Une idée à creuser pour la SPE HGGSP en Terminale sur le thème du patrimoine : comment l'histoire de France est-elle dévoyée par des pseudo-vulgarisateurs qui instrumentalisent une histoire présentée comme patrimoniale au service de leurs idées politiques.
Le site Arrêt sur Images a produit un certain nombre de ressources utiles pour traiter ce sujet.
Une émission qui décrypte l'émission de Lorant Deutsch et Stéphane Bern, "Laissez-vous guider" que l'on peut visionner sur le site car elle a été élue gratuit par les internautes abonnés au site (émission du 10 mai 2019)
et deux longs articles sur les émissions de Frank Ferrand sur CNews, "la Belle histoire de France", en dates des 28 janvier et 5 février 2021.
Je copie/colle ci dessous un court extrait du dernier article, consacré aux grandes invasions et je renvoie à mon post sur la fin de l'empire romain qui montre comment on peut enseigner le même sujet en tenant compte des avancées de la recherche historique. (fin du post, proposition de séquence) ou sur le site des Clionautes, une présentation un peu plus détaillée du déroulé de la séance
FERRAND, MENANT, ET LES HUNVRAISEMBLABLES INVASIONS
Fact-checking historique, épisode 2
Le dernier épisode de La Belle histoire de France
, diffusé dimanche 31 janvier 2021 sur CNews, portait sur les grandes invasions. Marc Menant, très en forme, n'a cessé de répéter que dans cette histoire tout, du charisme d'Attila à un séisme, était "invraisemblable"
. Nous, on trouve que ce qui est invraisemblable, c'est surtout qu'on puisse continuer, dans la lignée de l'épisode précédent, à accumuler des erreurs factuelles, des clichés racontés sans esprit critique, une absence totale de sources ou de problématique, et un discours à la fois anti-historiens et idéalisant une ethnicité gauloise fantasmée. Décryptage.
Les historiens ne veulent pas dire «grandes invasions» - Franck Ferrand
Le propos liminaire dit tout. "Le terme grandes invasions est un peu daté, il a un côté sépia (...) les historiens ont changé, ils ne veulent pas dire «grandes invasions», et encore moins «invasions barbares», c'est trop stigmatisant... Donc on ne dit plus
«grandes invasions», on dit «mouvements de population», mais ça revient au même"
(01'20 dans la vidéo). Franck Ferrand commence fort. Non sans finesse, il construit son discours contre celui des "historiens", qui semblent accusés d'être de véritables girouettes suivant la mode ("Les historiens ont changé"
) et, pire encore, suivent la tendance du politiquement correct ("trop stigmatisant"
). Le tout pour rien, puisque cela "revient au même"
! En quelques secondes, le décor est bien planté : d'un côté les historiens chicaneurs, coupeurs de cheveux en quatre, qui s'amusent à "changer" les termes qu'on avait appris à l'école primaire, de l'autre, le courageux Franck Ferrand, qui dit à la fois du classique, du simple et du vrai.
ENVAHISSEURS OU MIGRANTS ?
En réalité, si les historiens ont arrêté d'utiliser l'expression "invasions barbares", ce n'est bien sûr pas parce que c'est "stigmatisant" (stigmatisant envers qui ? Envers les barbares ? Je ne sais pas pour vous, mais ça fait longtemps que je n'ai pas croisé un Wisigoth dans le métro...) On n'emploie plus cette expression car on est de moins en moins sûr qu'il s'agisse d'invasions. D'abord parce que le processus s'étale sur plusieurs siècles ; ensuite parce que nombre de ces migrants se sont installés dans l’Empire avec l’agrément des autorités romaines, qui les intégraient souvent dans leur structure militaire. Également parce que ces peuples barbares ont probablement été bien moins nombreux qu'on ne l'a longtemps dit ; et enfin parce que la question des changements réels en termes de mode de vie pour les populations est toujours très discutée. L'archéologue anglaise Susan Hackenbeck, par exemple, explique que les populations "romaines" vivant près des frontières adoptent peu à peu un certain nombre de pratiques "barbares"... et que les peuples germaniques changent eux aussi progressivement leurs manières de se nourrir, de s'habiller, d'enterrer leurs morts, etc. Bref, ce n'est pas une vague d'envahisseurs qui aurait terrorisé l'Occident romain. Les choses sont mille fois plus complexes et, en outre, il n'y a pas de réel consensus historiographique à l'échelle internationale. Dans une émission d'histoire, on aurait pu espérer un tout petit peu de recul critique, de prudence...
Ressources complémentaires :- Un lien vers un article du Monde des Idées, titré "Face au roman national", paru au moment de la publication en février 2017 de l'Histoire mondiale de la France ET un article de "Débats et analyses" du Monde qui confrontent des points de vue (Nicolas Offenstadt vs JC Petitfils)
- Le compte-rendu d'une conférence sur les usages politiques de l'histoire, avec un petit passage sur le roman national
- Un résumé d'un mémoire de M2 sur le mythe de Jeanne d'Arc, trouvé il y a longtemps, je ne sais plus où. Aussi je m'excuse pour l'absence de source.
- Un powerpoint sur les usages politiques de la mémoire