Voici une proposition d'une activité pour le cours d'EMC Terminale.
On part d'un article, paru en février 2025 dans The Conversation, d'Arnaud Le Pillouer, constitutionnaliste à l'Université de Paris-Ouest Nanterre : "Notre démocratie est-elle minée par l’élection du président de la République au suffrage universel ?"
Les élèves préparent l'analyse du texte avec cette batterie de questions :
Relever les
informations dans le texte
1.
Quel événement a profondément transformé la culture
politique française, selon l'auteur ?
2.
Quel rôle les partis politiques jouaient-ils initialement, avant l'importance
accrue de l'élection présidentielle ?
3. Qu'est-ce que l'auteur qualifie de "représentation très appauvrie de la démocratie" ?
4. Quel était le principal motif invoqué pour justifier le maintien de
l'élection présidentielle au suffrage universel direct ?
5. En
quelle année Emmanuel Macron a-t-il été élu pour la première fois président ?
Interpréter (reformuler/expliquer) le texte.
6. Pourquoi l'auteur considère-t-il que la combinaison de larges pouvoirs et une totale irresponsabilité [du président de la République] est "ni très appropriée ni très saine" ?
7. Pourquoi l'auteur considère-t-il
que les résultats des élections législatives de 2022 auraient dû forcer les
partis à négocier ? [il s’agit d’expliquer comment fonctionne un régime
parlementaire]
8.
Quel est le caractère "paradoxal" de la
coalition entre le gouvernement et LR, selon l'auteur ?
9.
En quoi l'auteur critique-t-il l'idée de l'élection
présidentielle comme incarnation d'un "homme providentiel" ?
Analyse Critique : nécessite de de focaliser sur le point de vue, les choix de vocabulaire et la 2e question réclame une synthèse.
10.
Quel est le ton général du texte ? Pourquoi ce type d’article est-il un « point
de vue » ? Justifiez votre réponse avec des exemples tirés du texte.
11.
Les problèmes mis en exergue par l’auteur sont-ils
des problèmes liés à l’organisation de la Ve République ou à la pratique
politique récente du pouvoir exécutif ?
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La correction permet de faire entièrement le cours (constitution de la Ve République et son organisation des pouvoirs, le présidentialisme, la pratique politique et la vie politique récente). Le texte est très riche et offre beaucoup d'arguments et d'exemples sur lesquels revenir.
Question 1 => 2000 réforme constitutionnelle du quinquennat et inversion du calendrier électoral.
+ 1962 modification de la constitution pour élire le Président de la République au SUD.
Points abordés : A quoi sert la Constitution ? Comment la modifie-on ?
+ Une constitution voulue par De Gaulle pour donner plus de pouvoir à l'exécutif. Comparaison IV/ Ve (régime parlementaire, régime semi-présidentiel.)
+ raisons de la la modification constitutionnelle de 2000 : expliquer les cohabitations.
Question 2 et 3 +5 => Partis = producteurs de programmes, animateurs du débat public, sélectionnent les candidats aux élections. + "représentation très appauvrie de la démocratie, réduite à la simple capacité des citoyens à se choisir périodiquement un chef"
Points Abordés : Mais de plus en plus, de simples "écuries présidentielles" : la fameuse rencontre d'un Homme et de la Nation.
Cf En Marche ! et les conditions de la candidature d'Emmanuel Macron pour l'élection de 2017. La volonté d'un dépassement du clivage gauche/droite.
Il est possible de compléter avec une référence interessante, le livre de
On peut aussi faire des analyses d'affiches présidentielles/slogan de Mitterrand à nos jours.
Question 4 = l'attachement des Français à l'élection présidentielle peut se mesurer à la comparaison des taux de participation. S'agit-il d'attachement ou de la compréhension que le seul véritable enjeu se trouve dans ces élections ?
Possibilité d'approfondir sur la dépolitisation de l'OP (au sens d'une connaissance plus floue des corpus idéologiques), la faiblesse des militants et des membres des partis politiques.
Question 6 = "Loin de la figure d’arbitre au-dessus de la mêlée partisane défendue par de Gaulle en 1958, le président de la République est bien devenu, du fait de son élection au suffrage universel direct, le chef d’un camp (vainqueur d’un autre, au second tour) – un chef partisan, ayant remporté des élections compétitives, et qui prétend en conséquence gouverner. Cumulant le statut officiel de chef de l’État et celui, officieux, de chef du gouvernement (le premier ministre ne pouvant plus apparaître que comme un simple « collaborateur »), il veut bénéficier de la protection due au premier, tout en assumant les pouvoirs de gouvernement du second"
Points abordés : Les pouvoirs propres du Président + la soumission du 1er ministre au Président (cf le mot de Sarkozy à propos de François Fillon, "mon collaborateur") < légitimité de l'élection du Président au SUD et l'élection législative qui suit l'élection présidentielle et donc qui donne une "majorité présidentielle". Donc le Président est le chef de l'exécutif et cumule de fait les pouvoirs du 1er Ministre aux siens. Expliquer "irresponsabilité" et la responsabilité du gvt devant l'Assemblée nationale : à cette occasion, motion de défiance/motion de censure (mécanisme et historique)
Question 7 et 8 : résultat des législatives de 2022 = majorité relative. A mettre en lien avec "[EM] n’a remporté un second mandat, en 2022, qu’en raison de l’identité de son adversaire" + "la machine s'enraye". => une coalition avec LR mais implicite, qui s'est vue par le refus de LR de voter les motions de censure et un soutien au Sénat
Points abordés : ce qu'est une coalition électorale, ce qu'est un accord de gouvernement, ce qu'est le "fait majoritaire". Le choix du 1er ministre doit se faire dans le groupe arrivé en tête et les équilibres de la composition de son gvt reflètent les équilibres de sa majorité de coalition. Or = état des équilibres politiques actuels.
Pour expliquer la position de LR, possibilité de revenir sur l'alternance quasi systématique des majorités législatives à mettre en lien avec le mécontentement de la population, le déclin de deux grands partis de gvt (LR, PS), le dégagisme...
La conséquence = une pratique politique de plus en plus brutale, qui exploite à fond toutes les possibilités données par la Constitution d'un passage en force au Parlement des textes voulus par le gvt.
Question 9 : C'est presque de la paraphrase du doc "Les candidats à la fonction que l’on dit (significativement) « suprême » sont encouragés à apparaître comme providentiels, et à multiplier les promesses excessives – lesquelles sont immanquablement déçues par la suite. Cette succession d’annonces d’un avenir radieux et de désillusions abyssales ne fait que ruiner la confiance des citoyens dans les institutions. Bref, l’élection du président au suffrage universel, loin de réaliser la démocratie, la mine de l’intérieur."
Exemples de promesses non tenues (cf Hollande avec "mon ennemi, c'est la finance"). Montée de l'abstention et montée de l'extrême -droit peut être comprises comme le résultat de cette déception/dégoût de la politique.
Rappel historique = l'homme providentiel par excellence = De Gaulle. cf affiche Oui pour le référendum de la nouvelle constitution. Racines monarchistes/bonapartistes de cette conception du pouvoir. C'est aussi ignorer que la démocratie, c'est le dissensus organisé et pacifié autant qu'il est possible. Cf les critiques sur le "bordel" à l'Assemblée nationale.
Question 10 : Un point de vue résolument critique cf le vocab, et argumenté.
Mais est-ce un point de vue personnel ? Subjectif ? = Les critiques sont faites sur la base de la comparaison entre théorie politique et droit constit et la situation française. On ne connaît pas l'avis personnel de l'auteur dont il faut rappeler qu'il est constitutionaliste. De plus, des critiques anciennes (cf l'opposition à la Ve Rep dans les premières années, Pierre Mendès-France, Mitterrand et son Coup d'Etat permanent)
Question 11 : Il y a donc un pb originel (un régime qui déséquilibre les rapports exécutif/législatif + confie trop de pvs politiques à une seul homme), mais ces problèmes sont aggravés par l'hyper-présidentialisation, issue de la réforme de 2000 (que la réforme de 2008 n'a pas réussi à contenir) et au contexte particulier de crise sociale et politique. C'est le point aveugle du texte qui se focalise sur les aspects institutionnels, sans soumettre à la réflexion que les évolutions récentes de la pratique politique sont aussi une réponse à la crise (en même temps qu'elles l'aggravent) et une tentative de garder le contrôle de la vie politique.