Sujet
Après avoir présenté les
documents, expliquez pourquoi et comment les civils sont affectés par
le déroulement de la guerre puis montrez les formes que prend, ici, la propagande de guerre.
Correction
Intro :
(présentation des doc) Deux cartes postales françaises, datant de la 1ere
guerre mondiale et qui font partie d’une série intitulée « graines de
poilus », mettent en scène un petit garçon avec des attributs du soldat
(képi, baïonette, gamelle). L’un, sur fond de village détruit, pisse dans un
casque allemand, reconnaissable à la pointe ; l’autre joue à manger comme
son soldat de père en s’écriant que « le lolo, ça vaut pas le rata ».
(objectif
de l’étude) Dans les deux cas, la propagande passe par cet objet de la vie
courante, qui sert quotidiennement aux familles pour se donner des nouvelles.
Elles témoignent que les civils sont complètement affectés par la guerre en
cours, au point qu’elle conditionne leur imaginaire.
(annonce
de plan) Dans une première partie, nous montrons de quelle manière les civils
en France (mais c’est pareil dans les autres pays) ont participé à l’effort de
guerre et ont été affectés par elle.
La
1ere guerre mondiale est une guerre d’un type nouveau, que les historiens
qualifient de « guerre totale ». Les pays en guerre se font
totalement la guerre et mobilisent toute leur économie, entièrement transformée
en économie de guerre, et toute leur population. Celle-ci est incitée par la
propagande, mais aussi par la nécessité, à travailler au service de la guerre,
soit en remplaçant au travail les hommes partis au front (voir les
munitionnettes), soit en versant leur or dans les emprunts de guerre. On attend
d’eux un enthousiasme patriotique total. Les enfants ne sont pas tenus à l’abri
de la guerre : en classe, ils écrivent des lettres aux poilus, ils sont
invités à imaginer des récits de guerre… Il n’est donc pas étonnant que des
cartes postales mettent en scène des enfants, comme d’autres mettent en scène
les femmes attendant leurs maris…
Ces
cartes postales témoignent à leur manière de la brutalisation que subissent les
civils. Ils sont affectés par la guerre, même s’ils ne la vivent pas au
quotidien, encore que les belges et les habitants des départements du nord de
la France subissent l’occupation allemande : ils connaissent les
destructions, le travail forcé, les réquisitions et donc la pénurie et la faim,
les exécutions arbitraires. La carte postale de droite, qui est plus violente
(du fait du geste de l’enfant qui pisse dans le casque allemand) évoque surement
cette situation : le village est détruit, l’enfant se venge comme il le
peut. Même dans les zones non occupées, les civils vivent dans la peur des
bombardements. Enfin, il y a les conséquences psychologiques liées à la mort de
masse (9 millions de morts au total, tel est le bilan de la 1ere guerre
mondiale) : les parents voient leurs garçons mourir, les orphelins se
comptent par milliers, les vies sont brisées.
(annonce
de plan) Pour tenir 4 ans de guerre dans ces conditions, il faut une
motivation. C’est à quoi s’attachent les Etats et les services des
armées : censure et propagande doivent permettre de maintenir une opinion
publique soutenant la guerre.
D’un
côté, les civils ne savent pas exactement l’enfer que vivent les soldats. Leurs
lettres sont relues et censurées par l’armée. Il n’y a pas non plus
d’informations libres. Les permissions des soldats ne sont pas très nombreuses,
du moins au début de la guerre, et beaucoup étaient très vagues sur les combats
pour ne pas affoler leurs familles. Comme cette guerre, industrielle, d’usure,
était totalement nouvelle, les civils mettent du temps avant de comprendre ce
qui se passe exactement. Ça commence à craquer en 1917, en France comme en Allemagne.
D’autre part, l’opinion
publique est manipulée par une propagande, parfois très visible, comme dans
certains communiqués de la presse « du bourrage de crâne » où l’on
affirme par exemple que « les balles allemandes ne tuent pas ». Celle
proposée par les deux cartes postales est plus insidieuse. Elle suggère que les
enfants prendront la relève de leur père « ce sont des graines de
poilus », de futurs poilus. D’une certaine manière, c’est dire que toute
la population française fera la guerre jusqu’au bout, et sur plusieurs
générations s’il le faut. Pour les soldats, c’est aussi un encouragement à
tenir : ils se battent pour leur pays, certes, mais surtout pour défendre
leurs terres (éviter la destruction) et leurs êtres aimés (leurs enfants).
Comme souvent, la propagande insiste sur le fait de faire la guerre pour avoir
la paix. Car on se bat pour des valeurs positives : les Français par
exemple pensent se battre pour la démocratie contre un régime autoritaire et
des allemands, assimilés à des « huns », des « boches »
donc des barbares sanguinaires. L’ennemi est diabolisé. Sur la carte postale de
gauche, plus ouvertement patriotique, il est aussi humilié, par la pisse d’un
enfant sans défense. Les petits français sont patriotes et ne plieront jamais
devant l’Allemagne. Ils sont meilleurs et plus braves que les Allemands. C’est
ce que semble dire ce geste.
Conclusion :
au final, en France, l’opinion publique a tenu, ce qui n’est pas le cas en
Allemagne où l’agitation sociale et quelques défaites militaires poussent
l’empereur Guillaume II à abdiquer après avoir demandé l’armistice. Mais la
violence de ce qu’elle a subi explique l’esprit pacifique de toute une
génération qui ne veut « plus jamais ça » et veut faire de la 1ere
guerre mondiale la « der des ders ». Cela comptera en 1938 lors de la
conférence de Munich quand la France et le Royaume-Uni accepteront
l’inacceptable : le démantèlement de la Tchécoslovaquie par Hitler. C’est
le prélude à la 2e guerre mondiale.