samedi 30 septembre 2023

Compo puissance -1


Sujet : Depuis la fin de la guerre froide, assiste-t-on à un chaos mondial lié à des affrontements entre les grandes puissances ?


Comme il s'agit de la première composition de l'année avec les 1ere HGGSP, le travail préparatoire a été mené en classe et avec mon aide, puis les élèves se sont répartis par groupes de travail pour élaborer collectivement le plan détaillé des trois grandes parties. Ils ont ensuite divisé leur groupes en unités de travail pour rédiger les paragraphes. 

Cet exercice fait suite à une série d'exposés (avec de grosses reprises) qui ont permis de dresser un tableau assez complet, sans être exhaustif, de l'état des relations internationales depuis les années 1980. Le vocabulaire, les grandes notions et les principaux repères étant acquis, il s'agit dans un 2e temps d'organiser la masse d'informations et de connaissances. C'est l'objet de cette composition.


La liste des exposés est disponible ici

Les grandes idées élaborées en classe :

1) la vidéo de P Bulher (les experts du Dessous des cartes) sur les nouveaux visages de la puissance

    la carte mentale de synthèse élaborée en classe

    la vidéo du dessous des cartes sur l'ONU, un  système à bout de souffle

2) le bilan des exposés


Grands axes de l'intro

  • Historiquement, les Etats ont mené des politiques d'affirmation de leur puissance, ce qui les conduisait éventuellement à des affrontements (def puissance)
  • Il est courant de dire que la Guerre froide, par le contrôle que les deux super-Grands exerçaient sur leur bloc et par l'équilibre de la terreur, a eu un effet de stabilisation (def super-grands)
  • Sur quelles bases de régulations s'organise le monde actuel et comment expliquer la multiplication, en apparence chaotique, des conflits ces 30 dernières années ?

Grands axes du plan
  • L'effondrement du bloc communiste et la disparition de l'URSS fin 1991 a laissé les Etats-Unis seuls à pouvoir prétendre réguler la scène internationale. Ils sont de plus en plus isolés, contestés et donc affaiblis. 
  • De nouveaux Etats s'affirment soit en tant que grande puissance, soit en tant qu'ils ont une capacité de nuisance. Les tensions et conflits sont nombreux et l'Occident se trouve souvent seul et contesté.
  • Le droit international et les règles élaborées par l'ONU sont certes toujours valables et elles ont le mérite d'exister, mais elles peinent à encadrer les nouvelles formes de conflit et de tensions.

Conclusion
 - basculement du monde
- réinventer le multilatéralisme en sortant des logiques de puissance, mais comment ? peut-on tabler sur de nouveaux acteurs, les peuples / les opinions publiques ?


dimanche 30 juillet 2023

Frontières, les cours de Didier Fassin au Collège de France

 la vidéo de la leçon introductive est accessible ici

Leçon 1

les 50 premières minutes sont consacrées à trois récits, récits fictifs mais inspirés par l'expérience de Didier Fassin résultant de 5 années d'enquête de terrain auprès des migrants/exilés/réfugiés. Ces récits sont simplifiés pour être exemplaires : une famille de migrants/exilés/réfugiés afghans qui traversent les Alpes depuis l'Italie, un groupe de maraudeurs qui cherche à venir en aide aux migrants et une patrouille de policiers surveillant la frontière. Dans ces récits, dit-il il est une protagoniste omniprésente et invisible : c'est la frontière "car elle n'est pas une simple ligne tracée sur une carte elle a une vie propre elle se meut et qu'elle soit montagneuse comme ici, ou maritime ou désertique comme ailleurs, elle violente, elle blesse, elle tue. C'est pourquoi c'est par ces géographies que je débuterai la prochaine séance".

R) le vocabulaire utilisé pour désigné le groupe des migrants change selon le point de vue. Le gouvernement français parle de migrants, eux-mêmes se nomment réfugiés et les humanitaires insistent sur le vocable d'exilés pour insister sur le caractère subi de la migration.

Sur ce sujet, une parfaite neutralité est illusoire et même pas souhaitable car la question de la frontière, en ce moment, pose des questions morales avec des enjeux politiques. Dans cette première leçon, Didier Fassin fait le point sur "d'où il parle".

 

Leçon 2

Etienne Balibar, Qu'est-ce qu'une frontière ?, 1997 (publication  et notes ) : il n'est pas possible de donner une def univoque de la frontière. C'est une notion complexe.

Les 5 dimensions de la frontière :

- une ligne déterminant la souveraineté sur un territoire. On ne peut donc la franchir qu'avec une autorisation. Il y a donc contrôle à la frontière.

Pourtant, dans le cas de la France, du fait de Schengen, il ne devrait plus y avoir de contrôle à la frontière : le traité créant l'espace Schengen, signé et par la France et l'Italie, ne prévoit que des dérogations temporaires (c'est la clause de sauvegarde) pour une durée allant de 10 jours à 6 mois si  accord des autres Etats membres, et ce en cas de menace grave pour la sécurité intérieure. Cette clause de sauvegarde a néanmoins été utilisée par la France à de nombreuses reprises, en 1995 ( éventualité de la circulation de stupéfiants depuis les Pays-Bas), en 1999 (pour s'opposer à la venue d'Italiens désireux de venir manifester à Paris dans un mouvement de soutien aux sans-papiers), en 2011 (pour empêcher des Tunisiens migrants d'entrer sur le sol français). Depuis 2015, arguant du danger terroriste, la France renouvelle tous les 6 mois cette dérogation. A la frontière italienne, particulièrement étudiée par Didier Fassin, la frontière intérieure est rétablie de facto et militarisée : actuellement 230 membres des forces de l'ordre gardent cette frontière alpine. A se demander si Schengen, contrairement à sa promesse d'un monde ouvert, ne sert pas uniquement à supprimer les contrôle sur les échanges de marchandises qui ralentissent le marché unique européen. Si bcp peuvent continuer à franchir cette frontière sans qu'on ne vérifie leur identité, sur la bonne foi de leur visage, de leur voiture, de la présomption qu'ils sont touristes, d'autres ne peuvent le faire qu'en s'aventurant dans la montagne à leurs risques et périls => la frontière est raciale : elle discrimine en fonction de l'origine. R) "Frontières raciales", c'est l'intitulé du colloque qui a accompagné cette première saison de cours.

- la frontière est aussi une zone = celle dans laquelle les contrôles peuvent être effectués. La loi fixe l'épaisseur de cette zone à 20 km au-delà et en-deçà de la ligne frontalière. Ce fut ajouté au code de procédure pénale dès 1993 donc "au moment où la vérification fixe et systématique devait être supprimée sur la ligne-frontière, le gouvernement instaurait un contrôle mobile et aléatoire dans la zone-frontière"  (Sara Casella Colombeau), ce pour quoi le gouvernement français fut par deux fois condamné par la Cour de Justice de l'Union Européenne qui considéra par deux arrêts en 2010 que la nouvelle procédure de contrôle  ne changeait pas fondamentalement la nature du contrôle aux frontières ce qui contrevenait donc aux dispositions de Schengen.

L'exemple de la surveillance des frontières française montre donc que paradoxalement, Schengen a renforcé les contrôles des frontières françaises avec deux dispositifs, l'un fixe, par dérogation, sur la ligne-frontière et l'autre mobile, par extension, dans la zone-frontière.

R) les frontières-point aux aéroports (et autour avec une auréole de 10 km) ont essaimé la frontière sur tout le territoire.


- la frontière est aussi une présence incorporée pour les exilés qui vivent constamment sous la menace d'un contrôle d'identité. "La frontière est cette chose que les exilés portent en eux", même quand ils ne sont pas dans les zones où les contrôles d'identité sont possibles. Pour eux, la probabilité du contrôle de police est constante et élevée. En plus du contrôle policier qui rappelle toujours la frontière (par la procédure de l'expulsion), les institutions mêmes du pays d'accueil opèrent ce rappel incessant de la frontière.


dimanche 18 juin 2023

Churchill

 

Churchill, sa vie, ses crimes

Aux Sources (sur le site Hors-Série)

Tariq Ali

Émission animée et conçue par Stathis KOUVÉLAKIS

Traduction et sous-tirage : Ernest MORET

Il y a trois ans, à Londres, la statue de Winston Churchill devant le Parlement britannique était couverte de peinture rouge. Au même moment, des actions du même type, initiées par mouvement Black Lives Matter suite au meurtre de George Floyd, ont visé des dizaines de monuments dans plusieurs pays occidentaux. En cause dans ces actions symboliques, une histoire, coulée dans le marbre ou le bronze des statues, qui a partie liée avec l’esclavage, le colonialisme, le racisme.

Cette actualité a incité Tariq Ali, écrivain, militant de l’anti-impérialisme et figure historique de la gauche radicale britannique à se pencher sur le cas Winston Churchill. L’ouvrage qu’il lui consacre, publié d’abord en langue anglaise en 2022 et dont une traduction française vient de paraître aux éditions La Fabrique, n’est pourtant pas une biographie conventionnelle. Constatant la faible transmission de l’histoire des combats pour l’émancipation dans les nouvelles générations militantes, Ali utilise la figure de Churchill pour déployer une contre-histoire de cette séquence mouvementée, entre la fin du 19e siècle et le mitan du 20e, au cours de laquelle s’est déroulée sa longue carrière de journaliste, d’homme politique et d’écrivain.

Le portrait dressé est assurément à charge. Sont évoquées les multiples facettes du personnage, toutes reliées par un même fil : la défense acharnée de l’ordre capitaliste et, plus particulièrement de l’Empire britannique, qui fut indiscutablement la grande cause de sa vie.

La liste de ses crimes est aussi longue que la carrière d’un personnage qui fut controversé et, en fin de compte, peu apprécié de son vivant. Ali montre que le culte de Churchill est bien plus récent que ce qui est généralement admis. Il coïncide avec la montée du thatchérisme et l’épisode de la guerre des Malouines, mêlant contre-révolution néolibérale et nostalgie impériale d’une puissance sur le déclin.

Pourtant cet ouvrage n’est pas un simple réquisitoire : plus que de la personne du dirigeant conservateur ou de ses actes considérés individuellement, c’est de la logique d’un système dont il est question. Et plus que du système, ou du dirigeant qui a consacré son existence à le servir, ce dont nous parle Tariq Ali c’est du véritable protagoniste de cette histoire : des luttes de ces millions femmes et d'hommes qui, des mines du pays de Galles jusqu’aux rues d’Athènes et au moindre recoin de l’immense Empire, se sont se battus sans relâche contre tout ce que représente le nom de Winston Churchill.

Stathis Kouvélakis

Aux Sources , émission publiée le 17/06/2023
Durée de l'émission : 78 minutes


Compte-rendu rapide
Ce livre a pour objectif d'effectuer une opération de décentrage du regard sur l'impérialisme anglais du XXe siècle dont Churchill fut un ardent promoteur et défenseur. Il ne s'agit pas de dénoncer la personne et les choix de Churchill en tant qu'individu, mais d'éclairer, sur la longue durée, le système global qui a produit Churchill.

Q : De quoi Churchill est-il le nom, pour nous, dans le contexte présent ?
A son époque, Churchill a été souvent et durement attaqué, notamment par ceux qui attaquaient l'organisation élitiste, classiste du pouvoir britannique. C'est à partir de l'époque de la guerre des Malouines que la mémoire de Churchill a été revisitée et qu'il est devenu plus populaire. Depuis, les milieux universitaires décoloniaux "se battent" contre l'establishment politique (cf Tony Blair  a essayé de faire cesser les manifestations contre la mémoire de Churchill) pour rétablir une image plus historicisée du personnage, pour le démythifier. L'entreprise est rendue d'autant plus nécessaire étant donné l'utilisation de son image dans les guerres actuelles .





Il s'agit aussi de réarmer la gauche en lui redonnant l'accès à la connaissance des luttes historiques de la "ruling class" contre les classes ouvrières/salariées.

Q : Pourquoi Churchill a été si haï de son vivant ?
Il fut à l'avant-garde de la lutte contre le bolchevisme, les mouvements contre l'oppression de classe, d'une manière générale contre tout ce qu'il considérait comme étant du radicalisme. Au pays de Galles par exemple, alors que Churchill était ministre de l'intérieur d'un gouvernement libéral, il a brisé un mouvement de grève des mineurs et la troupe a défilé dans les rues des villes minières pour effrayer la population et a usé de la violence (1910-1911). Même si bien d'autres hommes politiques se sont comportés de la même manière, Churchill fut particulièrement haï car il avait la victoire flamboyante.

Q : Son anticommunisme l'a souvent mené dans des postures...(délicates mais qu'il assume)
Il fut également très actif dans la conduite des affaires militaires dans la lutte contre le tout jeune régime bolchévique pour soutenir les armées "blanches" immédiatement après la révolution russe. Il faut accusé à l'époque (gros scandale) d'avoir fait déverser sur les villages bolchéviques du gaz toxique.
Au début des années1920, il publie un article sur "sionisme et bolchevisme" où il distingue le bon juif et le mauvais juif, recyclant tous les stéréotypes sur le judéo-bochévisme, lequel a servi de base à l'idéologie fasciste naissante en Europe. Cette stratégie de diviser une communauté est un classique de la gouvernance colonialiste qu'il applique ici à une question européenne.
Rq) Pour l'auteur, c'est la même stratégie à nouveau l'oeuvre, par exemple au sein du Labour Party, contre ceux qui soutiennent le mouvement palestinien contre l'action du gouvernement israélien de Netanyahou, même quand ces personnes sont eux-mêmes juives.
Enfin, même si Churchill a été un des rares hommes politiques d'envergure à avoir compris à partir de 1938 que ne pas résister à Hitler était dangereux pour l'ordre européen et pour le maintien de la puissance britannique et de son empire, il a eu des complaisances qu'on qualifierait désormais de coupables vis-à-vis des dirigeants fascistes, singulièrement Mussolini et Franco.

Q : Churchill est, avant toutes choses, un soldat de l'empire britannique.
Pourtant, il se distingue par une série de désastres : cf ses mauvaises décisions en tant que 1er Lord de l' amirauté pour la bataille de Gallipoli (1915) contre l'empire ottoman ; dans ce désastre militaire, il n'a sauvé que les britanniques, laissant aller à la mort les troupes coloniales australiennes, néo-zélandaises, indiennes. A remarquer : le défenseur turc de Gallipoli était Mustapha Kemal, qui s'est servi de ce fait dans sa propagande personnelle après la guerre.

Q : Pour mettre en évidence la face sombre de la manière dont Churchill a conduit la 2nde guerre mondiale, il faut se tourner vers les colonies
Par ex : La famine au Bengale, alors que la production de riz de cette région était énorme. Tout le riz bengalais a été fourni aux armées engagées dans la guerre, au prix de plusieurs centaines milliers de morts civiles (certains historiens avancent 3 millions de morts). Cette atrocité a été perpétuée avec l'appui de tout le gouvernement, donc y compris les travaillistes de Clément Attlee, alors que la chose était bien connue puisque les autorités britanniques sur place transmettaient lettres et rapports.
Rq) Dans les mois qui suivent, la plus grande mutinerie au sein des forces coloniales britanniques puis en 1942, le mouvement de Gandhi qui publie Quit India.

En Europe, le projet de Churchill a été d'éviter le surgissement de mouvements internes aux pays soumis à la domination allemande, singulièrement si communistes. C'est par exemple le cas des troupes britanniques qui combattent la résistance en Grèce en décembre 1944. Du fait de l'importance stratégique des ports grecs pour le contrôle en Méditerranée des routes menant à l'empire britannique, il ne fallait en aucun cas que la Grèce connaisse le même destin que la Yougoslavie, libérée par l'armée de Tito. Aussi, quand le général Scobie a demandé à Churchill comment agir si la population grecque résistait au débarquement des troupes anglaises, Churchill a répondu d'agir comme dans les colonies, sans état d'âme. La Grèce a connu une guerre civile horrible, dans laquelle les Anglais ont payé des milices pour torturer et exécuter les résistants.
cf Greece, the hidden war, documentaire produit par Channel 4 au début des années 1980 et visible sur internet.

Q ; comment expliquer la défaite électorale de Churchill dès 1945 ?
C'est la revanche de la working class britannique. C'est un moment historique où tous les mouvements de gauche sont forts en Europe de l'ouest.



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