Blog de diffusion de ressources pour l'enseignement en lycée de l'Histoire et de la Géographie, de la HGGSP, mais aussi des comptes-rendus de lectures en lien avec les cours.
Parce que je suis par ailleurs doctorante en Histoire médiévale italienne, le Moyen Age tient une place particulière dans ce blog.
Vous trouverez rarement les corrections des fiches d'activité que je propose sauf quand elles servent de support à une séance méthodologique.
Le premier thème du programme d'Histoire de Seconde est particulièrement mal fichu et singulièrement le premier chapitre sur les "empreintes gréco-romaines en Méditerranée antique" où en 4-5 H, nous sommes censés brasser les thèmes de la naissance de la démocratie en Grèce (PPO Périclès), le passage de la République au principat (PPO Auguste), l'Empire romain et la romanisation, la christianisation et le brassage culturel au sein de cet empire (PPO Constantin). Autant dire mission impossible !
La fausse bonne solution de la classe inversée n'est pas possible, il me semble, en début d'année, a fortiori pour les 2nde. Je n'ai pas encore creusé le problème et mes élèves de cette année vont me servir de cobayes.
En attendant, j'ai relu cet été, en ayant un peu en tête la gageure qui nous attend, Le royaume d'Emmanuel Carrère, qui sans être un spécialiste autorisé de la question des premiers temps de l'Eglise, peut néanmoins être reconnu comme ayant une très solide culture sur ces thématiques. Il propose une lecture-analyse de l'évangile de Luc et des lettres de Paul qui permet de dresser un tableau très vivant de l'empire romain hellénisé, inquiet et avide des nouvelles croyances orientales, du milieu jérusalémitain, cette pétaudière atypique parmi les provinces romaines, où les juifs "orthodoxes" côtoient les juifs nationalistes et les juifs acculturés, souvent au service de la puissance romaine ; il explique de façon sensible et à mon avis fort juste ce qui constitue l’énormité du message de Jésus et de la croyance en sa résurrection. Je le crois donc fort utile pour entrer dans cette partie du cours et ce d'autant plus que les textes et documents prêts à l'emploi en classe manquent sur ce point de l'Eglise primitive et la question de comprendre pourquoi et comment elle se répandit somme toute si vite et si facilement dans l'empire.
Je pense donc à saucissonner de façon sacrilège cet excellent livre, en espérant ne pas trop dénaturer et surtout donner à quelques-uns l'envie de lire in extenso les quelques 600 pages du Royaume.
La communauté juive de Philippe devient chrétienne sous l'effet de la parole de Paul pp 183-187
Les premières églises pp 194-202
Imminence de la fin des temps et espérance de la résurrection pp 231-243
Éventuellement :
Tensions au sein des églises chrétiennes groupe de Jérusalem (juifs) contre convertis /église de Paul pp 243-257
Le temple de Jérusalem puis la guerre des Juifs pp. 304-309 ; pp. 312-317; pp.495-503
L'écriture des évangiles pp.523-545 + pp.557-560 + pp. 604-611
MAJ
Au final, cette année, je me suis contentée de la lecture en classe, à voix haute, des pages 160 à 166, de "La scène se passe à Troas" à "sa vie à lui, Luc, ne sera plus la même". C'est le moment où Luc découvre Paul, dans une reconstitution vive et drôle d'E Carrère. Ce passage permet de comprendre la pourquoi la parole de Paul frappait et où se logeait son efficacité. Les élèves, pourtant pas des anges, étaient très attentifs.
Extraits de la chronique dite de Jean de Venette (1340-1368) coll "Lettres gothiques", Livre de Poche
1348 : la Grande Peste noire (p.113)
"On disait que cette peste avait pour origine une infection de l'air et des eaux, parce que ce n'était pas alors une époque de famine : aucun produit nécessaire à la vie ne manquait, tout était en abondance. On rendit les Juifs responsables de cette corruption de l'air et des eaux, comme de ces morts subites et nombreuses ; on les accusa d’avoir empoisonné les puits et les cours d'eau et d'avoir corrompu l'air. La cruauté du monde se déchaîna contre eux si bien qu'en Allemagne et ailleurs où vivaient les Juifs, ils furent massacrés et occis un peu partout par les chrétiens, et brûlés par milliers. Admirez leur constance, ferme mais insensée, comme celle de leurs femmes. Quand on les brûlait, les mères juives pour empêcher que leurs enfants ne fussent conduits au baptême, les jetaient d'abord dans le bûcher avant de s'y précipiter elles-mêmes afin d'être brûlées avec leurs mari et leurs enfants.
On trouva aussi beaucoup de mauvais chrétiens qui, eux aussi, empoisonnaient les puits. Mais ces intoxications, à supposer qu'elles aient existé, n'auraient pas pu produire une telle peste ni tuer autant de peuple. Autre en fut la cause : la volonté de Dieu ..."
1366 : Juifs et marranes en Espagne (p.317)
"En 1366, les ennemis et les brigands abandonnèrent les forteresses qu'ils avaient occupées en Normandie et ailleurs. Ils s'en allèrent en Espagne où le roi Pierre et son frère Henri se disputaient la possession du royaume. En effet, Henri disait que, bien que Pierre eût régné assez longtemps, il régnait contre droit et justice. Le trône appartenait plutôt à lui, Henri. Il reprochait à Pierre de ne pas être le fils du feu roi, mais un autre enfant échangé, le fils de Juifs, que la reine avait substitué à la fille qu'elle venait de mettre au monde. Des chevaliers secrétaires de la reine avaient révélé sur leur lit de mort avoir enlevé en secret un enfant juif et avoir caché la fille de la reine, car le roi avait juré qu'il tuerait son épouse si elle lui donnait encore une fille. Par peur du roi, Pierre fut en secret substitué et la fille mise à l'abri par la reine, sans que le roi en sache rien. Henri affirmait aussi que Pierre lui-même était un hérétique et, ce qui est pire, qu'il suivait la loi des Juifs. Il avait renoncé à la loli de Notre Seigneur Jesus-Christ, qu'il méprisait. Pour toutes ces raisons, selon les antiques droits du royaume lui-même devait être institué et élu à sa place. ce qui fut fait. Le peuple d'Espagne en effet a élu Henri après avoir écarté et déposé l'autre. Ce Pierre était assoiffé du sang des siens : ses mœurs étaient viles et malhonnêtes comme le prouve le fait suivant : il fit tuer et étouffer sans raison sa propre épouse, une princesse du sang de France, pudique, chaste, sainte et honnête, pour prendre une concubine qui, disait-on, était en fait juive. [...] le roi Pierre continua à gouverner lui-même, son palais et même tout le royaume par l'intermédiaire des Juifs. En Espagne, ceux-ci sont très nombreux."
Doc chronologie
En 399, le pape Anastase 1er convoque un concile, les
mariages mixtes entre Juifs et Chrétiens sont interdits.
En 439, est promulgué le code Théodosien de Justinien
II. Il est interdit aux juifs d’exercer une profession publique ou militaire,
et l’on cherche à imposer la conversion de force au christianisme dans
l’Empire.
Théodoric dit le Grand (474 - 526) Roi des
Ostrogoths et du Royaume ostrogoth d'Italie prendra sous sa protection les
Juifs de Gênes et de Milan.
En 582, Chilpéric 1er établit un édit ordonnant «à
tous les Juifs de Paris d’être baptisés sous peine d'avoir les yeux
crevés » .
En 591, le pape Grégoire 1er dit leGrand
(de 590 à 604) s’oppose aux conversions forcées des Juifs et prône la
persuasion.
Vers 850,
le concile de Meaux Paris adopte une série de dispositions destinées à réprimer
le prosélytisme juif et à éviter toute promiscuité avec les Chrétiens :
-
Interdiction pour les Juifs de servir dans l'armée,
-
Interdiction d'occuper un emploi public,
-
Interdiction d'avoir des esclaves chrétiens et faire le commerce des esclaves.
-
Interdiction de sortir de chez soi à la fin de la semaine sainte, pour éviter
que leur vue n'excite la colère des Chrétiens.
-
Interdiction de construire de nouvelles synagogues.
- La garde
des enfants juifs est confiée à des clercs pour les élever dans la religion
chrétienne.
Charles le
Chauve (843 – 877), tolérant, refusera d'appliquer les mesures d'exception et
de les inscrire dans un capitulaire.
C'est à partir du XI° siècle qu'un important
changement envers les Juifs se manifeste, d'abord avec la « grande persécution
» de 1007 à 1011, puis avec la première croisade en 1096, les persécutions se
feront au nom d’une prétendue collusion avec les musulmans, et aussi au titre
de crime de «déicide».
En 1215,
le Quatrième Conseil de Latran a forcé les Juifs à porter un insigne dans les
provinces du Languedoc, de la Normandie et de Provence, et visera à son
application la plus large. : «Il apparaît parfois que par erreur des chrétiens
s'unissent à des femmes juives ou sarrasines ou des juifs ou des sarrasins à
des femmes chrétiennes. Pour que cesse un tel péché et qu'un tel mélange ne
puisse avoir lieu dans l'avenir sous prétexte d'ignorance, nous décrétons que
ces personnes des deux sexes, dans chaque province chrétienne et en tout temps,
devra se distinguer par le caractère de son vêtement. » Mais aussi les
juifs devront se conformer à :
1- Des taxes
sur le prêt d’argent : « Plus les chrétiens sont interdits de pratiques
usuraires, plus la perfidie des juifs augmente en la matière. Nous ordonnons
que si à l'avenir les juifs extorquent des intérêts excessifs aux chrétiens,
ils soient coupés de tout contact avec les chrétiens jusqu'à ce qu'ils aient
fait réparation de leur cupidité immodérée.»
2 – Interdiction aux emplois publics : « Il semble absurde
que des blasphémateurs du Christ aient le pouvoir sur des chrétiens.»
En 1290, Les
Juifs sont chassés d’Angleterre par Édouard Ier.
En 1306, Philippe IV de France (dit le
Bel) expulse les Juifs de France, confisque leurs biens et il s’approprie leurs
créances. 100 000 Juifs environ sont expulsés et prennent en majorité le chemin
de l’Espagne.
A partir de 1348, la grandepesteprovoqua des
émeutes antijuives en Provence, en Suisse, en Allemagne : Six mille Juifs
furent tués à Mayence. De nombreux Juifs fuirent vers l’Est, en Pologne et
Lituanie. En février 1349, près de deux mille Juifs furent brûlés à Strasbourg,
d'autres furent jetés dans la Vienne à Chinon.
En 1451, se met en place de l’inquisition en Castille.
Naissance du phénomène religieux des Marannes (juifs officiellement convertis
mais pratiquant toujours les rites juifs en secret). En 1478, le pape
permet la création d'une Inquisition spéciale en Espagne visant essentiellement
la persécution des juifs restés fidèles au judaïsme après les conversions
forcées. Des milliers d'autodafés (« actes de foi ») ont lieu, au cours desquels
des juifs sont brûlés sur le bûcher, ou étranglés s'ils avouent. En 1492,
les Rois Catholiques, Ferdinand et Isabelle, expulsent tous les juifs du
Portugal et de l'Espagne, exilant environ 150 000 personnes et détruisant les
communautés prospères.
1) Montrer en utilisant la chronologie que l’attitude envers les Juifs a longtemps été indécise. De quelle période date le retournement ?
2) Montrer que le statut des juifs est celui de citoyens de second ordre. Quels métiers sont interdits aux Juifs et quels métiers sont autorisés ?
3) Expliquer les raisons de l’attitude des chrétiens envers les juifs (textes). Quels mythes et quels stéréotypes antijuifs naissent au Moyen-âge ? (textes)
4) Quelle est la situation particulière de l'Espagne au Moyen Age à l'égard de la communauté juive ? (doc + recherches)
Un approfondissement scientifique pour se documenter :
extrait de l'article Bible de l'encyclopédie Les barbares dirigée par B. Dumezil :
La Bible aux mains des barbares Le christianisme avait vocation à s’étendre au monde entier, donc à dépasser les frontières de l’Empire romain au sein duquel il était né. La prédication pour convertir les barbares aux marges de l’Empire fut précoce. Prisonniers chrétiens ou barbares, marchands faisant affaire de part et d’autre des frontières, barbares engagés dans l’armée romaine favorisèrent contacts et conversions. La Bible, dans ce processus, joua parfois un rôle, puisque le christianisme était une religion du livre. À l’origine composée en hébreu, en araméen et en grec, la Bible fit l’objet de traductions précoces dans d’autres langues, en plus du latin, langue administrative de l’Empire aux côtés du grec. Elle fut traduite en copte, parlé en Égypte, en syriaque, dialecte araméen pratiqué dans et hors de l’Empire, mais aussi en ge’ez (éthiopien ancien), en arménien, en géorgien, en gothique puis en slavon, langues d’au-delà les frontières de l’Empire. La Bible circula oralement en arabe avant le VIIe siècle. Les traductions écrites du Livre correspondirent souvent à la formalisation d’une langue écrite et d’une écriture compréhensibles par les populations locales : écriture et christianisation furent donc liées, comme dans le cas du slavon. Des résistances s’élevèrent contre ces traductions, surtout en Occident : on invoqua alors l’autorité d’Isidore de Séville, qui avait déclaré que les trois langues sacrées étaient l’hébreu, le grec, et le latin. En favorisant la création d’une langue littéraire propre à certains groupes barbares, la Bible contribua à la construction identitaire de ces derniers. Dans le cas des Goths, l’identité linguistique s’est doublée d’une spécificité religieuse. Si la Bible fut peut-être traduite en langue gotique dans l’entourage des premiers évêques en pays goth, de confession nicéenne, la version gothique aujourd’hui conservée porte l’empreinte d’une théologie arienne. Elle remonte à Ulfila, évêque en pays goth à partir de 341, arien et consacré par l’évêque arien de Nicomédie. Ulfila inventa pour cette traduction un vocabulaire chrétien et un alphabet nouveau, inspiré de la majuscule biblique grecque, de l’onciale latine et de runes. Son entreprise reposait sur une version grecque de la Bible. Ulfila prêcha une quarantaine d’années en latin, en grec, et en gotique, en pays goth ou dans l’Empire lors des persécutions des chefs goths païens. L’évangélisation d’Ulfila fut couronnée de succès : des Goths, le christianisme arien se propagea à d’autres groupes barbares, par exemple les Vandales. Il ne s’agit pourtant pas d’une évangélisation centralisée ou systématique : même après la mort d’Ulfila, des Goths nicéens sont attestés. Jérôme correspondit avec deux Goths, Sunnia et Frétéla, probablement nicéens : il répondit par lettre à leurs questions philologiques sur les Psaumes (Lettre 106). L’évangélisation et l’invention d’une langue littéraire pour traduire les Écritures ou les textes liturgiques n’étaient pas désintéressées : il s’agissait aussi, pour les États qui la promouvaient, d’étendre leur influence politique. La conversion du souverain de Grande-Arménie, au début du IVe siècle, a permis au royaume de signifier son autonomie face aux Sassanides et aux Romains ; un siècle plus tard, un moine arménien inventa un alphabet pour traduire la Bible dans la langue locale, plutôt que d’utiliser les versions grecques ou syriaques. En Grande-Moravie, les princes se convertirent sous l’influence des Carolingiens vers 831 et souhaitèrent ménager à leur Église une certaine autonomie. Confrontés aux réticences pontificales, ils firent appel aux Byzantins, lesquels dépêchèrent deux missionnaires, Cyrille et Méthode, dont la charge n’était plus tant d’évangéliser que d’organiser une Église autonome, sous influence byzantine plutôt que latine. Il en résulta une concurrence entre missions occidentales et orientales ; les deux camps prêchèrent en slave et Cyrille consolida son action en inventant un alphabet propre à transcrire cette langue et donc à traduire Bible et textes saints : le glagolitique. Cela ne suffit pas à convaincre les Moraves de rejoindre la chrétienté byzantine ; ils gagnèrent cependant la reconnaissance d’une identité et d’une langue liturgique propre, par la suite partagée avec d’autres populations. La Bible et ses usages, religieux et politiques, contribua donc au développement de la culture écrite dès l’Antiquité et le haut Moyen Âge, ainsi qu’aux relations entre Romains et barbares habitant à l’intérieur et au-delà de l’Empire.
Dossier documentaire pour une activité avec les élèves
Doc 1 : St
Patrick convertit les Irlandais (432-461)
Mais Patrice convertit Dichu, le premier homme qu'il baptisa en Ulster. Quand Pâques fut proche, Patrice pensa qu'il n'y avait pas d'endroit plus convenable pour célébrer la fête que la plaine de Breg près de Tara. Là il planta sa tente à Ferta Fer Féice et prépara le feu pascal. Il arriva que c'était l'époque où se célébrait la fête païenne de Tara. De tous côtés s'y rendaient les rois et les nobles, ainsi que les druides et les augures d'Irlande. Ce soir-là, il était interdit d'allumer aucun feu en Irlande avant le feu de Tara. Et voilà que les païens virent toute la plaine de Breg illuminée par le feu de Patrice. Les druides dirent que si ce feu n'était pas éteint cette nuit-là, il ne s'éteindrait jamais. Le roi fit atteler les chars et se rendit auprès de Patrice. Celui-ci adressa une prière à Dieu, et un tremblement de terre mit en fuite l'armée de Loégaire qui demanda la paix. Le lendemain, comme les hommes d'Irlande étaient assemblés à boire dans la grande salle du palais, les portes étant fermées, Patrice parut au milieu d'eux. Le roi le fit approcher de lui, et le chef des druides, LucatMoel, lui offrit une coupe empoisonnée : Patrice bénit la coupe et le liquide se figea; puis il renversa la coupe et en fit tomber le poison; il la bénit de nouveau et le contenu se liquéfia. Le druide, voyant ce prodige, provoqua Patrice à qui ferait le plus de merveilles et Patrice accepta le défi.
Extrait de la Vie de st Patrick
Doc 2 : St Amand
convertit les flamands (625-640)
C’est un disciple de St Colomban, moine irlandais qui a lancé un vaste mouvement d’évangélisation de l’Europe de l’ouest et du nord. L’Irlande n’a jamais été romanisée, et n’a donc jamais connu ni l’organisation civile en ‘cités’ ni l’organisation ecclésiastique en diocèses. Le pays a été évangélisé non par évêques, mais par des moines, d’abord à partir du monastère d’Armagh, fondé par saint Patrick. Par la suite, l’Irlande a développé une organisation ecclésiastique ayant pour centres les monastères. Les moines celtes vivaient de façon extrêmement ascétique et, suivant l’exemple de St Colomban, ils partirent en missionnaires – pèlerins à travers l’Europe, fondant au passage des monastères pour évangéliser les paysans païens et les rois locaux.
En cette même période, nous raconte son biographe,
Amand qui parcourt «des lieux et des diocèses», entend parler d’une région sur
l’Escaut, nommée Gand, dont les habitants, sous la coupe du Diable, adorent des
arbres et des idoles. A cause de la «férocité» de ce peuple et de l’infertilité
de la terre, aucun prêtre n’avait osé y aller pour annoncer la parole de Dieu.
Amand le prend comme un défi. Il veut y aller prêcher la bonne parole, mais non
sans se mettre sous la protection de l’évêque de Noyon et du roi Dagobert Ier (†
639). Ce dernier l’autorise, au besoin, à baptiser les gens par la force. Cette
nouvelle phase de la vie de saint Amand doit se situer entre 625 et 640. Sa
mission en terre flamande n ’a pas été de tout repos. « Il y souffrit
beaucoup d’afflictions pour le nom du Christ. Et pendant que ses compagnons, à
cause du manque de nourriture et de vêtements, repartaient chez eux, il resta
seul et de sa propre main, il tournait la meule et mangeait du pain mélangé à
de la cendre. Et souvent, quand il détruisit des sanctuaires païens, il fut
battu par des femmes et des hommes et jeté dans le fleuve. Mais il racheta des
captifs de leur esclavage et les conduisit à la grâce du baptême. » (Vie
de St Amand) A Tournai, à l’occasion d’une réunion de dignitaires francs,
ce n’est pas seulement la prédication évangélique qui impressionne les
habitants, mais encore un grand miracle, la résurrection d’un homme exécuté par
pendaison, après avoir été torturé. Le biographe parle de conversions massives
dans la région. Après sa mission auprès des Flamands, saint Amand se tourne
vers un nouveau terrain d’action : le roi Dagobert Ier. Celui-ci avait un
penchant immodéré pour la gent féminine, mais, comble de paradoxe, toujours pas
d’héritier. Or, il en naît un, en 630/631, des relations intimes entretenues
pendant un voyage en Austrasie avec une jeune fille nommée Ragnétrude. C’est le
futur Sigebert III. Dagobert tient absolument à ce que le petit soit baptisé
par Amand. Mais il y a un problème, et de taille ! Car Amand n’est pas là,
puisqu’il a été expulsé du royaume par ce même Dagobert, sûrement pour lui
avoir reproché la liberté de ses mœurs.
2bis (doc d'accompagnement)
Document 3 : Charlemagne évangélise les Saxons
(772-802)
« Aucune guerre
ne fut plus longue, plus atroce, plus pénible pour le peuple franc que la guerre
de Saxe. Car les Saxons, comme presque toutes les nations de Germanie, étaient d’un
naturel féroce ; ils pratiquaient le culte des démons et se montraient ennemis de
notre religion. La guerre fut menée des deux côtés avec une égale vigueur et se
poursuivit pendant trente –trois années consécutives [...]. Elle ne s’acheva que lorsque les Saxons eurent accepté
les conditions imposées par le roi Charles : abandon du culte des idoles, adoption
de la foi et de la religion chrétienne, fusion avec le peuple franc en un peuple
unique ».
Eginhard, La vie de Charlemagne, IXe siècle
3bis (doc d'accompagnement)
Charlemagne
détruit le sanctuaire saxon d'Irminsul, faisant disparaître un lieu de sacrifices païens.
Selon les Saxons, Irminsul était un arbre soutenant le Ciel, près de la Weser. En représailles, les
Saxons s'attaquent au monastère de Fritzlar dans
la Hesse et pillent l'évêché de Büraburg.
Charlemagne fait décapiter plusieurs milliers de prisonniers saxons à Verden et ordonne la déportation de
plusieurs clans vers le royaume des Francs. Il édicte en 785 un premier capitulaire
saxon (De
partibus Saxoniae) qui condamne
sévèrement (peine de mort) les meurtres de prêtres, les pratiques païennes
(incinération). Il met en place le baptême forcé et exige des Saxons qu'ils
prêtent serment de fidélité au roi des Francs. En 792-793, une nouvelle révolte agite la Saxe alors que
l'évangélisation ne donne aucun résultat. Le baptême de Widukind au
palais royal d'Attigny sous le parrainage de Charlemagne devait convertir les
élites saxonnes et ramener la paix. Les déportations se poursuivent pourtant
ici ou là. En 797,
Charlemagne instaure un nouveau capitulaire saxon, plus clément que le
précédent. La peine de mort est abolie contre les païens et commuée en amendes.
Les troubles cessent progressivement vers 799. Enfin, vers 802-803, la loi des Saxons est mise par écrit et intègre la Saxe dans le
nouvel Empire carolingien.
Questions
1) Quelles sont les formes possibles d’évangélisation d’un territoire : qui ? comment ? (doc 1 à 3)
2) Montrez que les moines évangélisateurs sont présentés comme des héros* par les Vies de saints, qui servent de modèles aux chrétiens.(doc 1 et 2)
*Faites attention aux multiples sens de ce mot
3) Montrez qu’il n’est pas question de liberté religieuse au Moyen-âge.(doc 1 et 3)
4) Quelles sont les relations entre les moines évangélisateurs et les rois chrétiens ? (doc 2)