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samedi 26 décembre 2020

Impérialisme, économie et hégémonie.

Cette fiche est construite à partir d'éléments du livre de Bertrand Badie, L'hégémonie contestée, paru en 2019 ( en particulier les première et seconde parties) et de l'émission du site Hors-Série de décembre 2020, Impérialisme : état des lieux.

    





Y a t'il une crise de l'hégémonie américaine ?


Historique contemporain de la notion
Au sortir de la guerre, la structure de l’économie mondiale construit l’hégémonie américaine (cf système de Bretton Woods)  et on ne s’étonnera pas que, progressivement, le concept fût porté par la nouvelle école d’« économie politique internationale », à l’initiative de Charles Kindleberger, historien et banquier américain, puis de son compatriote Robert Gilpin. Là aussi, la conception de l’hégémonie s’élaborait à un rythme lent : on y songeait dès la sortie de la guerre, mais on ne la théorisera que plus tard, lorsqu’on eut enfin pris l’habitude de ce système nouveau dont la carrure ne fut réellement apparente qu’avec la détente et la coexistence pacifique. Encore une fois, les années 1970 furent hautement décisives : il y avait bien un ordre international suggérant que les relations internationales n’étaient finalement pas si anarchiques… même si la crise du dollar qui brutalisa les dernières années de la présidence Nixon montra que la stabilité n’était jamais totalement acquise. Rien de tel que les périodes d’incertitudes pour penser le besoin d’hégémonie. Il s'agissait de théoriser le besoin d’hégémonie, voilà pourquoi Charles Kindleberger se concentra soudain sur la grande crise de 1929 et les périls des années 1930 : l'hégémonie se concevait dans la capacité d’un État à maintenir l’ordre, à son avantage bien sûr, mais aussi, et pour les mêmes raisons, pour le bien-être de l’humanité tout entière.
(1978)

 "Le poinçon du libéralisme apparaît avec clarté : l’enrichissement du plus fort profite nécessairement à tous. Sur quoi on réécrit l’histoire : en étant maîtresse, dès le XIXe siècle, du premier système monétaire, celui du Gold Exchange Standard, la Grande-Bretagne assurait sa stabilité, mais stabilisait aussi le monde, du moins, alors, l’Europe. En cela, elle était bel et bien une puissance hégémonique. En promouvant les accords de Bretton Woods, les États-Unis reprenaient le flambeau. À peine quelques années plus tard, Robert Gilpin parachevait l’œuvre en parlant de l’hégémon comme d’un benign leader, ce fameux « leader bienveillant » qui doublerait sa vertu en mobilisant toutes ses ressources dans cet effort de maintien et de protection de l’ordre mondial."

On retrouve dans les années 1990 cette même idée dans les discours autour du Nouvel Ordre mondial formulé par Georges Bush au moment de la guerre du Golfe puis, avec l'enlargement de Bill Clinton, le tout dans le contexte de l'après Guerre froide.






L'hégémonie peut-elle durer ?
Voici le résumé Wikipedia du livre de Gilpin, War and change in world politics (1981) auquel B. Badie fait référence et que je n'ai pas lu.
"Dans cet ouvrage, Robert Gilpin affirme que la cause des guerres est la variable économique. Cette œuvre est un projet holiste, bien qu'il réduise son analyse aux entités étatiques. Il théorise la stabilité hégémonique et la guerre cyclique. Dans un système international, il y a toujours une puissance hégémonique (Athènes au Ve siècle av. J.-C., Espagne au XVIe siècle, France au XVIIe siècle, Grande-Bretagne au XIXe siècle, États-Unis au XXe siècle… Chine au XXIe siècle ?). La puissance de l'hégémon est à la fois positive (avantages tirés sur les dominés) et négative (grandes dépenses de richesses pour garder la première place). Mais c'est toujours le coût qui finit par l'emporter sur les avantages, et c'est alors que la puissance commence à décliner. Robert Gilpin dégage ainsi une loi tendancielle du déclin de la puissance. C’est le différentiel entre les recettes et les dépenses qui montre qu’une puissance est en déclin ou non. Le différentiel augmente jusqu'à produire une « faille » dans laquelle s'engouffrent des rising challengers, apparus avec le déclin de l'hegemon. Cela provoque une phase de guerres, qui aboutit généralement au passage d'un hegemon à un autre."

Il me semble pourtant qu'ici, on évoque plutôt la puissance impériale/impérialiste que la puissance hégémonique. En tout cas, on retiendra l'idée de cycles de puissance hégémonique, suivi d'un inévitable déclin.

L'idée de cycle  renvoie à l'origine de la création du concept d'hegemon = vieux de vingt-cinq siècles puisqu'il remonte à Thucydide, La guerre du Péloponnèse. Dans ce texte, Thucydide expose, selon une analuse dite "réaliste" les rapports de puissance (y compris la puissance d'un modèle politique) qui sont favorables à Athènes et lui permettent d'exercer son hégémonie et qui ne peuvent que provoquer l'autre puissance grecque qu'est Sparte. En 1947, le secrétaire d’État George Marshall dit douter qu’on « puisse sérieusement réfléchir avec sagesse et profondeur aux questions de l’heure sans avoir en tête la guerre du Péloponnèse et la chute d’Athènes ». L’école réaliste voit alors dans l’affrontement entre Sparte et Athènes un parallèle troublant avec l’opposition des États-Unis et de l’URSS. Comme dans l’Antiquité, les deux puissances s’affrontent dans un monde clos, où le gain de l’un est une perte pour l’autre. Chacun des deux Grands est donc poussé à intervenir partout pour mener, par procuration, un conflit contre son rival. Comme dans l’univers hellénique, un conflit local (l’affaire de Corcyre, la crise de Cuba) peut alors dégénérer en guerre mondiale. Les mêmes causes semblent produire les mêmes effets, révélant des structures immuables dans les rapports entre États. 

Retour au livre de Badie qui définit ainsi l'hégémonie : "L’hégémonie suppose d’abord un socle géopolitique, qui fit un temps sa fortune. Elle implique en effet une pluralité d’unités politiques souveraines en libre compétition les unes avec les autres. L’hégémon s’affirme au sein d’une collectivité qui le reconnaît comme tel et dont chacun des membres consent à lui abandonner tout ou partie de sa conduite sur la scène internationale. En cela, ce modèle se distingue de l’ordre impérial dont la structuration pyramidale confère naturellement à l’empereur le droit de régir ses vassaux et l’ensemble des royaumes qui lui sont inféodés. On ne parlera pas de l’hégémonie de Rome ou des empires chinois, tant le concept ne ferait pas sens, à l’intérieur de leurs limes, ou égarerait dans le rapport à l’externe qui, par définition, n’est pas construit mais davantage aléatoire et épisodique, à l’instar des rapports de la Chine des Yuan avec le Japon ou le royaume de Pagan, ou de ceux de Rome avec les Sassanides perses. Pour que la problématique de l’hégémonie puisse s’appliquer, il faut retrouver une concurrence réelle entre unités réputées égales en droit, mais inégales en capacité : on comprend, pour cela, que le temps westphalien fut particulièrement propice à cette problématique. De même faut-il que ces entités concurrentes soient réputées libres, à l’image des cités grecques, pour que l’acte d’adhésion soit réel et non contraint ni naturel : l’ère de la colonisation et du postcolonialisme semble, pour cette raison, mal adaptée à la catégorie qui nous retient. Cet acte d’adhésion est une autre caractéristique forte de l’hégémonie. Il s’apparente sinon à la servitude volontaire, du moins à l’obéissance acceptée. L’hégémonie crée un consensus qui régit les relations désormais asymétriques liant l’hégémon à ceux qui le suivent. On est à mi-chemin entre la domination classique et la ligue : la domination, dans sa variante hégémonique, est volontairement acceptée comme bonne, mais engage systématiquement les choix de ceux qui y souscrivent. Or on adhère parce qu’on est convaincu de partager des valeurs communes, mais aussi parce qu’on sait pertinemment ne pas pouvoir jouer la carte du cavalier solitaire… L’engagement est en même temps fait d’utilitarisme résigné et de la conviction qu’on partage des valeurs… D’où son instabilité, voire son ambiguïté intrinsèque : est-on allié ou aligné ? Le paradoxe de l’hégémonie est de reposer sur un consensus souvent idéalisé, mais il est aussi de conduire à des doutes et des délibérations sans cesse renouvelés : elle prétend à l’ordre mais suscite presque mécaniquement la contestation".


Donc l'hégémonie produit ses contestations : celles-ci émergent des espaces dominés, des compétiteurs, mais aussi de la puissance dominante. Les Etats-Unis, de Barack Obama à Trump * remettent en cause l'hégémonie assumée (leading from behind de l'un, unilatéralisme et rejet de toutes les institutions qui avaient bâti l'hégémonie américaine par l'autre)
* un exercice d'analyse de texte en lien sur l'unilatéralisme de Trump.


Si l'on continue à chercher dans le passé les contre-modèles à l'hégémonie, après l'Antiquité, il faut remonter selon B. Badie, à l'époque moderne.
Dans l'Europe moderne westphalienne qui se constitue entre la fin du XVIe et le XVIIe siècle, par les guerres contre l'Espagne, trop d’hégémonie tue désormais l’hégémonie. L’inversion, par rapport à la description portée par Thucydide, est forte : la compétition westphalienne entre États modernes érige maintenant l’hégémonie en dysfonction, en pratique contre nature, orientée contre la souveraineté, contre le besoin de puissance ressenti par tous et par chacun, contre la survie même de cette concurrence entre États qui est devenue fondatrice de l’ordre international. La politique de l'équilibre, pas forcément nouvelle puisqu'elle était déjà celle des cités et principautés italiennes au Moyen Age, conduit mécaniquement à sa négation active, dont la ligue d’Augsbourg (créée en 1686 contre la France de Louis XIV, impliquée dans la guerre de 1688 à 1697) est la manifestation la plus emblématique. Celle-ci est interconfessionnelle, montrant que les ressorts politiques sont désormais les plus forts. L'hégémonie n'est donc pas le seul principe d'organisation de l'ordre international et en réalité, n'existe que quand la puissance est incontestable. Elle habille la domination de prétextes élégants.
Dans la suite de son rapide balayage historique, Bertrand Badie nomme "hégémonie messianique" la prétention de la puissance dominante à émanciper et libérer ceux qu'elle domine. Il prend pour exemple l'empire napoléonien : "C’était bien une Europe nouvelle qu’il convenait de construire, inspirée par le projet de Diète européenne, porté par l’abbé de Saint-Pierre, sorte de « concert des nations » avant la lettre, et par la vision confédérale, esquissée par Rousseau, reposant sur le consentement de peuples nourris du même droit et des mêmes valeurs. Cette idée qui apparaît dans le Mémorial de Sainte-Hélène fonde le mythe, cette fois délibérément moderne, de l’hégémonie : celle portée par un pays plus avancé, plus conscient, plus apte à réformer et à éduquer les autres. Au-delà du Roi-Soleil et d’une perspective qui restait alors traditionnelle, ce sont bien les Lumières qui régissent ce projet dominateur. On peut, pour la première fois, parler d’hégémonie messianique, élevant la France au rôle de réformateur et de dirigeant de l’Europe, pour reprendre les mots de Cambacérès: l’idée fera carrière, et jusqu’à aujourd’hui… En fait, cette idée apparaît comme un mélange de naïveté et d’arrogance. Elle repose d’abord sur une sainte certitude, familière de la pensée néoconservatrice d’aujourd’hui : ce qui est bon pour la France l’est aussi pour les autres. Les idées révolutionnaires d’égalité et d’universalité ont du même coup leur utilité politique immédiate : elles justifient les projets expansionnistes de tous ceux qui se croient dans le vrai. Leur conquête a désormais des saveurs de libération et d’émancipation : celles de Napoléon voulaient apporter l’égalité civile, la liberté religieuse, la suppression des tutelles de toutes sortes, l’abolition des privilèges, tout comme les germes d’une administration moderne et rationnelle.[...] Mais construite sur l’idée neuve de nation, elle périt vite sous les coups de celle-ci…"


Hégémonie et domination économique
Pour l'auteur, les deux deviennent consubstantiellement liés à partir du XIXe siècle car l'autonomie croissante du marché "interdisait désormais au politique de viser à lui seul la réalisation de ses propres projets de domination. L’étatique était déjà hypothéqué par l’extra-étatique et l’hégémonie appelait désormais à une délicate fusion de ces deux versants du jeu social."

C'est le moment où l'hégémonie devient impérialisme, car la domination de la puissance hégémonique du 19e siècle (c'est le Royaume-Uni) se concrétise et s'explique par la conquête violente de territoires à coloniser.
Lénine voyait dans l'impérialisme un moment intrinsèquement lié à l'histoire de l'expansion du capitalisme.
Les conflits coloniaux et la 1ere guerre mondiale valident ce premier âge de la pensée de l'impérialisme : il y avait bien des contradictions internes au capitalisme qui conduisaient nécessairement aux tensions et conflits entre Etats. Le capital concentré devait se déverser sur les espaces non-capitalistes pour pouvoir investir leurs surplus de capitaux, exploiter les ressources et le travail et continuer à générer des surplus. Pour cela, il s'appuyait sur la puissance militaire des Etats européens engagés dans la course à la colonisation. Mais les espaces à coloniser n'étant pas extensibles, l'affrontement était inévitable.

Avec la mondialisation, et la pensée sur la mondialisation, l'hégémonie trouve face à elle un principe plus fort, celui de l’« interdépendance complexe » qui, rationnellement, pousserait les pays davantage à la coopération qu’à la domination. Cette idée fait fortune dans le camps de l'ouest pendant la guerre froide et avec la construction européenne. Elle devient le concept dominant des années 1990, après la chute de l'URSS et la croyance en la victoire définitive du modèle libéral et capitaliste.

Mais depuis les années 2000, le lien entre impérialisme et mondialisation, déjà dénoncé dans les années 1960 par les pays de la CNUCED [avec la pensée du  néocolonialisme qui constitue une deuxième étape de la pensée de l'impérialisme, celle de la dépendance économique des pays décolonisés et la perpétuation du sous-développement], revient sur le devant de la scène, notamment anglo-saxonne, étonnamment autant chez les libéraux que les marxistes.

Ce qui fait progresser la pensée de l'impérialisme, ce sont les transformations du capital : les bourgeoisies nationales, qui captaient les richesses locales et investissaient localement, sont devenues des bourgeoisies internationalisées : leur argent se créée et s'investit ailleurs que dans leur pays d'origine, par l'intermédiaire des firmes trans-nationales. Selon la définition de l'ONU, dans les années 1970 on avait à peu près 6000 FTN dans le monde et dans les années 2000, leur nombre a été multiplié par 10. Les bourgeoisies transnationales forment une seule classe, aux valeurs, sociabilités, et représentations du monde, communes. Par leurs investissements, ces FTN et cette bourgeoisie transnationale prennent le contrôle des politiques nationales, alors que dans le même temps les structures supranationales (FMI etc) rendent les Etats-nations de plus en plus obsolètes.
Dans ce système, les Etats-Unis ont une place particulière : ils assurent l'extension et la reproduction du capitalisme dans le monde.

David Harvey : pour lui, l'impérialisme est la "garantie politico-militaire de la reproduction et de l'accumulation du capital à l'échelle internationale"

Robinson, "l'impérialisme entendu comme les pressions qui s'exercent sans relâche pour l'expansion du capitalisme, et les mécanismes politiques, militaires et culturels spécifiques qui facilitent cette expansion et l'appropriation du surplus qu'il génère" 

D'après ces définitions, les Etats-Unis ont été, depuis la guerre froide, la puissance impériale par excellence. C'est le courant super-impérialiste, dans la famille des pensées de l'impérialisme. Ce qui explique que les EUA sont les "pilotes de la grande gestion économique mondiale" (Judith Bernard dans l'émission de Hors-Série), c'est la suprématie militaire incontestable des Etats-Unis et que ceux-ci l'utilisent par des interventions ciblées (guerres du Golfe, Irak pour les plus récentes) pour "ouvrir" des pays au capitalisme. Les autres pays du "centre" (les grands pays capitalistes) se déchargeant de ce poids des dépenses militaires sur les Etats-Unis. 


Déclin de l'hégémon americain
Malgré le soft power americain (la notion de soft power a été théorisée par Joseph Nye , Bound to Lead, the Changing Nature of the American Power, New York, Basic Books, 1990 et surtout, Soft Power. The Means to Success in World Politics, New York, Public Affairs, 2004), le déclin du hard power américain et la montée de concurrents dans un monde de plus en plus multipolaire, les difficultés économiques internes aux Etats-Unis affaiblissent la place très particulière des Etats-Unis comme leader.

"En 2011, seuls 38 % de la population mondiale interrogée considéraient que les États-Unis tenaient un rôle de leader ; ils étaient 53 % en 2003. Les alliés européens eux-mêmes s’éloignent, à la faveur notamment de postures américaines trop radicales. Ainsi, entre 2000 et 2005, sous l’effet de l’action militaire américaine en Irak, les opinions favorables aux États-Unis, toujours mesurées par le Pew Center, sont passées de 71 à 69 % au Canada, de 83 à 55 % en Grande-Bretagne (pourtant alliée aux États-Unis lors de l’expédition), de 52 à 23 % en Turquie, de 75 à 38 % en Indonésie, et de 78 à 41 % en Allemagne ! De même, en 2003, 53 % des Européens considéraient que les États-Unis constituaient une menace pour la paix : incroyable réputation pour un hégémon dont la qualité première devait être précisément de disposer du capital de confiance nécessaire pour être suivi même dans des situations périlleuses. Preuve en tout cas que le soft power n’est pas le complément efficace capable de soutenir avec suffisamment de succès les prétentions hégémoniques qui s’expriment." (B. Badie, p.82)


Dans le chapitre 6 de la partie 2, intitulé "la mondialisation contre l'hégémonie",  B. Badie distingue trois facteurs de fragilisation de la position américaine comme "gestionnaire à l'échelle globale de l'extension du capitalisme" :
- l'hégémonie au défi de l'inclusion : "le spectaculaire retour de l’acteur local tend à fragmenter l’espace mondial, en même temps qu’il le globalise. Autrement dit, la construction d’un monde unique et ouvert conduit les acteurs sociaux à davantage porter sur la scène mondiale leur diversité d’expériences et d’attentes, d’autant plus forte que tout le monde voit tout le monde, se compare à chacun et réagit à l’autre en fonction de ses propres ressources et de ses propres particularités. Cette articulation croissante du local au global est de plus en plus évidente, tant au plan de la conflictualité qu’à celui de l’expression banale des intérêts de chacun. Les conflits d’aujourd’hui, tels qu’ils se développent dans le Sud, n’ont plus la même configuration que les guerres connues autrefois en Europe et confèrent aux milices, aux seigneurs de guerre, aux big men déjà cités, bref aux acteurs locaux, une capacité proportionnelle à leur proximité du tissu social, à l’exact inverse de la guerre classique qui se nourrissait de puissance et d’État. Cette médiation locale paralyse les plus puissants qui souvent ne la comprennent pas et ne savent pas composer avec elle. Sur un plan moins dramatique, le travail de gestion des intérêts est prioritairement entre les mains des intermédiaires sociaux capables de mobiliser selon des logiques dont le contrôle par en haut est d’autant moins aisé. (...) La capillarité qui en dérive est insaisissable par les mécanismes macropolitiques de l’hégémonie". (pp. 132-133) 


Et ce d'autant plus que "la mondialisation suscite réseaux, échanges informels et mobilités de toutes sortes ; elle crée des solidarités, des connivences, des sentiers d’accès à la décision qui constituent autant de flux transnationaux échappant au contrôle de l’hégémon. Ici aussi, celui-ci sut réagir par le biais du soft power, en vogue dès la fin de la bipolarité et qui, en dépolitisant la puissance, rendait la domination acceptable, voire aimable, et l’intégrait même dans le quotidien des sociétés. L’intersocialité se révéla en fait plus forte.(...) L’International Communication Union établit ainsi qu’en 2017 le monde comptait 7,7 milliards de téléphones portables, soit une couverture de 103 %. Certes, la distribution est inégale, mais elle tend à s’homogénéiser, puisque plus de 75 % des humains disposent de cet instrument ordinaire de communication : ils sont 1 milliard en Chine, 250 millions en Indonésie et si, aux Émirats arabes unis, le nombre moyen de ces téléphones est de 2,2 par habitant, il tombe très exceptionnellement à 0,02 en Birmanie. L’Afrique, longtemps à la traîne en matière de communication téléphonique, compte aujourd’hui plus de 330 millions de mobiles… Internet suit, avec plus de rapidité encore, le même mouvement. On dénombre ainsi 4,12 milliards d’internautes en 2018, soit une progression de 8 % par rapport à l’année précédente, et 3,36 milliards d’individus connectés aux réseaux sociaux, qui deviennent la principale source de mobilisation : la progression par rapport à l’année précédente est ici de 11 % ! La distribution apparaît de plus en plus convergente : 73 % de la population est ainsi connectée en Amérique, 80 % en Europe, 48 % en Asie et l’Afrique, d’abord quasi absente du champ, comptait en 2018 34 % de connectés (+ 20 % en un an).(...) Ce mode inédit de communication habitue plus aisément au relâchement des allégeances et à la contestation, comme le suggèrent les récents processus révolutionnaires, notamment à la faveur des printemps arabes, ou encore les mobilisations transnationales à orientation altermondialiste.(...)Dans un contexte de méfiance plus ou moins affirmée contre la mondialisation, elle construit mondialement sa contestation, en distingue les enjeux et façonne le débat qui l’entoure. Dans cette capillarisation croissante des modes de socialisation et de mobilisation, les leviers intersociaux l’emportent de plus en plus sur le monolithisme hégémonique, plaçant le politique en posture réactive et défensive plus que proactive et offensive."

Ce à quoi me semble t-il répond la réorganisation de l'Etat sur des logiques néolibérales.


- l'hégémonie au défi de la privatisation : "Si on pose l’hypothèse d’une hégémonie américaine aujourd’hui, les images ne sont plus les mêmes. La thèse du complexe militaro-industriel devient bien plus difficile à plaider, à l’heure de la différenciation des acteurs et des intérêts. Le nombre des entreprises d’armement a fléchi dans la post-guerre froide et celles-ci, qui comptaient jusqu’à un million trois cent mille salariés en 1960, n’en possèdent plus qu’un demi-million aujourd’hui. Des dissensions ont fissuré le complexe, dès la fin des années 1970, à propos des missiles ABM ou du bombardier B18. Surtout, la montée du néolibéralisme, déjà analysé, révise la conception classique : l’armement tend à devenir synonyme de dépense improductive, liée à un État qui, de surcroît, en vient à se surendetter et n’apparaît plus comme un moteur de croissance." (pp. 134-135) Encore qu'il me semble qu'ici, l'auteur va un peu vite en besogne.  S'il est certain que les EUA ont perdu le monopole de la force et donc qu'ils hésitent de plus en plus à intervenir militairement dans le monde, dont ils se désengagent, leur puissance militaire reste leur principale force diplomatique et les dépenses militaires ne sont pas plus légères. Les dépenses militaires américaines s’élevaient, en 2018, à 649 milliards de dollars (3,1 % du PIB national), soit plus que les sept suivants du classement réunis. La Chine – qui occupe désormais la deuxième place de ce palmarès – n’atteignait que les 250 milliards, tandis que le troisième (l’Arabie saoudite) en était à 69 milliards. Parmi les quinze premiers du classement figurent sept États membres de l’OTAN, laquelle organisation couvre à elle seule plus de 50 % des dépenses militaires mondiales avec 900 milliards de dollars annuellement déboursés. La tendance va même en se renforçant, puisque l’administration Trump a porté cette somme à 700 milliards pour l’exercice budgétaire 2018…

"Si hégémonie il y a, elle se décentralise, connaît une incarnation complexe et multiple, inclut désormais cette multitude presque infinie d’acteurs dont les liens sont moins directs et moins explicites : elle se partage entre des firmes multinationales de plus en plus nombreuses et juridiquement sophistiquées, des médias galvanisés par le progrès des communications, des associations, lobbies, réseaux de toutes sortes, universités, think tanks, centres de recherche, sans oublier les acteurs religieux et, en tout premier lieu, les nombreuses Églises néoprotestantes dont les prolongements hors des États-Unis sont particulièrement actifs dans les pays du Sud, à l’instar du rôle qu’elles jouèrent dans l’élection de Jair Bolsonaro au Brésil… L’homogénéité et la solidarité de tout cet ensemble sont sujettes à caution, et réclament, en tout cas, beaucoup de nuances." 
"En outre, tous ces « tyrans privés » (l'expression est de Noam Chomski) ne sont pas américains : ils peuvent être chinois, allemands, japonais ou néerlandais… La prise en compte de leur nationalité demande la même prudence : la nouvelle génération de firmes multinationales maîtrise ce jeu subtil d’accords en rhizome avec d’autres firmes, donnant naissance à des interconnexions complexes et peu visibles, à tel point que la nationalité elle-même s’efface devant un patriotisme de firme qui tend à jouer sa propre carte. Cette privatisation de l’hégémonie vient déstabiliser celle-ci dans ses principes, jusqu’à lui substituer l’hypothèse des micro-tyrannies qui s’ajoutent les unes aux autres… (p. 135-136)


 
- l'hégémonie au défi de l'interdépendance : "la mondialisation suscite-t-elle une autre transformation majeure, cette fois en réduisant la pertinence du dogme classique de la souveraineté. Par l'interdépendance, l’hégémon se trouve atteint dans ses capacités, voire dans ses prétentions : il devient tout aussi sensible aux impacts du faible et constamment dépendant du contexte dans lequel il agit. Ainsi la surprenante « dépendance de l’hégémon » à l’égard des autres s’impose-t-elle comme un paramètre déterminant des relations internationales contemporaines" = dépendance énergétique, solidarité croissante des économies nationales, dépendance à l'égard du commerce mondial et des approvisionnements, dépendance aux biens communs (eau, air...)



 

PS : j'ai choisi un angle à travers le livre de B. Badie pour le mettre au service du programme d'HGGSP 1ère. Il y a bien plus dans le livre qui retrace la généalogie de la notion d'hégémonie et à travers elle, propose une analyse géopolitique des relations internationales depuis l'époque moderne. On n'apprend rien de fondamentalement nouveau par ce livre, mais il a le mérite de recomposer l'histoire occidentale à travers ce prisme et, comme il est relativement récent, d'actualiser certaines données. Au final, je recommande son livre, malgré un ton parfois goguenard-sentencieux que j'ai trouvé assez déplaisant et des jugements à l'emporte-pièce que j'aurais aimé plus argumentés.


Je livre aussi en ouverture les powerpoint de ma leçon "les Etats-Unis et le monde : de la construction de la puissance aux doutes" (ancien programme de Term). Ce n'est pas l'OTC à proprement dit, mais un complément pour les élèves, aussi les idées principales sont notées dans le pwpt. 

mercredi 23 décembre 2020

Une leçon de journalisme : l’information dans un épisode de The Newsroom

 

Dans le cadre du programme de 1ere HGGSP, sur le thème des médias et de l'information, je vous propose une séance de réflexion sur les conditions de la production et de la diffusion de l'information politique. Personnellement, je découpe le thème en plusieurs points qui ne suivent pas exactement l'ordre du programme.

  • un chapitre introductif qui présente les évolutions techniques et sociétales du monde des médias depuis le 19e siècle, ce qui permet de dégager quelques grandes pistes de réflexion sur le thème
  • un chapitre sur les rapports entre les médias et le pouvoir politique depuis l'âge d'or de la presse jusqu'à nos jours
  • un chapitre sur ce qu'est l'information : pratiques et déontologie journalistiques,  limites et problèmes à l'heure de la post-vérité et de la circulation des fausses nouvelles sur Internet ou ailleurs ...

C'est donc en début de 3e chapitre que je propose aux élèves l'activité suivante. Après avoir posé les règles de la production d'information (qu'est-ce qu'une information, le point de vue journalistique, la hiérarchie de l'information, les règles de déontologie des journalistes ...), cet exercice est l'occasion de les approfondir en mettant la théorie au grill de questions concrètes.

De plus, à partir des questions abordées dans l'épisode (confrontation entre les journalistes et les propriétaires de la chaîne), l'épisode sert d'introduction à la suite du travail : dangers , problèmes et limites de l'information aujourd'hui.

Présentation de l'activité : il s'agit de réfléchir à ce qu'est le journalisme d'information à partir des propositions faites dans l'épisode 3 de la saison 1 de la série The Newsroom ("The 112th Congress")

C'est une série de HBO (3 saisons entre 2012 et 1014) dont le show-runner est Aaron Sorkin, connu pour A la maison blanche.

J'extrais de l'épisode 5 longs passages , ce qui fait que les élèves auront vu presque tout l'épisode, moins les moments qui relèvent des interactions fictionnelles entre les personnages. Comme mon titre l'indique, tout l'épisode est une leçon de journalisme à l'américaine..

Document annexe : je m'appuie sur l'excellent article d'analyse de la série du site Culture VOD. C'est à ma connaissance le seul en français. J'en cite quelques extraits dans la fiche d'activité, mais l'article est bien plus riche : il s'intéresse notamment à la réception de la série aux Etats-Unis et la replace dans le contexte de la montée du populisme qui a conduit à l'élection de Trump.

https://culturevod.fr/the-newsroom-a-lere-trump-la-tragedie-de-don-quichotte


Compétence et déroulé de la séance : Les élèves visionnent les extraits. Je leur fournis un questionnaire assez sommaire, qui les interroge aussi bien sur le contenu que sur la forme (cf ci-dessous). Les questions sont le prétexte à un débat qui doit faire émerger leurs représentations du travail journalistique et les faire se confronter aux enjeux présentés dans l'épisode.

 

Si vous n'avez pas l'épisode, me contacter.

Pitch :

Jeff Daniels incarne Will McAvoy, présentateur d'Atlantis Cable News, qui prend un congé obligatoire après une tirade publique sur les lacunes de l'Amérique lors d'un débat politique. Inénarrable scène, que je conseille fortement ! À son retour comme présentateur de NewsNight, il découvre que la plupart de ses collaborateurs ont démissionné. Voyant l'occasion de revenir aux jours de gloire des nouvelles télévisées au lieu de l' info-divertissement axé sur les cotes d'écoute , son patron Charlie Skinner a embauché l'ex-petite amie de Will, MacKenzie McHale en tant que nouveau producteur exécutif. McHale partage la vision de Skinner des nouvelles télévisées.

 

Le générique

«  Nostalgique, la série rappelle la gloire du grand journalisme américain. La série s’inscrit dans une longue tradition américaine du journalisme engagé et réformateur. Une culture qu’il est important de rappeler à une époque où l’opinion doute de ses médias et où le discours politique prétend échapper à leur surveillance. Les héros de The Newsroom portent en eux un héritage. A travers ces archétypes moraux, leur combat tragique et leurs discours flamboyants, Sorkin dresse le portrait d’une Amérique toujours fière de son 4ème pouvoir et fait appel aux icônes de sa gloire passée. A plusieurs reprises, la série invoque ses références. Murrow, le pionnier du nouveau journalisme diffusé à toute la nation grâce à la télévision, homme engagé et déterminé, opposant farouche du maccarthysme* et instrument de son effondrement. Cronkite, dont la couverture critique du Vietnam et du scandale du Watergate* lui a valu une réputation irréprochable et une influence inégalée. »

* il est d'ailleurs fait allusion au maccarthysme et à la chasse aux sorcières dans la dernière scène de l'épisode. Il s'agit donc d'un moment particulièrement traumatisant de la Guerre Froide. Le sénateur McCarthy dans au début des années 1950 a mené une commission du Sénat qui a enquêté sur des millions d'américains soupçonnés de sympathies communistes. L'objectif était d'écarter les "rouges" de l'appareil d'Etat et du milieu de la culture et des médias. Si McCarthy chute rapidement (1954) du fait de ses outrances, la paranoïa et la cascade d'accusations/dénonciations qui marque la période destabilisent grandement le modèle américain.

* vu dans la leçon précédente, tout comme la notion de 4e pouvoir.

Questions :

  1. Comment le générique installe t-il d'emblée ce ton nostalgique ?
  2. Que signifie le mot "nostalgie" ? Qu'est-ce que l'emploi de ce mot révèle du destin des valeurs portées par la série ?
  3. Vérifiez avec ce qui suit : le pitch des 3 saisons de la série.

"La série suit les tribulations d’ACN, une chaîne d’informations qui tente de promouvoir un débat d’idées structuré et raisonné, pris dans le tumulte d’une opinion publique qui se déchire et de la radicalisation du débat politique.

Dans la Saison 1, un changement de mentalité à la tête de la production entraîne la chaîne dans un combat contre l’idiocratie ambiante et la rhétorique délétère du Tea Party. L’audience est emportée par le fantasme de cette arrière-garde intellectuelle, ultime rempart de la démocratie.

La Saison 2 voit le rêve se muer en cauchemar alors que ses personnages font l’expérience de l’échec. Tous les idéaux du monde n’ont pas su les prémunir d’une faute professionnelle et éthique humiliante. Malgré leurs discours, ces héros n’en demeurent pas moins faillibles. Un retour à la réalité froid et bouleversant.

A l’aigreur de ses personnages, la Saison 3 ajoute le supplice de son public quand la chaîne doit accepter de compromettre ses idéaux pour exister. Pendant cinq épisodes insoutenables à qui s’est laissé emporter par l’idéalisme des premiers jours, elle trahira toutes ses promesses et ses ambitions passées pour devenir la caisse de résonnance des réseaux sociaux. Une tache indélébile sur sa vertu que l’ultime épisode tentera de racheter en caressant la promesse d’un compromis. Une conclusion qui se veut en demi-teinte mais ne peut atténuer l’amertume d’un espoir final qui sonne faux."

Scène d’ouverture de l’épisode 3 [2 :26 -8 :08]

(temps dans la fiction = automne 2010 avec des flashbacks sur l’année écoulée)

Tout en faisant un éditorial, Will s'excuse pour les bulletins d'information précédents et promet à ses téléspectateurs une meilleure émission, ce qui va contrarier le PDG de la société mère d'ACN. Le reste de l'épisode est structuré à partir de la réunion entre Charlie Skinner et les actionnaires de la chaîne qui listent ce qu'ils lui reprochent, une série d'émissions qui vont à l'encontre de leurs intérêts. C'est l'occasion de flash-back sur les mois écoulés depuis la scène inaugurale jusqu'à la soirée d'élection du 112e Congrès des Etats-Unis. La fin de l'épisode délivre la décision de l'actionnaire sur l'avenir de l'émission.

 

Remarque :

La série repose sur l’entrelacement des moments fictionnels plus ou moins légers sur l’histoire des personnages (avec un ton plutôt sitcom) et un ancrage hyper-réaliste obtenu de deux manières :

 1) par les références à des moments d’histoire des Etats-Unis : cf dans la scène d'ouverture, il est fait référence à David Sarnoff qui a fondé National Broadcasting Company(NBC) et a passé une large partie de sa carrière à Radio Corporation of America (RCA) et à William S. Paley qui fut le fondateur et le directeur de CBS.

2) par l’utilisation de documents d’archives télévisuelle et l’inscription de la fiction dans le temps du réel. C’est le cas ici avec l’audition, qui date de mars 2004, de Richard Clarke. Il fut notamment le coordinateur national pour la sécurité, la protection des infrastructures et le contre-terrorisme dans le Conseil de sécurité nationale des États-Unis de 1998 à 2003.

 

  1. Quelles sont les valeurs et les pratiques d’un bon journaliste d’information ?
  2. Comment la série explique-t-elle le pervertissement des émissions d’informations ?
  3. Comment dramatise-telle les enjeux d’une bonne information ?

 PS : après l'avoir expérimenté avec les élèves, il vaut mieux commencer par la question 3 et remonter ensuite l'ordre des questions

Les points de réflexion = rappel du lien entre démocratie et opinion publique "éclairée" (Q3) comment la publicité peut-elle influencer les sujets du journal et leur traitement (Q2) + point de vue et objectivité journalistique (Q1)

2e scène : l’attentat à la bombe dans Times Square [10 :17-13 :05]

Le 1 er mai 2010, à New York, une bombe est découverte par des passants dans une automobile garée près de Times Square. Le 2, le Mouvement des talibans du Pakistan (Tehrik-e-Taliban Pakistan, T.T.P.) revendique la tentative d'attentat et déclare que celui-ci devait être une réponse aux attaques des drones américains au Pakistan.

Charles Skinner doit se justifier devant la direction de la chaîne des choix éditoriaux de son émission News Night.

  • Quel traitement de l’attentat raté dans Times Square a été décidé en conférence de rédaction ? Pour quelle raison d’après vous ? Qu'en pensez-vous ?
  • Qu’est-il reproché à Charles Skinner ?

 => à la conférence de rédaction, les règles du journalisme ont-elles été suivies ?

3e scène : le traitement du Tea-Party [26 :10 –30 :45]

« The Newsroom  a anticipé le mouvement populiste qui a porté Trump au pouvoir. Diffusée entre 2012 et 2015, la série apporte un regard critique sur l’ascension du Tea Party et la dangerosité de sa rhétorique populiste, qui s’est emparée du débat public aux Etats-Unis. The Newsroom évoque des enjeux qui semblent toujours très actuels : le noyautage du Parti Républicain par les partisans du Tea Party et la transformation -ou radicalisation- idéologique du « Grand Old Party ». Dans la série comme dans la réalité, il semble parfois qu’être fondamentaliste, homophobe, anti-science et xénophobe soit devenu l’abécédaire du parti conservateur.

The Newsroom montre comment de rares Républicains opposés à la nouvelle ligne, résolument anti-libérale et fermée à la coopération extra-partisane, se voient sanctionnés et limogés par le Parti. Une représentation de la stigmatisation et de la répression au sein du GOP presque trop fidèle. Les conservateurs les plus radicaux ont désormais l’habitude de désigner des moutons noirs parmi leurs collègues les plus modérés. Ce sont des RINO, « Republicans In Name Only » (« Républicains seulement dans le nom »), aux positions jugées trop libérales et progressives. Une radicalisation profonde de l’échiquier politique américain saisissante qui n’épargne personne. [ on en a un exemple dans l'épisode : S1 E03 24:11- 26:05] Trump s’en est récemment pris à Mitt Romney, l’ancien candidat Républicain à la présidence des Etats-Unis en 2012, qu’il a qualifié de RINO en raison de sa posture modérée sur le coronavirus. Une critique relayée par les fidèles du président au sein du parti et des médias conservateurs. En résulte un climat politique profondément malsain, dans lequel des élus Républicains pratiquent l’autoradicalisation de peur de s’attirer les foudres l’exécutif et du parti qui pourrait les exclure. »

  • Qui sont « Charles » et « David » ?
  • Comment voit-on dans l’extrait que l’interview des deux membres du Tea Party a été minutieusement préparé ?
  • Quel est l’objectif, du point de vue des journalistes, de cet interview ?
  • A votre avis, quelle est la leçon de journalisme donnée par cette scène ?
  • A votre avis, est-ce cela le journalisme ? Comparez avec les médias français. D'une façon générale, comment se déroule l'interview d'un homme ou d'une femme politique ? Comment justifier cette différence dans le ton et dans la posture journalistique

 Approfondissement possible : comparer une conférence de presse d'un président des EUA et celle  d'un président français.

Dernière scène de l’épisode [51 :07-fin]

On est le lendemain de l'élection du 112e congrès des Etats-Unis dans laquelle 21% des membres du Congrès a été remplacé, essentiellement par des membres du Tea Party. C'est donc un échec pour les journalistes de News Night qui avaient l'espoir d'éveiller les consciences.

rappel : liens entre média et opinion publique (schéma vu dans la leçon introductive)

Confrontation entre le directeur exécutif et l’actionnaire majoritaire de la chaîne. Décision finale.

  • Quel est l’objet du « débat » ?
  • Relever les arguments des deux protagonistes.
  • Est-ce l’argent ou le lien avec le pouvoir politique qui pose problème ici ?
  • Dernière phrase "surement pour me féliciter". Charles Skinner est-il naïf ou idéaliste ?

 


 

mardi 20 octobre 2020

Les frontières du royaume de France au Moyen Age

Résumé de l'article " Frontière idéelle et marqueurs territoriaux du royaume des Quatre rivières (France, 1258-1529)" de Léonard Dauphant, dans Entre idéel et matériel 


JP Genet a initié une énorme entreprise éditoriale d'une série d'actes de colloques ayant comme thématique commune le pouvoir symbolique en Occident (1300-1640), publiés conjointement par les Éditions de la Sorbonne et l’École française de Rome. Dans ce cadre, Entre idéel et matériel se focalise sur l'espace, dans une série de 5 colloques sur les vecteurs de l'idéel à l'échelle franco-italienne, et a été coordonné par Patrick Boucheron dont le travail sur les espaces du pouvoir à Milan est bien connu.

L'article s'ouvre sur une anecdote plutôt amusante que je livre in extenso

"Le 7 janvier 1410, le Lyonnais Imbert de la Chèze rend hommage pour sa terre de Molesole, sur les berges du Rhône. Il explique qu’autrefois, il était vassal du comte de Savoie quand son bien était en rive droite du Rhône. Mais le Rhône a changé de cours : Molesole est maintenant en rive gauche. La Chèze rend hommage au seigneur de Vaulx-en-Velin et devient donc arrière-vassal du roi de France. Quelle est cette étrange conception du pouvoir qui amène à rompre un hommage féodal à cause d’une crue du fleuve ? Transposée dans la région frontière entre Savoie et Dauphiné, nous avons ici une conséquence de la définition de l’État français par des limites fluviales : le royaume des Quatre rivières. À partir du XIIIe siècle, l’État français a cherché à donner une définition territoriale à son pouvoir, en se rattachant au souvenir du traité de Verdun (843) : la frontière est définie par une liste géographique, la mer à l’ouest, les Pyrénées au sud et quatre rivières à l’est, Rhône, Saône, Meuse et Escaut.



Entre 1258 et 1529 (ces dates sont des moments de redéfinition de la frontière), l'état capétien assure son pouvoir dans ce cadre territorial dont il revendique la pleine et entière souveraineté d'où le conflit avec le roi d'Angleterre, son vassal pour le duché d'Aquitaine. Pourtant, la monarchie a pris le contrôle de terres au-delà des limites du royaume telles qu'elle sont présentées ci-dessus. À la logique territoriale se superposent d’autres logiques, dynastiques (accaparer l’héritage angevin en Provence) et politiques (assurer la paix dans la vallée du Rhône, pour le Dauphiné). Le tournant est en fait 1349 : le Transport du Dauphiné donne un statut particulier à la principauté, achetée par le roi mais pas intégrée au royaume. Le pouvoir royal peut s’étendre mais le royaume est fixe. La pratique souple est ainsi renforcée par une représentation stable. À la fin du XVe siècle, les seigneuries frontalières, qui se sont construites de part et d’autre des rivières-limites, ont toutes des juridictions distinctes sur chacune des deux  rives.


Les Quatre rivières apparaissent ainsi comme une des définitions majeures du pouvoir capétien, qui permet de légitimer l’État royal face aux princes. Le discours des Quatre rivières est un discours d’État, énoncé d’en haut ou du "centre" contre les concurrents de la monarchie. Il fixe la limite du ressort de la justice royale (l'appel toujours possible à son parlement). Il impose une représentation générale qui ne prend pas en compte les réalités multiples du terrain et, de fait, rares sont les segments frontaliers effectivement fixés sur le cours des rivières. Il s’agit d’une stylisation, mais, en descendant à l’échelon local, trouve-t-on un véritable contrôle de la limite par le pouvoir central ou la limite est-elle une marge contrôlée indirectement ?

Trois cas concrets sont ensuite présentés car ils offrent trois degrés de domination de la limite : nulle (les Pyrénées) ou plus ou moins indirecte (le Roussillon et la Champagne orientale).

Dans les Pyrénées, il n'y a pas d'officiers royaux : Les communautés des vallées françaises et castillanes marquent leurs limites sur les crêtes et régulent elles-mêmes leurs conflits frontaliers selon des modes traditionnels. Ces communautés demeurent longtemps hors de portée des pouvoirs, castillans comme français. La frontière n'est tracée que sous Napoléon III. En revanche, à l'est, à la limite du Roussillon aragonais, la frontière est puissamment défendue par des forteresses françaises dès l'époque de Louis IX (St Louis). En Champagne orientale, dans le bailliage de Chaumont, la situation est encore différente. Le centre de contrôle royal est la forteresse et le péage d’Andelot. En retrait de la limite, il surveille une route qui est une des « issues du royaume » : depuis la fin du XIIIe siècle, la monarchie a organisé et sécurisé un itinéraire obligatoire pour les marchands, jalonné de péages. Ce seuil reste très en retrait de la frontière de Barrois et de Lorraine. Dans le bailliage de Chaumont, la monarchie n’est ni loin ni près : elle délègue ses intérêts locaux à une dynastie, les Baudricourt qui donne 6 baillis entre 1385 et 1516. La forteresse frontalière est privée, mais de fait au service du roi.


Ces situations diverses montrent un pouvoir plus intéressé par la défense de principes territoriaux généraux que par le marquage frontalier, surtout dans les zones les plus éloignées. Mais qu’en pensent les habitants de la limite eux-mêmes ? Pour eux, la limite est-elle une réalité, matérielle et idéelle ?

En Picardie, pays riche et densément peuplé, où le pouvoir capétien est très présent depuis ses origines, la frontière est polarisée par des seuils, souvent des arbres plantés au bord des grandes routes commerciales qui mènent de Paris aux villes des Pays-Bas. On s'intéresse ici à un exemple de délimitation entre le domaine royal et les fiefs puisque Artois et Flandres font partie du royaume (en revanche, sur la carte ci-dessous, on voit aussi la limite du royaume avec l'Empire)

A partir du XIe siècle, le Tronc Bérenger est le symbole de la frontière picarde. Situé entre Bapaume et Péronne, sur la grande route de Paris à la Flandre, près de l’abbaye d’Arrouaise, il délimite les conduits et accueille les rites de franchissement : Philippe Auguste y aurait épousé Isabelle de Hainaut en 1180 selon les Grandes Chroniques de France. À partir de 1202, l’arbre-frontière est doublé par le péage de Bapaume : ce passage devient une des issues du royaume, obligatoire pour les marchands. Aux XIIIe et XIVe siècles, le point est fréquemment pris pour la ligne : passer l’arbre signifie changer de pays. Selon un accord entre Louis VIII et l’avoué d’Artois, l’Artois est tenue du roi entre le cours de la Lys et le Tronc Bérenger (vers 1224). Plus tard, les coutumes du nord de la France définissent l’aubain (étranger) comme celui qui est « né outre le Tronc Bérenger». Cet arbre avait une épaisseur historique et mythique égale à celle des Quatre rivières, mais qui mêlait le sacré et le profane. Selon la Vita des saints Luglius et Luglianus, ces deux frères irlandais partis en pèlerinage d’Irlande à Rome sont martyrisés à Lillers en Artois (vers la fin du VIIe siècle ou au début du VIIIe). La Vita précise qu’ils ont été tués par trois frères bandits, Bovo, Exelmus et Berengerius, dont la tombe donne son nom à l'arbre-frontière.
En 1442, une enquête compile les tarifs du péage de Bapaume pour le duc de Bourgogne. L’enquête est précédée par un récit des origines : celui-ci insiste sur la forêt, dangereuse pour les marchands car repaire de voleurs, dont le fameux Bérenger. Les habitants auraient fait appel au comte de Flandres qui fit raser la forêt et construire la tour de Bapaume. Dans cette enquête ducale, les saints martyrs ont disparu, la mémoire de la frontière s’est sécularisée. Ce n’est plus l’abbaye qui pacifie la région, mais le comte de Flandre, héros civilisateur et prédécesseur de Philippe le Bon, qui rase la forêt et fonde Bapaume. Les officiers ont remplacé les bandits sur les lieux de leurs forfaits et les moines dans la transmission de la mémoire ; les abbayes ne sont plus que les sites des bureaux de douane. Mais c’est toujours autour du Tronc Bérenger que s’organisent l’espace et le temps, dans un vertigineux passage des origines féodales et monastiques à l’émergence de l’État fiscal moderne.

conclusion
Le roi de France capétien n’a pas l’auctoritas d’un empereur sans État, ni la potestas d’un roi de guerre : il choisit d’être empereur dans les limites de son royaume, soit une forme de pouvoir et une forme d’espace. Sa souveraineté est limitée en étendue, non en intensité. Sous François Ier, les Quatre rivières demeurent comme cadre mental mais passent au second plan : le roi de justice devient un roi de guerre, le paradigme de la potestas supplante celui du ressort de justice. La frontière se durcit. On est désormais plus sensible aux incohérences entre l’idée et le terrain. Mais un héritage est manifeste : le royaume a reçu une définition souple mais stable. Il est un cadre de pensée qui permet d’énoncer l’espace de la « nation France » : à l’évidence géographique répond alors l’évidence historique et politique.






















samedi 27 juin 2020

Pouvoir et marges : La pensée de l'empire chez Ibn Khaldoun et ses avatars dans Dune de Frank Herbert

A partir du livre de Gabriel Martinez-Gros, La fascination du djihad, PUF 2016
A partir des livres de Frank Herbert, la série des Dune




Pourquoi Dune ?
Livre de science fiction, fondateur du genre space-opera et prototype de ce que l'on appelle un "livre-monde", Dune dont le premier volume a paru en 1965 (6 tomes écrits par Frank Herbert jusqu'en 1985), en plus d'être le livre de science-fiction le plus vendu au monde, a irrigué tout l'imaginaire de la science-fiction depuis les années 1970. Il inspire notamment Star Wars de G. Lucas, sorti sur les écrans américains en 1977 dont l'esthétique et les codes artistiques furent eux aussi très prolifiques. 
Par ailleurs, les thématiques qui s'entrecroisent dans le tissu narratif sont  universelles (pouvoir, religion, relation homme/science/nature) mais résonnent particulièrement dans la période actuelle : la foi en un absolu permet-elle ou anéantit-elle la liberté des hommes ? comment les sociétés humaines peuvent-elles s'adapter au changement permanent et néanmoins brutal de leur environnement ? comment gérer politiquement et économiquement la rareté des ressources ? 

Bref lire les romans de Frank Herbert, c'est ouvrir un univers vaste de questions, souvent sans réponse unique et ce pour plusieurs raisons : Tout d'abord parce que  presque tous les protagonistes de l'histoire étant des "ordinateurs humains" (mentats ou formés aux techniques bene gesserit), ils ont des raisonnements particulièrement complexes, et les dialogues et "voix off" sont volontairement elliptiques (ils sont censés penser plus vite que nous et donc ils "sautent des étapes", c'est souvent exaspérant, il faut bien le dire) ; ensuite parce que la pensée de Herbert n'est ni figée ni didactique et expose les points de vue différents des différents personnages sans parti-pris affirmé. Sur la longueur du cycle, en revanche, une constante apparaît : Dune est bien une dystopie, elle présente les dangers de la pensée figée, que ce soit les absolus en politique et dans la religion ou même le respect trop strict des codes sociaux, car elle empêche les sociétés de s'adapter au changement. Toute tentative de contrôle du changement (la sélection génétique par l'ordre féminin du bene gesserit par exemple) est également vouée à l'échec.

Dans le cadre des programmes d'HGGSP, il y a de multiples portes d'entrée pour utiliser Dune. 

  1. La géopolitique de l'épice, ressource essentielle aux déplacements et donc au contrôle de l'empire peut être aisément reliée à la prise de contrôle de la production de pétrole par les pays de l'OPEP à partir de 1960, mettant en échec, par la nationalisation, les cartels pétroliers occidentaux (les majors, les "7 soeurs", la CHOM dans Dune). C'est précisément le contexte de rédaction du premier volume de Dune. Il y a là indéniablement un écho de l'Histoire. Le pétrole, comme l'épice sont indispensables aux déplacements et à l'économie des empires, occidental et intergalactique. Or, c'est une ressource "rare" car strictement géolocalisée dans une région qui, par conséquent, a été soumise au contrôle de la puissance dominante. Paul Muad'Dib, fils du duc Leto Atréides à qui l'empereur a confié le gouvernement de la planète Arrakis, se réfugie dans le désert à la suite d'un complot de l'ennemi héréditaire le baron Harkonnen, soutenu en sous-main par l'empereur lui-même, il s'allie aux Fremen pour reconquérir Arrakis mais aussi pour prendre le contrôle de l'empire. Pour cela, il doit forcer et la guilde des navigateurs intergalactiques et la CHOM qui contrôle le commerce et le conseil des grandes familles régnantes (le Landsraat) de lui faire allégeance : pour cela, il menace de détruire l'épice car "qui peut détruire l'épice détient le vrai pouvoir", dit-il.
  2. Le thème de la transformation environnementale est également au programme de Terminale et ici encore, Dune peut être utile. Le lien entre transformation environnementale et transformation sociale est au cœur du volume 3, Les enfants de Dune. -suivre ce lien pour une conférence sur l'écologie dans Dune- C'est une piste sans doute plus facile à mettre en oeuvre à partir d'extraits du livre.
Car le souci, c'est la mise en oeuvre didactique. Le volume 1 est épais, les fils à tirer sont dispersés et ténus. Il n'est pas envisageable d'en prendre un extrait pour en faire l'analyse. Quant au film de David Lynch, il est tellement daté et mauvais qu'on ne peut pas décemment le recommander aux élèves. Il existe une mini-série, mais ancienne, aussi je doute qu' elle soit visible sur le web et 4 jeux vidéos, eux aussi anciens.

Aussi, la piste qui me semble la plus intéressante est celle que je vous propose ici : un peu de sciences politique médiévale...

Qu'est-ce qu'un empire ? Comment se crée t-il ? Comment se maintient -il ?

Il me semble qu'on peut utiliser la pensée d'Ibn Khaldoun comme grille d'analyse de Dune, et inversement, se servir de Dune pour illustrer et incarner les théories d'IK.

Ibn Khaldoun (1332-1406) né en Tunisie d'une famille andalouse émigrée. 


L'empire de Tamerlan (1336-1405)
Le rôle de l'économie
Sa théorie de l'histoire, née en terre d'Islam mais d'ambition universelle, pense le "mouvement des sociétés", dans une approche très originale pour l'époque (IK est contemporain de la grande vague de peste noire) c'est-à-dire l'explication de la politique par l'économie, alors même que les progrès économiques sont si lents qu'ils sont invisibles donc impensés par les intellectuels depuis l'antiquité jusqu'au 18e siècle.
On peut résumer l'enjeu de la pensée d'Ibn Khaldoun en une seule question : comment créer de la richesse dans une société qui n'en crée pas spontanément, ou dont on ne perçoit pas le progrès ? La réponse, c'est qu'il faut la mobiliser artificiellement par la coercition. Le tribut qu'infligent les conquérants aux conquis, ou l'impôt qu'exige le pouvoir de ses sujets permettent l'accumulation des richesses, et donc des hommes et des compétences, dans un lieu dédié, la ville. La tâche fondamentale et fondatrice de l'État, c'est en effet la collecte de l'impôt. Or celui-ci n'est pas consenti spontanément. Il faut donc exercer une force coercitive pour l'imposer à une population qui doit être désarmée. D'où l'opposition fonctionnelle opéré par IK entre sédentaires (le peuple de l'Empire pacifié) et bédouins (la force au service de l'empire). En échange de l'impôt, l'empire offre à ses sujets soumis toutes les protections souhaitables – militaire, policière, judiciaire, sociale. 

Dans cet extrait d'un reportage de ARTE, l'empire perse de Darius a conquis puis pacifié un vaste empire, dont les habitants lui doivent l'impôt. Or l'impôt est la forme impériale du tribut que le conquérant impose aux peuples vaincus.

Le rôle de la violence
Dans le même temps, l'empire doit mobiliser une armée coûteuse, à la fois pour intimider son troupeau producteur et lui faire rendre l'impôt, mais surtout pour protéger ce troupeau qu'il maintient désarmé contre les prédateurs extérieurs.
Le pouvoir impérial n'a d'autre recours que de confier la charge de violence qu'il interdit à ses sujets à quelques-unes de ces tribus hostiles afin de s'en assurer l'alliance contre les autres. La part violente et « bédouine » (pour reprendre les termes d'Ibn Khaldoun) de l'empire peut être acquise par l'achat de tribus mercenaires (c'est déjà le cas dans l'empire chinois au Ier siècle avant notre ère), ou tout simplement par l'invasion, dont la victoire fournit paradoxalement au système impérial les forces qui lui sont nécessaires. À terme, le résultat est à peu près le même : le pouvoir revient à ceux qui ont la charge des fonctions de violence, parce qu'ils ont les armes, qu'ils conquièrent ce pouvoir par l'invasion, ou qu'ils en héritent en assurant les fonctions armées qui leur ont été volontairement confiées (les Barbares des dernières générations de l'Empire romain sont ainsi dans les deux rôles d'envahisseurs et de défenseurs).

Ces tribus sont violentes à la mesure de la privation de violence des majorités qu'elles protègent, gardent ou intimident. L'empire crée, à ses frontières, des réserves de violence que la tribu naturelle, ignorante de l'existence de l'État impérial, ne montre jamais. Il s'y ajoute le mépris et l'aversion que les tribus manifestent pour la civilisation urbaine, et parfois la haine religieuse pour la décadence de la civilisation impériale (dans le cas des arabes musulmans historiquement)
Si l'empire aiguise la violence à ses marges, c'est parce qu'il est radicalement pacifique en son centre.
Mais il survit et se développe car, comme l'explique Ibn Khaldoun, c'est sur l'infinie fragmentation du monde bédouin que repose la fragile tranquillité du monde sédentaire. Le rôle du pouvoir est donc de jouer des divisions, de tenir l'équilibre instable des tensions.

Mais la violence solidaire des bédouins plongés dans la société sédentaire s'y érode et s'y corrompt. Le processus de désarmement et de pacification de l'État s'exerce aussi sur sa propre violence. La tribu disparaît parce qu'elle ne sert plus à rien, parce que l'État impérial pourvoit à tout.
Dans sa volonté de régner seul au détriment des chefs qui partageaient autrefois avec lui la décision dans le conseil, le roi accentue puis précipite la décomposition de sa tribu, qui l'a pourtant hissé au pouvoir. Ses sages ministres lui font en outre voir que la tribu, tant qu'elle est armée, est une menace pour l'essence même de l'État, c'est-à-dire pour la tranquille levée de l'impôt. Enfin, la crise finale des dynasties selon Ibn Khaldoun : l'hypertrophie de l'appareil d'État y écrase une économie déjà anémiée.

Selon Ibn Khaldoun, l'histoire est ce processus de déperdition qui dissout des ethnies créatrices d'empires pour en faire des populations sédentarisées, désolidarisés, indifférenciées, incapables de création historique. En un siècle ou deux, ceux dont les ancêtres ont forgé l'histoire la quittent pour rejoindre le troupeau sans nom des producteurs contribuables. L'empire tue ceux qui le font.

Le rôle de la religion
IK s'en explique dans les chapitres qu'il consacre au califat et dans la comparaison qu'il mène, dans ces mêmes pages, entre les trois monothéismes. Fidèle à la vision unanime des auteurs médiévaux, il ne sépare pas la religion de son incarnation impériale, ou du moins de sa forme politique. Par définition, la religion est ce qui donne corps et forme à un peuple, et à l'inverse, un peuple se définit d'abord par sa religion. La preuve de la véracité de la religion, c'est qu'elle règne. Le christianisme, c'est Rome – et les chrétiens sont couramment nommés Rûm, « Romains » ; le judaïsme, c'est le royaume d'Israël ; l'islam (la religion musulmane), c'est l'Islam (l'empire islamique) ; s'il l'avait mieux connue, Ibn Khaldoun aurait ajouté que le bouddhisme, c'est la Chine.
La fondation de ces empires religieux suppose donc à la fois une croyance prosélyte – une dawa, un appel, une cause – et ce qu'Ibn Khaldoun nomme une assabiya, c'est-à-dire un rassemblement de solidarités tribales ou bédouines animées par cette cause religieuse et par l'ambition commune de conquérir l'espace sédentarisé dont l'existence d'un empire est inséparable. En un mot, un empire naît d'une conquête souvent dictée par une foi religieuse.
Mais c'est ici qu'apparaissent déjà les différences. Le judaïsme fut d'emblée une dawa – une foi et surtout une Loi, que Moïse reçut sur le Sinaï –, mais sans assabiya, sans peuple capable d'en faire un royaume. Les Hébreux vers lesquels Moïse revint avec les commandements divins étaient des sédentaires, les plus vils des sédentaires, puisqu'ils sortaient de l'esclavage et donc d'une totale dévirilisation. Pour en faire ce peuple qui conquit Canaan, nous dit Ibn Khaldoun, il fallut que Moïse l'entraîne pendant quarante ans dans le désert, de sorte que la génération qui avait reçu la marque infâmante de l'esclavage disparaisse, et qu'un peuple nouveau, né du désert, acquière les vertus bédouines qui lui permirent de mettre en œuvre la Loi divine et de fonder le royaume d'Israël. Puis le royaume se sédentarisa, sombra, et le judaïsme se réduisit à une pure religion sans État. En somme, Israël en revint à la condition mutilée – une dawa sans assabiya – de ses origines.
Dans aucun de ces cas – judaïsme, christianisme, bouddhisme –, la religion et la conquête (dawa et assabiya) n'ont coïncidé, au contraire de l'Islam. La geste fondatrice de l'Islam confond en effet déploiement bédouin et message religieux, fonctions de guerre et fonctions du sacré dans la personne du Prophète, puis, dans une moindre mesure, dans celle de ses Compagnons les premiers califes. La preuve de cette union, c'est le califat, succession du Prophète à la tête du peuple et dans tous les pouvoirs qu'il a exercés – à l'exception de la prophétie, bien sûr ; et c'est le djihad, qu'il a ordonné et que ses Compagnons ont mené à bien en lançant les Arabes à la conquête du monde. La guerre associée à la religion est un caractère propre de l'Islam : Le djihad est de tous les âges. Ibn Khaldoun fixe à un siècle ou un peu plus la durée de la vie moyenne d'une dynastie, au terme duquel, souvent, un djihad venu des confins l'emporte. La religion ne s'y manifeste avec une particulière véhémence que dans le camp des assaillants. La violence des nouveaux venus fait contraste avec le vieillissement timoré du pouvoir en place. Le souverain et la ville apparaissent comme déconcertés par l'intrusion d'une réalité étrangère, alors que les révoltés réformateurs ou rénovateurs ne rappellent, le plus souvent, que les principes de la geste originelle de l'Islam. (Les Almoravides, les Almohades, les Ottomans ou les Safavides ont commencé comme des sectes des confins)





Mise en oeuvre
Partir de la question : "A quoi servent les théories politiques ?"
Exemple de la théorie de l'empire d'Ibn Khaldoun (voir ici la fiche sur Ibn Khaldûn distribuée aux élèves)

Proposer un tableau synoptique structuré autour des problématiques proposées ci-dessus (qu'est-ce qu'un empire ....) : colonne 1 pensée de IK/ colonne 2 les exemples historiques sur lesquels il a réflechi / colonne 3 les extraits de Dune qui illustrent

Travail sur l'argumentation pour les élèves : justifier les relations faites dans le tableau synoptique entre la théorie politique d'IK et les extraits de Dune de Frank Herbert.

mardi 23 juin 2020

Les miroirs des princes au Moyen Age

 Un point sur les Miroirs des princes qui se base principalement sur la lecture du livre de Michel Sennelart, Les Arts de gouverner. Du regimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, Seuil, 1995.

Pour comprendre ces textes dédiés aux rois et aux princes et présentés comme des "manuels de bon gouvernement", il faut remonter aux principes de ce qui fonde la communauté chrétienne. En tant que chrétiens, la recherche en soi de la ressemblance divine qui doit conduire la vie du croyant rend les individus en société parties prenantes d'une communauté d'un type nouveau par rapport aux communautés politiques antiques. Les premiers auteurs chrétiens présentent la chose ainsi : "Ceux qui vivent selon la religion n'ont pas besoin que des magistrats les corrigent" (Jean Chrysostome -v.354-407). À la crainte qui régit les relations humaines dans la cité impériale s'opposait le libre choix dans la communauté des croyants, l'Eglise. Non qu'elle forme une communauté parfaite, mais le désordre s'il y survient, doit être corrigé sans violence, par la persuasion. Car l'Eglise est composée d'égaux, pensés comme libres et maîtres d'eux-mêmes et dont le gouvernement ne peut que s'appuyer sur la volonté. C'est le principe du libre arbitre, dont Pélage fut le principal promoteur (v.350-v.420). Cependant, avec St Augustin, qui s'est opposé aux disciples de Pélage, l'homme est aussi vu comme marqué du péché originel et donc portant en lui une corruption consubstantielle qui détruisit la liberté totale accordée par Dieu au premier homme, Adam : concupiscence et désirs sont une maladie de l'âme et une rébellion de la chair qui empêchent la volonté de s'exercer librement. Le chrétien n'a  donc d'autre choix que celui d'obéir strictement aux préceptes de Dieu, sa discipline. L'Etat a donc un rôle à jouer dans cette discipline des corps et des âmes en vue du salut et aucun chrétien ne peut vivre une vie autonome. C'est donc sur ces bases que l'institution ecclésiale a pu penser, en termes de violence nécessaire, les conditions d'un regimen chrétien. Il faut comprendre le regimen comme une modalité d'un gouvernement qui s'apparente à la gouvernance (le prince doit diriger, conduire sur la voie) et non comme la pratique simplement d'une domination.

J'en viens donc au Miroirs des princes.

Ces textes apparaissent quand des Etats se reconstituent et que le pouvoir temporel (le roi) s'affirme face au pouvoir spirituel (l’évêque, l'Eglise). Pourtant, il sont le fruit d'une évolution qui peut sembler à première vue paradoxale. En effet, l'enseignement des Pères de l'Eglise fut rassemblé aux VIIIe-IXe siècles par les auteurs carolingiens à l'intérieur de la doctrine, originale et cohérente, du ministère royal : absorption du droit naturel de l'Etat dans la justice chrétienne, subordination du pouvoir séculier à l'autorité sacerdotale. La royauté est désormais conférée par l'Eglise. Elle devient un office. Loin d'humilier le prestige du roi, cette conception relevant de ce que l'on appelle l'"augustinisme politique", a contribué à le renforcer fortement en lui conférant une dimension sacrale, par la grâce de l'onction. Le gouvernement qui consistait , pour le roi, à corriger, juger les récalcitrants et à protéger les autres, va impliquer la tâche de conduire également son peuple. De même, la "direction" qu'il organise va progressivement s'enrichir, à partir de sa mission de permettre le salut des âmes, du concept de salus publica, le Bien commun, qui a des finalités explicitement terrestres.

Les premiers "Miroirs" médiévaux sont donc carolingiens (Via regia de Smaragde de Saint-Mihiel vers 813, probablement dédié à Robert le pieux, semble être le premier) mais il faut noter que ce genre de textes politiques à destination des gouvernants n'est pas non plus complètement nouveau. Dans l'Antiquité aussi, la Cyropédie de Xenophon est un modèle dont les humanistes italiens se ré-empareront. Au Moyen Age, on trouve des textes de ce genre aussi bien au Nord (Speculum regale pour le roi norvégien Hakon le vieux avant 1263) que les Règles de conduite du gouvernant dans le monde arabe à partir du VIIe jusqu'à Ibn Khaldoun au début du XVe s. Le genre s'étoffe à partir du XIIe siècle, avec par exemple, le Policraticus de Jean de Salisbury.
Le terme de "Miroir"/Speculum n'est pas utilisé systématiquement. Il désigne des textes qui offrent au roi un idéal de justice et de bonté, censé correspondre au bon gouvernant, dans lequel le prince réel va puiser un modèle et chercher à conformer son image. Le roi lui-même peut être le miroir vivant dans lequel se reflètent les vertus qui sont enseignées dans les textes. Le roi chrétien use donc d'une autorité déléguée par Dieu. Il a pour tâche essentielle de protéger ses sujets et ils les protège d'abord dans la mesure où il règne justement, afin de les protéger de la tyrannie de leurs propres désirs. Pour cela, la foi est un pré-requis qui doit s'accompagner de la sagesse. Le roi est sapiens et litteratus, instruit en histoire et en droit, par exemple. Remarquons au passage que, quand les Italiens, aux XIV et XVes critiquent les rois de France, ils insistent sur l'ignorance des rois de France. C'est le cas par exemple de Pétrarque qui a eu l'occasion de rencontrer personnellement plusieurs rois de France et qui exprime des jugements sévères, sur Philippe VI par exemple. (Voir Patrick Gilli, Au miroir de l'humanisme. Les représentations de la France dans la culture savante italienne à la fin du Moyen Age, Ecole française de Rome, 1997, p.54 sqq.) 
De livre en livre se constitue un schème de propagande qui concilie les exigences nouvelles de la gestion de l'Etat territorial avec l'éthique sacerdotale de la royauté ministérielle. La vertu du bon gouvernant doit contrebalancer sa colère, sa violence, sa superbe et le Miroir lui indique comment moraliser sa force. L'utilité publique doit être le but du prince : en veillant à l'intérêt de chacun et de tous, le prince dirige (i.e. embarque tout le monde sur le bon chemin) en s'efforçant de maintenir dans le meilleur ordre la communauté humaine. Chez Jean de Salisbury, il domine ses sujets comme la tête dans le corps, commande aux membres, et bénéficie de privilèges qui font resplendir la hauteur de sa fonction. Ceci lui est dû à bon droit, puisque sa volonté ne saurait s'opposer à le justice. De là vient qu'on le définit habituellement comme la puissance publique et comme l'image, en quelque sorte, de la majesté divine. Le prince est transfiguré par son identification avec la loi, laquelle est un invariant, inscrit dans l'ordre même des choses voulu par Dieu.
Cependant, le renouveau du Droit latin à partir du XIIIe tend à s'opposer à cette vision d'un pouvoir royal immuable contraint par les lois de nécessité. Au nom d'une nécessité supérieure, qu'elle soit la défense du royaume, l'intérêt même du prince, les juristes créent un espace d'exception où va progressivement germer l'idée de raison d'Etat, dans laquelle le prince est au-dessus de la loi. Le concept moderne de l'Etat, qui suppose la suprématie de la puissance législative du prince sur une communauté territoriale, naît précisément au moment où s'épanouit les Miroirs des princes comme genre littéraire et politique. On en trouve aussi la trace dans certains de ces textes- voir par exemple le De morali principis institutione de Vincent de Beauvais, rédigé à la demande de St Louis vers 1260-1263. Le roi image de Dieu (Rex imago Dei), tel que le présentent ces textes, est une affirmation de la transcendance de l'Etat par rapport au corps social : cette transcendance est d'abord mystique au XIIIe siècle (cf St Louis, rare conjonction d'humilité christique et de majesté royale), puis les juristes la transposeront dans les siècles suivants en termes de souveraineté. Selon Sennelart, il ne faut pas assimiler cette doctrine nouvelle du XIIIe siècle à la doctrine traditionnelle du vicariat impérial, celle des premiers temps de l'histoire chrétienne dans laquelle l'empereur était le vicaire du Christ. Bien plus, le prince devient celui qui participe à la toute puissance divine tout comme le Christ qui fut à la fois homme et divinité. Comme dans les textes de la période précédente, il doit s'autolimiter et ne pas exercer une puissance absolue, mais une puissance vertueuse et modérée. Mais la rupture opérée est d'importance, puisqu'elle rompt avec l'idée d'une origine humaine au pouvoir temporel. Le roi n'est plus celui auquel l'Eglise accorde le "droit" de régner, ce qui est l'argumentaire principal de la doctrine théocratique affirmée par Grégoire VII et ses successeurs depuis la querelle des Investitures entre la fin du XIe siècle et le début du XIIe. Il s'agit d'un "paradoxal chassé-croisé d'arguments, où les défenseurs de l'autorité royale la théologisent et ses adversaires, au contraire, la laïcisent".
Enfin, c'est toujours au XIIIe siècle, en s'appuyant sur Saint Thomas d'Aquin, lisant Aristote, que l'on aboutit à une refondation de l'éthique gouvernementale. Notons que les écrits politiques du philosophe grec ne sont pas connus avant le milieu du XIIIe (Ethique à Nicomaque); La Politique est traduite du grec vers 1260 par Guillaume de Moerbeke, sur les instances de Thomas d'Aquin. Avec le De regno de Thomas d'Aquin et la Somme théologique (1267-1274), puis de ses successeurs comme Gilles de Rome ( De regimine principum, autre miroir des princes, à destination de Philippe le bel) rompus à la pratique de l'aristotélisme politique médiéval, on voit aussi l'évolution de la conception du mode de gouvernement : on passe de la contrainte exercée sur les corps corrompus à l'art, exercé par le prince, de créer les conditions de la "meilleure vie" d'une manière qui soit digne de la vocation du chrétien, et en même temps, puisqu'il est guide (rex sagittator chez Gilles de Rome, l'archer qui seul sait où diriger la flèche), il est l' agent de cohésion d'un corps social qui se dissoudrait s'il ne la maintenait en acte par sa volonté et son action. Par lui, la multiplicité s'organise en totalité et son rôle est de s'assurer que le lien social de la multitude soit parfait, c'est-à-dire qu'il subvient aux besoins de la vie, au premier chef à la paix. C'est à ce titre que pour Thomas d'Aquin, la monarchie est le meilleur des régimes politiques et le seul naturel, puisque le seul à pouvoir procurer l'unité de la paix, par la paix. L'autre originalité de Thomas d'Aquin, c'est qu'il est le premier à poser la question de l'Etat à travers les catégories de l'expérience et non de la morale, ce qui lui permet de reconnaître une relative autonomie de la pratique gouvernementale par rapport aux normes éthiques.

En conclusion, j'ai essayé de présenter de la façon la plus claire possible un pan entier de la pensée politique du Moyen Age, tel qu'il est exposé dans le livre de Michel Sennelart. L'entreprise est difficile, et la lecture de son livre l'est tout autant, car il n'y a pas une linéarité simple, avec des inflexions tranchées selon les périodes, mais plutôt des auteurs qui dialoguent par delà les époques et qui innovent tout en restant dans les cadres de la tradition. Par ailleurs, j'ai insisté davantage sur les contenus et donc les idées politiques que sur l'histoire des textes eux-mêmes. Quelles sont les conditions de réception de telles oeuvres ? Quel est le "régime de textualité" auquel elles appartiennent (conditions externes et contraintes internes)? Par quels chemins et procédures ont-elles été sélectionnées comme "oeuvre" et donc digne de mémoire (et donc de copies et de commentaires) ?


vendredi 3 avril 2020

Qu'est-ce qu'une "puissance" ?





La puissance des Etats-Unis repose sur…
La puissance de l’Union Européenne repose sur ….
La puissance du Chine repose sur …                     
Les bases de la puissance
Le territoire et les ressources
- Espace immense = Etat/continent
- Ressources importantes et diverses (produits miniers et énergétiques) + Xe puissance agricole mondiale.
- ….


Compléter la partie EUA et faire la même chose pour l’UE et la Chine
La population
- Forte population ( Xe pop mondiale) disposant globalement d’un fort niveau de vie (mesure = …………………)
=> 1er marché intérieur du monde

L’économie
- 1ere puissance éco mondiale (agr, indus, services)  et 15% du commerce mondial
- Domine l’USMCA
- Essor de la haute technologie, domination informatique, NASA…
- …
L’influence mondiale grâce à des capacités …
…économiques
Ils dominent les marchés grâce à :
- ………………………….

SOFT POWER

…culturelles
- capacités d’innovation (brevet, brain drain)
Ils diffusent leurs valeurs et leur mode de vie grâce à :
- ……………………………………..

…diplomatiques et militaires
Ils interviennent partout dans le monde grâce à :
-1er budget mondial de défense
-…………………………..
HARD POWER

Les limites de la puissance
Limites externes
Le rejet un peu partout dans le monde de la domination américaine
( = antiaméricanisme) Cf. 11 sept 2001
-          ………..

Limites internes
De très grandes inégalités sociales au sein de la société américaine
-          ………………..

Bilan

EU = seule hyperpuissance mondiale


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