dimanche 18 juin 2023

Churchill

 

Churchill, sa vie, ses crimes

Aux Sources (sur le site Hors-Série)

Tariq Ali

Émission animée et conçue par Stathis KOUVÉLAKIS

Traduction et sous-tirage : Ernest MORET

Il y a trois ans, à Londres, la statue de Winston Churchill devant le Parlement britannique était couverte de peinture rouge. Au même moment, des actions du même type, initiées par mouvement Black Lives Matter suite au meurtre de George Floyd, ont visé des dizaines de monuments dans plusieurs pays occidentaux. En cause dans ces actions symboliques, une histoire, coulée dans le marbre ou le bronze des statues, qui a partie liée avec l’esclavage, le colonialisme, le racisme.

Cette actualité a incité Tariq Ali, écrivain, militant de l’anti-impérialisme et figure historique de la gauche radicale britannique à se pencher sur le cas Winston Churchill. L’ouvrage qu’il lui consacre, publié d’abord en langue anglaise en 2022 et dont une traduction française vient de paraître aux éditions La Fabrique, n’est pourtant pas une biographie conventionnelle. Constatant la faible transmission de l’histoire des combats pour l’émancipation dans les nouvelles générations militantes, Ali utilise la figure de Churchill pour déployer une contre-histoire de cette séquence mouvementée, entre la fin du 19e siècle et le mitan du 20e, au cours de laquelle s’est déroulée sa longue carrière de journaliste, d’homme politique et d’écrivain.

Le portrait dressé est assurément à charge. Sont évoquées les multiples facettes du personnage, toutes reliées par un même fil : la défense acharnée de l’ordre capitaliste et, plus particulièrement de l’Empire britannique, qui fut indiscutablement la grande cause de sa vie.

La liste de ses crimes est aussi longue que la carrière d’un personnage qui fut controversé et, en fin de compte, peu apprécié de son vivant. Ali montre que le culte de Churchill est bien plus récent que ce qui est généralement admis. Il coïncide avec la montée du thatchérisme et l’épisode de la guerre des Malouines, mêlant contre-révolution néolibérale et nostalgie impériale d’une puissance sur le déclin.

Pourtant cet ouvrage n’est pas un simple réquisitoire : plus que de la personne du dirigeant conservateur ou de ses actes considérés individuellement, c’est de la logique d’un système dont il est question. Et plus que du système, ou du dirigeant qui a consacré son existence à le servir, ce dont nous parle Tariq Ali c’est du véritable protagoniste de cette histoire : des luttes de ces millions femmes et d'hommes qui, des mines du pays de Galles jusqu’aux rues d’Athènes et au moindre recoin de l’immense Empire, se sont se battus sans relâche contre tout ce que représente le nom de Winston Churchill.

Stathis Kouvélakis

Aux Sources , émission publiée le 17/06/2023
Durée de l'émission : 78 minutes


Compte-rendu rapide
Ce livre a pour objectif d'effectuer une opération de décentrage du regard sur l'impérialisme anglais du XXe siècle dont Churchill fut un ardent promoteur et défenseur. Il ne s'agit pas de dénoncer la personne et les choix de Churchill en tant qu'individu, mais d'éclairer, sur la longue durée, le système global qui a produit Churchill.

Q : De quoi Churchill est-il le nom, pour nous, dans le contexte présent ?
A son époque, Churchill a été souvent et durement attaqué, notamment par ceux qui attaquaient l'organisation élitiste, classiste du pouvoir britannique. C'est à partir de l'époque de la guerre des Malouines que la mémoire de Churchill a été revisitée et qu'il est devenu plus populaire. Depuis, les milieux universitaires décoloniaux "se battent" contre l'establishment politique (cf Tony Blair  a essayé de faire cesser les manifestations contre la mémoire de Churchill) pour rétablir une image plus historicisée du personnage, pour le démythifier. L'entreprise est rendue d'autant plus nécessaire étant donné l'utilisation de son image dans les guerres actuelles .





Il s'agit aussi de réarmer la gauche en lui redonnant l'accès à la connaissance des luttes historiques de la "ruling class" contre les classes ouvrières/salariées.

Q : Pourquoi Churchill a été si haï de son vivant ?
Il fut à l'avant-garde de la lutte contre le bolchevisme, les mouvements contre l'oppression de classe, d'une manière générale contre tout ce qu'il considérait comme étant du radicalisme. Au pays de Galles par exemple, alors que Churchill était ministre de l'intérieur d'un gouvernement libéral, il a brisé un mouvement de grève des mineurs et la troupe a défilé dans les rues des villes minières pour effrayer la population et a usé de la violence (1910-1911). Même si bien d'autres hommes politiques se sont comportés de la même manière, Churchill fut particulièrement haï car il avait la victoire flamboyante.

Q : Son anticommunisme l'a souvent mené dans des postures...(délicates mais qu'il assume)
Il fut également très actif dans la conduite des affaires militaires dans la lutte contre le tout jeune régime bolchévique pour soutenir les armées "blanches" immédiatement après la révolution russe. Il faut accusé à l'époque (gros scandale) d'avoir fait déverser sur les villages bolchéviques du gaz toxique.
Au début des années1920, il publie un article sur "sionisme et bolchevisme" où il distingue le bon juif et le mauvais juif, recyclant tous les stéréotypes sur le judéo-bochévisme, lequel a servi de base à l'idéologie fasciste naissante en Europe. Cette stratégie de diviser une communauté est un classique de la gouvernance colonialiste qu'il applique ici à une question européenne.
Rq) Pour l'auteur, c'est la même stratégie à nouveau l'oeuvre, par exemple au sein du Labour Party, contre ceux qui soutiennent le mouvement palestinien contre l'action du gouvernement israélien de Netanyahou, même quand ces personnes sont eux-mêmes juives.
Enfin, même si Churchill a été un des rares hommes politiques d'envergure à avoir compris à partir de 1938 que ne pas résister à Hitler était dangereux pour l'ordre européen et pour le maintien de la puissance britannique et de son empire, il a eu des complaisances qu'on qualifierait désormais de coupables vis-à-vis des dirigeants fascistes, singulièrement Mussolini et Franco.

Q : Churchill est, avant toutes choses, un soldat de l'empire britannique.
Pourtant, il se distingue par une série de désastres : cf ses mauvaises décisions en tant que 1er Lord de l' amirauté pour la bataille de Gallipoli (1915) contre l'empire ottoman ; dans ce désastre militaire, il n'a sauvé que les britanniques, laissant aller à la mort les troupes coloniales australiennes, néo-zélandaises, indiennes. A remarquer : le défenseur turc de Gallipoli était Mustapha Kemal, qui s'est servi de ce fait dans sa propagande personnelle après la guerre.

Q : Pour mettre en évidence la face sombre de la manière dont Churchill a conduit la 2nde guerre mondiale, il faut se tourner vers les colonies
Par ex : La famine au Bengale, alors que la production de riz de cette région était énorme. Tout le riz bengalais a été fourni aux armées engagées dans la guerre, au prix de plusieurs centaines milliers de morts civiles (certains historiens avancent 3 millions de morts). Cette atrocité a été perpétuée avec l'appui de tout le gouvernement, donc y compris les travaillistes de Clément Attlee, alors que la chose était bien connue puisque les autorités britanniques sur place transmettaient lettres et rapports.
Rq) Dans les mois qui suivent, la plus grande mutinerie au sein des forces coloniales britanniques puis en 1942, le mouvement de Gandhi qui publie Quit India.

En Europe, le projet de Churchill a été d'éviter le surgissement de mouvements internes aux pays soumis à la domination allemande, singulièrement si communistes. C'est par exemple le cas des troupes britanniques qui combattent la résistance en Grèce en décembre 1944. Du fait de l'importance stratégique des ports grecs pour le contrôle en Méditerranée des routes menant à l'empire britannique, il ne fallait en aucun cas que la Grèce connaisse le même destin que la Yougoslavie, libérée par l'armée de Tito. Aussi, quand le général Scobie a demandé à Churchill comment agir si la population grecque résistait au débarquement des troupes anglaises, Churchill a répondu d'agir comme dans les colonies, sans état d'âme. La Grèce a connu une guerre civile horrible, dans laquelle les Anglais ont payé des milices pour torturer et exécuter les résistants.
cf Greece, the hidden war, documentaire produit par Channel 4 au début des années 1980 et visible sur internet.

Q ; comment expliquer la défaite électorale de Churchill dès 1945 ?
C'est la revanche de la working class britannique. C'est un moment historique où tous les mouvements de gauche sont forts en Europe de l'ouest.



samedi 13 mai 2023

Les premiers temps de l'Islam

Pour le cours de 1ere SPE HGGSP consacré au thème "Etat et religion", j'ai accumulé quelques fiches de notes sur l'Islam et le monde musulman médiéval, en me basant essentiellement sur le Coran des Historiens et des heures de conférences spécialisées que l'on peut trouver sur Youtube : ici  ( Dye le Coran et le problème synoptique et quelques questions sur les contextes du Coran ), ici (Amir-Moezzi évolution depuis les origines) ici (la leçon inaugurale de François Deroche au Collège de France) ou ici (Les Almohades), ici (le Coran des Pierres) par exemple.

Je partage par ce post mon plan de cours et les photos de mes notes, en espérant qu'elles pourront servir.

Lien vers une timeline que j'ai créée sur Genialy

Axe 2 : Pouvoirs politiques et pouvoirs religieux autour de la Méditerranée au Moyen Age 

I) Le Basileus et le Patriarche  III) L'occident entre Restauration impériale carolingienne et Réforme grégorienne

II) La question du pouvoir politique dans l'Islam des origines

1) Question complexe car :

- Muhammad annonce la fin des temps : L'Heure est imminente. Donc il n'y a pas de nécessité de penser un royaume musulman installé dans la durée. (encore qu'on trouve dans les Hadiths officiels une annonce de la succession des régimes jusqu'à la fin des temps : prophétie, califat selon la voie prophétique / "bien guidé", la royauté mordante / succession , la royauté imposée, retour du califat sur la voie prophétique)

- Muhammad ne prévoit pas de règles de succession => 3 siècles de guerres civiles (fitna) et de conflits de succession (ce point a été abordé lors des exposés)

- Muhammad ne vit pas l'expansion de l'Islam hors d'Arabie, la conquête de territoires étendus et la question de la conversion, ou pas (pour les Chrétiens et les Juifs), des populations à l'Islam. Cela a deux conséquences : Tout d'abord, la fin des temps se fait attendre et il faut s'adapter à la durée donc effacement autant que faire se peut des aspects eschatologiques. De plus, Muhammad s'inscrit nettement dans la tradition juive et chrétienne (Jesus Messie, mais pas fils de Dieu d'où le fait qu'il est appelé dans le Coran comme "fils de Marie") donc pas tant de différences que cela avec les communautés religieuses de l'empire byzantin.

R) cela pose le problème des temps de rédaction de la Sunna.

 








2) Il a donc fallu s'adapter = c'est ce que font les califes du 1er siècle de l'hégire et les premiers Omeyyades.

- L'influence byzantine

se mesure par le personnel de l'empire omeyyade qui reste en place et ne se convertit pas (dans un premier temps)

R) Cela explique en partie la facilité de l'imposition du pouvoir arabo-musulman sur ces territoires : l'empire sassanide était en phase de profonde décomposition. L'empire byzantin était affaibli par sa guerre contre l'empire sassanide, mais surtout les élites acceptent facilement la domination musulmane car elle en tire profit (autre exemple, le retour des Juifs à Jérusalem)

se voit par quelques signes extérieurs : cf le programme décoratif et iconographiques des palais du désert...

- l'islamisation de l'empire à partir d'Abd-el-Malik

Titre de calife et utilisation du mot "islam" pour désigner les croyants / Monnaie avec le texte de la sourate 112 


/ Dôme du rocher de Jérusalem

La version définitive du Coran est fixée (Coran attribué à Othman) et largement diffusée : le projet est d'accentuer les caractères propres de l'Islam pour le distinguer du judéo-christianisme + diluer les aspects apocalyptiques sans les renier : "En inscrivant sa profession de foi au cœur d’un complexe monumental qui préfigure l’apocalypse, ‘Abd al-Malik s’affirme comme le seul garant d’une foi islamique dont il définit l’orthodoxie. Ainsi les longues citations coraniques qui font référence aux chrétiens (BI) n’entendent-elles pas seulement réfuter le dogme de la Trinité, mais aussi mettre en garde contre l’éventuelle division de la communauté : les chrétiens, bien qu’ils aient « reçu la science », « se sont opposés les uns aux autres » (Coran 3 : 19) en raison de leurs divergences théologiques. Pour éviter que la fitna n’aboutisse à un résultat similaire, ʻAbd al-Malik invite les adeptes de sa religion à s’unir autour du dogme qu’il proclame. Avant même de se présenter, sur ses monnaies, comme le « lieutenant de Dieu » (khalīfat Allāh), il se veut le guide suprême des musulmans, celui qui permettra à tous les membres de la communauté – la umma mentionnée sur la porte orientale – de se présenter devant Dieu au jour du Jugement et de gagner leur salut éternel."

R) Certains historiens de l'Islam parlent d'Abd-el-Malik comme du véritable fondateur de l'Islam, de la même manière qu'on peut faire de Paul le fondateur du Christianisme.


3) Les contestations du pouvoir califal

- le Shiisme (vu en exposé)

   

     



2 études de doc :
La révolution abbasside
Une audience califale

 La mina, l’épreuve par laquelle le calife avait tenté d’imposer son autorité théologique contre les savants traditionalistes, achève de ternir l'image du calife abbasside.

- Un empire fragmenté et difficilement contrôlé => des califats concurrents
ex. Des Omeyyades à Cordoue après 750 / les Fatimides au Caire (969) / Le califat Almohade




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lundi 8 mai 2023

Une nouvelle constitution pour la France ?

Une proposition pas encore testée d'activité de fin d'année en EMC Terminale. La séquence prend place après le cours sur la République et ses évolutions (partie hist) et en EMC sur la constitution de la Ve (actualité liée à la réforme des retraites oblige...)


En guise d'introduction

Une nouvelle constitution pour la France ?

Comme le dit Pierre Rosanvallon (La société des Egaux, Seuil, 2011, p.105), en France « l’essence du social est comprise sur un mode politique ». Dit autrement, cela signifie qu’en France, pour régler des problèmes et dysfonctionnements sociaux, on a spontanément l’idée de transformer la forme politique : ainsi, la France est la championne des pays démocratiques pour son nombre de constitutions (15 depuis 1789) et lois constitutionnelles (plus d’une centaine).

En ce moment, dans l’actualité, on parle de « crise démocratique » et l’idée de passer à une 6e République revient en force. De fait, le fonctionnement de la Ve République a souvent été critiqué. Je vous propose donc une activité de réflexion autour des problèmes et limites de la Ve République et surtout sur des pistes d’amélioration de cette dernière.

 

TRAVAIL DE GROUPE et EVALUATION FLASH

·         Groupe 1 : thème = les valeurs inscrites dans le préambule de la Ve République et à inscrire dans le préambule de la Vie République

Pour rappel, les valeurs (et les droits qui en découlent) sont l’aune à laquelle on mesure la validité de toutes les lois de la République. Les droits se sont additionnés et complétés au fil des décennies, mais peut-être ne couvrent-ils pas tous les champs possibles et ne répondent-ils pas tous aux nouvelles problématiques. Par exemple, les individus ont des droits, mais les communautés ? Peut-on attribuer des droits aux choses, à la nature ? Faut-il une extension des protections économiques ?

 

·         Groupe 2 : thème = le fonctionnement des pouvoirs politiques

Comment assurer un fonctionnement efficace des institutions pour plus de démocratie ? Pour rappel, la démocratie française doit assurer la juste représentation de tous les citoyens dans leur diversité, et permettre l’exercice plein et entier de leurs droits. Elle doit aussi susciter la création d’un Etat qui administre efficacement la France et la représente auprès des acteurs internationaux.

 

·         Groupe 3 : thème = Le contrôle de l’exercice des pouvoirs et la citoyenneté

Le contrôle de l’action de l’Etat est un des fondements de la démocratie. Il peut être interne (les différents pouvoirs se contrôlent mutuellement, un conseil constitutionnel vérifie la constitutionnalité des lois) ou externe (les citoyens et/ou la justice contrôlent l’action de l’Etat). La démocratie représentative est souvent critiquée car elle ne permet pas en France une implication active et régulière des citoyens à la vie politique.

 

Vous allez avoir 2 ou 3 heures pour réfléchir à ces questions, compléter la fiche de groupe, préparer l’intervention orale. Des documents se trouvent dans Pearltrees. Vous vous autoévaluerez et vous présenterez à l’oral l’état de vos réflexions.

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