samedi 26 décembre 2020

Impérialisme, économie et hégémonie.

Cette fiche est construite à partir d'éléments du livre de Bertrand Badie, L'hégémonie contestée, paru en 2019 ( en particulier les première et seconde parties) et de l'émission du site Hors-Série de décembre 2020, Impérialisme : état des lieux.

    





Y a t'il une crise de l'hégémonie américaine ?


Historique contemporain de la notion
Au sortir de la guerre, la structure de l’économie mondiale construit l’hégémonie américaine (cf système de Bretton Woods)  et on ne s’étonnera pas que, progressivement, le concept fût porté par la nouvelle école d’« économie politique internationale », à l’initiative de Charles Kindleberger, historien et banquier américain, puis de son compatriote Robert Gilpin. Là aussi, la conception de l’hégémonie s’élaborait à un rythme lent : on y songeait dès la sortie de la guerre, mais on ne la théorisera que plus tard, lorsqu’on eut enfin pris l’habitude de ce système nouveau dont la carrure ne fut réellement apparente qu’avec la détente et la coexistence pacifique. Encore une fois, les années 1970 furent hautement décisives : il y avait bien un ordre international suggérant que les relations internationales n’étaient finalement pas si anarchiques… même si la crise du dollar qui brutalisa les dernières années de la présidence Nixon montra que la stabilité n’était jamais totalement acquise. Rien de tel que les périodes d’incertitudes pour penser le besoin d’hégémonie. Il s'agissait de théoriser le besoin d’hégémonie, voilà pourquoi Charles Kindleberger se concentra soudain sur la grande crise de 1929 et les périls des années 1930 : l'hégémonie se concevait dans la capacité d’un État à maintenir l’ordre, à son avantage bien sûr, mais aussi, et pour les mêmes raisons, pour le bien-être de l’humanité tout entière.
(1978)

 "Le poinçon du libéralisme apparaît avec clarté : l’enrichissement du plus fort profite nécessairement à tous. Sur quoi on réécrit l’histoire : en étant maîtresse, dès le XIXe siècle, du premier système monétaire, celui du Gold Exchange Standard, la Grande-Bretagne assurait sa stabilité, mais stabilisait aussi le monde, du moins, alors, l’Europe. En cela, elle était bel et bien une puissance hégémonique. En promouvant les accords de Bretton Woods, les États-Unis reprenaient le flambeau. À peine quelques années plus tard, Robert Gilpin parachevait l’œuvre en parlant de l’hégémon comme d’un benign leader, ce fameux « leader bienveillant » qui doublerait sa vertu en mobilisant toutes ses ressources dans cet effort de maintien et de protection de l’ordre mondial."

On retrouve dans les années 1990 cette même idée dans les discours autour du Nouvel Ordre mondial formulé par Georges Bush au moment de la guerre du Golfe puis, avec l'enlargement de Bill Clinton, le tout dans le contexte de l'après Guerre froide.






L'hégémonie peut-elle durer ?
Voici le résumé Wikipedia du livre de Gilpin, War and change in world politics (1981) auquel B. Badie fait référence et que je n'ai pas lu.
"Dans cet ouvrage, Robert Gilpin affirme que la cause des guerres est la variable économique. Cette œuvre est un projet holiste, bien qu'il réduise son analyse aux entités étatiques. Il théorise la stabilité hégémonique et la guerre cyclique. Dans un système international, il y a toujours une puissance hégémonique (Athènes au Ve siècle av. J.-C., Espagne au XVIe siècle, France au XVIIe siècle, Grande-Bretagne au XIXe siècle, États-Unis au XXe siècle… Chine au XXIe siècle ?). La puissance de l'hégémon est à la fois positive (avantages tirés sur les dominés) et négative (grandes dépenses de richesses pour garder la première place). Mais c'est toujours le coût qui finit par l'emporter sur les avantages, et c'est alors que la puissance commence à décliner. Robert Gilpin dégage ainsi une loi tendancielle du déclin de la puissance. C’est le différentiel entre les recettes et les dépenses qui montre qu’une puissance est en déclin ou non. Le différentiel augmente jusqu'à produire une « faille » dans laquelle s'engouffrent des rising challengers, apparus avec le déclin de l'hegemon. Cela provoque une phase de guerres, qui aboutit généralement au passage d'un hegemon à un autre."

Il me semble pourtant qu'ici, on évoque plutôt la puissance impériale/impérialiste que la puissance hégémonique. En tout cas, on retiendra l'idée de cycles de puissance hégémonique, suivi d'un inévitable déclin.

L'idée de cycle  renvoie à l'origine de la création du concept d'hegemon = vieux de vingt-cinq siècles puisqu'il remonte à Thucydide, La guerre du Péloponnèse. Dans ce texte, Thucydide expose, selon une analuse dite "réaliste" les rapports de puissance (y compris la puissance d'un modèle politique) qui sont favorables à Athènes et lui permettent d'exercer son hégémonie et qui ne peuvent que provoquer l'autre puissance grecque qu'est Sparte. En 1947, le secrétaire d’État George Marshall dit douter qu’on « puisse sérieusement réfléchir avec sagesse et profondeur aux questions de l’heure sans avoir en tête la guerre du Péloponnèse et la chute d’Athènes ». L’école réaliste voit alors dans l’affrontement entre Sparte et Athènes un parallèle troublant avec l’opposition des États-Unis et de l’URSS. Comme dans l’Antiquité, les deux puissances s’affrontent dans un monde clos, où le gain de l’un est une perte pour l’autre. Chacun des deux Grands est donc poussé à intervenir partout pour mener, par procuration, un conflit contre son rival. Comme dans l’univers hellénique, un conflit local (l’affaire de Corcyre, la crise de Cuba) peut alors dégénérer en guerre mondiale. Les mêmes causes semblent produire les mêmes effets, révélant des structures immuables dans les rapports entre États. 

Retour au livre de Badie qui définit ainsi l'hégémonie : "L’hégémonie suppose d’abord un socle géopolitique, qui fit un temps sa fortune. Elle implique en effet une pluralité d’unités politiques souveraines en libre compétition les unes avec les autres. L’hégémon s’affirme au sein d’une collectivité qui le reconnaît comme tel et dont chacun des membres consent à lui abandonner tout ou partie de sa conduite sur la scène internationale. En cela, ce modèle se distingue de l’ordre impérial dont la structuration pyramidale confère naturellement à l’empereur le droit de régir ses vassaux et l’ensemble des royaumes qui lui sont inféodés. On ne parlera pas de l’hégémonie de Rome ou des empires chinois, tant le concept ne ferait pas sens, à l’intérieur de leurs limes, ou égarerait dans le rapport à l’externe qui, par définition, n’est pas construit mais davantage aléatoire et épisodique, à l’instar des rapports de la Chine des Yuan avec le Japon ou le royaume de Pagan, ou de ceux de Rome avec les Sassanides perses. Pour que la problématique de l’hégémonie puisse s’appliquer, il faut retrouver une concurrence réelle entre unités réputées égales en droit, mais inégales en capacité : on comprend, pour cela, que le temps westphalien fut particulièrement propice à cette problématique. De même faut-il que ces entités concurrentes soient réputées libres, à l’image des cités grecques, pour que l’acte d’adhésion soit réel et non contraint ni naturel : l’ère de la colonisation et du postcolonialisme semble, pour cette raison, mal adaptée à la catégorie qui nous retient. Cet acte d’adhésion est une autre caractéristique forte de l’hégémonie. Il s’apparente sinon à la servitude volontaire, du moins à l’obéissance acceptée. L’hégémonie crée un consensus qui régit les relations désormais asymétriques liant l’hégémon à ceux qui le suivent. On est à mi-chemin entre la domination classique et la ligue : la domination, dans sa variante hégémonique, est volontairement acceptée comme bonne, mais engage systématiquement les choix de ceux qui y souscrivent. Or on adhère parce qu’on est convaincu de partager des valeurs communes, mais aussi parce qu’on sait pertinemment ne pas pouvoir jouer la carte du cavalier solitaire… L’engagement est en même temps fait d’utilitarisme résigné et de la conviction qu’on partage des valeurs… D’où son instabilité, voire son ambiguïté intrinsèque : est-on allié ou aligné ? Le paradoxe de l’hégémonie est de reposer sur un consensus souvent idéalisé, mais il est aussi de conduire à des doutes et des délibérations sans cesse renouvelés : elle prétend à l’ordre mais suscite presque mécaniquement la contestation".


Donc l'hégémonie produit ses contestations : celles-ci émergent des espaces dominés, des compétiteurs, mais aussi de la puissance dominante. Les Etats-Unis, de Barack Obama à Trump * remettent en cause l'hégémonie assumée (leading from behind de l'un, unilatéralisme et rejet de toutes les institutions qui avaient bâti l'hégémonie américaine par l'autre)
* un exercice d'analyse de texte en lien sur l'unilatéralisme de Trump.


Si l'on continue à chercher dans le passé les contre-modèles à l'hégémonie, après l'Antiquité, il faut remonter selon B. Badie, à l'époque moderne.
Dans l'Europe moderne westphalienne qui se constitue entre la fin du XVIe et le XVIIe siècle, par les guerres contre l'Espagne, trop d’hégémonie tue désormais l’hégémonie. L’inversion, par rapport à la description portée par Thucydide, est forte : la compétition westphalienne entre États modernes érige maintenant l’hégémonie en dysfonction, en pratique contre nature, orientée contre la souveraineté, contre le besoin de puissance ressenti par tous et par chacun, contre la survie même de cette concurrence entre États qui est devenue fondatrice de l’ordre international. La politique de l'équilibre, pas forcément nouvelle puisqu'elle était déjà celle des cités et principautés italiennes au Moyen Age, conduit mécaniquement à sa négation active, dont la ligue d’Augsbourg (créée en 1686 contre la France de Louis XIV, impliquée dans la guerre de 1688 à 1697) est la manifestation la plus emblématique. Celle-ci est interconfessionnelle, montrant que les ressorts politiques sont désormais les plus forts. L'hégémonie n'est donc pas le seul principe d'organisation de l'ordre international et en réalité, n'existe que quand la puissance est incontestable. Elle habille la domination de prétextes élégants.
Dans la suite de son rapide balayage historique, Bertrand Badie nomme "hégémonie messianique" la prétention de la puissance dominante à émanciper et libérer ceux qu'elle domine. Il prend pour exemple l'empire napoléonien : "C’était bien une Europe nouvelle qu’il convenait de construire, inspirée par le projet de Diète européenne, porté par l’abbé de Saint-Pierre, sorte de « concert des nations » avant la lettre, et par la vision confédérale, esquissée par Rousseau, reposant sur le consentement de peuples nourris du même droit et des mêmes valeurs. Cette idée qui apparaît dans le Mémorial de Sainte-Hélène fonde le mythe, cette fois délibérément moderne, de l’hégémonie : celle portée par un pays plus avancé, plus conscient, plus apte à réformer et à éduquer les autres. Au-delà du Roi-Soleil et d’une perspective qui restait alors traditionnelle, ce sont bien les Lumières qui régissent ce projet dominateur. On peut, pour la première fois, parler d’hégémonie messianique, élevant la France au rôle de réformateur et de dirigeant de l’Europe, pour reprendre les mots de Cambacérès: l’idée fera carrière, et jusqu’à aujourd’hui… En fait, cette idée apparaît comme un mélange de naïveté et d’arrogance. Elle repose d’abord sur une sainte certitude, familière de la pensée néoconservatrice d’aujourd’hui : ce qui est bon pour la France l’est aussi pour les autres. Les idées révolutionnaires d’égalité et d’universalité ont du même coup leur utilité politique immédiate : elles justifient les projets expansionnistes de tous ceux qui se croient dans le vrai. Leur conquête a désormais des saveurs de libération et d’émancipation : celles de Napoléon voulaient apporter l’égalité civile, la liberté religieuse, la suppression des tutelles de toutes sortes, l’abolition des privilèges, tout comme les germes d’une administration moderne et rationnelle.[...] Mais construite sur l’idée neuve de nation, elle périt vite sous les coups de celle-ci…"


Hégémonie et domination économique
Pour l'auteur, les deux deviennent consubstantiellement liés à partir du XIXe siècle car l'autonomie croissante du marché "interdisait désormais au politique de viser à lui seul la réalisation de ses propres projets de domination. L’étatique était déjà hypothéqué par l’extra-étatique et l’hégémonie appelait désormais à une délicate fusion de ces deux versants du jeu social."

C'est le moment où l'hégémonie devient impérialisme, car la domination de la puissance hégémonique du 19e siècle (c'est le Royaume-Uni) se concrétise et s'explique par la conquête violente de territoires à coloniser.
Lénine voyait dans l'impérialisme un moment intrinsèquement lié à l'histoire de l'expansion du capitalisme.
Les conflits coloniaux et la 1ere guerre mondiale valident ce premier âge de la pensée de l'impérialisme : il y avait bien des contradictions internes au capitalisme qui conduisaient nécessairement aux tensions et conflits entre Etats. Le capital concentré devait se déverser sur les espaces non-capitalistes pour pouvoir investir leurs surplus de capitaux, exploiter les ressources et le travail et continuer à générer des surplus. Pour cela, il s'appuyait sur la puissance militaire des Etats européens engagés dans la course à la colonisation. Mais les espaces à coloniser n'étant pas extensibles, l'affrontement était inévitable.

Avec la mondialisation, et la pensée sur la mondialisation, l'hégémonie trouve face à elle un principe plus fort, celui de l’« interdépendance complexe » qui, rationnellement, pousserait les pays davantage à la coopération qu’à la domination. Cette idée fait fortune dans le camps de l'ouest pendant la guerre froide et avec la construction européenne. Elle devient le concept dominant des années 1990, après la chute de l'URSS et la croyance en la victoire définitive du modèle libéral et capitaliste.

Mais depuis les années 2000, le lien entre impérialisme et mondialisation, déjà dénoncé dans les années 1960 par les pays de la CNUCED [avec la pensée du  néocolonialisme qui constitue une deuxième étape de la pensée de l'impérialisme, celle de la dépendance économique des pays décolonisés et la perpétuation du sous-développement], revient sur le devant de la scène, notamment anglo-saxonne, étonnamment autant chez les libéraux que les marxistes.

Ce qui fait progresser la pensée de l'impérialisme, ce sont les transformations du capital : les bourgeoisies nationales, qui captaient les richesses locales et investissaient localement, sont devenues des bourgeoisies internationalisées : leur argent se créée et s'investit ailleurs que dans leur pays d'origine, par l'intermédiaire des firmes trans-nationales. Selon la définition de l'ONU, dans les années 1970 on avait à peu près 6000 FTN dans le monde et dans les années 2000, leur nombre a été multiplié par 10. Les bourgeoisies transnationales forment une seule classe, aux valeurs, sociabilités, et représentations du monde, communes. Par leurs investissements, ces FTN et cette bourgeoisie transnationale prennent le contrôle des politiques nationales, alors que dans le même temps les structures supranationales (FMI etc) rendent les Etats-nations de plus en plus obsolètes.
Dans ce système, les Etats-Unis ont une place particulière : ils assurent l'extension et la reproduction du capitalisme dans le monde.

David Harvey : pour lui, l'impérialisme est la "garantie politico-militaire de la reproduction et de l'accumulation du capital à l'échelle internationale"

Robinson, "l'impérialisme entendu comme les pressions qui s'exercent sans relâche pour l'expansion du capitalisme, et les mécanismes politiques, militaires et culturels spécifiques qui facilitent cette expansion et l'appropriation du surplus qu'il génère" 

D'après ces définitions, les Etats-Unis ont été, depuis la guerre froide, la puissance impériale par excellence. C'est le courant super-impérialiste, dans la famille des pensées de l'impérialisme. Ce qui explique que les EUA sont les "pilotes de la grande gestion économique mondiale" (Judith Bernard dans l'émission de Hors-Série), c'est la suprématie militaire incontestable des Etats-Unis et que ceux-ci l'utilisent par des interventions ciblées (guerres du Golfe, Irak pour les plus récentes) pour "ouvrir" des pays au capitalisme. Les autres pays du "centre" (les grands pays capitalistes) se déchargeant de ce poids des dépenses militaires sur les Etats-Unis. 


Déclin de l'hégémon americain
Malgré le soft power americain (la notion de soft power a été théorisée par Joseph Nye , Bound to Lead, the Changing Nature of the American Power, New York, Basic Books, 1990 et surtout, Soft Power. The Means to Success in World Politics, New York, Public Affairs, 2004), le déclin du hard power américain et la montée de concurrents dans un monde de plus en plus multipolaire, les difficultés économiques internes aux Etats-Unis affaiblissent la place très particulière des Etats-Unis comme leader.

"En 2011, seuls 38 % de la population mondiale interrogée considéraient que les États-Unis tenaient un rôle de leader ; ils étaient 53 % en 2003. Les alliés européens eux-mêmes s’éloignent, à la faveur notamment de postures américaines trop radicales. Ainsi, entre 2000 et 2005, sous l’effet de l’action militaire américaine en Irak, les opinions favorables aux États-Unis, toujours mesurées par le Pew Center, sont passées de 71 à 69 % au Canada, de 83 à 55 % en Grande-Bretagne (pourtant alliée aux États-Unis lors de l’expédition), de 52 à 23 % en Turquie, de 75 à 38 % en Indonésie, et de 78 à 41 % en Allemagne ! De même, en 2003, 53 % des Européens considéraient que les États-Unis constituaient une menace pour la paix : incroyable réputation pour un hégémon dont la qualité première devait être précisément de disposer du capital de confiance nécessaire pour être suivi même dans des situations périlleuses. Preuve en tout cas que le soft power n’est pas le complément efficace capable de soutenir avec suffisamment de succès les prétentions hégémoniques qui s’expriment." (B. Badie, p.82)


Dans le chapitre 6 de la partie 2, intitulé "la mondialisation contre l'hégémonie",  B. Badie distingue trois facteurs de fragilisation de la position américaine comme "gestionnaire à l'échelle globale de l'extension du capitalisme" :
- l'hégémonie au défi de l'inclusion : "le spectaculaire retour de l’acteur local tend à fragmenter l’espace mondial, en même temps qu’il le globalise. Autrement dit, la construction d’un monde unique et ouvert conduit les acteurs sociaux à davantage porter sur la scène mondiale leur diversité d’expériences et d’attentes, d’autant plus forte que tout le monde voit tout le monde, se compare à chacun et réagit à l’autre en fonction de ses propres ressources et de ses propres particularités. Cette articulation croissante du local au global est de plus en plus évidente, tant au plan de la conflictualité qu’à celui de l’expression banale des intérêts de chacun. Les conflits d’aujourd’hui, tels qu’ils se développent dans le Sud, n’ont plus la même configuration que les guerres connues autrefois en Europe et confèrent aux milices, aux seigneurs de guerre, aux big men déjà cités, bref aux acteurs locaux, une capacité proportionnelle à leur proximité du tissu social, à l’exact inverse de la guerre classique qui se nourrissait de puissance et d’État. Cette médiation locale paralyse les plus puissants qui souvent ne la comprennent pas et ne savent pas composer avec elle. Sur un plan moins dramatique, le travail de gestion des intérêts est prioritairement entre les mains des intermédiaires sociaux capables de mobiliser selon des logiques dont le contrôle par en haut est d’autant moins aisé. (...) La capillarité qui en dérive est insaisissable par les mécanismes macropolitiques de l’hégémonie". (pp. 132-133) 


Et ce d'autant plus que "la mondialisation suscite réseaux, échanges informels et mobilités de toutes sortes ; elle crée des solidarités, des connivences, des sentiers d’accès à la décision qui constituent autant de flux transnationaux échappant au contrôle de l’hégémon. Ici aussi, celui-ci sut réagir par le biais du soft power, en vogue dès la fin de la bipolarité et qui, en dépolitisant la puissance, rendait la domination acceptable, voire aimable, et l’intégrait même dans le quotidien des sociétés. L’intersocialité se révéla en fait plus forte.(...) L’International Communication Union établit ainsi qu’en 2017 le monde comptait 7,7 milliards de téléphones portables, soit une couverture de 103 %. Certes, la distribution est inégale, mais elle tend à s’homogénéiser, puisque plus de 75 % des humains disposent de cet instrument ordinaire de communication : ils sont 1 milliard en Chine, 250 millions en Indonésie et si, aux Émirats arabes unis, le nombre moyen de ces téléphones est de 2,2 par habitant, il tombe très exceptionnellement à 0,02 en Birmanie. L’Afrique, longtemps à la traîne en matière de communication téléphonique, compte aujourd’hui plus de 330 millions de mobiles… Internet suit, avec plus de rapidité encore, le même mouvement. On dénombre ainsi 4,12 milliards d’internautes en 2018, soit une progression de 8 % par rapport à l’année précédente, et 3,36 milliards d’individus connectés aux réseaux sociaux, qui deviennent la principale source de mobilisation : la progression par rapport à l’année précédente est ici de 11 % ! La distribution apparaît de plus en plus convergente : 73 % de la population est ainsi connectée en Amérique, 80 % en Europe, 48 % en Asie et l’Afrique, d’abord quasi absente du champ, comptait en 2018 34 % de connectés (+ 20 % en un an).(...) Ce mode inédit de communication habitue plus aisément au relâchement des allégeances et à la contestation, comme le suggèrent les récents processus révolutionnaires, notamment à la faveur des printemps arabes, ou encore les mobilisations transnationales à orientation altermondialiste.(...)Dans un contexte de méfiance plus ou moins affirmée contre la mondialisation, elle construit mondialement sa contestation, en distingue les enjeux et façonne le débat qui l’entoure. Dans cette capillarisation croissante des modes de socialisation et de mobilisation, les leviers intersociaux l’emportent de plus en plus sur le monolithisme hégémonique, plaçant le politique en posture réactive et défensive plus que proactive et offensive."

Ce à quoi me semble t-il répond la réorganisation de l'Etat sur des logiques néolibérales.


- l'hégémonie au défi de la privatisation : "Si on pose l’hypothèse d’une hégémonie américaine aujourd’hui, les images ne sont plus les mêmes. La thèse du complexe militaro-industriel devient bien plus difficile à plaider, à l’heure de la différenciation des acteurs et des intérêts. Le nombre des entreprises d’armement a fléchi dans la post-guerre froide et celles-ci, qui comptaient jusqu’à un million trois cent mille salariés en 1960, n’en possèdent plus qu’un demi-million aujourd’hui. Des dissensions ont fissuré le complexe, dès la fin des années 1970, à propos des missiles ABM ou du bombardier B18. Surtout, la montée du néolibéralisme, déjà analysé, révise la conception classique : l’armement tend à devenir synonyme de dépense improductive, liée à un État qui, de surcroît, en vient à se surendetter et n’apparaît plus comme un moteur de croissance." (pp. 134-135) Encore qu'il me semble qu'ici, l'auteur va un peu vite en besogne.  S'il est certain que les EUA ont perdu le monopole de la force et donc qu'ils hésitent de plus en plus à intervenir militairement dans le monde, dont ils se désengagent, leur puissance militaire reste leur principale force diplomatique et les dépenses militaires ne sont pas plus légères. Les dépenses militaires américaines s’élevaient, en 2018, à 649 milliards de dollars (3,1 % du PIB national), soit plus que les sept suivants du classement réunis. La Chine – qui occupe désormais la deuxième place de ce palmarès – n’atteignait que les 250 milliards, tandis que le troisième (l’Arabie saoudite) en était à 69 milliards. Parmi les quinze premiers du classement figurent sept États membres de l’OTAN, laquelle organisation couvre à elle seule plus de 50 % des dépenses militaires mondiales avec 900 milliards de dollars annuellement déboursés. La tendance va même en se renforçant, puisque l’administration Trump a porté cette somme à 700 milliards pour l’exercice budgétaire 2018…

"Si hégémonie il y a, elle se décentralise, connaît une incarnation complexe et multiple, inclut désormais cette multitude presque infinie d’acteurs dont les liens sont moins directs et moins explicites : elle se partage entre des firmes multinationales de plus en plus nombreuses et juridiquement sophistiquées, des médias galvanisés par le progrès des communications, des associations, lobbies, réseaux de toutes sortes, universités, think tanks, centres de recherche, sans oublier les acteurs religieux et, en tout premier lieu, les nombreuses Églises néoprotestantes dont les prolongements hors des États-Unis sont particulièrement actifs dans les pays du Sud, à l’instar du rôle qu’elles jouèrent dans l’élection de Jair Bolsonaro au Brésil… L’homogénéité et la solidarité de tout cet ensemble sont sujettes à caution, et réclament, en tout cas, beaucoup de nuances." 
"En outre, tous ces « tyrans privés » (l'expression est de Noam Chomski) ne sont pas américains : ils peuvent être chinois, allemands, japonais ou néerlandais… La prise en compte de leur nationalité demande la même prudence : la nouvelle génération de firmes multinationales maîtrise ce jeu subtil d’accords en rhizome avec d’autres firmes, donnant naissance à des interconnexions complexes et peu visibles, à tel point que la nationalité elle-même s’efface devant un patriotisme de firme qui tend à jouer sa propre carte. Cette privatisation de l’hégémonie vient déstabiliser celle-ci dans ses principes, jusqu’à lui substituer l’hypothèse des micro-tyrannies qui s’ajoutent les unes aux autres… (p. 135-136)


 
- l'hégémonie au défi de l'interdépendance : "la mondialisation suscite-t-elle une autre transformation majeure, cette fois en réduisant la pertinence du dogme classique de la souveraineté. Par l'interdépendance, l’hégémon se trouve atteint dans ses capacités, voire dans ses prétentions : il devient tout aussi sensible aux impacts du faible et constamment dépendant du contexte dans lequel il agit. Ainsi la surprenante « dépendance de l’hégémon » à l’égard des autres s’impose-t-elle comme un paramètre déterminant des relations internationales contemporaines" = dépendance énergétique, solidarité croissante des économies nationales, dépendance à l'égard du commerce mondial et des approvisionnements, dépendance aux biens communs (eau, air...)



 

PS : j'ai choisi un angle à travers le livre de B. Badie pour le mettre au service du programme d'HGGSP 1ère. Il y a bien plus dans le livre qui retrace la généalogie de la notion d'hégémonie et à travers elle, propose une analyse géopolitique des relations internationales depuis l'époque moderne. On n'apprend rien de fondamentalement nouveau par ce livre, mais il a le mérite de recomposer l'histoire occidentale à travers ce prisme et, comme il est relativement récent, d'actualiser certaines données. Au final, je recommande son livre, malgré un ton parfois goguenard-sentencieux que j'ai trouvé assez déplaisant et des jugements à l'emporte-pièce que j'aurais aimé plus argumentés.


Je livre aussi en ouverture les powerpoint de ma leçon "les Etats-Unis et le monde : de la construction de la puissance aux doutes" (ancien programme de Term). Ce n'est pas l'OTC à proprement dit, mais un complément pour les élèves, aussi les idées principales sont notées dans le pwpt. 

mercredi 23 décembre 2020

Une leçon de journalisme : l’information dans un épisode de The Newsroom

 

Dans le cadre du programme de 1ere HGGSP, sur le thème des médias et de l'information, je vous propose une séance de réflexion sur les conditions de la production et de la diffusion de l'information politique. Personnellement, je découpe le thème en plusieurs points qui ne suivent pas exactement l'ordre du programme.

  • un chapitre introductif qui présente les évolutions techniques et sociétales du monde des médias depuis le 19e siècle, ce qui permet de dégager quelques grandes pistes de réflexion sur le thème
  • un chapitre sur les rapports entre les médias et le pouvoir politique depuis l'âge d'or de la presse jusqu'à nos jours
  • un chapitre sur ce qu'est l'information : pratiques et déontologie journalistiques,  limites et problèmes à l'heure de la post-vérité et de la circulation des fausses nouvelles sur Internet ou ailleurs ...

C'est donc en début de 3e chapitre que je propose aux élèves l'activité suivante. Après avoir posé les règles de la production d'information (qu'est-ce qu'une information, le point de vue journalistique, la hiérarchie de l'information, les règles de déontologie des journalistes ...), cet exercice est l'occasion de les approfondir en mettant la théorie au grill de questions concrètes.

De plus, à partir des questions abordées dans l'épisode (confrontation entre les journalistes et les propriétaires de la chaîne), l'épisode sert d'introduction à la suite du travail : dangers , problèmes et limites de l'information aujourd'hui.

Présentation de l'activité : il s'agit de réfléchir à ce qu'est le journalisme d'information à partir des propositions faites dans l'épisode 3 de la saison 1 de la série The Newsroom ("The 112th Congress")

C'est une série de HBO (3 saisons entre 2012 et 1014) dont le show-runner est Aaron Sorkin, connu pour A la maison blanche.

J'extrais de l'épisode 5 longs passages , ce qui fait que les élèves auront vu presque tout l'épisode, moins les moments qui relèvent des interactions fictionnelles entre les personnages. Comme mon titre l'indique, tout l'épisode est une leçon de journalisme à l'américaine..

Document annexe : je m'appuie sur l'excellent article d'analyse de la série du site Culture VOD. C'est à ma connaissance le seul en français. J'en cite quelques extraits dans la fiche d'activité, mais l'article est bien plus riche : il s'intéresse notamment à la réception de la série aux Etats-Unis et la replace dans le contexte de la montée du populisme qui a conduit à l'élection de Trump.

https://culturevod.fr/the-newsroom-a-lere-trump-la-tragedie-de-don-quichotte


Compétence et déroulé de la séance : Les élèves visionnent les extraits. Je leur fournis un questionnaire assez sommaire, qui les interroge aussi bien sur le contenu que sur la forme (cf ci-dessous). Les questions sont le prétexte à un débat qui doit faire émerger leurs représentations du travail journalistique et les faire se confronter aux enjeux présentés dans l'épisode.

 

Si vous n'avez pas l'épisode, me contacter.

Pitch :

Jeff Daniels incarne Will McAvoy, présentateur d'Atlantis Cable News, qui prend un congé obligatoire après une tirade publique sur les lacunes de l'Amérique lors d'un débat politique. Inénarrable scène, que je conseille fortement ! À son retour comme présentateur de NewsNight, il découvre que la plupart de ses collaborateurs ont démissionné. Voyant l'occasion de revenir aux jours de gloire des nouvelles télévisées au lieu de l' info-divertissement axé sur les cotes d'écoute , son patron Charlie Skinner a embauché l'ex-petite amie de Will, MacKenzie McHale en tant que nouveau producteur exécutif. McHale partage la vision de Skinner des nouvelles télévisées.

 

Le générique

«  Nostalgique, la série rappelle la gloire du grand journalisme américain. La série s’inscrit dans une longue tradition américaine du journalisme engagé et réformateur. Une culture qu’il est important de rappeler à une époque où l’opinion doute de ses médias et où le discours politique prétend échapper à leur surveillance. Les héros de The Newsroom portent en eux un héritage. A travers ces archétypes moraux, leur combat tragique et leurs discours flamboyants, Sorkin dresse le portrait d’une Amérique toujours fière de son 4ème pouvoir et fait appel aux icônes de sa gloire passée. A plusieurs reprises, la série invoque ses références. Murrow, le pionnier du nouveau journalisme diffusé à toute la nation grâce à la télévision, homme engagé et déterminé, opposant farouche du maccarthysme* et instrument de son effondrement. Cronkite, dont la couverture critique du Vietnam et du scandale du Watergate* lui a valu une réputation irréprochable et une influence inégalée. »

* il est d'ailleurs fait allusion au maccarthysme et à la chasse aux sorcières dans la dernière scène de l'épisode. Il s'agit donc d'un moment particulièrement traumatisant de la Guerre Froide. Le sénateur McCarthy dans au début des années 1950 a mené une commission du Sénat qui a enquêté sur des millions d'américains soupçonnés de sympathies communistes. L'objectif était d'écarter les "rouges" de l'appareil d'Etat et du milieu de la culture et des médias. Si McCarthy chute rapidement (1954) du fait de ses outrances, la paranoïa et la cascade d'accusations/dénonciations qui marque la période destabilisent grandement le modèle américain.

* vu dans la leçon précédente, tout comme la notion de 4e pouvoir.

Questions :

  1. Comment le générique installe t-il d'emblée ce ton nostalgique ?
  2. Que signifie le mot "nostalgie" ? Qu'est-ce que l'emploi de ce mot révèle du destin des valeurs portées par la série ?
  3. Vérifiez avec ce qui suit : le pitch des 3 saisons de la série.

"La série suit les tribulations d’ACN, une chaîne d’informations qui tente de promouvoir un débat d’idées structuré et raisonné, pris dans le tumulte d’une opinion publique qui se déchire et de la radicalisation du débat politique.

Dans la Saison 1, un changement de mentalité à la tête de la production entraîne la chaîne dans un combat contre l’idiocratie ambiante et la rhétorique délétère du Tea Party. L’audience est emportée par le fantasme de cette arrière-garde intellectuelle, ultime rempart de la démocratie.

La Saison 2 voit le rêve se muer en cauchemar alors que ses personnages font l’expérience de l’échec. Tous les idéaux du monde n’ont pas su les prémunir d’une faute professionnelle et éthique humiliante. Malgré leurs discours, ces héros n’en demeurent pas moins faillibles. Un retour à la réalité froid et bouleversant.

A l’aigreur de ses personnages, la Saison 3 ajoute le supplice de son public quand la chaîne doit accepter de compromettre ses idéaux pour exister. Pendant cinq épisodes insoutenables à qui s’est laissé emporter par l’idéalisme des premiers jours, elle trahira toutes ses promesses et ses ambitions passées pour devenir la caisse de résonnance des réseaux sociaux. Une tache indélébile sur sa vertu que l’ultime épisode tentera de racheter en caressant la promesse d’un compromis. Une conclusion qui se veut en demi-teinte mais ne peut atténuer l’amertume d’un espoir final qui sonne faux."

Scène d’ouverture de l’épisode 3 [2 :26 -8 :08]

(temps dans la fiction = automne 2010 avec des flashbacks sur l’année écoulée)

Tout en faisant un éditorial, Will s'excuse pour les bulletins d'information précédents et promet à ses téléspectateurs une meilleure émission, ce qui va contrarier le PDG de la société mère d'ACN. Le reste de l'épisode est structuré à partir de la réunion entre Charlie Skinner et les actionnaires de la chaîne qui listent ce qu'ils lui reprochent, une série d'émissions qui vont à l'encontre de leurs intérêts. C'est l'occasion de flash-back sur les mois écoulés depuis la scène inaugurale jusqu'à la soirée d'élection du 112e Congrès des Etats-Unis. La fin de l'épisode délivre la décision de l'actionnaire sur l'avenir de l'émission.

 

Remarque :

La série repose sur l’entrelacement des moments fictionnels plus ou moins légers sur l’histoire des personnages (avec un ton plutôt sitcom) et un ancrage hyper-réaliste obtenu de deux manières :

 1) par les références à des moments d’histoire des Etats-Unis : cf dans la scène d'ouverture, il est fait référence à David Sarnoff qui a fondé National Broadcasting Company(NBC) et a passé une large partie de sa carrière à Radio Corporation of America (RCA) et à William S. Paley qui fut le fondateur et le directeur de CBS.

2) par l’utilisation de documents d’archives télévisuelle et l’inscription de la fiction dans le temps du réel. C’est le cas ici avec l’audition, qui date de mars 2004, de Richard Clarke. Il fut notamment le coordinateur national pour la sécurité, la protection des infrastructures et le contre-terrorisme dans le Conseil de sécurité nationale des États-Unis de 1998 à 2003.

 

  1. Quelles sont les valeurs et les pratiques d’un bon journaliste d’information ?
  2. Comment la série explique-t-elle le pervertissement des émissions d’informations ?
  3. Comment dramatise-telle les enjeux d’une bonne information ?

 PS : après l'avoir expérimenté avec les élèves, il vaut mieux commencer par la question 3 et remonter ensuite l'ordre des questions

Les points de réflexion = rappel du lien entre démocratie et opinion publique "éclairée" (Q3) comment la publicité peut-elle influencer les sujets du journal et leur traitement (Q2) + point de vue et objectivité journalistique (Q1)

2e scène : l’attentat à la bombe dans Times Square [10 :17-13 :05]

Le 1 er mai 2010, à New York, une bombe est découverte par des passants dans une automobile garée près de Times Square. Le 2, le Mouvement des talibans du Pakistan (Tehrik-e-Taliban Pakistan, T.T.P.) revendique la tentative d'attentat et déclare que celui-ci devait être une réponse aux attaques des drones américains au Pakistan.

Charles Skinner doit se justifier devant la direction de la chaîne des choix éditoriaux de son émission News Night.

  • Quel traitement de l’attentat raté dans Times Square a été décidé en conférence de rédaction ? Pour quelle raison d’après vous ? Qu'en pensez-vous ?
  • Qu’est-il reproché à Charles Skinner ?

 => à la conférence de rédaction, les règles du journalisme ont-elles été suivies ?

3e scène : le traitement du Tea-Party [26 :10 –30 :45]

« The Newsroom  a anticipé le mouvement populiste qui a porté Trump au pouvoir. Diffusée entre 2012 et 2015, la série apporte un regard critique sur l’ascension du Tea Party et la dangerosité de sa rhétorique populiste, qui s’est emparée du débat public aux Etats-Unis. The Newsroom évoque des enjeux qui semblent toujours très actuels : le noyautage du Parti Républicain par les partisans du Tea Party et la transformation -ou radicalisation- idéologique du « Grand Old Party ». Dans la série comme dans la réalité, il semble parfois qu’être fondamentaliste, homophobe, anti-science et xénophobe soit devenu l’abécédaire du parti conservateur.

The Newsroom montre comment de rares Républicains opposés à la nouvelle ligne, résolument anti-libérale et fermée à la coopération extra-partisane, se voient sanctionnés et limogés par le Parti. Une représentation de la stigmatisation et de la répression au sein du GOP presque trop fidèle. Les conservateurs les plus radicaux ont désormais l’habitude de désigner des moutons noirs parmi leurs collègues les plus modérés. Ce sont des RINO, « Republicans In Name Only » (« Républicains seulement dans le nom »), aux positions jugées trop libérales et progressives. Une radicalisation profonde de l’échiquier politique américain saisissante qui n’épargne personne. [ on en a un exemple dans l'épisode : S1 E03 24:11- 26:05] Trump s’en est récemment pris à Mitt Romney, l’ancien candidat Républicain à la présidence des Etats-Unis en 2012, qu’il a qualifié de RINO en raison de sa posture modérée sur le coronavirus. Une critique relayée par les fidèles du président au sein du parti et des médias conservateurs. En résulte un climat politique profondément malsain, dans lequel des élus Républicains pratiquent l’autoradicalisation de peur de s’attirer les foudres l’exécutif et du parti qui pourrait les exclure. »

  • Qui sont « Charles » et « David » ?
  • Comment voit-on dans l’extrait que l’interview des deux membres du Tea Party a été minutieusement préparé ?
  • Quel est l’objectif, du point de vue des journalistes, de cet interview ?
  • A votre avis, quelle est la leçon de journalisme donnée par cette scène ?
  • A votre avis, est-ce cela le journalisme ? Comparez avec les médias français. D'une façon générale, comment se déroule l'interview d'un homme ou d'une femme politique ? Comment justifier cette différence dans le ton et dans la posture journalistique

 Approfondissement possible : comparer une conférence de presse d'un président des EUA et celle  d'un président français.

Dernière scène de l’épisode [51 :07-fin]

On est le lendemain de l'élection du 112e congrès des Etats-Unis dans laquelle 21% des membres du Congrès a été remplacé, essentiellement par des membres du Tea Party. C'est donc un échec pour les journalistes de News Night qui avaient l'espoir d'éveiller les consciences.

rappel : liens entre média et opinion publique (schéma vu dans la leçon introductive)

Confrontation entre le directeur exécutif et l’actionnaire majoritaire de la chaîne. Décision finale.

  • Quel est l’objet du « débat » ?
  • Relever les arguments des deux protagonistes.
  • Est-ce l’argent ou le lien avec le pouvoir politique qui pose problème ici ?
  • Dernière phrase "surement pour me féliciter". Charles Skinner est-il naïf ou idéaliste ?

 


 

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