mardi 24 septembre 2019

Mémoires de la 2nde Guerre Mondiale : DS


Thème : Les mémoires françaises de la Seconde Guerre mondiale

Consigne : Après une introduction complète qui n'oubliera pas de présenter les documents, vous analyserez les documents pour montrer que la mémoire du rôle de la France pendant la seconde Guerre mondiale est passée d'une mémoire officielle résistancialiste (Première partie) à une reconnaissance "d'une dette imprescriptible" (Deuxième partie). Vous conclurez sur les débats encore vifs qui agitent cette mémoire.

Doc 1 : Extrait d'un manuel scolaire de 1958. Exercice sur  « La seconde guerre mondiale : Paris libéré, (août 1944). »
RÉCIT


Depuis 1940, les Allemands occupaient notre pays : les Français étaient esclaves sur leur propre sol. Mais ils voulaient rester un pays libre, et ils « résistaient » à l'« occupant ». L'occupant prit peur ; il emprisonna et tortura des milliers de patriotes français ; il les fit mourir de faim en Allemagne. D'autres furent fusillés ou massacrés. Des milliers de jeunes gens se réfugièrent dans le « maquis » où ils continuèrent la lutte. Malgré leur « résistance », les enfants de France ne pouvaient à eux seuls délivrer le pays. Les armées alliées débarquèrent en Normandie, et, en août 1944, elles marchèrent sur Paris. De leur côté, les Parisiens avaient attaqué les troupes allemandes qui occupaient Paris. Et voici les chars du général Leclerc qui arrivent dans la capitale. Les Parisiens, fous de joie, crient : « Vive la France ! » L'Allemagne capitule le 9 mai 1945.


QUESTIONS

1. Les Français « résistaient » : que faut-il entendre par là ?
2. Comment les « occupants » traitèrent-ils les Français ?
3. Que firent les armées alliées en 1944 ?
4. Comment Paris aida-t-il vaillamment à se libérer ?
5. V signifie Victoire : dessinez. »

Source :Extrait du manuel, Cours élémentaire,, Nathan 1959, direction Louis François, cité dans : Jean-Michel Gaillard, Histoire Terminale L-ES, Bréal, 2004, p. 266

Doc 2 : discours de J. Chirac en 1995 commémorant la rafle du Vel d'Hiv.

Il est, dans la vie d'une nation, des moments qui blessent la mémoire, et l'idée que l'on se fait de son pays. Ces moments, il est difficile de les évoquer, parce que l'on ne sait pas toujours trouver les mots justes pour rappeler l'horreur, pour dire le chagrin de celles et ceux qui ont vécu la tragédie. Celles et ceux qui sont marqués à jamais dans leur âme et dans leur chair par le souvenir de ces journées de larmes et de honte. Il est difficile de les évoquer, aussi, parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français. (…) La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. Conduites au Vélodrome d'hiver, les victimes devaient attendre plusieurs jours, dans les conditions terribles que l'on sait, d'être dirigées sur l'un des camps de transit - Pithiviers ou Beaune-la-Rolande - ouverts par les autorités de Vichy. L'horreur, pourtant, ne faisait que commencer. (…) Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible. (…) Cinquante ans après, fidèle à sa loi, mais sans esprit de haine ou de vengeance, la Communauté juive se souvient, et toute la France avec elle. Pour que vivent les six millions de martyrs de la Shoah. Pour que de telles atrocités ne se reproduisent jamais plus. Quand souffle l'esprit de haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et l'exclusion. Quand à nos portes, ici même, certains groupuscules, certaines publications, certains enseignements, certains partis politiques se révèlent porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d'une idéologie raciste et antisémite, alors cet esprit de vigilance qui vous anime, qui nous anime, doit se manifester avec plus de force que jamais. Transmettre la mémoire du peuple juif, des souffrances et des camps. Témoigner encore et encore. (…) Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l'Etat. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c'est tout simplement défendre une idée de l'Homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l'œuvre. Certes, il y a les erreurs commises, il y a les fautes, il y a une faute collective. Mais il y a aussi la France, une certaine idée de la France , droite, généreuse, fidèle à ses traditions, à son génie. Cette France n'a jamais été à Vichy.





Sujet de bac: étude de document /
Les mémoires de la 2nde Guerre mondiale

Comment combattre le négationnisme ?

« L’instruction constitue un des vecteurs privilégiés de la transmission du savoir. « La mémoire est-elle menacée ? » questionne Le Monde pendant l’été 1988. Pour conjurer ce risque, certains ont entrepris des actions auprès des jeunes afin de les sensibiliser à l’histoire du génocide. Le comité d’information des lycéens sur la shoah […] propose à de jeunes gens des voyages à Auschwitz. Comme le précise l’avocat Serge Klarsfeld, ce ne sont pas des pèlerinages : « Nous voulons que ces garçons et ces filles, en majorité non juifs, soient les témoins des relais de la mémoire. » En mars 1988, une centaine d’enfants se retrouvent ainsi sur les lieux du camp d’extermination et entendent les explications d’anciens déportés.[…]
Parallèlement, certaines personnes, comme Henri Bulawko, résistant et ancien déporté d’Auschwitz, président de l’amicale des anciens déportés juifs de France, se rendent dans les lycées pour témoigner et transmettre leur expérience. Le combat contre le négationnisme et ses adeptes passe inéluctablement par la sensibilisation des jeunes générations susceptibles d’accréditer ce discours parce qu’ils n’ont pas vécu la période de la Seconde Guerre mondiale. Ils sont plus à même de se laisser gagner par le doute. Nous le savons, les négationnistes […] ambitionnent de toucher la génération des 15-20 ans. »

Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000.

En vous appuyant sur le document et vos connaissances de cours, expliquez pourquoi la mémoire du génocide juif évolue avec/contre le négationnisme et montrez les enjeux et les difficultés du travail de l’historien.





SUJET ETUDE CRITIQUE DE DOCUMENT : La mémoire du génocide juif

Document : extraits du discours de Simone Veil1  , Amsterdam le 26 janvier 2006.

Et puisque nous commémorons demain la date anniversaire de l’arrivée de l’Armée rouge dans le camp d’Auschwitz, je souhaite rappeler comment nous, les déportés, avons vécu ce que l’on a appelé « la libération», ne serait-ce que pour mieux mesurer le chemin accompli dans la mémoire européenne depuis 1945. Je dis européenne, mais je pourrais dire mondiale, puisque l’Assemblée générale de l’ONU a, comme vous le savez, adopté en novembre dernier une résolution pour que le 27 janvier soit reconnu par les nations, même par celles qui n’ont pas été directement concernées par la Shoah, comme la « journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste. »
[…] Ce que nous avions à raconter, personne ne voulait en partager le fardeau. Dans l’Europe libérée du nazisme, qui se souciait vraiment des survivants juifs d’Auschwitz ? Nous n’étions pas des résistants, nous n’étions pas des combattants, pourtant certains étaient de vrais héros, et pour l’histoire qui commençait déjà à s’écrire, pour la mémoire blessée qui forgeait ses premiers mythes réparateurs, nous étions des témoins indésirables. Même le procès de Nuremberg dont nous venons de célébrer le soixantième anniversaire, avait peu pris en compte la dimension de la Shoah dans les crimes contre l’humanité, qui pour la première fois de l’histoire, étaient jugés. Il s’agissait de créer un nouveau concept pour juger les crimes de masses, avec bien sûr les victimes juives, mais celles-ci n’étaient pas au cœur des débats. Il a fallu attendre le procès d’Eichmann2 en 1961, pour que l’on commence à prendre en compte la spécificité des crimes commis par les nazis. D’ailleurs, même les historiens, pendant des décennies, ont mis très longtemps à prendre en compte nos témoignages, et chaque fois que j’y pense, j’éprouve le même sentiment de colère. Mais nous étions, pour eux, des victimes, et nos témoignages étaient donc subjectifs et partiaux. Pendant de longues années, la Shoah n’intéressait personne. Le lent et difficile travail de mémoire qui s’est enfin accompli depuis, l’a arrachée à l’indifférence, comme il nous a rendu notre place. Quel renversement ainsi aujourd’hui, où nous ne cessons d’être sollicités, où partout on nous demande de témoigner, parce qu’après nous, plus personne ne sera là pour rappeler ce que nous avons vu, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vécu. Lentement, Auschwitz est peu à peu devenu le symbole du Mal absolu, la Shoah, le critère d’inhumanité auquel se réfère aujourd’hui la conscience moderne, chaque fois qu’elle craint de s’égarer. Cela a pris du temps. La portée universelle du génocide juif a été retenue. Cette maturation était nécessaire : elle a bouleversé la réflexion sur la modernité, révolutionné la pensée politique jusque dans ses fondements, entraîné les progrès du droit international3.
 […] Je voudrais à présent aborder, après la digue que constitue pour moi, la construction d’une Europe solide et démocratique, ce qui, à mes yeux, constitue un second rempart : je veux parler du rôle de l’histoire, de l’éducation et de la transmission de la Shoah. L’Europe doit connaître et assumer tout son passé commun, ses zones d’ombre et de lumière ; chaque Etat-membre doit connaître et assumer ses failles et ses fautes, être au clair avec son propre passé pour l’être aussi avec ses voisins. Pour tout peuple, ce travail de mémoire est exigeant, souvent difficile, parfois douloureux. […]

1-      S. Veil est une ancienne déportée, ancienne ministre sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
2-      Adolph Eichmann fut pendant la guerre le responsable de la logistique de la « solution finale » en tant que chef de la section du RSHA (police et renseignements) qui s'occupait des « affaires juives et de l'évacuation ». Echappant à l’arrestation, il vécut caché après-guerre en Amérique latine et fut « enlevé » par des agents des services secrets israéliens. Son procès eut un retentissement international. C’est à cette occasion qu’Hannah Arendt écrivit Eichmann à Jérusalem : rapport sur la banalité du mal.
3-      Peut-être une allusion à l’installation de la CPI (cour pénale internationale) en 2002. Basée à La Haye, elle juge les personnes pour crime de guerre, crime de génocide et crime contre l’humanité.


Consigne : après une rapide présentation du document, vous expliquerez pourquoi Simone Veil parle des juifs rescapés de 1945 comme des « témoins indésirables pour une mémoire blessée qui forgeait ses premiers mythes  réparateurs». Dans un deuxième temps, vous présenterez les différentes étapes et processus qui ont permis l’établissement de la mémoire du génocide juif. Dans une 3e partie vous reviendrez sur l’analyse que fait l’auteur de la difficulté et de l’importance du travail de mémoire effectué par la communauté historienne.




Thème : Le procès Papon et la mémoire de la collaboration

Consigne : Après avoir rappelé l'évolution de l'opinion publique sur la collaboration du régime de Vichy, montrez que le procès Papon est révélateur d'une nouvelle mémoire de cette période. Expliquez, à partir de ce document, les débats qui agitent les Français sur la tenue de ce procès. 

         "Le 2 avril 1998, après 94 journées d'audience, 12 h de réquisitoire, 72 h de plaidoiries et 19 h de délibéré, la cour d'assises de Bordeaux rend son verdict. Reconnu coupable de complicité de crimes contre l'Humanité pour son rôle dans l'arrestation de 1 600 Juifs alors qu'il était Secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 1942 et 1944, Maurice Papon et condamné à dix ans de réclusion criminelle et à la privation de ses droits civiques. Le procès le plus long de l'après-guerre s'achève. Et avec lui un autre procès, instruit celui-là hors du prétoire, dont l'accusé fut autant l'ancien haut-fonctionnaire de 87 ans rattrapé par son passé vichyste que son procès lui-même.
         Faut-il juger Maurice Papon ? Interrogés par plusieurs instituts de sondage avant l'ouverture des débats, les Français, surtout le jeunes et les sympathisants de gauche, sont majoritairement favorables à la tenue du procès. Les intellectuels, eux, sont plus septiques. Certains doutent de la légitimité d'un procès qui a lieu plus d'un demi-siècle après les faits. [...] Pour ses contempteurs (= personne qui dénigre quelqu'un ou quelque chose), le procès Papon pose donc la question de la mise en pratique de l'imprescriptibilité des crimes contre l'Humanité, inscrite dans le droit français depuis 1964. Persuadé "qu'une des conditions d'un jugement équitable manque quand on est trop loin des faits", l'essayiste Paul Thibaud craint que cette distance n'amène la justice à se tromper d'objet. "L'opinion se moque bien que le procès de Papon soit équitable. C'est le procès d'un régime, voire d'une époque, qui l'intéresse, estime-t-il (Le Débat, 09 / 10 / 1997).
         Juger Vichy à la place de Maurice Papon ? Le risque paraît d'autant plus légitime que beaucoup de Français, en cette fin de XXe siècle, restent convaincus que "l'épuration n'a pas été faite", comme l'observe l'historien Pierre Nora. [...] D'où l'attente suscitée par le procès Papon, censé parachever, après ceux de Klaus Barbie et de Paul Touvier cette "seconde épuration", selon l'expression de l'historien Henry Rousso, plus centrée sur la question du génocide que ne le fut l'épuration d'après-guerre. [...]
         En tant que dernier survivant, Maurice Papon se trouve [...] érigé en symbole d'une politique de collaboration dont il ne fut qu'un agent d'exécution. "Il est très difficile de juger un seul homme pour tout un système, toute une politique, de lui en faire porter tout le poids", reconnaît Claude Lanzmann. (Le Monde, 1er avril 1998).

Article de Thomas Wieder,
Rétrocontroverse : 1998, fallait-il juger Maurice Papon ?, Le Monde, 16 août 2007




Venise au Moyen Age

La Sérénissime



Une page du Livre des Merveilles de Marco Polo, dicté à Rusticien de Pise en 1299. Exemplaire du duc de Bourgogne. Les marchands arrivent à  Ormuz. Cet exemplaire est consultable sur le site de la BNF (ici) avec notices et extraits de texte.



Une République "qui se gouverne à la romaine" disait-on au Moyen Age



Le doge est un magistrat élu à vie, choisi dans un groupe étroit de familles dirigeantes, conservant une influence certaine en dépit de toutes les précautions prises pour qu'il ne puisse jouer aucun rôle personnel. Il dépend étroitement de ses mandants : les conseils qu'il présidait était les véritables centres de la direction collégiale de la ville et de sa politique. Le grand conseil (consiglio maggiore) est devenu au XIIIe siècle le rouage essentiel du système constitutionnel vénitien, aux mains des vieilles familles (case vecchie) qui rivalisent avec les nouvelles familles (case nuove), d'autant plus qu'à partir de 1297 s'instaure un système aboutissant à la proclamation de l'hérédité qui définit en 1323 un patriciat par une noblesse de fonction. 
Trop nombreux pour débattre des affaires de l'Etat, le Maggior Consiglio dut déléguer ses pouvoirs à des commissions restreintes, comme la Quarantia (1179) qui s'agrégea en 1327 à l'assemblée des Pregadi (les "priés"). En fonction des problèmes à résoudre, le travail du Sénat était confié à des commissions de sages qui, devenues permanentes, se réunirent à la Signoria dans le Collegio.
A partir du XIVe siècle, la classe politique tranche ses liens avec la classe populaire et concentre les pouvoirs des assemblées entre les mains du Conseil des Dix qui de surcroît, au cours de la seconde moitié du XVe siècle dépossède le Sénat de ses prérogatives diplomatiques et financières (frappe des monnaies ...)


La puissance de Venise en Méditerranée
Emission d'histoire (que de l'audio)



Venise au Moyen Age, un redoutable guerrier économique : lien vers vidéo France 24



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Un exercice 

(recyclage d'un ancien travail fait avec les secondes dans les années 1990's !!)


Venise au XIIe siècle / synthèse de documents.

Objectif 1) Présenter les documents

documents
Auteur et date
Nature
Contexte spatial
Contexte temporel
Thème
1





2





3





4






A
B
C
D
E
-          Rédigez les phrases A,B,C,D,E qui correspondent à chaque étape de la présentation des documents


Objectif 2) Faire l’analyse des documents
-          Pour chaque document, sélectionner les idées et les faits qui correspondent aux questions posées et remplissez sur votre feuille le tableau suivant 

document  
question
Eléments repérés dans les textes
paragraphe
1 et 3
Quels sont les inconvénients du milieu naturel de Venise ?

A
Quelles activités Venise a-t-elle développé pour
s’enrichir ?

2
Montrer que Venise se trouve au centre du commerce entre l’Orient et l’Occident.

B
1; 3; 4
Quels facteurs ont facilité le développement économique de Venise ?

C
4
Quel événement sert de prétexte à la prise de Constantinople en 1204 ?

D
Quel est l’intérêt politique pour les vénitiens de provoquer la prise de Constantinople ?

-          Puis rédigez les 4 paragraphes A,B,C,D qui correspondent à l’analyse de chaque texte.

Objectif 3) Rédiger la synthèse en une page maximum
Rédigez la synthèse en reprenant la présentation des dos pour faire une introduction, les 4 paragraphes de la question précédente et en soignant les liens logiques et phrases de transition ainsi que les annonces de point. Vous devez montrer qu’au XIIe siècle, Venise est une grande puissance en Méditerranée (= Thèse)



Le dossier documentaire

Texte 1 : Les premiers pas de Venise
" Venise, sur sa soixantaine d'îles et îlots, est un univers étrange, un refuge certes, mais incommode : pas d'eau douce, pas de ressources alimentaires, du sel, trop de sel ! On disait du Vénitien : "il ne laboure pas, ne sème pas, ne vendange pas". [...] Sa population entière se situe hors de ce secteur primaire d'ordinaire si largement représenté à l'intérieur même des villes préindustrielles. Venise déploie son activité dans les secteurs que les économistes d'aujourd'hui appellent "secondaire" et "tertiaire" : l'industrie, le commerce, les services, secteurs où la rentabilité du travail est plus élevée que dans les activités rurales. [...] C'est dès leurs premiers pas que Venise ou Amalfi, ou Gênes, toutes villes sans vrais territoires, ont été condamnées à vivre sur ce ped-là. Elles n'avaient pas d'autres choix. [...] La chance de Venise, c'est [...] placée sous la domination assez théorique de l'empire grec, elle a pénétré plus commodément qu'une autre l'énorme marché [...] de Byzance, rendu à l'empire des services nombreux, contribué même à sa défense. En échange, elle obtint des privilèges exorbitants. [...] Cependant, c'est sans erreur possible, l’aventure fantastique des croisades qui accélère l'essor marchand de la Chrétienté et de Venise. Voici que des hommes venus du nord prennent le chemin de la Méditerranée, s'y transportent avec leur chevaux, offrent le prix de leur passage à bord des navires des villes italiennes, se ruinent pour assurer leurs dépenses. Du coup les navires de transport grandissent, deviennent des géants, à Pise, à Gênes et à Venise? En Terre sainte, des Etats chrétiens s'implantent, ouvrent une brèche vers l'Orient et ses marchandises prestigieuses, le poivre, les épices, la soie, les drogues. Le tournant décisif pour Venise a été l'affreuse 4e croisade."
Extrait de Fernand Braudel, Civilisation matérielle, Economie et capitalisme. Le temps du monde, Paris, 1979.


Documents 2 : Venise et le commerce en Méditerranée

A/
 B/

Document 3 : Une remarquable réussite économique et politique
En 1082, Venise qui a loué sa flotte aux Byzantins afin qu'ils empêchent l'installation des Normands à Durazzo, reçoit de l'empereur le privilège d'acheter et de vendre dans tout l'empire, sans payer de taxe ni subir de contrôle douanier. Byzance renonce ainsi au monopole, qui avait fait sa puissance économique : le contrôle commercial des flux qui passe par elle puisqu'elle est située en position d'intermédiaire entre l'Orient et l'Occident. Quant à Venise, c'est le début de l'extraordinaire expansion qui peu à peu soumet le monde méditerranéen oriental à son influence, alors que le monde arabo-musulman est affaibli par les divisions politiques et religieuses et que les Latins, installés en Terre Sainte et en Syrie, ont besoin de ravitaillement par mer.
Mais les relations de Venise avec ses concurrentes italiennes (Gênes en particulier) et avec Byzance ne sont pas toujours faciles : en 1171, le quartier vénitien de Constantinople est mis à sac par les Génois. L'empereur fait arrêter tous les Vénitiens et leurs biens sont confisqués. Pourtant, en 1189, ce dernier rétablit, par un traité, les Vénitiens dans leurs privilèges ; Venise et sa flotte de guerre sont indispensables à la sécurité de l'Empire.
 D'après Y Renouard, Les villes d'Italie de la fin du Xe siècle au début du XIVe s, Paris, 1969



Document 4 :Un récit de la 4e croisade
"Elle avait pour chef  l'italien Boniface de Montferrat, mais les chefs véritables étaient le pape Innocent III et le doge de Venise Dandolo. [...] Venise exigea que le prix du voyage lui fut entièrement versé avant le départ. Comme les croisés ne purent réunir la somme nécessaire, Venise exigea d'eux que, pour faire le complément, ils commencent par s'emparer de la ville de Zara, sur la côte orientale de l'Adriatique, pour son compte. Zara était une ville chrétienne, appartenant à un prince chrétien. Malgré l'indignation du pape, les croisés acceptèrent cette singulière condition et prirent d'assaut Zara, qu'ils remirent à Venise.
La croisade avait pour objectif l'Egypte, de laquelle dépendait la Palestine. Mais en Occident se trouvait alors le fils d'Isaac II Ange, détrôné par Alexis III, le jeune Alexis Ange : celui-ci suggéra aux croisés de d'abord le rétablir sur le trône, leur montrant tout l'intérêt d'avoir sur le trône d'Orient un empereur à leur dévotion. [...] la flotte fit voile sur Byzance où elle arriva en juin 1203. Constantinople fut prise d'assaut en juillet, Alexis III détrôné, Isaac Ange et son fils rétablis sur le trône. Mais les grecs, comprenant que ces souverains ne seraient que des instruments dociles aux mains des Latins se soulevèrent et les renversèrent. Alors, les croisés décidèrent de prendre la ville pour eux (13 avril 1204) Des scènes épouvantables de carnage et de pillage se déroulèrent pendant trois jours dans la ville saccagée : des membres de clergé latin y prirent leur part aux côtés des soldats du Christ. Les richesses immenses, éblouissantes aux yeux des croisés, accumulées depuis des siècles dans la ville jusqu'alors inviolée, furent dispersées à travers tout l'Occident dans les mois qui suivirent. Le comte de Flandre Baudouin fut élu empereur et couronné à Sainte-Sophie, le vénitien Tomasso Morosini devint patriarche. Le doge Dandolo et Baudouin se partagèrent le territoire byzantin. Le vénitien, seul parmi les croisés, fut dispensé de prêter serment de fidélité au nouvel empereur. Ainsi Venise acquit Durazzo, les îles ioniennes, la plpart des îles de la mer Egée, l'Eubée, Rhodes, la Crète, des places nombreuses dans le Péloponnèse, l'Hellespont, la Thrace. Cette croisade donna à Venise un empire en Méditerranée et renforça son hégémonie économique.
 Paul Lemerle, Histoire de Byzance, Paris, 1980.


Les premiers chrétiens à Rome

"Le sang des chrétiens est une semence" (Tertullien)


Pour les images...




Pour une mise au point plus rigoureuse





Les chrétiens face aux barbares

extrait de l'article Bible de l'encyclopédie  Les barbares dirigée par B. Dumezil :
La pression des barbares sur l’Empire romain connut son apogée, surtout en Occident, aux IVe et Ve siècles, époque de l’épanouissement de la patristique latine. Les Pères cherchèrent à donner un sens à ces événements et à la réalité politique de l’Empire romain. Deux tendances principales se firent jour et se succédèrent. La première identifia les barbares contemporains à un ennemi mentionné dans la Bible, Gog, le peuple envahisseur venu du Nord mentionné en Ézéchiel 38-39, tout particulièrement 39, 2, puis dans l’Apocalypse 20, 8. Ambroise de Milan identifia les Goths à Gog (De Fide, 2, 16, 137-138) : leur succès serait temporaire, leur fin annoncée dans le Livre. Quodvultdeus reprit cette interprétation, élargissant l’identification de Gog et de Magog aux Goths, Maures, Gètes et Massagètes, tous représentants du diable et persécuteurs de l’Église de son époque (Livre des promesses et des prédictions de Dieu. Le demi-temps, avec les prodiges de l’Antichrist, § 22, qui s’appuie sur Ézéchiel, Daniel et l’Apocalypse). De manière générale, ces deux auteurs interprétèrent les incursions barbares comme des signes avant-coureurs de la fin des temps prophétisée dans la Bible (Quodvultdeus, ibid. ; Ambroise de Milan, Commentaire de l’Évangile selon Luc, 10, 10). Ces lectures ne firent pas l’unanimité : Jérôme les mentionnait dans la préface du Commentaire sur Ézéchiel mais se refusa à les défendre, préférant considérer Gog comme une figure des hérétiques (ibid., à propos du chapitre 39). Augustin récusa ces interprétations historiques qui limitaient à l’excès les prophéties bibliques : selon lui, Gog et Magog étaient à comprendre comme des ennemis partout répandus, membres du corps du diable et destinés à attaquer la Cité de Dieu. Ils désignaient des réalités d’ordre spirituel et non géographique ou ethnographique (La Cité de Dieu, 20, 11). Jérôme associa pourtant les barbares de son époque à une prophétie biblique, dans le traité sur Daniel. Ce commentaire fut probablement rédigé peu après 406, année où des Germains pénétrèrent en Gaule et dans une partie de l’Italie, mais avant 410 et le sac de Rome par les Goths d’Alaric. Jérôme y employa régulièrement le terme « barbare » pour désigner les Babyloniens ou d’autres peuples bibliques, également appelés « gentils » ou « nations ». Une occurrence se rapporte à ses contemporains (Dan. 2, 31-45). Le livre de Daniel évoque en effet à plusieurs reprises le thème de la succession des empires, que Jérôme interprète en s’inspirant de la tradition historiographique gréco-latine. Daniel 2 relate la vision de la statue à tête d’or, poitrine d’argent, ventre et cuisses de bronze, jambes de fer et pieds d’argile mêlés de fer. Une pierre, détachée de la montagne, la frappe aux pieds et provoque son écroulement. Daniel explique au roi babylonien que les empires qui se succéderont après lui seront de moins en moins puissants, jusqu’à disparaître, tandis que le royaume représenté par la pierre et suscité par Dieu demeurera éternellement. Selon Jérôme, ces divers empires correspondent à l’hégémonie des Babyloniens, puis à celle des Mèdes et des Perses, suivie de celle d’Alexandre et des royaumes hellénistiques, pour finir avec l’Empire romain. La pierre est l’empire éternel du Christ, de nature céleste et non terrestre. Jérôme ne prédisait donc pas la fin très prochaine de l’Empire romain mais il considérait que sa puissance s’était amoindrie au fil du temps et en voyait la preuve dans l’emploi de fédérés et de soldats d’origine barbare, à la fois pour les « guerres civiles » et pour tenir tête à « diverses nations ». Les barbares furent ainsi identifiés à la composante argileuse des pieds de la statue, c’est-à-dire à un élément hétérogène et déstabilisant pour la puissance romaine. Une vision plus positive des barbares se développa avec Orose qui, lui aussi, se fondait sur le livre de Daniel pour évoquer la succession des grandes puissances politiques. Il utilisa non l’épisode de la statue aux pieds d’argile mais celui des quatre vents des cieux (Dan. 7, 2) d’où surgirent des bêtes monstrueuses pour évoquer ces empires (Babylone, Carthage, la Macédoine, Rome), ce qui lui permit d’éviter la dégradation chronologique de leur puissance. Face aux Romains païens qui voyaient un lien entre l’adoption du christianisme comme nouvelle religion officielle et l’affaiblissement politique de l’Empire, Augustin et surtout Orose relativisèrent les événements de leur époque, notamment le sac de Rome : ils y lirent une punition divine, comme la Bible en relate souvent, moins violente que d’autres car les Goths, christianisés, épargnèrent les églises et le pape – comparé à Loth, figure du juste (Orose, Histoires contre les païens, VII, 39, 2). Au VIIe siècle, une nouvelle étape fut franchie par Isidore, évêque de Séville, qui descendait d’une famille aristocratique hispano-romaine et qui avait vu, dans sa jeunesse, le roi des Wisigoths, jusqu’alors arien, se convertir au catholicisme. Cette alliance nouvelle entre élites barbares et romaines conduisit Isidore à intégrer les Goths dans l’histoire romaine classique et chrétienne. Il composa une Histoire des Goths et fit l’éloge de ce peuple. Isidore reprit l’assimilation entre Goths et Magog mais la dépouilla de toute empreinte négative, se fondant sur la première occurrence biblique de Magog (Gen. 10, 2) : c’est ici le fils de Japhet, lui-même fils de Noé. On considérait que tous les peuples remontaient à Noé, puisque seuls lui et sa famille survécurent au Déluge. Octroyer une si haute antiquité aux Goths leur conférait un prestige certain, accentué dans la suite de l’histoire relatée par Isidore : les Goths furent assimilés aux Scythes, bien connus de l’ethnographie antique. On voit là comment la plasticité de la Bible accompagna l’évolution des représentations patristiques des barbares, du moins les Goths, passés, en trois siècles, de l’opprobre à l’éloge.