En lien, un dossier sur les JO : aspects généraux
Londres 2012 : les JO vitrine de la mondialisation ?
(trouvé sur le site Géoconfluences)
Le slogan des jeux olympiques de Londres 2012 est : "the world in one city" (le monde dans une seule ville). Ce slogan, forgé pour la candidature au début des années 2000, fait référence au cosmopolitisme londonien : Londres est une "ville globale" (Saskia Sassen), c'est-à-dire l'une des quelques capitales de la mondialisation. A l'échelle locale, elle se caractérise par son multiculturalisme. Elle attire des populations venues du monde entier et de tout le Royaume-Uni. Et ce depuis longtemps, notamment du temps où elle était un poumon industriel de l'économie mondiale.
Le choix du site de Stratford et les aménagements qui y sont effectués témoignent de l'envers du slogan "the world in one city". Comme vous pouvez le voir sur la carte de Manuel Appert et sur les vues satellitaires, la voie ferrée sépare strictement le site olympique (anciennes friches industrielles) du Stratford habité. Ses habitants, issus des classes populaires ou moyennes, jouxteront le nouveau Stratford avec ses immeubles de standing, son centre commercial le plus grand du grand Londres, ses prouesses architecturales réalisés par des investisseurs du monde anciennement dominé par l'impériale Angleterre, comme Mittal (la tour enferrée de rouge, telle une post-tour Eiffel post-coloniale) ou la famille régnante du Qatar. Cette dernière finance la nouvelle tour Shard ("tesson"). Dessiné par Renzo Piano, d'usage mixte (résidentiel, professionnel, commerçant, de loisirs), elle vient d'être livrée : avec 310 mètres, c'est la plus haute tour d'Europe. Le monde du slogan est autant celui des richesses que des inégalités de la mondialisation. En ce sens, l'organisation des JO est le révélateur des formes contemporaines prises par la mondialisation de l'économie dont Londres était, au XVII° siècle déjà, l'un des coeurs battants.
Londres, métropole multiculturelle
Les cartes sont tirées de l' Atlas de Londres. Une métropole en perpétuelle mutation coécrit par Manuel Appert, Mark Bailoni, Delphine Papin, et publié aux éditions Autrement, en avril 2012.
Le paysage urbain en débat
Depuis 2001 plus d’une centaine de projets de tours ont été proposés. Ces projets entendent répondre à deux exigences : densifier la ville dans un contexte de développement durable et imprimer la marque de la mondialisation dans le paysage urbain. Ces projets ont déclenché de vives polémiques que la Greater London Authority n’a pas sues apaiser. Derrière ces polémiques, on retrouve un conflit entre une conception de la ville globale et une conception de la ville patrimoniale.
Manuel Appert explique en détail le débat à partir le cas de la tour Shard dans son article "Politique du skyline. Shard et le débat sur les tours à Londres", Métropolitique, 2011
Les JO, vitrine et levier d'une capitale de la mondialisation
Le texte cité est de Manuel Appert, "Les JO 2012 à Londres : un grand événement alibi du renouvellement urbain à l'est de la capitale", Géoconfluence
À l’occasion des jeux olympiques, les édiles locaux veulent approfondir une vaste opération de renouvellement urbain. Cette opération « permet à l’État et à la municipalité de Londres de substituer à Stratford, banlieue industrielle en déclin de l’est londonien, un territoire plus compétitif dans le contexte de mondialisation et de métropolisation »
Il s’agit de « transformer physiquement un espace vaste et faiblement peuplé pour lui permettre de se conformer économiquement et socialement à celui d’une ville globale. Plus concrètement, est entendue la planification d’un ensemble de quartiers, dense, attractif et résolument tourné vers les acteurs internationaux de l’immobilier dans le contexte d’un désengagement financier des pouvoirs publics. »
Les aménagements prévus dans le cadres des jeux olympiques s’inscrivent dans un projet plus large entamé dans les années 2000 : le Grand Londres « Le programme de rénovation urbaine et d’équipement est ainsi relativement conforme aux autres opérations d’aménagement menées dans le Grand Londres depuis 2000. Depuis la publication du premier London Plan en 2004, la municipalité du Grand Londres a identifié des zones à réaménager en priorité : les opportunity areas. Ces espaces qui ont en commun un niveau élevé de précarité et/ou un niveau d’accessibilité important, doivent assurer (et/ou absorber) l’essentiel de la croissance de la ville durant les vingt prochaines années. Contrainte spatialement par une ceinture verte, Londres mise sur une croissance urbaine compacte, faiblement consommatrice d’espace et d’énergie. Le principe est alors de densifier ponctuellement les nœuds de réseaux de transports collectifs pour minimiser les déplacements motorisés (Appert, 2005 et 2009). »
Les jeux ont pour principal effet d’accélérer le processus de renouvellement notamment à Stratford, au prix parfois d’une gouvernance locale sacrifiée « Pour accélérer le processus de décision et structurer le renouvellement d’un vaste espace qui dépasse largement le seul district de Stratford, la mairie de Londres va devoir compter avec un État très présent, et tous deux dessaisiront partiellement les collectivités locales de leurs compétences d’aménagement. »
|
site olympique 2003 |
|
site olympique 2010 |
-------
Le temps, Laurent Favre, août 2017, Edition électronique
Les JO de Londres,
cinq ans après : du rêve à la dure
réalité
Construit pour les Jeux olympiques de 2012, le stade
olympique de Stratford accueille les Championnats du monde d’athlétisme, du 5
au 13 août prochains. L’occasion d’un bilan des JO, avec cinq ans de recul
Deux ans après Pékin et le retour au nid (d’oiseau),
les Championnats du monde d’athlétisme vont se dérouler (du 5 au
13 août) dans le stade de Stratford, bâti pour les Jeux olympiques de
Londres en 2012. N’y voyez aucun sentimentalisme, il s’agit simplement de
rentabiliser les coûteuses infrastructures désormais en place. Paris (2003) et
Berlin (2009) en avaient fait de même avec les stades construits ou rénovés
pour la Coupe du monde de football.
Le 12 août 2012, lors de la cérémonie de
clôture, le président du CIO d’alors, le Belge Jacques Rogge, avait qualifié
les JO de Londres de «fabuleux», «extraordinaires», et n’avait pas craint de
reprendre la formule préférée de son prédécesseur Juan Antonio Samaranch: «Les
meilleurs Jeux jamais organisés». Qu’en reste-t-il avec cinq ans de recul?
■ Le bilan économique
L’organisation des Jeux a coûté 9 milliards de livres
(12 milliards de francs avant la dévaluation de la livre sterling) aux
contribuables britanniques. C’est plus du double de ce qui avait été annoncé.
Très vite, le gouvernement a donc communiqué sur l’impact positif de
l’opération et annoncé des recettes pour 9,9 milliards de livres. A
moyen terme, le premier ministre David Cameron avait promis un objectif de
13 milliards de livres de retombées. Un rapport élaboré par un
cabinet comptable parle même de 28 à 41 milliards de livres
d’ici à 2020. Ces calculs sont contestés et difficilement vérifiables.
Mêmes avérées, ces retombées ne sont pas également réparties. Ainsi, la
manne touristique (600 millions de livres supplémentaires enregistrées en
2012) a échappé aux commerçants locaux. Les trois millions de touristes
attendus spécialement furent moins nombreux qu’espéré et se sont concentrés
près des sites olympiques, dans des zones commerciales contrôlées par le CIO et
ses partenaires. Les autres touristes ont préféré éviter Londres durant la
période. Dans les commerces du centre et les traditionnelles attractions touristiques, les statistiques montrent des chiffres en baisse de 30%.
■ Le bilan social
«Inspirer une génération.» Plus qu’un slogan, c’était le vœu des
organisateurs. Remettre la population au sport. Notamment les jeunes, de plus
en plus touchés par l’obésité, un phénomène préoccupant en Grande-Bretagne.
Malgré les exploits à répétition des athlètes britanniques (29 médailles d’or),
aucun effet d’entraînement n’a été constaté. Le nombre de personnes de
plus de 16 ans qui pratiquent une activité sportive au moins une fois par
semaine a d’abord très légèrement augmenté puis est retombé à un niveau
inférieur à celui de 2012. Les catégories socioprofessionnelles les plus
défavorisées sont les moins enclines à faire du sport. Elles sont aussi les
plus touchées par les coupes budgétaires dans les activités sportives locales.
Le soufflé est également vite retombé concernant l’ambiance. «Durant
les Jeux, les gens commentaient les compétitions, se racontaient la cérémonie
d’ouverture. Ils se parlaient même dans le métro, se souvient Lynne Grant, une
habitante. Mais très vite, chacun a replongé la tête dans son journal.» Les
étrangers, et notamment les Français, avaient été surpris de voir des
musulmans à longue barbe ou des femmes portant le foulard œuvrer parmi les
bénévoles, y compris à des postes clé ou exposés comme le contrôle de sécurité
ou la remise de médailles. Ils participaient, dans le respect de leur identité.
Le multiculturalisme à la britannique semblait donner de meilleurs résultats
que le modèle d’intégration à la française. Les attentats terroristes à Londres
en 2013, 2015 et surtout 2017 sont depuis venus réfuter cette chimère.
■ Le bilan urbanistique
Les coûts élevés avaient pour cause la volonté de réhabiliter l’East End de
Londres. Lorsque l’on quitte la ville pour rejoindre l’aéroport de London City,
on traverse aujourd’hui une zone qui n’est plus une friche industrielle
contaminée mais pas encore un quartier à la mode. Beaucoup d’immeubles en
construction, des plastiques à la place des vitres, attendent. Près de 6000
personnes habitent désormais dans l’ancien village olympique et
24 300 nouveaux logements sont attendus d’ici à 2031. Sont
également prévus des antennes de l’University College London et du
London College of Fashion, une salle de danse contemporaine, une annexe du
Victoria & Albert Museum. Cette montée en grade programmée attise déjà les
convoitises et fait grimper les prix de l’immobilier, un problème dans ce
quartier populaire.
Les installations sportives avaient été conçues pour être très vite
adaptables et utilisables à un coût raisonnable. Le parc de
150 hectares a été transformé en un lieu de promenade, la piscine et le
vélodrome sont accessibles au public. Bien desservi par les transports publics,
l’immense centre commercial de Westfield trouve gentiment son public.
En 2016, le club de football de West Ham a quitté Boleyn Ground et cent
douze ans d’histoire pour s’installer au stade olympique. Le bail,
signé en 2013 pour nonante-neuf ans, a été âprement négocié. Pour éviter
le camouflet d’un stade sans club résident (comme le Maracaña de Rio, le Stade
de France à Paris ou le Nid d’oiseau de Pékin), l’Etat a encore payé 257 des
272 millions de livres de travaux pour les frais d’aménagement
(suppression d’un étage, couverture des gradins, déplacement des tribunes
plus près de la pelouse).
■ Le bilan sportif
Au dernier jour des Jeux, le tableau des médailles sacrait les Etats-Unis
(103 médailles, dont 46 en or), devant la Chine (88, 38), la
Grande-Bretagne (65, 29) et la Russie (82, 24). Mais le bilan ne cesse
d’évoluer au gré des révélations sur le dopage. A ce jour, 29 athlètes ont
dû rendre leur médaille. Les échantillons prélevés durant les JO «parlent» a
posteriori, tout comme les lanceurs d’alerte dénonçant le dopage d’Etat en
Russie. Treize athlètes russes ont ainsi été déclassés. «Les JO d’été de
Londres en 2012 ont été sabotés par le dopage russe», a écrit Owen Gibson, le
chef du service sport du Guardian.
Et les autres? Pour le moment, excepté le sprinter américain Tyson Gay,
aucun sportif «de l’Ouest» n’a été destitué. Des doutes planent sur
l’athlétisme kényan et éthiopien, sur le sprint jamaïcain, sur l’haltérophilie
dans son ensemble (déjà quatre médailles d’or retirées à l’équipe féminine du
Kazakhstan). Et les Britanniques, qui ont battu tous leurs records? Les
cyclistes et le coureur de fond Mo Farrah ont été cités depuis 2012
dans des affaires de dopage, sans accusation directe ni preuve pour le
moment.
■ Le bilan olympique
Londres a marqué l’histoire olympique de trois manières. D’abord en faisant
exploser les codes des cérémonies d’ouverture et de clôture, confiées au
réalisateur Danny Boyle, qui y a introduit de l’humour (la Reine en duo
avec James Bond) et beaucoup de musique (la cérémonie de clôture ressemblait
davantage à un vaste concert). Ensuite en portant à un degré de perfection
jamais atteint jusque-là l’utilisation des sites historiques de la ville. Les
triathlètes ont couru dans Hyde Park, les nageurs longue distance ont plongé
dans The Serpentine. Le contre-la-montre cycliste s’est achevé au pied de Hampton
Court, le 50 km marche devant les grilles de Buckingham. Ne cherchez pas
où Paris 2024 a trouvé l’idée du beach-volley sous la Tour Eiffel.
Enfin, Londres 2012 a définitivement installé les paralympiques dans le
programme olympique. Programmés quelques semaines plus tard, ces Jeux pour
personnes handicapées ont battu des records: 2,42 millions de tickets
vendus (sur 2,5 millions disponibles), des retransmissions quotidiennes
(500 heures de direct en Grande Bretagne) et des piques d’audience historiques
(11,2 millions de personnes au Royaume-Uni pour la cérémonie d’ouverture).
Rio 2016, tenté pour raisons financières de brader l’événement, a été obligé de
suivre.
■ Le bilan politique
Quatre ans après avoir accueilli le monde, le Royaume-Uni s’est renfermé
sur lui-même en votant la sortie de l’Union européenne en juin 2016. Le
Brexit a coûté son poste au premier ministre David Cameron, qui n’aura
donc pas profité longtemps de l’effet JO. Devenu même l’une des personnalités
les plus détestées du Royaume-Uni, il s’est retiré de la vie politique en
septembre 2016. Quant à Boris Johnson - l’ancien maire de Londres omniprésent
au moment des Jeux -, il s’est abstenu de briguer le 10, Downing Street
après avoir ardemment soutenu le Brexit. Il a toutefois été nommé Ministre des
affaires étrangères du gouvernement de Theresa May.
Le président du Comité d’organisation des Jeux, Sebastian Coe a, lui,
très vite rebondi. Le double champion olympique du 1500 mètres (1980,
1984) a été élu le 19 août 2015 président de la Fédération internationale
d’athlétisme (IAAF), avec 115 voix contre 92 à Sergueï Bubka. Il dut
rapidement faire face à divers scandales (athlétisme russe, corruption de
l’ancien président Lamine Diack) et tente toujours de redonner une crédibilité
à l’athlétisme mondial. De retour à Stratford pour les Championnats du
monde d’athlétisme, il a déjà prévenu qu’il ne pouvait «pas garantir des
compétitions sans dopage».
Le site olympique vu du ciel en 2003
détail de la construction du site olympique 2010 ©G
Légende de la galerie-diaporama ci dessous
Photo 3 : Tour d'observation Arcelor Mittal Orbit dans le site olympique de Stratford, été 2011.
Photo 4 : Nouvelles tours de logements de standing sur la grand rue de Stratford, hiver 2012
•
•