dimanche 14 septembre 2025

Rencontre au sommet

 Petite activité d'introduction au thème de la puissance en 1ere HGGSP, qui a bien fonctionné et permet de replacer/ rappeler le vocabulaire de l'analyse de doc.


En vous aidant de la grille ci-dessus, repérer dans le texte de Pierre Haski les différents moments de l'analyse de l'image opérée par le chroniqueur.

Texte de la chronique de Pierre Haski, France Inter, 2 sept 2025, 8H17 :
On dit parfois qu’une image vaut mille mots. Voilà une photo qui en vaut beaucoup plus… C’était hier à Tianjin, le port chinois situé à l’Est de Pékin. On y voit Xi Jinping, Vladimir Poutine et Narendra Modi, les dirigeants de la Chine, de la Russie et de l’Inde, se tenant par la main et d’excellente humeur.
Il faut s’arrêter sur cette photo qui nous dit beaucoup sur la transformation du monde, mais aussi la mise en scène des relations internationales. Ces trois hommes dirigent trois puissances nucléaires, représentent plus du tiers de la population mondiale, des cultures et des histoires très différentes ; leurs pays se sont même fait la guerre par le passé.
Mais hier, ils ont choisi de se mettre en scène cette bonne humeur partagée, quelles que soient leurs arrière- pensées. La photo n’a pas besoin de légende, elle dit tout sur l’absent du cliché : Donald Trump évidemment. La scène lui est dédicacée : bons baisers de Tianjin.
Pourquoi ce besoin de mise en scène ? Souvenez de la rencontre Trump-Zelensky dans le bureau ovale, le 28 février dernier , qui a tourné à l’humiliation du président ukrainien. A la fin, Donald Trump lance « ça fait de la bonne télévision ». Les images de Tianjin, c’est pareil, ça fait de la bonne télévision, mieux que de longs discours.
Ce « front du refus » qui s’affiche à Tianjin présente une image opposée à la brutalité du bureau ovale. Trump s’emploie à humilier ses interlocuteurs ; les dirigeants réunis à Tianjin revendiquent un ordre mondial alternatif, respectueux des souverainetés. C’est un leurre, mais Trump est tellement caricatural qu’il en légitime d’office ses adversaires.
Avec le premier ministre indien, son « grand ami » Narendra Modi, Trump s’était affiché lors de son premier mandat dans un stade rassemblant des milliers d’indiens vivant aux États-Unis. Les droits de douane à 50% imposés à l’Inde ont brisé cette image idyllique d’amitié, qui constituait un atout politique pour Modi en Inde.
A Tianjin, les trois hommes sont tout sourire, on en oublierait presque que l’un a envahi son voisin, le second a un régime totalitaire, et le troisième est sur la voie d’un « illibéralisme » certain. Ce n’est qu’une photo, le message est simple mais efficace.
Mais ce n’est pas qu’une bataille de communication : ce qui est en jeu, ce sont les nouveaux rapports de force entre les empires du XXI° siècle. Donald Trump a voulu frapper un grand coup pour réimposer l’hégémonie américaine contestée, et il utilise les armes dont il dispose, les droits de douane, la puissance technologique de la Silicon Valley, la première armée mondiale. Mais il a dressé contre lui un « front du refus » hétéroclite, au centre duquel la Chine et sa puissance économique voient la possibilité d’émerger en leader du monde non-occidental. C’est l’erreur commise par Donald Trump : il a poussé dans les bras de la Chine tous ceux qu’il veut soumettre en les humiliant.
Reste l’Europe, qui est prisonnière de son alliance avec les États-Unis à cause de la guerre à ses portes : elle n’a pas encore fait la démonstration de sa capacité à incarner une « troisième voie », susceptible de s’opposer à la fois au monde de Trump, et à celui qui émerge la photo de Tianjin.

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