçant au travail les hommes partis au front (voir les munitionnettes), soit en versant leur or dans les emprunts de guerre. On attend d’eux un enthousiasme patriotique total. Les enfants ne sont pas tenus à l’abri de la guerre : en classe, ils écrivent des lettres aux poilus, ils sont invités à imaginer des récits de guerre… Il n’est donc pas étonnant que des cartes postales mettent en scène des enfants, comme d’autres mettent en scène les femmes attendant leurs maris…
Ces cartes postales témoignent à leur manière de la brutalisation que subissent les civils. Ils sont affectés par la guerre, même s’ils ne la vivent pas au quotidien, encore que les belges et les habitants des départements du nord de la France subissent l’occupation allemande : ils connaissent les destructions, le travail forcé, les réquisitions et donc la pénurie et la faim, les exécutions arbitraires. La carte postale de droite, qui est plus violente (du fait du geste de l’enfant qui pisse dans le casque allemand) évoque surement cette situation : le village est détruit, l’enfant se venge comme il le peut. Même dans les zones non occupées, les civils vivent dans la peur des bombardements. Enfin, il y a les conséquences psychologiques liées à la mort de masse (9 millions de morts au total, tel est le bilan de la 1ere guerre mondiale) : les parents voient leurs garçons mourir, les orphelins se comptent par milliers, les vies sont brisées.
(annonce de plan) Pour tenir 4 ans de guerre dans ces conditions, il faut une motivation. C’est à quoi s’attachent les Etats et les services des armées : censure et propagande doivent permettre de maintenir une opinion publique soutenant la guerre.
D’un côté, les civils ne savent pas exactement l’enfer que vivent les soldats. Leurs lettres sont relues et censurées par l’armée. Il n’y a pas non plus d’informations libres. Les permissions des soldats ne sont pas très nombreuses, du moins au début de la guerre, et beaucoup étaient très vagues sur les combats pour ne pas affoler leurs familles. Comme cette guerre, industrielle, d’usure, était totalement nouvelle, les civils mettent du temps avant de comprendre ce qui se passe exactement. Ça commence à craquer en 1917, en France comme en Allemagne.
D’autre part, l’opinion publique est manipulée par une propagande, parfois très visible, comme dans certains communiqués de la presse « du bourrage de crâne » où l’on affirme par exemple que « les balles allemandes ne tuent pas ». Celle proposée par les deux cartes postales est plus insidieuse. Elle suggère que les enfants prendront la relève de leur père « ce sont des graines de poilus », de futurs poilus. D’une certaine manière, c’est dire que toute la population française fera la guerre jusqu’au bout, et sur plusieurs générations s’il le faut. Pour les soldats, c’est aussi un encouragement à tenir : ils se battent pour leur pays, certes, mais surtout pour défendre leurs terres (éviter la destruction) et leurs êtres aimés (leurs enfants). Comme souvent, la propagande insiste sur le fait de faire la guerre pour avoir la paix. Car on se bat pour des valeurs positives : les Français par exemple pensent se battre pour la démocratie contre un régime autoritaire et des allemands, assimilés à des « huns », des « boches » donc des barbares sanguinaires. L’ennemi est diabolisé. Sur la carte postale de gauche, plus ouvertement patriotique, il est aussi humilié, par la pisse d’un enfant sans défense. Les petits français sont patriotes et ne plieront jamais devant l’Allemagne. Ils sont meilleurs et plus braves que les Allemands. C’est ce que semble dire ce geste.
Conclusion : au final, en France, l’opinion publique a tenu, ce qui n’est pas le cas en Allemagne où l’agitation sociale et quelques défaites militaires poussent l’empereur Guillaume II à abdiquer après avoir demandé l’armistice. Mais la violence de ce qu’elle a subi explique l’esprit pacifique de toute une génération qui ne veut « plus jamais ça » et veut faire de la 1ere guerre mondiale la « der des ders ». Cela comptera en 1938 lors de la conférence de Munich quand la France et le Royaume-Uni accepteront l’inacceptable : le démantèlement de la Tchécoslovaquie par Hitler. C’est le prélude à la 2e guerre mondiale.

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