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vendredi 1 mai 2020

Activités autour du cours sur la 1ere guerre mondiale

Proposition de série : The village. 1ere guerre mondiale et après guerre dans un village anglais


Fiche de lecture : l'engagement dans la guerre








Fiche d'activité dans le cadre du cours : une génération sacrifiée

Doc 1 : L’assaut
«  Personne ne croirait que dans ce désert tout déchiqueté, il puisse y avoir encore des êtres humains ; Mais maintenant des casques d’acier surgissent partout dans la tranchées et à cinquante mètres de nous, il y a déjà une mitrailleuse qui , aussitôt, se met à crépiter.
Les défenses de fil de fer sont hachées. Notre artillerie fulgure. Les mitrailleuses ronflent, les fusils grésillent. Nous voyons les assaillants venir. Les gens d’en-face font tous leurs efforts pour avancer […]. Nous reconnaissons les visages crispés et les casques : ce sont des Français. Ils atteignent les débris de barbelés et ont déjà des pertes visibles. Toute une file est fauchée par la mitrailleuse qui est à coté de nous ; Puis nous avons une série d’enrayages et les ennemis se rapprochent. Je vois l’un d’eux tomber sur un cheval de frise, la figure haute. Le corps s’affaisse sur lui-même comme un sac, les mains restent croisées comme s’il voulait prier. Puis le corps se détache tout entier et il n’y a plus que les mains coupées par le coup de feu, avec des tronçons de bras qui restent accrochés dans les barbelés [..] Nous sommes devenus des animaux dangereux. Nous ne nous combattons pas, nous nous défendons contre la destruction. Ce ne sont pas contre des humains que nous lançons nos grenades, car à ce moment-là, nous ne sentons qu’une chose : c’est que a mort est là qui nous traque, sous ces mains et sous ce casque. La fureur qui nous anime est insensée : nous ne pouvons plus que détruire et tuer, pour nous sauver…pour nous sauver et nous venger.»
E.M. Remarque A l’Ouest, rien de nouveau

Doc 2 : Un martyre absurde
« […] Deuxième journée ici, après dix jours de première ligne dont trois de combat. Les pertes n’approchent pas celle du dernier mois. Et pourtant …
Je devrais me taire, refouler ça au fond de moi ; je ne peux pas : ça monte…Il va bien falloir que ça crève. J’ai vu trop de choses dégoûtantes pour être dupe encore des mots. Pourquoi nous battons-nous, maintenant, et de cette façon ? Pour défendre quoi ? Gagner quoi ? Ces « gens-là se leurrent volontairement, j’en suis sûr ! Il ne peut pas en être autrement.
Des milliers de morts pour ce lambeau de colline dont le sommet nous échappe toujours ! L’affaire de Noël, en cent fois plus coûteux : charretée par charretée, mais beaucoup de charretées à la file J’aurais tant, tant à vous dire ! Mais je ne peux pas : c’est trop tumultueux, trop loin de vous, si loin que vous ne pourriez pas comprendre…Ce n’était pas la peine ; J’aurais mieux fait, réellement, de me taire.
Tuer des Allemands ? Les user ? On ne peut tuer ainsi des hommes qu’en en faisant tuer d’autres, autant d’autres ou davantage. Alors ?... Déloger les Allemands d’une crête stratégique importante ? D’un bastion avancé sur la Woëvre ? Mais les Hures, qu’est-ce qu’elles sont ? Et le Montgirmont ? Derrière la colline des Eparges, la montagne de Combres se dressera fac à nous. Et derrière Combres, d’autres collines…Dix mille morts par colline, est-ce cela que l’on veut ? Alors ?
Le pire, le terrible, c’est la clairvoyance des hommes. Lente à s’éveiller mais qui s’éveille…Est-ce qu’on s’aperçoit qu’elle s’éveille ? »
Lettre de Maurice Genevoix à sa famille, depuis Verdun

«  Ma chère mère,
Par quel miracle me suis-je sorti de cet enfer ?[…] pense donc, nous sommes montés 1200 et nous sommes redescendus 300 ; pourquoi suis-je de ces 300 qui ont eu la chance de s’en tirer […] Oui, ma chère mère, nous avons beaucoup souffert. A la souffrance morale de croire chaque instant la mort nous surprendre s’ajoutent les souffrances physiques de longues nuits sans dormir : huit jours sans boire et presque sans manger, huit jours au milieu d’un chantier humain, couchant au milieu des cadavres, marchant sur nos camarades tombés la veille. […] nous porton dans notre cœur le deuil de tous nos camarades tombés à Verdun… »
Lette de Gaston B., citée dans Paroles de poilus, librio, 1998.


Doc 3 = La propagande de guerre dans la presse
Les blessures causées par balles ne sont pas dangereuses […] Les balles traversent les chairs de part en part sans faire de déchirure ( L’intransigeant, 7 Août 1914)

Doc 4 = Le traumatisme
« Je ne peux oublier la guerre…Vingt ans ont passé. Et depuis vingt ans, malgré la vie, les douleurs et les bonheurs, je ne me suis pas lavé de la guerre. L’horreur de ces quatre ans est toujours en moi. Je porte la marque. Tous les survivants portent la marque. »

J. Giono, Refus d’obéissance.

Chiffres utiles :
600 000 morts français d’Août 1914 à février 1917. 1/3 des soldats mobilisés en Août 14 étaient morts en Août 15. Offensive de la Somme (1916)= tentative de percée échouée = 40 000 blessés français en 3 jours.1,2 millions de morts entre juin et novembre 1916. 500 000 morts à Verdun (Français et Allemands) entre Février et Juillet 1916. L’armée française envoie une division nouvelle (10 000 hommes) tous les deux jours pour la relève. 60% des mobilisés français pdt la 1ère GM a été soit tué, soit blessé. 

A partir des thématiques et des informations contenues dans le dossier documentaire et vos connaissances sur le déroulement de la 1ere guerre mondiale, établir pour quelles raisons cette guerre apparue aux gens de l'époque différente des guerres précédentes, plus terrible et comme devant être "la der der der".



Correction analyse de document : affiche "destroy this mad brute"

Introduction :
-          (Présentation doc) : affiche de propagande de l'américain datée de 1917, année de l’entrée en guerre des EUA, dont l’objectif est de recruter des hommes dans l’armée américaine (« enlist »), car il n’y a pas de conscription aux EUA. Une autre affiche célèbre de cette époque montre l’oncle Sam pointant son doigt sur le « spectateur »
-          (Contextualisation) : A l’encontre de l’opinion publique américaine qui est traditionnellement isolationniste, le psdt américain G. Wilson était favorable à l’entrée en guerre des EUA et il l’annonce en avril 1917. Son discours au congrès témoigne de sa volonté de justifier la nécessité de la guerre, au nom d’arguments qui ne peuvent que flatter les américains, convaincus de leur « destinée manifeste » : défense du droit, de la liberté, de la paix. Il faut toutefois réussir à retourner l’opinion publique et à recruter des volontaires pour aller se battre dans la lointaine Europe.
-          (idée directrice et problématisation) : l’affiche représente l’ennemi allemand sous la forme d’un singe énorme, bavant (de rage ?) tenant dans un bras une femme à moitié dévêtue et évanouie, sur fond de ville en ruine. Ce monstre a réussi à passer l’océan pour arriver sur le sol américain, au premier plan. La propagande américaine utilise donc le ressort de la diabolisation de l’ennemi. Pourquoi est-ce si efficace à cette époque ?.

Analyse :
1- Les allemands, des barbares qui ne respectent pas les lois de la guerre
a) « this mad brute »
Partir de la description de la bête => rage (bave qui dégouline), force brutale => sauvagerie et barbarie allemande.

b) Qui sème la destruction
Partir de l’arrière plan => ville en ruine => bombardements de l’artillerie allemande (la puissance industrielle au service de la guerre) et les exactions contre les civils (ville + femme enlevée par la bête) Rappeler la campagne de dénonciation des crimes de l’armée allemande contre les civils belges (viols, tueries d’enfants = déjà un thème de propagande avant l’entrée en guerre US) => aucun respect des conventions de Genève, protégeant la population civile + pas de déclaration de guerre à la Belgique, pourtant neutre, quand l’armée allemande l’a envahie.

c) Personne n’est à l’abri
Partir du mot america sur le terre en 1er plan => rappeler la guerre sous-marine et Lusitania = des civils américains ont déjà eu à souffrir de la guerre. La guerre peut-elle se propager aux EUA ? (propagande = jouer sur la peur, mais en réalité, c’est peu probable. Efficace toutefois 2 millions d’américains vont s’engager). + Rappeler le discours de Wilson sur l’entrée en guerre des EUA en avril 1917 => les EUA entrent en guerre pour sauver la paix mondiale, la liberté de circulation sur les mers et au nom du droit international.

2- Un objectif est fixé : l’anéantissement total de la menace
a) Une attaque en règle contre le militarisme allemand
Repartir du texte de Wilson : « libérer les allemands » est un des buts de guerre. L’ennemi qui est désigné est le militarisme allemand (inscrit sur le casque de la bête), incarné par l’empereur Guillaume II (d’où les moustaches) => l’ennemi désigné n’est pas le peuple allemand mais un système qui prône la guerre et la force comme valeur suprême (d’où Kultur sur la massue) et un régime antidémocratique : l’empire.

b) Une affiche qui fait partie d’un « plan –média » plus large
Comité Creel => cf les films de Hollywood mettent l’accent sur la menace « boche », sur la barbarie du « Hun » (rappeler les Huns/empire romain) => Les subtilités de la propagande officielle sont dépassées par cette propagande de masse : naît le thème de l’ennemi intérieur. Les immigrés et descendants germaniques sont inquiétés, parfois violentés. On s’achemine doucement vers des phénomènes qui s’épanouiront tout au long du XXe siècle = guerre d’anéantissement.

Conclusion :
(Bilan) Déshumanisation/diabolisation en lien avec la guerre totale

(Ouverture) on a l’embarras du choix pour ouvrir sur guerre d’anéantissement ou traité de Versailles avec responsabilité allemande du déclenchement de la guerre ou postérité de cette image (King Kong)


Correction Question problématisée : le Front et l'arrière


La 1GM, de 1914 à 1918 est souvent considérée comme la première guerre moderne ou la première guerre totale selon la définition suivante du philosophe Clausewitz « une guerre qui ne se cantonne pas au domaine militaire mais s’étend au domaine économique, politique, scientifique et culturel ». C’est sans doute car pour la première fois, la guerre est longue, intense et statique sur le front. Ce dernier, soit la ligne imaginaire de confrontation séparant les armées ennemies, ou par extension les soldats ; devient associé à l’idée de tranchées, ces longs fossés creusés de part et d’autre du no man’s land dans lequel vivent les soldats. Mais, surtout, c’est l’arrière çàd les différents acteurs qui ne combattent pas directement l’ennemi, qui participe pleinement à la guerre, ce qui n’est jamais arrivé auparavant. En effet, bien que les combats aient lieu au front, celui-ci n’aurait pu tenir sans l’apport considérable de l’arrière. D’un autre côté, si l’arrière est tellement occupé, c’est bien parce qu’il y a la guerre au front. 

Ainsi, dans quelle mesure le front et l’arrière participent-ils autant à la guerre et en quoi dépendent-ils l’un de l’autre pendant la grande guerre ? Nous étudierons dans une première partie, comment le front et l’arrière ont été acteurs de cette guerre puis comment ils ont été victimes de celle-ci avant de nous concentrer sur les liens précis de dépendance entre le front et l’arrière.

I)Etre acteur de la guerre 

a)quelles armes utilisées (gaz, mitrailleuses) par els combattants et par qui sont-elles fabriquées ?
b)conditions de vie (à l’arrière mais surtout au front)
c)refuser la guerre (surtout au front par els mutineries, les fraternisations, mais aussi à l’arrière par les grèves, le pacifisme)


II)Etre victime de la guerre

a)victime au front (nb de soldats tués + blessés)
b)victimes à l’arrière (bombardements civils + génocide)
c)front et arrière rassemblés par la douleur (orphelins, veuves de guerre, chocs psychologiques des soldats et répercussions sur les familles, sur l’art…)

III) le front et l’arrière en lien

a)le soutien de l’arrière (lettres, petits colis avec denrées à l’intérieur, permissions)
b)L’arrière qui vit à l’heure du front grâce à l’Etat (demande s’engager aux USA, UK, emprunts pour financer la guerre, manuels modifiés…)
c)La déconnexion entre le front et l’arrière (car censure, permission où les soldats se rendent compte que l’arrière ne sait rien des horreurs du front : cf A l’ouest rien de nouveau d’Eric Maria Remarque)



Correction Question problématisée :  participer à la 1GM ? 


Intro : Selon l’historien George Mosse, les personnes –soldats ou civils- ayant participé à la 1GM de 1914 à 1918, s’accoutumeraient à la violence physique et psychologique des combats. Ils deviendraient alors eux-mêmes plus violents et adopteraient un nouveau comportement jusqu’à parfois dans les 1930’s. Il parle de « brutalisation » pour évoquer ce processus. La 1GM mondiale   semble avoir été particulièrement choquante et donc complètement différentes des précédentes guerres pour les  civils ou les soldats.  Mais tous les acteurs n’ont pas eu le même rôle dans cette guerre. Dans quelle mesure l’ensemble de la société a-t-elle pris part de manière différente à la 1GM ? Nous verrons dans un premier temps la participation des soldats puis la participation des civils. Dans une dernière partie, nous verrons que certaines personnes ont aussi refusé de plusieurs de participer à cette guerre.

I)Participer à la guerre en tant que soldat

a)Engagement de masse (qui participe ?)
b)conditions de vie du soldat (comment on participe ?)
c)le bilan (physique, psychologique) (quelles sont les marques de la participation ?

II)Participer en tant que civil à l’arrière
a) mobilisation dans les usines (femmes…)
b)soutenir l’effort de guerre (demande d’envoyer colis, prêts…)
c)participer contre son gré (en être victime: bombardements + génocide)

III)Refuser de participer à la guerre
a)refuser avant qu’elle en commence (pacifistes de Jaurès à Rosa Luxembourg)
b)refuser lorsqu’on est soldat (mutineries + fraternisations)
c)Refuser lorsqu’on est civil (grève, révolution russe, ne pas s’engager lorsqu’on a le choix)

CCL :
Ainsi, prendre part à la 1GM revêt des aspects très différents selon qu’on soit soldat ou civil, qu’on subisse cette guerre ou qu’on l’ait choisi. On peut participer directement en se battant, ou indirectement en finançant, fabriquant des armes ou encore en étant victime. La guerre ne fait d’ailleurs pas consensus car beaucoup sous différentes formes refusent de prendre part à la guerre. On observe également une participation multiscalaire à ce conflit : continents, états et être humains. Il serait intéressant de comparer cette participation très diverse avec celle encore plus complexe et hétéroclite de la seconde guerre mondiale


 Autre proposition de plan détaillé

I)Participer en tant que soldat

a)les conditions de vie dans les tranchées
b)se battre (armes, blessures, victimes)
c)une culture combattante (soldats tenaient grâce à la cohésion, le patriotisme, l’alcool)

II) Participer en tant que civil

a)mobilisation de l’arrière (ds les usines : munitionettes, vêtements, femmes, vieillards : entraîne inversion des rôles
b)mobilisation des esprits
c)malgré soi (en être victime). Ex : génocide

III)Refuse de participer

a)refuser la guerre avant qu’elle ne commence
b)refuser de se battre une fois la guerre commencée (mutineries et fraternisation)
c) refuser de participer à l’effort de guerre (grève, exaspération)



dimanche 21 juillet 2019

Deux extraits de lettres de Louis XI sur les révoltes urbaines


LETTRE 67,   Mars 1463 "au duc de Nemours"

"…vous connaîtrez clairement qu'il y a trahison conspirée en la ville de Perpignan et pour ce, incontinent ces lettres vues, si vous n'y êtes, allez-y hâtivement. Et si la matière est disposée que vous en puissiez trouver la vérité et atteindre cette trahison, comme ainsi ferez, si vous voulez, gardez que incontinent vous fassiez prendre ceux que l'on soupçonnera, et si vous trouvez que ainsi soit, faites-en faire justice du plus grand jusques au plus petit. Et si vous ne pouvez trouver nuls langages ni nulle apparence -combien qu'il est bien fort que la chose se puisse celer, car on saura bien ceux qui la peuvent avoir menée, et aussi il faut qu'ils en aient parlé à plusieurs et, s'ils n'en ont parlé, si faut-il considérer ceux qui ont le peuple si à commandement qu'ils le pourraient faire émouvoir sans leur en parler- vous pourrez aviser ceux de qui vous aurez suspection, et incontinent les m'envoyer sous ombre de se venir excuser d'aucunes choses dont on les aura accusés. …."

Source : l'édition de certaines des lettres de Louis XI par Henri Dubois, Livre de poche, 1996


Lettre à Imbert de Batarnay et à Yvon du Fou (1474) sur la répression de l'émeute de Bourges qui s'est dressé contre les dépenses des fortifications de la ville (source Louis XI, de Gaussin)

"Comme vous le savez ceux qui se sont rebellés ne doivent jouir de l'impunité…en ce qui concerne vos prisonniers, je vous prie de les punir si rigoureusement que cela serve d'exemple aux autres et de n'épargner personne…j'entends que ceux qui auront mérité d'être exécuté soient exposés sur leurs portes…de plus tâchez de savoir q'il n'y a pas de gros bonnets qui aient pris part à la révolte , car les pauvres n'ont pu le faire d'eux-mêmes"
(Lettres, V, DCCXCVII )





Des révoltes fréquentes

 A Angers, les "pauvres gens de métiers", armés de "gros tricots et autres bâtons" pillèrent durant 3 jours les maisons des officiers, des bourgeois et des prêtres. Les autorités furent débordées. La répression contre les pillards fut rude. Cf Guillaume Oudin " Bien peu de temps après, plusieurs furent punis pour leur forfait, car les uns furent noyés, les autres décapités, les bras et jambes coupés, et les corps mis au gibet". Comme à Alençon, les habitants tinrent "plusieurs et diverses assemblées sans aucune autorité de justice, dans lesquelles ils ont conclu de ne pas obéir aux mandements des commissaires".
La miquemaque de Reims se place un mois environ après le sacre de Louis XI, qui avait donné aux gens quelque espérances quant à la levée des taxes. Assi lorsque les officiers des finances "firent mettre à l'encan les gabelles et autres impositions habituelles pour les adjuger (aux) conditions les plus avantageuses", l'émeute éclata. On accusa les officier d'avoir fabriqué un édit, "poussé par leur esprit de lucre et par leur audace". Les registres furent brûlés, leurs maisons pillées, ils durent prendre la fuite. Les troupes royales sont envoyées et les bourgeois de Reims arrêtèrent "quelques personnes du commun" qui passaient pour les auteurs de la sédition. La répression fut sans aucune commune mesure avec le mouvement : les 9 "principaux coupables" dont 3 femmes furent exécutés ; le cadavre de l'un d'eux, réputé leader du mouvement, fut écartelé ; 25 autres personnes furent bannies du royaume, 13 de Reims parmi lesquelles certaines furent battues et fustigées, "oreilles et poings coupés". 57 autres qui avaient fait amende honorable eurent les poings coupés ou furent frappées d'amendes…En tout,, plus de 180 personnes. Les notables de Reims firent intervenir le duc de Bourgogne qui implora la grâce du roi. => Chastellain "
A Aurillac, "cité grandement peuplée et grandement marchande" où deux partis s'opposaient dans les années 1472-1473 : celui du roi et celui d'Armagnac, avec Jacques, vicomte de Carlat et de Murat et Jean, son frère, évêque de Castres et abbé d'Aurillac, à ce titre seigneur de la ville. Entre les uns et les autres, depuis le Bien Public, ce n'était qu'embuscade, "détrousse de marchands".cf les propos du marchand du parti Armagnac, Bernard Salesses, qui à l'époque de Péronne (1468) parcourait la ville en criant aux royalistes : "allez le querir votre roi ! Il est mort ou prisonnier, au diable soit-il, mort ou vif car tant qu'il vivra il n'y aura  ni paix  ni bien dans ce royaume" Et les Laber, bouchers de leur état renchérissaient, affirmant que sans changement de roi, "le peuple serait opprimé et mangé" (P286) C'est l'époque où les habitants d'Aurillac refusaient d'envoyer leurs contingents de francs archers à Lectoure et en Roussillon (1473). LXI en eut assez et donnait comme instruction à on commissaire, Aubert le Viste "vous n'y saurez frapper mauvais coup, car ils m'ont toujours été traitres ou malveillants, endommagez-les moi bien'. Mais seule la capitulation de Nemours à Carlat, le 9 mars 1476 devait faire entrer Aurillac dans l'obéissance.
L'émeute de Bourges (ville natale de Louis XI) : émeute de 1474 à l'occasion d'un nouveau "subside des  fossés de la ville pour faire face aux dépenses de fortification de la ville ordonnée par le roi => "foulons, vignerons , boulangers ay autres gens de métier et menu peuple". Durant plusieurs jours, la ville appartint aux émeutiers qui tuèrent ou blessèrent les gens du roi. Puis, le notables se concertèrent dans la cathédrale, les uns partisans de la conciliation, "furent de la mauvaise opinion" selon l'expression du roi, les autres réclamèrent une action énergique "de façon à que force demeure au roi et que justice soit obéie", et l'emportèrent.
Troubles du Puy : 1477. Féodaux, bourgeois et peuple s'affrontaient, les premiers s'efforçant de détourner les impôts à leur profit particulier, à l'exemple du vicomte Armand XIII de Polignac qui se fit rigoureusement rappeler à l'ordre par LXI en 1465. L'accaparement des fonctions consulaires par un groupe restreint de familles riches aboutissait à faire porter sur les autres habitants l'essentiel des charges fiscales. De temps à autre, pour arrêter la montée des mécontentements, les hommes en place faisaient quelques concessions comme, en 1469, de permettre à de nouvelles familles riches d'accéder au pouvoir et, en 1473, les délégués des corps de métiers reçurent le droit de participer aux élections consulaires mais la liste des candidats devait être dressée par "7 personnes distinguées par leur vertu" => les plus riches en réalité. Le commun mettait en cause l'honnêteté des dirigeants, les accusait de prélever plus que nécessaire
Idem à Agen été 1481, peuple contre consuls. Les mécontents en appelèrent au Parlement de Bordeaux qui leur accorda un syndic. Les consuls se tournèrent vers le roi qui commit un conseiller concurrent du Parlement pour convoquer " la principale et plus saine partie " des Agennais : les notables acceptaient de ne lâcher que 3 posites consulaires et les "gens vivant noblement" eurent le dernier mot.

Agitation aussi rurale cf paysans de la région de Casteljaloux, contre les collecteurs d'impôts,  réunis dans un bois jurèrent de ne rien payer, de se défendre envers et contre tous" . Le commissaire du roi arrêta quelques séditieux, le tocsin sonna et l'insurrection locale éclata, les manant s'étant "armés et embastonnés".

samedi 20 juillet 2019

Lecture médiévale d'une révolte populaire

Source : Marie-Thérèse de Medeiros, Jacques et chroniqueurs. Une étude comparée de récits contemporains relatant la Jacquerie de 1358, Paris, 1979.


L'idée de ce billet m'est venue à l'écoute de l'émission du site Arrêt sur Images sur les visions du peuple. Je vous la conseille: il s'agit de la première émission de la série de l'été 2019. Ce que l'émission démontre bien, c'est la permanence des termes et des valeurs mobilisés par la classe dominante quand elle cherche à rendre compte des mobilisations populaires. Ce billet de blog sera pour moi l'occasion d'illustrer ces topoi par un exemple médiéval.

Rapide présentation du contexte de la Grande Jacquerie

En 1358, alors que les barons du royaume de France viennent de perdre une très importante bataille contre les armées anglaises, à Poitiers (1356), 10 ans après la défaite de Crécy. Les conséquences sont catastrophiques puisque le roi Jean II est fait prisonnier et retenu en Angleterre contre la promesse de payer une énorme rançon. Son fils le régent, Charles, est contesté, jusque dans Paris où les Etats se sont réunis et essayent de lui imposer leurs vues. Le prévôt des marchands de Paris, Etienne Marcel, en 1358, dirige la rébellion ouverte contre son autorité. Il ne faut pas oublier non plus que la France, comme le reste de l'Europe, avait été touchée par la Grande Peste à partir de 1347 et que la guerre dite de 100 ans contre le roi anglais ravage les campagnes : la Grande chevauchée du Prince noir par exemple est terminée, mais les troupes démobilisées vont vivre sur le plat pays. Enfin, les campagnes sont grevées fiscalement d'impôts royaux finançant l'effort de guerre.

C'est donc dans ce contexte que les communautés paysannes du Beauvaisis et du nord de la région parisienne, qui n'étaient pas les plus pauvres de France loin de là, se soulèvent.


Quelles histoires de ce soulèvement ?

"Le 13 mai 1358 éclate un sursaut de colère paysanne qui très vite reçut le nom de Jacquerie. Son ampleur, sa violence ont profondément impressionné les témoins du temps qui n'étaient pas encore habitués aux "tumultes populaires" : la fortune du mot "Jacquerie" qui apparut alors pour la première fois, et qui désigne encore aujourd'hui une émeute paysanne en est déjà un signe, la mention systématique du mouvement dans toutes les chroniques de l'époque en est un autre."
On dispose de plusieurs chroniques contemporaines, que Marie-Thérèse de Médeiros classe en 4 catégories. Trois sont identifiées par le point de vue des auteurs : les chroniques dites "chevaleresques", "nobiliaires" de Jean le Bel et de Froissart ; Les versions cléricales de Jean de Venette et du continuateur de Richard Lescot ; La version officielle des chroniques de France. La 4e catégorie est identifiée par sa provenance : il s'agit des chroniques normandes émanant pour la première d'un clerc de Rouen, semble t-il, dite Chronique des quatre premiers Valois, et pour l'autre d'un autre anonyme, dont on ne peut dire avec certitude de quel milieu social il ressort, mais apparemment il n'est ni clerc, ni noble, et publiée par Auguste et Emile Molinier sous le simple nom de Chronique normande.

A partir de ce corpus documentaire (les textes sont fournis en appendice), l'auteure va mener une analyse comparée, aussi bien de la structure narrative que des éléments linguistiques pour "cerner comment sont perçus les paysans et plus particulièrement les paysans révoltés par leurs contemporains, à travers les écrans qu'implique fatalement le passage à l'écriture."


Pour bien mesurer le décalage entre le récit de ces événements et ce qu'on peut reconstituer et comprendre du mouvement par l'analyse historique (il y a d'autres sources, notamment judiciaires), il faut présenter rapidement ce que fut cette jacquerie : 
- un mouvement d'ampleur : les chroniques de France évoquent par exemple plus de 20 000 paysans morts à la St Jean de part la repression. C'est toute la région qui s'est embrasée.
- un mouvement armé, qui s'attaque aux troupes d'hommes de guerre, par exemple contre des réquisitions jugées excessives, qui s'attaque aussi à certains châteaux et aux familles y habitant. C'est donc une révolte antifiscale et antinobiliaire, ce dernier point étant très rare à l'époque.
- un mouvement organisé, ou du moins qui s'organisa : élection/nomination de chefs locaux (Motataire, Chambly, Angicourt ...) et une personne qui apparemment a tenté de coordonner le mouvement dans tout le Beauvaisis, Guillaume Carle/Calle/Charles.
- Un mouvement rural, mais qui tenta d'associer les villes (Compiègne, Senlis, Ermenonville...) avec plus ou moins de succès, mais en général, ils trouvèrent portes closes.
- Un mouvement qui subit rapidement une répression d'une férocité extrême, menée par les seigneurs locaux, mais aussi par de grands seigneurs, Charles de Navarre, Gaston Phoebus...On remarquera aussi la "discrétion" du régent qui n'est pas mentionné comme partie prenante de la répression.


L'unanimité de la condamnation

Le livre est très riche et très pointilleux sur l'analyse des sources. Je me borne  à rendre compte de ce qui est directement en lien avec mon propos liminaire.


  1. Ainsi, il est indéniable qu'on peut affirmer que les nobles de l'époque ont eu peur. Cette peur se retrouve dans les écrits dits "chevaleresque" de différentes manières :

R) L’auteure fait des parallèles intéressant avec les topoi sur le peuple dans les romans de chevalerie et la littérature courtoise  de l'époque.

L'accent est mis sur la sauvagerie, la brutalité des actes de paysans
L'appétit de destruction : les paysans brisent, "mus de mauvais esprit", détruisent par le feu, n'épargnent rien ni personne. Ils témoignent d'une cruauté inhumaine en violant les femmes devant leurs maris (c'est Froissart qui insiste le plus sur cet aspect). Faits "horribles", "deshonnêtes", "dyableries"...
Ils sont "forcenés" (Froissart)
Mise en scène de moments tragiques et pathétiques : enfants pendus au cou de leurs mères, fuyant.

Alors que chez J. Le Bel, qui écrit sur le moment, l'accent est mis sur la peur de tous, dans la reconstruction à postériori de Froissart, la peur n'est plus que celle des femmes. Les hommes ont disparu de son récit : ils ne sont réintroduits qu'au moment de l'évocation de la répression.

Ce qui se double d'une incompréhension, d'une méconnaissance, d'un refus d'envisager les motivations des insurgés
Totale imprécision sur les noms, les lieux. Effet de grossissement.
Les paysans sont une foule informe, "toujours multipliés en orgueil": "ils étoient ja tant multiplié que, se ils fuissent tout ensemble, ils eussent esté cent mil hommes."
Jacques le Bel, comme Froissart, utilisent par exemple un vocabulaire, pour rendre compte de la propagation du mouvement, qui le rapproche d'une épidémie : "rage", "pestilence"


La peur se lit dans la mise en scène positive de la répression
Les nobles se livrent eux aussi à des actes d'une extrême violence, mais sans que les chroniqueurs n'y trouvent à redire, encore que de Le Bel à Froissart, certaines mentions ont disparu (le pillage par exemple mené par les nobles). Seul Jean de Venette est réservé. Pour les autres, il y a de la jubilation et de la moquerie. Le vocabulaire de la chasse est convoqué. Les nobles "pendent aux premiers arbres qu'ils trouvoient" ; ils les "tuoient comme des pourceaulx", à Meaux, Froissart dit qu'ils les tuent "ensi que bestes" ; Ces paysans qui fuient " car on ne pourroit si tost dire ung ave maria" (Jacques le Bel)

La clarté des armes des troupes nobiliaires contrastent avec la noirceur des corps des paysans ("vilains noirs et petits et mal armés" Froissart) + J le Bel fait état de l'action courageuse du comte de Foix et du captal de Buch qui, "avec 40 lances et non plus" ont réussi à s'opposer aux Jacques.

Evidemment, la répression est voulue par Dieu

      2. Le "racisme", le mépris de classe est partout (ou presque) présent.

La bestialisation et le "monde à l'envers"
+
Le nom "Jacques Bonhomme" est donné par Le Bel au "capitaine qui était un parfait vilain", par Froissart comme celui "fait roi entre eux", alors qu'on sait par Jean de Venette que ce nom est une sorte d'insulte créée par les nobles. Les Jacques procèdent à une inversion des valeurs : d'après Froissart (et il est le seul à faire cela), ils ont élu un "roi". Les chroniques royales en revanche insistent sur la fidélité des Jacques au roi, évidemment !

Le refus de reconnaître aucune valeur positive aux paysans :
Incapables de se battre avec des armes, couardise. Ces "méchantes gens" qui "à la première déconfiture" "furent si éperdus et si évanouis qu'ils ne savoient que devenir".
+
désorganisation


La chronique des quatre premiers Valois
au contraire n'insiste pas sur la désorganisation et la couardise. L'auteur décrit au contraire Guillaume Carle comme d'un homme "bien sachant et bien parlant de belle figure et forme", mais qui le distingue de ce fait des autres. D'ailleurs, lorsqu'il y a déroute du côté des paysans, c'est quand ils sont privés de leur chef : "adonc furent les Jacques tous esperduz pour leur capitaine qui n'estoit point avecques eulx" Il y a un souci constant de démarquer le chef par rapport à ses troupes.
Quant aux troupes paysannes, l'auteur leur attribue une fière allure : "lesquelz de grand visiage et manière se tenoient en ordonnance et cornoient et businoient et haultement crioient Montjoye ey portoient moult enseignes paintes à fleur de liz" et ce toujours grâce à "Guillaume Charles et l'ospitalier [qui] rangerent les Jacques". On remarque que l'auteur n'a jamais parlé autrement des paysans qu'en les appelant Jacques. A croire que ce terme donné en 1358 était déjà passé dans le langage courant quand l'auteur écrit, vers 1370.
Malgré une présentation qui peut parfois paraître positive, voici le jugement que l'auteure porte en bilan : "Ni hommes, ni bêtes, ni anges ni démons, le statut des paysans rebelles dans cette chronique est plutôt celui des choses. Nous avons vu comment dans la première phase, la phase active pour les révoltés, leur rôle s'efface devant celui d'un fantasme de puissance de l'auteur, dans la deuxième phase, celle de l'action des nobles, ils gardent sans difficulté leur statut d'objet, statut qu'aucune ombre de compassion ou de chaleur humaine ne vient modifier."

Le "cas" Jean de Venette

Que Jean de Venette soit un "cas" à part, c'est ce qui ressort dans le livre par la juxtaposition de sa chronique avec celle du continuateur de Richard Lescot. Cette dernière reprend Jean de Venette, mais l'auteur, un moine de St Denis qui est une grande abbaye du royaume, en change fondamentalement la perspective. entre autres  exemples, il passe sous silence le comportement nobiliaire qui, pour J. de Venette, serait l'origine du mouvement.
Appartenant à un ordre mendiant ou assimilé, Jean de Venette est plus sensible que les autres au peuple.S'il est surpris, ce n'est pas tant de la révolte, ce n'était pas la première fois, mais de son ampleur qui est proprement inédite. Il est le seul à chercher à présenter les mobiles à la révolte, et il les trouve dans les malheurs du temps.
Dans sa chronique, il induit à plusieurs reprises, quand il évoque les malheurs du temps, que les nobles ont failli à leur devoir de protection de la population, qui quand elle échappe à des massacres, ne le doit qu'à elles-même.
Par ailleurs, les paysans (on suppose que jean de Venette tire ses informations de St Leu d'Esserent, proche de son lieu de naissance), sont rationnels et organisés : "ils se révoltèrent et prirent les armes. Ils se regroupèrent en une grande multitude, élirent comme capitaine un paysan fort habile, Guillaume Carle, orignaire de Mello. Puis, armés, portant leurs étendards, ils parcoururent en bandes le pays : tous les nobles qu'ils pouvaient trouver, même leurs propres seigneurs, ils les tuaient, décapitaient et traitaient sans aucune miséricorde". "On dit qu'ils violèrent de nobles dames et tuèrent de petits enfants innocents." Enfin, la repression nobiliaire n'est pas particulièrement valorisée : le chroniqueur incidemment en condamne la forme : "ils mettaient à mort les paysans, tant ceux qu'ils pensaient avoir été rebelles que ceux qu'ils trouvaient dans les maisonsou au travail dans les vignes et les champs". On voit toute la différence avec les récits des chroniques précédentes.

Cependant, le mouvement est ici aussi condamné moralement. "Ces faits monstrueux" (il faut comprendre ici contre nature, remettant en cause l'ordre naturel) "n'étaient pas destinés à durer" car :
- La violence du mouvement : "actes vils et néfastes".
- "Les paysans agissaient de leur propre chef. Dieu n'en était pas la cause. Ils ne s'étaient pas mis en branle à la demande de l'autorité reconnue d'un supérieur, mais de leur propre chef."

Ainsi, l'exemple de Jean de Venette fait ressortir avec force les a priori des autres chroniqueurs. "J de Venette fait un sort au vieux mythe de la stupidité paysanne en nous montrant que les insurgés sont capables de réflexion et d'organisation, il fait également un sort aux prétentions chevaleresques, quand elle veulent tirer argument pour rehausser leur valeur de leur victoire sur les paysans."

Au terme de son étude, l'auteure conclut que "seule la version chevaleresque a produit une image nette de la paysannerie en révolte, impeccable reflet du stéréotype de la littérature courtoise depuis le XIIe siècle" et "finalement, le grand point commun de [ces] chroniques  réside peut-être dans l'indifférence à l'autre, ou plus exactement dans sa méconnaissance. Qui étaient ces étrangers au monde chevaleresque, au milieu clérical, à l'univers royal, qui un jour de mai prirent les armes ?"


dimanche 23 juin 2019

Fallait-il tuer Jules Cesar...

Je donne parfois quand j'ai une classe d'élèves de seconde travailleurs, motivés et plutôt de bon niveau, le sujet suivant en DM :

Fallait-il tuer Jules Cesar pour sauver la République ?

avec dossier documentaire

Jules César, un danger pour la République romaine ?

1 : RECHERCHE D’INFORMATIONS
Revoir dans le cours, le schéma des institutions de la République romaine.
Revoir dans le cours la partie sur les mécanismes régulateurs de la démocratie.

Doc 1 : La carrière politique de Jules César.
Caius Iulius Caesar, celui que nous appelons Jules César, naît à Rome le 12 juillet 100 avant J.C. Il appartient à la gens Iulia, la famille des Jules, l’une des plus prestigieuses et des plus anciennes familles romaines. Une légende prétend d’ailleurs que les Jules descendraient de Vénus. Cette famille fait partie du patriciat, la haute noblesse romaine qui a accès au gouvernement de Rome.
L’enfance d’un chef
On ne sait guère de choses de l’enfance de César. Il apprend à lire et à compter, étudie la grammaire grecque et latine, il lit les textes des grands auteurs. Le jeune homme pratique la gymnastique, l’équitation, la natation et l’escrime. A partir de seize ans, César étudie l’art de s’exprimer clairement et de bien parler.
Une époque troublée
L’époque de Jules César est assez difficile. D’un côté, les armées romaines ont conquis d’immenses territoires et Rome domine la majeure partie du bassin méditerranéen. Mais d’un autre côté, Rome traverse une grave crise politique et elle est en permanence au bord de la guerre civile.
Cursus honorum
A 27 ans, César débute sa carrière politique en s’engageant dans le cursus honorum. Il est d’abord élu au poste de tribun militaire (officier dans l’armée), puis il devient questeur (trésorier) de la province d’Espagne ultérieure. En 66 avant J.C., il est édile et s’attire la sympathie du peuple en organisant de grands jeux et des cérémonies spectaculaires. César se rapproche des deux plus puissants  personnages de l’époque : Pompée, un grand général et Crassus, l’homme le plus riche d’Italie.
Au sommet du pouvoir
César poursuit sa carrière politique. En 63 avant J.C., il obtient la charge de souverain pontife, le chef de la religion officielle de Rome. Il devient ensuite préteur, une magistrature d’importance : seuls les préteurs et les consuls peuvent recevoir le commandement militaire de légions. César part gouverner l’Espagne. Il rentre à Rome en 60 avant J.C.
César est maintenant un personnage politique de premier plan. Il a su s’entourer d’alliés de poids, notamment Pompée et Crassus. Tous trois s’entendent pour se soutenir et mener leurs projets ensemble. En 59 avant J.C., avec leur appui, César accède au consulat, la plus haute magistrature. C’est pendant le consulat de César que la loi agraire est votée permettant à vingt mille citoyens romains pauvres de recevoir des terres prises sur le domaine de l’Etat.
En quête de gloire militaire
En 58 avant J.C., César, devenu proconsul, reçoit le gouvernement des provinces de Gaule cisalpine et de Gaule transalpine. Il commande également quatre légions. César a désormais une brillante carrière politique, il ne lui reste plus que la gloire militaire. En effet, pour celui qui veut devenir un grand homme à Rome, il faut une réputation de chef de guerre victorieux et le soutien de nombreux soldats. Un général romain vainqueur peut avoir droit au triomphe, un grand défilé dans Rome avec ses soldats et son butin. Cette cérémonie lui donne le titre d’Imperator, ce qui est très prestigieux.
La guerre des Gaules (58-51 avant J.C.)
César rejoint ses provinces gauloises dans l’idée de conquérir la Gaule Chevelue. En 58 avant J.C., les hostilités avec les Gaulois débutent. La guerre dure jusqu’en 51 avant J.C. : elle s’achève par une victoire totale de César et la conquête de la Gaule. César sort de cet affrontement avec la réputation d’être un chef de guerre accompli. Il s’est considérablement enrichi et s’est attaché les soldats de son armée en leur distribuant des richesses.
A Rome, pendant ce temps …
Crassus et Pompée, venus rencontrer César, passent avec lui un nouvel accord secret : César soutient leur élection pour l’année 55 et leur obtiendra des provinces importantes l’année suivantes. En 54 avant J.C., Crassus devenu gouverneur de Syrie, subit une graves défaite contre les Parthes. Il est capturé et exécuté. Sans lui pour les réunir, Pompée et César s’éloignent progressivement. A Rome, la situation empire et le Sénat prend une mesure exceptionnelle en nommant Pompée seul consul de l’année.
Inévitable guerre civile
En 50 avant J.C., la charge de proconsul de César en Gaule touche à sa fin. Normalement, il devrait abandonner le commandement de ses armées et revenir à Rome comme simple citoyen. César demande au Sénat la permission de se présenter à nouveau au poste de consul. Mais le Sénat et Pompée refusent toutes ses propositions et exigent son retour à Rome sans ses armées.
César refuse d’abandonner ses armées ; il décide de franchir avec ses légions le Rubicon, un petit cours d’eau séparant la province de Cisalpine de l’Italie et qui représente une limite dont la traversée est normalement interdite aux soldats. César lance ainsi un défi au Sénat, ce qu’il exprime avec cette formule célèbre : Alea jacta est (« les dés sont jetés »).
La guerre civile est déclarée entre les armées de César et celles de Pompée. César s’empare de l’Italie en deux mois. Pompée est contraint d’abandonner Rome et de se replier en Orient.
Le combat des chefs
Une fois l’Italie maîtrisée, César se rend en Espagne, ses armées prennent également le contrôle de la Sicile et de la Sardaigne. A la fin de l’année 49 avant J.C., afin d’avoir les mains libres, César se fait nommer dictateur par le Sénat, puis consul pour l’année suivante. Il se prépare à affronter Pompée en Grèce.
Le 9 août 48 avant J.C., César et Pompée se rencontrent à la bataille de Pharsale. Pompée est vaincu, mais il parvient à s’enfuir en Egypte. Mal lui en prend, car il est assassiné à son arrivée à Alexandrie.
César et Cléopâtre
César découvre le meurtre de Pompée en arrivant en Egypte. La situation y est explosive : le jeune roi Ptolémée XIII et sa soeur Cléopâtre VII se font la guerre pour le trône. César décide de soutenir Cléopâtre. Le 27 mars 47 avant J.C., il remporte une grande bataille sur Ptolémée XIII qui meurt au combat. Cléopâtre devient la nouvelle reine d’Egypte et l’amante de César.
La mort de Pompée n’a pas mis fin au conflit car ses anciens partisans restent actifs. A Zéla, le 2 août 47 avant J.C., César écrase Pharnase. C’est à cette occasion qu’il prononce une phrase devenue célèbre : Veni,vidi, vici (« je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu »).
Une grande partie des pompéiens s’est rassemblée en Afrique. César remporte une victoire décisive à la bataille de Thapsus, le 6 avril 46 avant J.C. Cette fois, c’est la fin de la guerre. Rentré à Rome, César célèbre quatre triomphes successifs, sur la Gaule, sur l’Egypte, sur le Pont et sur l’Afrique.
Seul maître à bord
César a réussi à éliminer ses adversaires politiques. Personne ne peut désormais s’opposer à son pouvoir. Les apparences de la République sont préservées par les titres qu’il se fait accorder par le Sénat : il est nommé consul pour dix ans, puis dictateur à vie, mais dans les faits, César règne seul sur Rome. Il cumule les pouvoirs civils, militaires et religieux et s’appuie sur son immense fortune.
Grandes réformes
En 45 et 44 avant J.C., César déploie une grande activité politique. Il offre au peuple romain de nombreux spectacles et banquets, et il embellit la ville de beaux monuments : il fait rénover le cirque, construire un théâtre, creuser un grand bassin pour des spectacles de batailles navales et il crée un nouveau forum à son nom. Il prend des mesures en faveur des plus pauvres : ventes de blé à bas prix, attribution de terres à des pauvres et à des vétérans (les retraités de l’armée).
César s’intéresse aussi à la culture et crée une grande bibliothèque d’ouvrages en grec et en latin. Il réorganise le calendrier romain qui devient le calendrier julien (à l’origine de notre calendrier actuel) avec une année de 365 jours un quart. Il donne son nom, Iulius, à son mois de naissance, notre mois de juillet.
On ne peut pas plaire à tout le monde …
Alors que César réunit ses légions en prévision d’une expédition militaire en Orient, une poignée de conjurés s’entendent pour l’éliminer définitivement. Aux Ides (le 15) de mars 44 avant J.C., en pleine réunion du Sénat, César est attaqué et frappé de plusieurs coups de couteaux.
De la République à l’Empire
Rome est bouleversée par cet assassinat et le peuple exprime sa colère. Le testament de César est une surprise : il déclare adopter son petit-neveu Octave. Après encore plusieurs années de guerre civile, la crise s’achève par la fin de la République aristocratique et la naissance d’un nouveau régime politique : en 27 avant J.C., Octave, fils adoptif de César, devient sous le nom d’Auguste le premier empereur romain.

  • Relever les différentes fonctions politiques de J. César. A partir de quel moment ne respecte-t-il plus les règles du cursus honorum ?
  • César réussit à faire passer une réforme agraire. Montrer, grâce à des recherches personnelles sur les frères Gracques que ce n’était pas une réforme facile à obtenir.
  • Montrer que, malgré son origine noble, J. César mène une politique en faveur du peuple.
  • Retrouver les origines de la puissance et de la popularité de César.
  • En quoi peut-on le considérer comme le plus habile homme politique de sa génération ?
  • Pourquoi peut-on penser qu’il vise à exercer un pouvoir absolu et solitaire ?



Doc 2 : Plutarque, La vie de Brutus, extrait de La vie des hommes illustres.

Cependant Brutus était sans cesse excité par les discours de ses amis, par les bruits qui couraient dans la ville, et par des écrits qui l'appelaient, qui le poussaient vivement à exécuter son dessein. Au pied de la statue de Brutus, son premier ancêtre, celui qui avait aboli la royauté, on trouva deux écriteaux, dont l'un portait : « Plût à Dieu, Brutus, que tu fusses encore en vie! » Et l'autre : "Pourquoi, Brutus, n'es-tu pas vivant!" Le tribunal même où Brutus rendait la justice était, tous les matins, semé de billets sur lesquels on avait écrit : « Tu dors, Brutus. Non, tu n'es pas véritablement Brutus. » Toutes ces provocations étaient occasionnées par les flatteurs de César, qui, non contents de lui prodiguer des honneurs odieux, mettaient la nuit des diadèmes sur ses statues, dans l'espérance qu'ils engageraient par là le peuple à changer son titre de dictateur en celui de roi.
Lorsque Cassius sonda ses amis sur la conspiration contre César, ils lui promirent tous d'y entrer, pourvu que Brutus en fût le chef. Une pareille entreprise, disaient-ils, demande moins du courage et de l'audace, que la réputation d'un homme tel que lui, qui commence le sacrifice, et dont la présence seule en garantisse la justice …
Quand le sénat fut entré dans la salle, les conjurés environnèrent le siège de César, feignant d'avoir à lui parler de quelque affaire; et Cassius portant, dit-on, ses regards sur la statue de Pompée, l'invoqua, comme si elle eût été capable de l'entendre. Trébonius tira Antoine vers la porte; et en lui parlant, il le retint hors de la salle. Quand César entra, tous les sénateurs se levèrent pour lui faire honneur; et dès qu'il fut assis, les conjurés, se pressant autour de lui (…) et Casca, qui était derrière le dictateur, tire son poignard, et lui porte le premier, le long de l'épaule, un coup dont la blessure ne fut pas profonde. César, saisissant la poignée de l'arme dont il venait d'être frappé, s'écrie dans sa langue : "Scélérat de Casca, que fais-tu ?" Casca appelle son frère à son secours en langue grecque. César, atteint de plusieurs coups à la fois, porte ses regards autour de lui pour repousser les meurtriers : mais dès qu'il voit Brutus lever le poignard sur lui, il quitte la main de Casca qu'il tenait encore, et se couvrant la tête de sa robe, il livre son corps au fer des conjurés. Comme ils le  frappaient tous à la fois sans aucune précaution, et qu'ils étaient serrés autour de lui, ils se blessèrent les uns les autres. Brutus, qui voulut avoir part au meurtre, reçut une blessure à la main, et tous les autres furent couverts de sang.
Brutus et les autres conjurés se retirèrent au Capitole, les mains teintes de sang; et montrant aux Romains leurs poignards nus, ils les appelaient à la liberté. Au premier bruit de cet événement, ce ne fut dans toutes les rues que courses et cris confus de gens qui augmentaient ainsi le trouble et l'effroi; mais quand ils virent qu'il ne se commettait point d'autre meurtre, et qu'on ne pillait rien de ce qui était exposé en public, alors les sénateurs et un grand nombre d'autres citoyens, reprenant courage, se rendirent au Capitole auprès des conjurés. Le peuple s'étant assemblé, Brutus lui fit un discours analogue aux circonstances, et propre à gagner ses bonnes grâces : aussi fut-il approuvé et loué par le peuple même, qui cria aux conjurés de descendre du Capitole. Encouragés par cette invitation, ils se rendirent sur la place, où ils furent suivis par la multitude. (…). Quand Brutus s'avança pour leur parler, ils l'écoutèrent paisiblement; mais ils firent voir combien ce meurtre leur déplaisait, lorsque Cinna, dans le discours qu'il leur fit, ayant commencé par accuser César, ils entrèrent en fureur, et vomirent contre lui tant d'injures, que les conjurés se retirèrent une seconde fois dans le Capitole.

  • Rechercher qui est l’ancêtre célèbre de Brutus, « celui qui avait aboli la royauté » et ce qu’il a fait.
  • Pourquoi évoque-t-on à Rome l’exemple de cet ancêtre auprès de Brutus ? Pourquoi Brutus doit-il prendre la tête de la conjuration ?
  • Pourquoi les conjurés veulent-ils tuer César ? Au nom de quelle valeur ?
  • Comment réagit le peuple à l’annonce du meurtre de César ?
  • Rechercher ce qui se passe après la mort de César (la guerre civile)
  • Rechercher des informations sur le temple de Jules César divinisé, édifié sur le forum, à l’endroit de son bûcher funéraire. Qui l’a construit ? Rappelez ce qu'était le culte de l’empereur ?

2 : COMPOSITION. En vous aidant de l’analyse des documents et de vos connaissances, répondez à la question suivante sur la base d’une argumentation historique.

Fallait-il tuer Jules César pour sauver les institutions républicaines ?

Si cela peut aider, vous pouvez passer, au brouillon, par une étape intermédiaire : organisez un dialogue entre les partisans de deux camps opposés. Cela vous permettra de bâtir ensuite votre plan détaillé.
« Tu es le fils d’un plébéien.
Ton père, à l’origine un petit commerçant, s’est engagé dans l’armée et a accompagné et admiré César pendant ses différentes campagnes militaires. Aujourd’hui, il est désespéré.
Partout dans Rome on ne parle que d’une chose : César vient d’être assassiné. Vous rejoignez la foule de plus en plus nombreuse sur le forum. La discussion s’engage avec vos voisins. Certains justifient l’assassinat de César en disant qu’il fallait éliminer le dictateur et sauver la République pour le bien du peuple. Ton père leur répond en affirmant que les citoyens modestes ne jouent aucun rôle dans cette République aristocratique mais que César avait tout fait pour le bonheur du peuple.
Pourquoi peuvent-ils dire cela ? »

2 documents complémentaires : Dans sa pièce Jules César, le dramaturge anglais William Shakespeare (16e siècle) imagine les discours de Brutus et de Antoine, l’un justifiant et l’autre accusant les conjurés. Vous y trouverez des arguments dont vous pouvez vous inspirer pour la composition.

Le discours de Brutus après la mort de César :

«Romains, compatriotes et amis, entendez-moi dans ma cause, et faites silence afin de pouvoir m'entendre. [...]. Censurez-moi dans votre sagesse, et faites appel à votre raison, afin de pouvoir mieux me juger. S'il est dans cette assemblée quelque ami cher de César, à lui je dirai que Brutus n'avait pas pour César moins d'amour que lui. Si alors cet ami demande pourquoi Brutus s'est levé contre César;-voici ma réponse : Ce n'est pas que j'aimasse moins César, mais' j'aimais Rome davantage. Eussiez-vous préfère voir César vivant et mourir tous esclaves, plutôt que de voir César mort et de vivre, tous libres? César m'aimait, et je le pleure; il fut fortuné, et je m'en réjouis; il fut vaillant, et je l'en admire; mais il fut ambitieux, et je l'ai tué ! Ainsi, pour son amitié, des larmes; pour sa fortune, de la joie; pour sa vaillance, de l'admiration ; et pour son ambition, la mort! Quel est ici l'homme assez bas pour vouloir être esclave! S'il en est un, qu'il parle, car c'est lui que j'ai offensé. Quel est ici l'homme assez grossier pour ne vouloir pas être Romain? S'il en est un, qu'il parle ; car c'est lui que j'ai offensé. Quel est l'homme assez vil pour ne pas vouloir aimer sa patrie? S'il en est un, qu'il parle; car c'est lui que j'ai offensé... J'attends une réponse.»

Le discours d’Antoine après la mort de César :
« Amis, Romains, compatriotes, prêtez-moi l’oreille. Je viens pour ensevelir César, non pour le louer. […] Le noble Brutus vous a dit que César était ambitieux : si cela était, c’était un tort grave, et César l’a gravement expié. Ici, avec la permission de Brutus et des autres (car Brutus est un homme honorable, et ils sont tous des hommes honorables), je suis venu pour parler aux funérailles de César. Il était mon ami fidèle et juste ; mais Brutus dit qu’il était ambitieux, et Brutus est un homme honorable. Il a ramené à Rome nombre de captifs, dont les rançons ont rempli les coffres publics : est-ce là ce qui a paru ambitieux dans César ? Quand le pauvre a gémi, César a pleuré : l’ambition devrait être de plus rude étoffe. Pourtant Brutus dit qu’il était ambitieux ; et Brutus est un homme honorable. Vous avez tous vu qu’aux Lupercales je lui ai trois fois présenté une couronne royale, qu’il a refusée trois fois : était-ce là de l’ambition ? Pourtant Brutus dit qu’il était ambitieux ; et assurément c’est un homme honorable. Je ne parle pas pour contester ce qu’a déclaré Brutus, mais je suis ici pour dire ce que je sais. […] »

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